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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Portugal, une exception européenne ?
En décembre 2018, le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa annonçait que les prochaines élections législatives auraient lieu le 6 octobre prochain au Portugal. Selon la Constitution du pays, celles-ci doivent impérativement être organisées entre le 14 septembre et le 14 octobre de l'année où se clôt la législature en cours.
Le Portugal est l'un des rares Etats membres de l'Union européenne à être dirigé par un socialiste, Antonio Costa (PS), chef du gouvernement depuis novembre 2015. Selon les enquêtes d'opinion, le pays devrait conserver son statut d'exception européenne à l'issue du prochain scrutin législatif. Une question se pose cependant : les socialistes devraient arriver en tête des élections du 6 octobre mais pourront-ils obtenir la majorité absolue des 230 sièges que compte l'Assemblée de la République ?
Antonio Costa a d'ores et déjà indiqué qu'il ne gouvernerait pas en coalition avec les partis de la gauche radicale, à savoir le Bloc des gauches (BE) et la Coalition démocratique unitaire (CDU), deux partis qui ont soutenu son gouvernement sans y participer durant les 4 dernières années.
Bien qu'ils ne soient pas arrivés en tête du dernier scrutin législatif en 2015, les socialistes ont emporté les derniers scrutins qui se sont déroulés au Portugal. Ils se sont imposés aux élections municipales du 1er octobre 2017 en remportant 160 des 308 mairies que compte le Portugal ; 98 pour le principal parti d'opposition de droite, le Parti social-démocrate (PSD), conduit par l'ancien maire de Porto, (2002-2013) Rui Rio, et 24 au Centre démocrate social/-Parti populaire (CDS/PP) de Assunçao Cristas.
Le Parti socialiste a également remporté les élections européennes du 26 mai dernier avec 33,38% des suffrages, son résultat le plus élevé pour ce type de scrutin ; 21,94% des voix au Parti social-démocrate, qui, à l'inverse, a obtenu son résultat le plus faible à un scrutin européen. Le Bloc des gauches a recueilli 9,82% des suffrages, la Coalition démocratique unitaire, 6,88% des voix et le Centre démocrate social/Parti populaire, 6,19%. La participation, cependant, a été extrêmement faible à ce scrutin : 30,73%.
Le parti d'opposition (PSD), dont Rui Rio a pris la tête le 13 janvier 2018, traverse une période difficile et est très divisé.
Autre exception portugaise ; l'absence, pour l'heure, de partis populistes ou extrémistes dans le pays. Les électeurs portugais se réfugient pour l'heure à chaque élection davantage dans l'abstention, très élevée, que dans la contestation. "L'abstention est en train de devenir une caractéristique structurelle de la société portugaise, sans doute en raison d'une offre politique qui reste étonnamment inchangée" a indiqué le politologue Antonio Pinto.
Selon la dernière enquête réalisée par l'institut Multilados, le Parti socialiste devrait recueillir 35,50% des suffrages lors des élections législatives du 6 octobre prochain. Il devancerait alors le Parti social-démocrate, qui obtiendrait 20,40% des voix. Le Bloc des gauches recueillerait 14,70% des suffrages ; la Coalition démocratique unitaire, 5,60% des voix et enfin le Centre démocrate social/Parti populaire, 3,30%.
Le bilan de la législature
Le Premier ministre sortant Antonio Costa postule à sa réélection et s'appuie pour ce faire sur son bilan. En effet, contre toute attente, au cours des quatre dernières années, le socialiste a déjoué les prédictions et est parvenu à assainir les comptes publics du Portugal tout en allégeant la politique d'austérité menée par le précédent gouvernement (2011-2015) dirigé par Pedro Passos Coelho (PSD). Pour preuve, le déficit budgétaire, qui avait atteint 11% du PIB au début des années 2010, s'établit désormais à 0,5% du PIB, soit le plus faible taux depuis 40 ans. Les autorités portugaises tablent sur un excédent budgétaire en 2023, ce serait le premier depuis 1974.
Tout en respectant la discipline budgétaire du plan de stabilité, le gouvernement d'Antonio Costa est parvenu à réduire la pression fiscale sur les classes moyennes et il a augmenté les pensions de retraite des personnes les plus modestes, ce qui a permis une hausse de la consommation et donc un retour de la croissance, qui a atteint 1,9% l'an dernier. Un taux similaire est attendu pour 2019. Par ailleurs, le Portugal attire de nouveau les investisseurs. Enfin, le chômage, qui s'élevait à 17% au plus fort moment de la crise, a chuté à 6,7% (juin 2019).
"Si nous avions poursuivi la politique d'austérité qui était celle de nos prédécesseurs, nous aurions continué à avoir un taux de chômage de plus de 12%, nous aurions été sanctionnés par l'Union européenne et nous n'aurions pas réduit notre déficit budgétaire" a déclaré le Premier ministre sortant Antonio Costa à l'adresse de l'opposition de droite. "Si nous avions tenté de renégocier notre dette, nous n'aurions pas regagné notre crédibilité au niveau international et nous paierions des intérêts qui détruiraient à la fois notre capacité à renouer avec la croissance, notre capacité à investir dans les services publics ou encore d'avoir un programme d'investissement public de 10 milliards €" a-t-il affirmé à l'attention des forces de gauche radicale.
Le Premier ministre sortant a mis en avant le fait que son gouvernement a été capable d'augmenter les investissements dans le secteur de la santé à hauteur de 1,6 milliard € et, dans le même temps, de réduire la dette publique de 2 milliards €.
"C'est le Parti socialiste qui a permis de garantir la stabilité entre la hausse des revenus et la réduction du déficit budgétaire, entre la forte croissance économique et le recouvrement de notre crédibilité sur le plan international, entre la désescalade fiscale et la réduction de la dette. Seule une majorité de gauche qui entretient de bonnes relations avec le président de la République était capable de réaliser cela" a indiqué Antonio Costa, qui a mis en garde ses compatriotes, les incitant à ne pas s'éparpiller et à apporter leurs voix aux socialistes pour ne pas se retrouver dans la situation que connaît l'Espagne voisine où Pedro Sanchez (Parti socialiste ouvrier, PSOE) essaie depuis les dernières élections du 28 avril dernier de former un gouvernement. En cas d'échec du dirigeant socialiste, les Espagnols devront retourner aux urnes (pour la quatrième fois en moins de quatre ans) pour élire un nouveau parlement.
Si son parti remporte les élections législatives du 6 octobre prochain, Antonio Costa devrait poursuivre son action politique. Le Premier ministre sortant serait sans doute contraint de mettre en œuvre plusieurs réformes structurelles pour moderniser certains secteurs de l'économie portugaise, notamment celui de l'administration publique et celui des banques.
Le Parti social-démocrate reproche aux socialistes de ne pas avoir mené de réformes de fond durant la législature. Les partis de la gauche radicale regrettent de leur côté que le gouvernement d'Antonio Costa ait échoué à réduire les inégalités.
Le système politique portugais
Le parlement portugais est monocaméral. L'Assemblée de la République compte 230 membres, élus pour quatre ans au scrutin proportionnel au sein de 22 circonscriptions plurinominales. Le pays compte 18 circonscriptions métropolitaines et 2 régions autonomes - Madère et les Açores - qui forment chacune une circonscription. Par ailleurs, les Portugais résidant à l'étranger sont divisés en 2 circonscriptions : la première regroupe ceux qui vivent en Europe et la deuxième ceux qui habitent dans le reste du monde.
Les listes de candidats aux élections législatives sont bloquées, les électeurs ne peuvent donc exprimer leurs préférences au sein de la liste pour laquelle ils votent. A l'issue du scrutin, la répartition des sièges se fait selon la méthode d'Hondt.
6 partis politiques sont représentés dans l'actuelle Assemblée de la République :
– le Parti social-démocrate (PSD), parti créé en 1974 et dirigé depuis 2018 par Rui Rio, qui s'est présenté lors des dernières élections législatives du 4 octobre 2015 en coalition avec le Centre démocrate social/Parti populaire (CDS/PP), Parti chrétien-démocrate créé en 1974 et dirigé par Assunçao Cristas, sous le nom de Portugal en avant. Ensemble, les deux partis possèdent 107 sièges ;
– le Parti socialiste (PS), fondé en 1973 et conduit par le Premier ministre sortant Antonio Costa, compte 86 députés ;
– le Bloc des gauches (BE), parti de gauche radicale fondé en 1999 et dont Catarina Martins est la porte-parole, possède 19 sièges ;
– la Coalition démocratique unitaire (CDU), alliance du Parti communiste (PCP), créé en 1921, du Parti écologiste-Les Verts (PEV), fondé en 1982, et de l'Intervention démocratique (ID). Dirigée par Jeronimo de Sousa, elle compte 17 députés ;
– Personnes-animaux-nature (PAN), parti défenseur des droits des animaux et de la nature, fondé en 2009 et conduit par André Lourenço e Silva, possède 1 siège.
Les Portugais élisent également tous les 5 ans leur président de la République au suffrage universel direct. L'actuel chef de l'Etat est Marcelo Rebelo de Sousa, ancien dirigeant du Parti social-démocrate (PSD) (1996-1999), a été élu avec 52% des suffrages le 24 janvier 2016 dès le premier tour de scrutin.
Rappel des résultats des dernières élections législatives du 4 octobre 2015 au Portugal
Participation : 55,86%

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