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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 6 novembre prochain, deux ans après l'élection d'Ilham Aliev à la Présidence de la République, les Azerbaïdjanais éliront les cent vingt-cinq membres de leur Assemblée nationale, Chambre unique de leur Parlement.
Trois blocs politiques dominent la scène politique :
- Le Parti du nouvel Azerbaïdjan (YAP), actuellement au pouvoir et qui compte soixante-quinze membres dans l'actuelle Assemblée,
- Le Bloc d'opposition Azadlig (Liberté), qui regroupe le Parti du front populaire d'Azerbaïdjan dirigé par Ali Kerimli, le Parti Moussavat de Isa Gambar et le Parti démocratique d'Azerbaïdjan dont le leader est Rasoul Gouliev,
- Le Bloc nouvelle politique (YES), conduit par Eldar Namazov.
Le Parti du nouvel Azerbaïdjan prône la continuité de l'actuelle politique menée par le gouvernement tandis que le Bloc d'opposition Azadlig fait campagne sur la nécessité du changement dans le pays. « Nous voyons ces élections comme l'occasion d'un changement de régime, le premier pas vers les transformations nécessaires à ce pays. Ce premier pas passe par la conquête du Parlement » répète son leader Ali Kerimli. Pour le Président de la République, Ilham Aliev, - élu à la tête de l'Etat le 15 octobre 2003 avec 79,55% des suffrages (contre 12,10% à son adversaire Isa Gambar) lors d'un scrutin entaché de nombreuses irrégularités selon les organisations internationales chargées d'en assurer la conformité avec les standards démocratiques-, l'opposition est dirigée « par un petit groupe de perdants ». « Ils ont perdu chaque élection présidentielle et toutes les élections législatives entre 1993 et 2003 » a-t-il affirmé.
Dès sa création en avril dernier, le Bloc nouvelle politique s'est positionné comme une troisième force destinée à regrouper les votants déçus par le gouvernement en place comme par l'opposition. Son programme intitulé « De l'autoritarisme à la démocratie, de la corruption à l'Etat de droit » est très critique envers le régime d'Ilham Aliev. Néanmoins, certains de ses militants sont d'anciens membres de la nomenklatura communiste ce qui, selon son leader Eldar Namazov, montre que « le Bloc Nouvelle politique n'est pas fondé sur l'opposition à tout prix mais également sur la réconciliation ». Le Bloc compte, parmi ses rangs, l'ancien Président de la République (1990-1992) Ayaz Mutalibov, actuellement en exil en Russie et candidat aux élections législatives du 6 novembre prochain. Celui-ci est accusé de plusieurs crimes par les autorités azerbaïdjanaises, dont son inaction lors des massacres de la population par l'armée soviétique en 1990 à Bakou et en 1992 à Khodjaly, de l'organisation d'un attentat contre le Président de la République Heydar Aliev en 1996 et de la préparation d'un coup d'Etat en 2001. Son immunité a été levée le 6 septembre dernier par le parquet général tout comme celle du président du Parti démocratique, Rasoul Gouliev, ancien président du Parlement accusé de détournement des fonds publics et en exil aux Etats-Unis depuis 1996. Le politologue Zardoucht Alizade voit en Rasoul Gouliev « la seule personne capable de mettre en oeuvre une « révolution orange » en Azerbaïdjan ». Le retour en Azerbaïdjan de Ayaz Mutalibov et de Rasoul Gouliev est prévu dans le courant du mois d'octobre.
Le système politique
Le 25 août 2002, 97,3% des Azerbaïdjanais ont approuvé par référendum trente-neuf amendements à la Constitution destinés, selon les autorités, à moderniser la Loi fondamentale et à l'aligner sur les normes européennes et les traités internationaux. L'un des amendements supprimait la représentation proportionnelle pour les élections législatives ; jusqu'alors, vingt-cinq des cent vingt-cinq membres de l'Assemblée nationale étaient élus de cette façon. Le 6 novembre prochain, les cent vingt-cinq députés seront élus au suffrage majoritaire à un tour.
Deux mille seize candidats -dont une majorité se présentent de façon indépendante, les autres étant issus de quarante-sept blocs ou partis- sont en lice, contre quatre cent lors du précédent scrutin des 5 novembre 2000 et 7 janvier 2001. « Le nombre de candidats témoigne de la confiance du peuple dans le déroulement démocratique de ces élections » a déclaré le Président de la République, Ilham Aliev. Neuf cent vingt-sept candidats sont sans affiliation partisane. Quatre cent trente-quatre appartiennent au Parti du nouvel Azerbaïdjan, cent quinze sont membres du Bloc Azadlig, soixante quatorze du Bloc Nouvelle politique, soixante et un du Parti libéral (ALP) et quarante-neuf du Parti de l'indépendance nationale (AMIP), fondé et dirigé par Etibar Mammadov. Chaque candidat recevra de l'Etat un million de manats (soit deux cent euro) afin d'assurer ses frais de campagne électorale. Par ailleurs, les candidats appartenant à des blocs présentant des candidats dans plus de soixante districts pourront bénéficier de trois heures à la télévision publique et sur la chaîne gouvernementale AzTV et voir leur programme électoral publié gratuitement par les journaux d'Etat. Le Parti nouvel Azerbaïdjan, le Bloc Azadlig, le Bloc nouvelle politique et le Mouvement Milli Birlik (Unité nationale) seront les seuls à pouvoir profiter de cette offre.
La campagne électorale
« Ces élections sont très importantes du point de vue du développement démocratique de l'Azerbaïdjan. Je crois que la campagne se déroulera normalement. Chaque candidat bénéficiera des conditions nécessaires pour faire campagne mais dans le cadre de la loi » a promis le Président de la République qui a déclaré que « ces élections ne sont pas faites pour arriver au pouvoir, car l'Azerbaïdjan est une république présidentielle ». Le Président a estimé qu'une révolution du type de celles ayant eu lieu en Géorgie en novembre 2003 ou en Ukraine en décembre 2004 était inconcevable dans son pays où le niveau de vie de la population ne cesse de croître. Enfin, il a clairement laissé entendre qu'il se représentera devant les électeurs pour un deuxième mandat présidentiel. « En 2008, je rendrai compte devant le peuple et annoncerai mon programme pour l'avenir » a-t-il déclaré.
La Commission de Venise du Conseil de l'Europe et le Bureau des institutions démocratiques et des Droits de l'Homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont récemment rendu public un rapport qui affirme que le code électoral azerbaïdjanais ne répond ni aux standards du Conseil de l'Europe, ni à ceux de l'OSCE. Le rapport note cependant quelques points positifs. Ainsi, 93% des citoyens azerbaïdjanais ont reçu leur carte nationale d'identité, document indispensable pour qu'ils puissent remplir leur devoir de citoyen le 6 novembre prochain. De même, la Commission électorale centrale a, comme prévu, mis en ligne la liste des quatre millions et demi d'électeurs.
Les premières semaines de la campagne électorale, qui a officiellement débuté le 14 septembre dernier, ont été l'occasion de tensions entre la formation au pouvoir et les forces de l'opposition. Trois leaders de mouvements de jeunesse ont été arrêtés en août et en septembre et les manifestations publiques organisées par l'opposition ont entraîné des heurts entre manifestants et forces de police. Le 10 septembre, le Bloc Azadlig a organisé une manifestation à Bakou pour demander des élections réellement démocratiques, une campagne électorale équitable, la modification de la composition de la Commission électorale centrale et l'autorisation du retour des hommes politiques en exil. Selon la formation, plus de quatre-vingts mille personnes (de vingt à quarante mille selon les agences de presse) ont participé à ce rassemblement, la plupart d'entre elles vêtues de orange, couleur symbole de la révolution ukrainienne de décembre 2004. Le 25 septembre, un peu moins de mille personnes ont défilé dans les rues de la capitale, toujours à l'appel du Bloc Azadlig, pour appeler le gouvernement à démissionner. Selon Ali Kerimli, deux cent vingt manifestants de sa formation ont été arrêtés lors de cette manifestation. L'association Reporters sans frontières a écrit une lettre le 25 septembre dernier au ministre azerbaïdjanais de l'Intérieur pour protester contre les violences faites aux journalistes. « Cette violence témoigne une fois encore du climat d'insécurité qui s'est établi en Azerbaïdjan à la veille des élections législatives » écrit t-elle. Le 1er octobre dernier, environ sept cent personnes se sont, de nouveau, réunies dans les rues de Bakou pour demander des élections législatives libres, transparentes et démocratiques. Dix journalistes ont été victimes des violences policières alors qu'ils couvraient la manifestation.
Par ailleurs, Sahib Husseinov, candidat du Bloc Azadlig, a été battu par des inconnus devant la Commission électorale de Nehram au Nakhitchevan. Six candidats de cette même formation avaient entamé en septembre une grève de la faim pour protester contre la situation faite aux formations de l'opposition dans cette campagne électorale et l'interdiction des manifestations. Cette grève est devenue tournante ; lorsque les six candidats ont cessé leur action, six autres ont pris le relais.
Ramin Taghuiev, vice-président de l'organisation Yeni Fikir, accusé de fomenter un coup d'Etat, a été condamné à trois mois de détention. Selon son avocat, il s'agit d'une arrestation commanditée pour mettre fin à l'activité de cette organisation de jeunesse, les propos tenus par son client dans un café de Goytchay, au centre du pays, ayant servi de motifs à l'accusation. Par ailleurs, Rouslan Bachirli, président de Yeni Fikir, est actuellement en prison, accusé de collaboration avec les services spéciaux arméniens et Said Nouriev, vice-président du mouvement, a été accusé, lui aussi, de fomenter un coup d'Etat et hospitalisé après son arrestation. Enfin, le conseiller du ministre ukrainien des Affaires étrangères, Sergueï Evtouchenko, membre de l'organisation Pora, ainsi qu'un citoyen estonien ont été interdits d'entrée sur le territoire azerbaïdjanais à la mi-septembre alors qu'ils se rendaient à une conférence sur la situation en Azerbaïdjan et en Biélorussie à l'invitation du Bloc Azadlig.
Cinq mille observateurs locaux et cent vingt-cinq observateurs internationaux devraient surveiller le bon déroulement des élections législatives du 6 novembre. Le Conseil de l'Europe a envoyé quarante-trois personnes pour étudier la situation à la veille du scrutin.
Le 18 septembre dernier, les représentants de différentes formations politiques se sont retrouvés devant les caméras de télévision pour un premier débat. Le secrétaire général du Parti nouvel Azerbaïdjan, Ali Akhmedov, s'est félicité du fait que, durant les douze dernières années où sa formation a été au pouvoir, la grande majorité des problèmes du pays aient été résolus. Isa Gambar, leader du Parti Moussavat, a souligné qu'au contraire « les autorités avaient échoué à trouver la solution aux problèmes qui se posent à l'Azerbaïdjan ». Enfin, Eldar Namazov du Bloc nouvelle politique a tenu à préciser que la forte croissance que connaît le pays ne devait rien à l'action politique menée par le pouvoir en place mais qu'elle ne résultait que de l'augmentation du prix du pétrole sur le marché mondial. Le leader du Parti libéral, Avyaz Termirkan, a d'ailleurs suggéré que le gouvernement redistribue à la population le tiers des sommes générées par le commerce du pétrole.
L'Azerbaïdjan est le point de départ du pipeline de 1 760 kilomètres qui, traversant la Géorgie, permet le transport du pétrole et du gaz issus de la Mer Caspienne jusqu'au port de Ceyhan en Turquie. Un million de barils devraient être ainsi acheminés chaque jour dès la fin de cette année. Si la République du Caucase devrait connaître une croissance de 14% cette année, l'Azerbaïdjan reste cependant un pays pauvre. 40% de ses habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins de trente-quatre euro mensuels. L'inflation est élevée (13,6%) et le chômage ne cesse de croître.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par le centre Rey, 50,8% des électeurs s'apprêteraient à voter en faveur du Parti nouvel Azerbaïdjan, 7,3% pour le Bloc Azadlig, 1,8% pour le Bloc nouvelle politique et 12,1% pour un candidat indépendant. A ce jour, aucune surprise n'est attendue et le parti actuellement au pouvoir (YAP) devrait, selon tous les analystes politiques, s'imposer lors du scrutin du 6 novembre prochain.
Rappel des résultats des élections législatives des 5 novembre 2000 et
7 janvier 2001
Participation : 68%
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