Bilan

Référendum sur la ratification de la constitution europeenne en Espagne

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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20 février 2005
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Premiers en Europe à se prononcer par référendum sur la Constitution européenne, les Espagnols ont, le 20 février, massivement approuvé le texte européen en votant à 76,73% en faveur de sa ratification. Si ce référendum n'était que consultatif, le Premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero (Parti socialiste, PSOE) avait cependant averti qu'en cas de victoire du « non », le texte ne serait pas soumis à la ratification parlementaire. 17,24% des électeurs ont voté contre et 6,03% ont déposé un bulletin blanc dans l'urne. Cette large victoire a été quelque peu éclipsée par la faible participation enregistrée lors de ce quatrième référendum espagnol. Quatre électeurs sur dix seulement (42,32%) se sont en effet rendus aux urnes, soit le chiffre le plus bas de l'histoire de l'Espagne démocratique et le deuxième plus faible résultat de l'ensemble des référendums ayant eu lieu au sien de l'Union européenne (la participation la plus basse –35,4%- ayant été enregistrée le 7 juin 2001 en Irlande lors de la première consultation sur la ratification du traité de Nice). Cette participation est également inférieure de 2,8 points à celle enregistrée en Espagne lors des dernières élections européennes du 13 juin 2004. Le scrutin s'est déroulé sous haute surveillance après l'arrestation le 17 février dernier dans la région de Valence de deux membres présumés de l'organisation séparatiste basque, ETA, qui avaient projeté de réaliser un attentat le jour du référendum. Cent six mille agents de sécurité avaient été mobilisés pour l'occasion.

Comme lors des précédents référendums (adoption d'une réforme politique permettant la démocratisation de l'Espagne le 15 décembre 1976, adoption de la Constitution espagnole le 6 décembre 1978 et maintien de l'Espagne dans l'OTAN le 12 mars 1986), c'est au Pays basque et en Catalogne que la participation a été la plus faible (38,74% au Pays basque, 40,96% en Catalogne). C'est également dans ces régions, ainsi qu'en Navarre que les « non » ont été les plus nombreux (33,66% au Pays basque, 28,07% en Catalogne et 29,22% en Navarre). En revanche, dans les régions du Sud et de l'Ouest, le « oui » a dépassé la barre des 80% (83,24% de « oui » en Andalousie, 49,88% de participation et 85,19% de « oui » en Estrémadure, 49,43% de participation et 80,97% de « oui » en Castille et Léon).

Le succès annoncé du « oui », le fort consensus existant sur la construction européenne dans la péninsule ibérique tout comme la complexité du texte et le manque d'information des électeurs expliquent en grande partie la forte abstention enregistrée lors de ce référendum. Assurés du succès du « oui », une partie des électeurs de l'opposition ont également pu s'abstenir, pour atténuer une victoire trop éclatante dont José Luis Rodriguez Zapatero serait le premier à bénéficier. Rappelons également que les Espagnols étaient le 20 février appelés aux urnes pour la quatrième fois en moins de deux ans (élections régionales et municipales le 25 mai 2003, élections législatives le 14 mars 2004 et élections européennes le 13 juin 2004). Cependant, cette faible participation, fréquente dans l'ensemble des Etats membres lors des consultations électorales concernant l'Union européenne, ne peut manquer d'inquiéter, ne serait-ce que parce qu'elle témoigne combien l'Europe reste considérée par une grande partie des électeurs comme une entité éloignée de leurs intérêts et de leurs préoccupations quand bien même celle-ci est de plus en plus présente et importante dans leurs vies.

« Cette participation n'est un modèle pour personne en Europe parce que c'est un échec » a déclaré Mariano Rajoy, président de la principale formation d'opposition le Parti populaire (PP). La formation conservatrice, qui avait appelé à voter en faveur de la ratification, avait affirmé qu'il ne jugerait la participation acceptable qu'à partir de 50% de votants. Le leader conservateur a reproché au Premier ministre d'avoir voulu à tout prix être le premier en Europe à organiser un référendum et de s'être précipité en convoquant une consultation populaire sans avoir pris le temps d'informer les Espagnols. « La participation a été la plus basse jamais enregistrée lors d'une consultation nationale en Espagne. C'est un échec pour celui qui l'a convoqué » a affirmé Miguel Angel Acebes, ancien ministre de l'Intérieur de José Maria Aznar et secrétaire général de la formation conservatrice.

Comme ils l'avaient fait durant la campagne électorale, quelques membres du Parti socialiste ont reproché à l'opposition d'avoir fait campagne pour le « oui » sur le bout des lèvres. A ces accusations, le Parti populaire a rappelé que les principaux défenseurs du « non » -la Gauche unie et Esquerra republicana de Catalunya (ERC)- étaient des alliés parlementaires du Parti socialiste, un élément qui a contribué à créer une certaine confusion auprès des électeurs.

Dans le camp des battus, Gaspar Llamazares, leader de la Gauche unie (IU) qui avait appelé ses sympathisants à se prononcer contre la ratification du texte européen, s'est déclaré « heureux du résultat du « non » », constatant que « deux millions et demi d'électeurs ont résisté contre vents et marées ». Il a également estimé que la somme des « non » et des abstentions privait « le processus constitutionnel européen de légitimité et de crédibilité tant en Espagne qu'en Europe ». « Le faible intérêt des Espagnols pour le traité prouve bien que l'Europe va se construire en tournant le dos aux citoyens » a t-il déclaré.

Le Premier ministre, José Luis Rodriguez Zapatero, peut donc se féliciter d'un résultat qui vient, comme il en avait émis le désir en organisant ce référendum, « consacrer le retour de l'Espagne au cœur de l'Europe » après le tournant atlantiste engagé par son prédécesseur, José Maria Aznar (Parti populaire, PP). « Ce sera une contribution digne à un processus de construction européenne auquel nous devons tant, duquel nous avons tant obtenu et auquel nous avons tant contribué » avait t-il déclaré le 11 janvier dernier en annonçant devant le Congrès des députés la date du référendum. « Le soutien que nous avons obtenu aujourd'hui dans ce référendum en faveur de la Constitution européenne rend l'Espagne plus forte en Europe et rend l'Europe plus forte. Nous, les Espagnols, arrivés tard en Europe, bien malgré nous, nous lui avons dit merci » a déclaré José Luis Rodriguez Zapatero. « Les Espagnols sont entrés dans l'histoire de l'Europe en adressant le message de nous suivre au reste de nos concitoyens » a t-il ajouté.

Concernant la participation, le chef du gouvernement avait rappelé à la veille du référendum « qu'aucune formation n'ayant appelé à l'abstention, aucune ne peut donc capitaliser sur cette abstention ». « En démocratie, ce qui compte, c'est le résultat, pas la participation » avait t-il ajouté, en précisant qu'il se satisferait d'une participation d'un tiers de l'électorat.

Le Roi Juan Carlos, accompagnée de son épouse la Reine Sofia, avait tenu à donner l'exemple en se rendant aux urnes dès 9h15 dimanche matin dans son bureau de vote du collège Monte del Pardo au nord-est de Madrid près de sa résidence, le Palais de la Zarzuela. Le souverain s'est d'ailleurs fait rappeler à l'ordre au moment de déposer son bulletin dans l'urne par la présidente du bureau de vote qui lui a demandé de présenter ses papiers d'identité ! Rappelons que, par souci de neutralité, Juan Carlos ne vote jamais lors des élections législatives. Le Roi a en revanche participé aux trois précédents référendums organisés en Espagne.

« Nous souhaitons exprimer notre satisfaction à l'issue du référendum en Espagne. Je pense que cela permet d'envoyer un signal d'encouragement aux autres Etats membres et aux quelque deux cent vingt millions de personnes qui seront appelées à se prononcer sur la Constitution » a déclaré Margot Wallström, vice-présidente de la Commission européenne et Commissaire chargée des relations institutionnelles et de la communication. « Le taux de participation continue de représenter un défi », a-t-elle ajouté, « C'est une raison de plus incitant les gouvernements, Parlements et institutions européennes à intensifier la campagne afin d'informer le public sur la Constitution ».

« Les Espagnols ont dit « oui » à l'Europe « oui » à l'avenir... la Commission européenne s'en réjouit » a déclaré le Président de la Commission européenne à l'issue de l'annonce des résultats. « L'Espagne s'est prononcée pour un « oui » absolument clair. En ouvrant la voie avec ce vote positif et sans ambiguïté, le peuple espagnol a envoyé un signal fort aux concitoyens appelés à se prononcer sur la Constitution dans les prochains mois » a ajouté José Manuel Durao Barroso.

« Je suis convaincu que les résultats en Espagne auront un impact positif dans les consultations qui vont avoir lieu dans les autres Etats membres de l'Union européenne dans les mois à venir. Le peuple espagnol a montré un soutien massif à la Constitution. C'est un pas important dans le processus de ratification » a affirmé Javier Solana, Haut représentant pour la politique étrangère. Enfin, Josep Borrell, président du Parlement européen, s'est également félicité de la large victoire du « oui ». « C'est un très bon résultat. C'est une claire victoire du « oui », c'est une claire victoire de la Constitution européenne » a-t-il souligné.

En France, le Président de la République Jacques Chirac a exprimé sa satisfaction dans les mêmes termes. « Ce « oui » du peuple espagnol à la Constitution et à l'Europe est un symbole fort et montre le chemin aux autres pays qui ratifieront ce traité dans les mois à venir » a déclaré Jacques Chirac. De son côté, François Hollande, leader du Parti socialiste (PS), a indiqué « Les Espagnols ont montré la voie, ce succès incontestable est une bonne nouvelle pour l'Espagne et pour l'Europe ». L'ancien président de la Convention pour l'avenir de l'Europe, Valéry Giscard d'Estaing, s'est exclamé « Bravo et merci les Espagnols »

José Luis Rodriguez Zapatero n'a pas oublié dimanche soir que, le jour où l'Espagne organisait le premier référendum européen sur la Constitution, ses voisins portugais élisaient leurs représentants au Parlement. « Après une longue période, les horloges de l'Espagne et du Portugal marquent la même heure » a déclaré le Premier ministre lors d'une allocution télévisée, félicitant le leader socialiste portugais, José Socrates, pour sa victoire aux législatives.

Après cette large victoire espagnole, trois pays soumettront la ratification de la Constitution européenne à référendum avant l'automne prochain : les Pays-Bas, la France et le Luxembourg. Espérons que l'ampleur de la victoire du « oui » en Espagne sera de bon augure pour ces prochaines consultations populaires et que les électeurs entendront les propos de cet avocat espagnol qui déclarait au moment de voter « C'est un moment historique même si nous ne le réalisons pas. Quand l'Europe parle d'une seule voix, c'est la puissance la plus forte du monde ».

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