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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
La semaine passée, tous les Tchèques ont reçu dans leurs boîtes à lettres un document d'information sur le référendum des 13 et 14 juin prochains sur l'adhésion de leur pays à l'Union européenne. Les électeurs ont également pu découvrir une brochure leur expliquant ce que signifie l'intégration européenne pour leur pays, les divers domaines concernés et les bénéfices que représente l'adhésion.
La dernière semaine de campagne électorale sera centrée sur l'importance de la participation au référendum. Rappelons qu'à la différence de nombreux pays (Pologne ou Slovaquie par exemple), aucun taux minimum de participation n'est exigé en République tchèque pour valider la consultation électorale. Seule obligation pour que l'intégration européenne du pays devienne effective : le « oui » doit rassembler au moins 50% des suffrages. En cas d'échec du référendum, l'adhésion ne pourra, comme cela est prévu par exemple en Pologne, être ratifiée par le Parlement tchèque et une nouvelle consultation électorale sur le même sujet ne pourra être organisée avant les deux années suivant ce premier scrutin.
Les dernières enquêtes d'opinion prévoient qu'environ 75% des Tchèques se rendront aux urnes les 13 et 14 juin prochains mais selon les analystes politiques, seuls 65% des inscrits devraient en fait accomplir leur devoir civique. Si une faible participation ne remettrait pas en cause un résultat positif, elle contribuerait néanmoins à affaiblir le soutien populaire à l'adhésion à l'Union européenne et constituerait un revers pour le gouvernement de Vladimir Spilda (Parti social-démocrate, CSSD). Les inquiétudes concernant la participation sont d'autant plus vives à Prague que les Tchèques ont été nombreux à se détourner des urnes ces dernières années : ainsi, ils n'étaient que 58% à voter lors des dernières élections législatives des 14 et 15 juin 2002 contre 74% lors du précédent scrutin des 19 et 20 juin 1998. Beaucoup de responsables politiques craignent donc que le premier référendum de l'histoire de la jeune République mobilise peu les électeurs.
Plusieurs spots publicitaires et affiches, représentant par exemple un nœud fait dans un drapeau européen assorti des mots « N'oubliez pas ! » ou la photo d'une horloge aux couleurs de l'Union rappelant que tout se jouera les 13 et 14 juin prochains, ont ainsi été conçus pour rappeler aux Tchèques leur devoir de citoyen.
Hormis la diffusion de spots d'information, les chaînes de télévision proposent également de nombreux débats sur l'adhésion à l'Union où des personnalités de la vie économique et culturelle tchèque sont invitées à se prononcer sur l'intégration européenne. Le Président de la République Vaclav Klaus (Parti démocrate civique, ODS) a récemment qualifié de « triviaux » les spots publicitaires diffusés sur les chaînes de la télévision publique. Selon lui, ces spots donneraient à penser que l'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne serait un événement dénué de sens et sans importance. Le Président a également estimé que le débat politique sur l'intégration a été engagé beaucoup trop tardivement.
Si la principale formation d'opposition, le Parti démocrate civique (ODS) s'est officiellement engagée en faveur de l'adhésion, son vice-Président Jan Zahradil reste néanmoins sceptique. « La sensation de la victoire ne vient pas, je ne vois pas dans les rues de foules en liesse célébrant la réunification d'une Europe désunie » a déclaré le leader politique. Il a également, à l'instar de Vaclav Klaus, exprimé son opposition à un approfondissement de l'Union européenne, estimant que la paix et la sécurité peuvent être assurées en Europe en dehors de l'Union. Par ailleurs, le Parti démocrate civique a fait part de sa volonté de voir le scrutin des 13 et 14 juin prochains suivi d'un deuxième référendum sur la future Constitution européenne. Jan Zahradil a tenu à préciser que sa formation appellerait alors à voter contre le projet de Constitution.
A Prague, le Conseil municipal a refusé la tenue sur la place de la Vieille-Ville d'un concert prévu le 10 juin prochain et organisé dans le cadre de la campagne électorale en faveur de l'adhésion à l'Union européenne, événement auquel devait participer l'ancien Président Vaclav Havel. Igor Nemec (ODS), membre du Conseil municipal et président de la commission municipale pour la coordination des activités au sein des espaces publics, a justifié cette interdiction par la volonté de la municipalité de réduire le nombre de rassemblements et de spectacles dans cette partie historique de la ville. Le groupe « Oui à l'Europe » s'est vu proposer d'organiser le concert sur la place Wenceslas.
Si le soutien à l'intégration européenne accuse dans les enquêtes d'opinion de ces dernières semaines une légère baisse, analystes et responsables politiques ne doutent pas du vote de la majorité des Tchèques en faveur de l'adhésion à l'Union européenne.
Opposé à l'adhésion, le Parti communiste de Bohème et Moravie (KSCM) a distribué lors des manifestations du 1er mai dernier cent vingt mille tracts mettant en garde la population contre les conséquences de l'entrée du pays dans l'Union européenne. Le tract énumère six menaces majeures consécutives à l'intégration européenne dont, entre autres, le risque d'une baisse du niveau de vie pour une grande partie de la population, le danger que certaines régions du pays deviennent une cour arrière de l'Union et une très probable hausse du chômage. « Beaucoup de décisions seront prises à Bruxelles sans égard pour les intérêts de la République tchèque et le projet de fédéralisation de l'Union européenne risque de conduire à une liquidation de la souveraineté nationale » affirme le texte distribué par les communistes.
Une enquête d'opinion réalisée par Eurochambers auprès des chefs d'entreprise montre que 91% d'entre eux sont favorables à l'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne. Les deux tiers des chefs d'entreprise (63%) se déclarent optimistes quant à l'avenir économique de leur pays au sein de l'Union. Cependant, seules 6% des entreprises se disent correctement informées quant aux conditions actuelles de l'adhésion, 14% d'entre elles s'estimant pas du tout informées. 43% d'entre elles n'ont pour l'heure pas entamé les démarches préalables à leur entrée dans le Marché unique.
Enfin, des enquêtes d'opinion mettent à jour les craintes de la population quant à l'avenir et à la situation du pays au sein d'une Union à 25. 49,1% des Tchèques estiment par exemple que l'intégration européenne de leur pays leur fera perdre leur identité nationale, 11,8% jugeant au contraire que cette dernière se renforcera.
Le 29 mai dernier, le président du Parlement européen Pat Cox s'est rendu à Prague où il a participé à un débat à la Chambre des députés avant de visiter plusieurs régions du pays pour rencontrer et rassurer les Tchèques. « La possibilité de dire « oui, mais... » n'existe pas. Chaque pays perd, par son adhésion à l'Union, une partie de sa souveraineté tout en gagnant beaucoup : l'élargissement est un commerce mutuellement avantageux » a rappelé le leader européen. Le même jour, Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne (1985-1994), était également de passage dans la capitale tchèque où il a rencontré le Premier ministre, Vladimir Spilda (CSSD), et le président de l'Assemblée nationale, Lubomir Zaoralek. Le président du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) a tenu lui aussi à rassurer la population : « S'agissant des inquiétudes qu'inspire l'élargissement, je les ai entendues à chaque élargissement. Pour ce qui est de la République tchèque, le grand changement a déjà eu lieu il y a treize ou quatorze ans. Les responsables tchèques de tout bord se sont assez préparés, les négociations ont duré assez longtemps » a t-il déclaré. « Nous avons besoin de vous pour faire la grande Europe » a conclu Jacques Delors en appelant les Tchèques à voter « oui » à l'adhésion de leur pays à l'Union européenne les 13 et 14 juin prochains.
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