Elections législatives en Allemagne 22 septembre 2002, la CDU/CSU et le SPD désormais au coude-à-coude dans les sondages

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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22 septembre 2002
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

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Le suspense est à son comble outre-Rhin où les instituts de sondage donnent, à une semaine des élections, les deux principaux partis à égalité d'intentions de vote. Ainsi, selon l'institut Forschungsgruppe Wahlen, le Parti social-démocrate (SPD) et l'Union chrétienne-démocrate (CDU/CSU) obtiendraient, chacun, 38% de voix. Le sondage publié le 10 septembre par l'institut Infratest-Dimap place, pour la première fois, le SPD en tête avec 39% des voix (en hausse de 2%), juste devant la CDU-CSU à 38% (en baisse de 1,5%). Cette enquête est la première réalisée après le second débat télévisé entre Gerhard Schröder et Edmund Stoiber. Allenbasch, considéré comme le plus fiable des instituts de sondage (lors des dernières législatives de 1998, il avait approché de 0,5% le résultat sorti des urnes) était, jusqu'à ces derniers jours, le seul institut à donner encore un net avantage à la CDU/CSU. Sa dernière enquête, réalisée pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung le 11 septembre, donne cependant la CDU-CSU et le SPD à égalité avec 37% d'intentions de vote, (les sociaux-démocrates progressant de 2,9% et les chrétiens-démocrates régressant de 2,1%). Selon ces trois enquêtes, les libéraux du FDP recueilleraient entre 8,5 et 9,5% des voix, les écologistes entre 7 et 8,5%, les communistes du PDS seraient au-dessous de la barre des 5%. Par ailleurs, il convient de noter que 15 à 20% des personnes interrogées se déclarent encore indécises quant à leur choix pour le scrutin du 22 septembre.

Les jeux sont ouverts pour la formation de la future coalition gouvernementale

Si les sondages restent hésitants sur le nom du futur chancelier, les rumeurs vont bon train autour de la constitution de la future coalition gouvernementale. Que le SPD ou la CDU-CSU remporte les élections du 22 septembre, aucune de ces formations ne pourra gouverner seule. Sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates devront donc s'allier à un (ou plusieurs) autre(s) parti(s) pour obtenir la majorité absolue au Bundestag. Quatre combinaisons peuvent être envisagées.

Première hypothèse : une reconduction de la coalition SPD-Verts actuellement au pouvoir. Toutefois, avec des sociaux-démocrates à 37-39% et des Verts à 7-8% dans les sondages, soit un total de 44-47% pour les deux formations, les deux partis pourraient ne pas obtenir la majorité nécessaire en sièges pour conserver le pouvoir, le chancelier Gerhard Schröder ayant exclu la formation d'un gouvernement minoritaire soutenu par le PDS.

Deuxième coalition possible : l'alliance de la CDU-CSU avec les libéraux du FDP. Là encore, rien n'est gagné, puisque le FDP ne semble pas devoir faire la percée attendue et ne rassemblerait que 8% à 9% des intentions de vote.

Mis à part ces deux hypothèses que l'on pourrait qualifier de « naturelles », deux autres solutions peuvent être envisagées. Tout d'abord une coalition SPD-CDU/CSU, qui a déjà gouverné l'Allemagne entre 1966 et 1969 sous la direction du chancelier chrétien-démocrate Kurt-Georg Kiesinger (le social-démocrate Willy Brandt était alors vice-chancelier). A ce jour, Gerhard Schröder et Edmund Stoiber ont, tous deux, rejeté cette hypothèse. La dernière possibilité, évoquée par les « commentateurs », serait une alliance SPD-Verts-FDP. Cependant, le dirigeant libéral Guido Westerwelle, lui-même candidat à la chancellerie (une première dans l'histoire de la République fédérale allemande), a complètement exclu de gouverner avec les écologistes.

Autre événement inédit dans l'histoire allemande : le Parti libéral a jusqu'ici refusé de se prononcer en faveur de l'une ou l'autre des deux grandes formations, remettant à l'annonce des résultats sa décision de participer ou non à la future coalition gouvernementale. Considérant le faible écart existant entre la CDU/CSU et le SPD, les « petits » partis pourraient bien vouloir s'ériger en arbitres du scrutin législatif. Si le Parti du socialisme démocratique (PDS – anciens communistes) ne semble pas en mesure de recueillir les 5% de suffrages exprimés qui lui sont nécessaires pour entrer au Bundestag, il peut néanmoins, selon la loi électorale, entrer au Parlement au cas où il obtiendrait trois sièges directs dans les circonscriptions. Deux semblent déjà acquis mais le troisième est rien moins que certain. Si le PDS n'entre pas au Bundestag, l'ensemble de ses voix seront alors redistribuées entre les différentes formations du Parlement, le parti arrivé en tête des élections bénéficiant du plus fort reste.

Le débat télévisé

Pour la première fois en Allemagne, les élections ont donné lieu à deux débats télévisés. Quelle influence auront-ils sur les électeurs ? Si le premier débat télévisé organisé le 25 août entre les deux principaux candidats s'était terminé par un match nul, le second, organisé le 8 septembre sur les chaînes publiques ARD et ZDF, aurait bénéficié au chancelier Gerhard Schröder, aux dires des analystes et des sondeurs.

15,6 millions de téléspectateurs ont suivi ce débat, un chiffre supérieur à celui du premier duel (15,1 millions).

L'emploi a constitué le thème majeur de la discussion. Edmund Stoiber a rappelé les mauvais résultats obtenus par le Gouvernement en matière de chômage et fait état des mesures que son parti entend mettre en œuvre dès son arrivée au pouvoir pour lutter contre ce fléau, principale préoccupation de la population allemande.

Face à cela, le chancelier a fait reposer son échec sur la conjoncture internationale. A quelques jours du premier anniversaire du 11 septembre, la situation politique internationale s'est imposée comme le deuxième thème du débat. Au risque de s'aliéner le courroux des Etats-Unis, partenaire privilégié de l'Allemagne, et de créer la confusion au sein de l'Union européenne et de se démarquer de la France, le Chancelier a affirmé son opposition absolue à toute participation allemande à une intervention armée en Irak, « avec ou sans mandat de l'ONU » a-t-il déclaré. Toutes les enquêtes d'opinion témoignent de la popularité de cette thèse auprès d'électeurs allemands, encore habités par le traumatisme consécutif aux deux guerres mondiales et à la déchirure de leur pays durant la Guerre froide. Le chancelier s'est largement appuyé sur son ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer, l'homme politique réputé le plus populaire d'Allemagne, pour, selon son habitude, « enfourcher » sans scrupules les thèmes pacifistes qui ressortent des sondages d'opinion. Edmund Stoiber s'est, quant à lui, déclaré opposé à une action unilatérale des Etats-Unis et a affirmé la nécessité d'une « position commune à l'Union européenne ». C'est le seul qui a évoqué l'Europe au cours de ce débat. Le leader chrétien-démocrate a, par ailleurs, attaqué son adversaire en l'accusant d'être « pour Saddam Hussein le témoin numéro un de sa défense contre les Européens et les Américains ».

Les deux candidats se sont affrontés également sur différents sujets de politique intérieure comme la sécurité, l'éducation, la famille et les retraites.

Distancé dans toutes les enquêtes d'opinion depuis le début de l'année, le SPD a effectué, ces dernières semaines, une remontée dans les sondages le plaçant dorénavant à jeu égal avec la CDU/CSU. Il est donc quasi-impossible aujourd'hui de prévoir le résultat du scrutin législatif du 22 septembre. Le chancelier a usé de ses talents médiatiques et des inondations pour rattraper son retard sur son adversaire. Mais cela sera-t-il suffisant pour le devancer ? Rien n'est moins sûr. Suffira-t-il de s'opposer au conflit sur l'Irak, thème populaire auprès des Allemands, pour faire oublier le mauvais bilan économique de son gouvernement ? Les Allemands restent fortement préoccupés par les conséquences sociales du ralentissement de la croissance et la mise en cause apparente du « modèle rhénan ».

« Le clivage n'est plus aujourd'hui entre gauche et droite mais entre les politiques qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent pas » déclarait le candidat Schröder en 1998. L'argument avait alors porté. En sera-t-il de même après quatre années de pouvoir social-démocrate ? C'est ce que diront les Allemands le 22 septembre prochain.

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