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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Les Chypriotes grecs ont voté « non » à 75,83%, seuls 24,17% de la population se sont prononcés en faveur du plan de paix. En revanche, 64,9% des Chypriotes turcs ont voté « oui » au plan des nations Unies, contre 35,1% qui s'y sont déclarés opposés. Neuf Chypriotes grecs sur dix (89,18%) se sont rendus aux urnes dans cette partie de l'île où le vote est obligatoire. C'est donc le troisième plan de réunification proposé par les Nations Unies (après ceux de 1986 et de 1992) qui échoue à réunifier une île divisée depuis bientôt trente ans.
« Une chance unique et historique de résoudre le problème de Chypre a été manquée » a déclaré Alvaro de Soto, représentant spécial des Nations Unies pour Chypre. De son côté, la Commission européenne a « profondément regretté » le rejet du plan de paix par les Chypriotes grecs, affirmant néanmoins qu'elle respectait « la décision démocratique de la population ». Bruxelles a également « chaudement félicité les Chypriotes turcs pour leur vote en faveur du plan des Nations Unies » dans lequel l'Europe voit « un désir clair » de résoudre enfin le conflit à l'origine de la division de l'île. Enfin, Richard Boucher, porte-parole du département d'Etat américain, a salué « tous ceux qui ont voté pour approuver le plan – en particulier la grande majorité des Chypriotes turcs- pour leur courage et pour leur vote pour la paix et la réconciliation » et regretté « le rejet du plan de Kofi Annan par les Chypriotes grecs ».
Le 1er mai prochain, seule la République de Chypre (grecque) intègrera l'Union européenne. La ligne verte, ligne de démarcation séparant les deux entités chypriotes, deviendra donc la frontière extérieure de l'Union et pourrait par là même être désormais plus difficile à franchir pour les Chypriotes turcs souhaitant se rendre dans le Sud de l'île. Les ministres des Affaires étrangères européens qui se réunissent lundi et mardi à Luxembourg pour faire le point sur les derniers préparatifs de l'élargissement devraient examiner les différents moyens à mettre en place de façon à fournir une assistance aux Chypriotes turcs. «Il s'agira d'une combinaison d'aides financières et de mesures commerciales pour faciliter le développement économique du Nord et aider les Chypriotes turcs à sortir de leur isolement économique » a déclaré Jean-Christophe Filori, porte-parole du Commissaire à l'Elargissement, Günter Verheugen. Les Chypriotes turcs pourraient ainsi se voir accorder une partie des deux cent cinquante millions d'euro promis par Bruxelles en cas d'accord sur la réunification. L'Union européenne est désormais contrainte de prendre rapidement une décision puisque, dès son entrée dans l'Union le 1er mai prochain, la République de Chypre pourrait faire usage de son veto pour bloquer toute mesure en faveur des Chypriotes turcs.
Le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, s'est également déclaré favorable à des mesures pour aider la partie Nord de l'île. Enfin, les Etats-Unis ont fait savoir que les Chypriotes turcs « ne seraient pas abandonnés ».
« Ce soir, il n'y a ni gagnant ni perdant. J'appelle les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs à travailler ensemble en vue d'une Chypre unie. Le chemin ne sera pas pavé de roses, mais cela ne nous fera pas renoncer » a déclaré le Président de la République de Chypre, Tassos Papadopoulos, qui, comme la principale formation politique de l'île, le Parti progressiste des travailleurs (Akel), avait appelé, décision vivement regrettée par l'ensemble de la communauté internationale, à refuser le plan de paix. « Le résultat d'aujourd'hui doit agir comme un catalyseur pour une réunification et ne pas être utilisé comme excuse pour plus de division. Nous ne disons pas « non » à une solution, nous disons « non » à ce plan spécifique » a ajouté Tassos Papadopoulos.
Ni les pressions exercées par la communauté internationale « Il n'existe pas d'autre plan. Il n'existe pas de moyens magiques pour satisfaire le maximum de demandes d'un côté et de l'autre en même temps » avait répété Kofi Annan dans un discours retransmis par les chaînes de télévision chypriotes, ni les deux millions d'euro promis pour financer la réunification n'auront convaincu les Chypriotes grecs de dire « oui » au plan de paix des Nations Unies. Le maintien d'un contingent réduit de soldats turcs jusqu'à une date indéterminée et les exemptions à la libre circulation des personnes, pourtant garantie par l'Union européenne, constituaient des propositions inadmissibles aux yeux des Chypriotes grecs. Ils estimaient en outre que le plan de paix de Kofi Annan ne présentait aucune garantie solide et entérinait la reconnaissance de l'invasion turque de juillet 1974. Assurés de leur intégration européenne, ils n'avaient rien à perdre à l'occasion de ce référendum tandis que leurs voisins du Nord, frustrés par des décennies d'isolement international, avaient tout à gagner de la réunification.
Les Chypriotes turcs peuvent aujourd'hui être déçus des résultats du référendum dans le Sud de l'île. En votant largement en faveur du plan de Kofi Annan, ils se sont placés du côté de la paix et de l'avenir. « Les Chypriotes turcs ne peuvent plus désormais être considérés comme séparatistes ou intransigeants » a déclaré le Premier ministre de la partie Nord de l'île, Mehmet Ali Talat.
Ce référendum constitue également le deuxième échec en quatre mois pour le Président de la République turque de Chypre du Nord, Rauf Denktash, après la défaite de sa formation aux élections législatives du 14 décembre dernier, qui l'avait obligé à nommer à la tête du gouvernement l'un de ses opposants, le pro-Européen Mehmet Ali Talat. Si les Chypriotes turcs ont vu dans les résultats de samedi un camouflet pour le Président (certains ayant même manifesté dès samedi soir pour demander sa démission), Rauf Denktash a affirmé que l'échec de la réunification justifiait sa position et le confortait à son poste.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gül (Parti de la justice et du développement, AKP), s'est déclaré « consterné » des résultats du référendum dans le Sud de l'île. Le chef de la diplomatie turque a demandé la levée des sanctions internationales contre la République turque de Chypre du Nord qui, selon lui, « a démontré sa volonté de parvenir à un règlement de la division en votant « oui » ». Les Turcs, qui ont fait de leur adhésion à l'Union européenne leur objectif numéro un, s'étaient rangés à la volonté de la communauté internationale en se ralliant au plan de paix des Nations Unies, car ils avaient compris que se jouait, lors de ce référendum, tant l'avenir de l'île que le futur de leur candidature à l'Union européenne. Le chef d'état-major turc, le général Hilmi Ozkök, avait lui-même appelé la semaine dernière à laisser la décision aux Chypriotes turcs et au Parlement d'Ankara. Les hommes d'affaires turcs s'étaient également engagés en faveur du plan de paix des Nations Unies, publiant le 21 avril dernier, dans la presse turque une page de publicité pour déclarer leur soutien à la solution présentée par Kofi Annan. « Les priorités politiques et économiques de la Turquie et des Chypriotes grecs requièrent une solution sur l'île et sur l'adhésion à l'Union européenne » écrivaient-ils.
Par l'entremise du porte-parole du gouvernement, Theodoris Roussopoulos, les Grecs n'ont pas, au contraire de leurs partenaires européens, condamné les Chypriotes grecs mais simplement fait part de leur volonté « d'œuvrer à laisser ouverte la procédure de recherche d'un règlement définitif » et réaffirmé le soutien d'Athènes à Nicosie, soulignant que la décision des Chypriotes grecs « devait être respecté par tous ». Le Premier ministre Costas Caramanlis (Nouvelle démocratie, ND) avait exprimé la semaine passée un soutien prudent au plan des Nations Unies.
Costas Caramanlis accueillera son homologue turc Recep Tayyip Erdogan (AKP) d'ici quelques jours. Il a réaffirmé sa volonté de poursuivre et intensifier les relations entre les deux pays. Le PASOK, principale formation de l'opposition, a assuré le chef du gouvernement grec de son soutien dans cette initiative.
Les résultats du référendum constituent un échec pour la communauté internationale dans son ensemble, pour les Nations Unies mais également pour l'Union européenne qui hérite du lourd dossier de la division de l'île. Les espoirs de réunification sont désormais au point mort. Une forte volonté et un véritable sens de la négociation seront nécessaires pour parvenir à ce que les deux parties se parlent de nouveau et finissent par s'accorder sur un nouveau plan de réunification. « S'il n'y a pas de solution à la fin du mois, il n'y aura pas de solution pendant très, très longtemps » avait affirmé Günter Verheugen le 15 avril dernier. Souhaitons que l'échec du 24 avril soit rapidement dépassé tant il est vrai que l'Europe constitue l'avenir de tous les Chypriotes.
Résultats du référendum sur la réunification de Chypre, 24 avril 2004
République de Chypre
Participation : 89,18% (le vote est obligatoire)
République turque de Chypre du Nord
Participation : 87%
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