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Le libéral Donald Tusk devance le conservateur Lech Kaczynski au premier tour de l'élection présidentielle

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

10 octobre 2005
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le candidat de la Plateforme civique (PO), Donald Tusk, est arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle qui s'est déroulé dimanche 9 octobre en Pologne. Il recueille 35,82% des suffrages, contre 33,29% à son principal adversaire, le candidat de Droit et justice (PiS), Lech Kaczynski. Comme l'avaient montré les enquêtes d'opinion, l'avance dont disposait Donald Tusk sur son principal rival Lech Kaczynski a fondu ces deux dernières semaines. Alors que le candidat de la Plateforme civique devançait, le 25 septembre, celui de Droit et justice de seize points, son avance s'est réduite jusqu'à deux points et demi le jour du premier tour. « Je suis fier de ce résultat, je suis fier de la Pologne. C'est une victoire. Cette victoire donne espoir à des millions de Polonais pour le deuxième tour. Je suis heureux que des millions de Polonais aient estimé qu'il valait la peine d'aller voter et qu'il valait la peine de voter pour Donald Tusk. Dans les deux semaines à venir, les Polonais regarderont soigneusement qui nous sommes réellement et c'est ma chance » a déclaré le candidat de la Plateforme civique à l'annonce des résultats. « Je suis persuadé que, à la fin de cette longue course, nous remporterons le second tour car la vision d'une Pologne solidaire est, pour la majorité des Polonais, plus attrayante que celle d'une expérience libérale» a affirmé Lech Kaczynski, loin de s'avouer vaincu.

Andrzej Lepper (Autodéfense, S) arrive en troisième position et obtient 15,56% des voix, suivi du leader du Parti social-démocrate (SDPL), Marek Borowski, qui recueille 10,19% des suffrages. En plaçant en tête le candidat libéral et le candidat conservateur, les Polonais ont donc confirmé le virage à droite vers lequel ils avaient engagé leur pays lors des élections législatives du 25 septembre dernier.

La participation s'est élevée pour ce premier tour de l'élection présidentielle à 50,5%, un taux relativement faible mais cependant supérieur de dix points à celui enregistré lors des élections législatives du 25 septembre dernier. L'ancien Président de la République (1990-1995), Lech Walesa, s'est déclaré « furieux » de l'incivisme des Polonais. « Quand j'ai lutté pour la démocratie, j'espérais que mes compatriotes sauraient en faire usage » a-t-il déclaré. L'actuel Président, Aleksander Kwasniewski, a également regretté le faible taux de participation soulignant qu'il fallait « diagnostiquer cette maladie de l'abstentionnisme et la combattre ».

Agé de quarante-huit ans, Donald Tusk, vice-président de la Diète (Chambre basse du parlement) et leader de la Plateforme civique, met en avant ses qualités de négociateur, de médiateur et son image d'homme dynamique et moderne. Il souhaite lutter contre le chômage en relançant l'initiative privée par une baisse des impôts (institution d'un taux unique d'imposition de 15% pour la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés) et en réduisant les effectifs de l'administration. La Plateforme civique a déclaré qu'elle n'excluait pas de prolonger, sous certaines conditions, la présence militaire polonaise en Irak au-delà de 2005.

Candidat de Droit et justice, Lech Kaczynski, cinquante-six ans, se présente comme un homme intègre et incorruptible, image qu'il a acquise en occupant les fonctions de président de la Cour des comptes, de ministre de la Justice et de maire de Varsovie. Très attaché aux valeurs chrétiennes « Si je suis élu, je voudrais me rendre pour mon premier voyage au Vatican, car la majorité des Polonais sont catholiques » a-t-il déclaré le 9 octobre, il est favorable à une intervention de l'Etat dans l'économie, à une politique budgétaire généreuse et à une baisse des impôts (réduction des tranches fiscales à deux -18% et 32%- contre trois -19%, 30% et 40%- actuellement) qui prenne en compte des allègements fiscaux pour les familles nombreuses et défavorisées.

Lech Kaczynski a bénéficié ces dernières semaines du soutien que lui a accordé Radio Maryja, une station catholique très écoutée en Pologne (environ trois millions d'auditeurs). «J'appelle tout le monde à soutenir Lech Kaczynski qui incarne nos valeurs patriotiques et nos combats pour le changement» a déclaré le commentateur vedette de la radio, Robert Nowak. «Le soutien des auditeurs de Radio Maryja a permis d'accroître la popularité des frères Kaczynski» analyse Krzystof Pankowski, sociologue à l'institut d'opinion CBOS. « Lech Kaczynski gagne du terrain en se focalisant sur l'électorat des petites villes et des villages, particulièrement sur les personnes âgées et les moins diplômées, et en insistant aussi sur sa foi catholique» estime Adam Laszyn, spécialiste de marketing politique.

La campagne électorale pour l'élection présidentielle a été relancée après le scrutin législatif où, à la surprise générale, le PiS a devancé la PO. « Les conservateurs ont mieux réagi que les libéraux au retrait surprise du candidat social-démocrate -Wlodzimierz Cimoszewicz- en plein milieu de la bataille électorale » analyse le chroniqueur politique Maciej Letowski. En effet, soucieux d'attirer les électeurs de Wlodzimierz Cimoszewicz, Lech Kaczynski a, durant les derniers jours de campagne, abandonné son thème fétiche de la « décommunisation » du pouvoir et de la société polonaise pour mettre l'accent sur les dangers du programme libéral prôné par son adversaire. « Jamais la droite n'a usé autant d'un langage de gauche. (...) Les gens sont encore sensibles à l'utilisation de symboles nationaux et patriotiques, mais dans le même temps ils ont peur du libéralisme. (...) Droit et justice a pris conscience il y a quatre ans de la portée des arguments patriotiques. C'est devenu sa marque de fabrique, l'un des points sur lesquels il se différencie des autres partis politiques » souligne le président du Club de l'intelligentsia catholique de Varsovie, Piotr Cywinski, dans Le Monde du 9 octobre.

Le leader de la Plateforme civique a tenté de faire porter le débat sur le plan diplomatique, en dénonçant les prises de positions, qu'il qualifie « d'excessives », de son rival, mettant en garde contre les difficultés qu'elles pourraient entraîner avec les deux principaux voisins de la Pologne, l'Allemagne et la Russie. Dans le débat télévisé qui les a réunis la veille du scrutin, les deux hommes se sont prononcés d'une même voix en faveur d'une plus grande fermeté dans les relations de la Pologne avec Moscou. «Nous devons être fermes parce que la Pologne est définie comme un point de référence face à une nouvelle consolidation de l'impérialisme russe» a déclaré Lech Kaczynski. Lors de cette campagne électorale, les deux candidats se sont également affrontés sur la signification et le contenu de la fonction présidentielle qu'ils convoitent tous deux. Donald Tusk a déclaré qu'il souhaitait voir les pouvoirs présidentiels renforcés tandis que Lech Kaczynski, dont le slogan de campagne est « Un Président pour la quatrième République », a rappelé qu'il souhaitait une profonde réforme du fonctionnement de l'Etat tout en estimant nécessaire de laisser une marge de manœuvre au gouvernement. Le candidat de Droit et justice a également promis une modification de la Constitution qui augmenterait les pouvoirs du Président de la République.

Paradoxalement, Donald Tusk et Lech Kaczynski se retrouveront face à face au deuxième tour le 23 octobre prochain alors que leurs formations sont unies et travaillent actuellement à la formation d'un gouvernement. La situation est particulièrement difficile pour Jaroslaw Kaczynski, président du parti (PiS) arrivé en tête lors des élections législatives du 25 septembre dernier et qui a dû renoncer au poste de Premier ministre afin de laisser toutes ses chances à son frère jumeau, Lech, pour l'élection présidentielle. Les enquêtes d'opinion montrent en effet que les Polonais ne souhaitent pas que les deux principales fonctions de l'Etat soient occupées par les deux frères. Pour l'heure, la formation du gouvernement a été renvoyée au lendemain des résultats de l'élection présidentielle. « Je présenterai la composition du nouveau gouvernement au plus tôt le 24 octobre » a déclaré Kazimierz Marcinkiewicz, candidat du PiS au poste de Premier ministre. En cas de victoire de Donald Tusk au 2e tour de l'élection présidentielle, la majorité des analystes politiques s'attendent à ce que Jaroslaw Kaczynski reprenne le poste de Premier ministre qui, selon l'accord préélectoral passé entre la PO et le PiS, devait lui revenir en tant que leader de la formation arrivée en tête aux élections législatives du 25 septembre dernier.

« Les deux candidats vont lutter avant tout pour l'électorat d'Andrzej Lepper et de Marek Borowski. Les partisans du premier sont plus proches de Lech Kaczynski et de son programme de solidarité sociale. Les sympathisants du deuxième soutiendront plutôt Donald Tusk. Les deux candidats risquent donc de se retrouver à égalité, c'est la tonalité de la campagne qui les départagera » analyse Stanislaw Mocek, politologue à l'Académie polonaise des Sciences.

Résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 9 octobre 2005

participation : 50,5%

source : commission électorale nationale polonaise

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