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Analyse

Le parti populiste ANO d'Andrej Babis favori des élections législatives tchèques

Élections en Europe

Corinne Deloy

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2 octobre 2017
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Le parti populiste ANO d'Andrej Babis favori des élections législatives tchèques

PDF | 150 koEn français

Le 6 avril dernier, Milos Zeman, président de la République tchèque, annonçait que les 20 et 21 octobre prochain, les Tchèques seraient appelés à renouveler les 200 membres de la Chambre des députés, chambre basse du Parlement. 7 539 personnes (dont 29% de femmes) issues de 31 partis politiques sont en lice pour ce scrutin législatif, soit en moyenne 38 candidats pour un siège de député. Ces chiffres constituent un record pour la République tchèque.

Le pays est dirigé depuis 2013 par une coalition gouvernementale qui rassemble le Parti social-démocrate (CSSD), dirigé par le ministre de l'Intérieur sortant Milan Chovanec, ANO, parti d'Andrej Babis, et l'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (KDU-CSL), parti centriste de Pavel Belobradek.

Andrej Babis et Lubomir Zaoralek, ministre des Affaires étrangères sortant et tête de liste du CSSD pour les élections législatives, ont accepté de se rencontrer et de débattre sur TV Nova le 19 octobre. " Décent, honnête, homme contre homme. J'accepte " a déclaré Andrej Babis qui, dans le passé, a toujours refusé tout débat de ce genre.

Les Tchèques résidant à l'étranger pourront remplir leur devoir civique dans 109 lieux à travers le monde. Lors des précédentes élections législatives des 25 et 26 octobre 2013, 10 500 d'entre eux avaient voté.

La campagne officielle débute officiellement le 4 octobre prochain.

ANO s'est imposé aux élections régionales qui ont eu lieu les 7 et 8 octobre 2016 avec 21,05% des suffrages. Le parti a devancé le Parti social-démocrate (CSSD), qui a recueilli 15,5% des voix ; le Parti communiste de Bohème et Moravie (KSCM) 10,54% et le Parti démocrate-civique (ODS) 9,47%.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut CVVM crédite ANO de 30,9% des suffrages le 21 octobre prochain, loin devant le Parti social-démocrate (13,1%), le Parti communiste de Bohème et Moravie (11,1%), le Parti démocrate-civique (9,1%), Liberté et démocratie directe (SPD), parti populiste de droite de Tomio Okamura (7,3%), le Parti pirate (6,2%) et l'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (6,2%). Selon les sondages, la majorité des électeurs décideront de leur vote au cours de la semaine précédant le scrutin.

Une fin de législature chahutée

Au début du mois de mai dernier, le Premier ministre Bohuslav Sobotka (CSSD) avait demandé à son ministre des Finances -et vice-Premier ministre- Andrej Babis de s'expliquer sur des transactions financières, notamment sur l'origine d'une somme de 1,5 milliard de couronnes (55 millions €), et sur une accusation de fraude fiscale et de multiples conflits d'intérêt. Considérant qu'il ne parvenait pas à recueillir suffisamment de réponses de la part de son ministre, Bohuslav Sobotka a annoncé la démission de son gouvernement de façon à obtenir le départ d'Andrej Babis de son poste. Le président de la République, Milos Zeman, a alors refusé la démission collective du gouvernement. Andrej Babis a nié toute malversation financière et souligné qu'en souhaitant le limoger, le Premier ministre ne respectait pas l'accord de coalition gouvernementale qu'il avait signé avec lui. Le ministre des Finances a finalement quitté ses fonctions le 24 mai. Il a été remplacé par Ivan Pilny.

Le 6 septembre dernier, la Chambre des députés a voté par 123 voix pour (contre 4 et 7 abstentions) la levée de l'immunité parlementaire d'Andrej Babis et de celle de Jaroslav Faltynek, vice président de l'ANO et ancien membre de la direction d'Agrofert, holding agroalimentaire et chimique d'Andrej Babis.

Les deux hommes sont soupçonnés d'avoir, en 2009, fait profiter de façon illicite Capi hnizdo (nid de cigognes), un centre de conférences et de villégiature situé au sud-est de Prague, de 50 millions de couronnes (1,85 million €) de subventions européennes délivrées en faveur des petites et moyennes entreprises et du tourisme. En 2008, Andrej Babis aurait sorti Capi hnizdo de sa holding Agrofert pour confier cette société à des actionnaires anonymes et ainsi dissimuler les noms de ses propriétaires, une pratique désormais interdite mais autorisée à l'époque. A l'issue du délai de 5 ans figurant dans la loi, Andrej Babis a réintégré la ferme au sein de sa holding agroalimentaire et chimique qui est, par ailleurs, le plus grand employeur tchèque privé. Plus de 30 000 personnes travaillent pour Agrofert.

L'Office européen de la lutte antifraude (OLAF) a également ouvert une enquête sur le financement de Capi hnizdo.

Andrej Babis a demandé aux députés de voter en faveur de la levée de son immunité parlementaire. " Je vous demande de voter pour la levée de mon immunité parlementaire afin que la vérité puisse être connue " a clairement indiqué celui qui affirme vouloir " laver son nom ". Il affirme que les responsables des partis traditionnels veulent détruire ANO et l'évincer de la scène politique. " Ce geste désespéré est celui de gens qui veulent m'éliminer de la politique " a-t-il souligné.

En dépit de tous les problèmes qu'il rencontre et les obstacles auxquels il doit faire face, Andrej Babis reste populaire. " Il semble que la campagne menée contre Andrej Babis par presque tous les partis politiques tchèques ces dernières semaines ont plutôt aidé sa cote de popularité à grimper. Intensifier cette campagne par la démission du gouvernement pourrait donc s'avérer contre-productif " a déclaré Veronika Bilkova, professeur de politique internationale à l'université Charles de Prague. ANO reste favori pour les élections législatives même si le parti devrait avoir des difficultés à trouver des alliés avec lesquels former une coalition et donc in fine pourrait être empêché de constituer le prochain gouvernement. Andrej Babis a toujours affirmé que les partis politiques étaient tous corrompus et incompétents ; cela lui a permis d'attirer de nombreux électeurs déçus par les partis traditionnels mais cela a également considérablement réduit le nombre d'alliances possibles.

Il reste en outre difficile de savoir ce qui adviendra (et ce que permet la loi) si les élections législatives sont remportées par un homme mis en examen.

Le président de la République, Milos Zeman, a indiqué qu'il désignerait le dirigeant du parti qui arriverait en tête du scrutin au poste de Premier ministre. Le chef de l'Etat devrait cependant être prudent car un gouvernement dirigé par Andrej Babis pourrait ne pas obtenir la confiance des députés, ce qui déclencherait une crise politique dont Milos Zeman n'a pas besoin à quelques mois de la prochaine élection présidentielle à laquelle il est candidat. Le chef de l'Etat a exprimé sa préférence pour une coalition qui unirait ANO au Parti social-démocrate (CSSD).

Andrej Babis aime à rappeler qu'il est un self made man et souhaite gérer l'Etat comme il gère ses entreprises. Homme d'action, il considère que, à l'image d'un Silvio Berlusconi ou d'un Donald Trump, ses qualités d'homme d'affaires le rendent parfaitement apte à diriger la République tchèque. Sa fortune personnelle est estimée à 2,2 milliards €.

Dans le programme de son parti ANO, on trouve le refus de toute augmentation des impôts et la volonté de réduire le nombre de ministres de 16 à 13 (suppression du ministère des Droits de l'Homme et fusion du ministère de l'Agriculture avec celui de l'Environnement). Andrej Babis souhaite également que l'Union européenne ouvre des centres d'accueil des migrants en Tunisie et en Turquie sur le modèle de celui d'Ellis Island à New York et que l'OTAN contrôle les frontières de façon à empêcher les migrants d'entrer dans l'Union.

La campagne électorale

La coalition gouvernementale sortante a été l'une des plus stables de l'histoire récente de la République tchèque. Elle a également honoré plusieurs de ses promesses électorales. Les rémunérations de la fonction publique ont ainsi été augmentées à cinq reprises depuis 2013. Elles le seront encore pour la sixième fois de 11% (+ 1 200 couronnes, soit 46,18 €) avant les élections. Le salaire minimum, que perçoivent 132 000 personnes, soit 3,6% de la population active, sera porté à 12 200 couronnes (469,5 €), ce qui représente 40% du salaire moyen dans le pays. On notera également que la République tchèque est l'Etat membre de l'Union européenne où le taux de chômage est le plus faible (2,9% en août dernier).

Le Parti social-démocrate, dont le leader pour ce scrutin législatif est Lubomir Zaoralek, qui a choisi pour slogan " Un pays où il fait bon vivre ", présente un programme très à gauche qui, de façon classique, promet davantage de redistribution, une hausse des aides sociales (couverte par une augmentation des impôts des banques et des entreprises internationales) et du salaire minimum. Le CSSD souhaite voir ce dernier atteindre 16 000 couronnes (615,8 €) en 2022 et le salaire moyen s'établir à 40 000 couronnes (1 539 €). Enfin, les sociaux-démocrates aimeraient revenir à un impôt progressif et donc abandonner la flat tax (taux d'imposition fixé à 15% pour les ménages et de 19% pour les entreprises). Un programme qui a tendance à effrayer les marchés.

Miroslav Korecky, journaliste au quotidien Mlada Fronta Dnes, note que les programmes des sociaux-démocrates et des communistes sont très proches. Ces derniers souhaitent également la réintroduction du socialisme, la sortie de la République tchèque de l'OTAN et la nationalisation des secteurs de l'énergie, des télécommunications et des transports. Le Parti communiste de Bohème et Moravie, seul parti à n'avoir jamais participé au pouvoir en République tchèque, a choisi pour slogan électoral " Paix dans le monde, justice et sécurité chez nous ".

Le Parti démocrate-civique (ODS) de Petr Fiala mène une campagne de droite, promettant des baisses de taxes et des coupes dans les dépenses publiques. Eurosceptique, l'ODS est opposée à l'introduction de l'euro et rejette la répartition au sein des Etats membres votée par l'Union européenne des réfugiés venus du Moyen-Orient (Syrie ou Irak) et d'Afrique (Ethiopie, Libye).

L'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (KDU-CSL), emmenée aux élections par le ministre de l'Agriculture sortant Marian Jurecka, s'était alliée avec Maires et indépendants (STAN), parti dirigé par Petr Gazdik, pour le scrutin législatif avant de renoncer en juillet à cette alliance de peur de ne pas être en mesure d'atteindre le seuil de 10% des suffrages exprimés indispensable pour être représenté à la Chambre des députés pour une coalition regroupant 2 partis politiques. Le programme du KDU-CSL est centré sur la famille, l'éducation et l'innovation. Le slogan choisi par le parti tient en un seul mot : Responsabilité.

Le système politique tchèque

Le Parlement tchèque, bicaméral, comprend le Sénat et la Chambre des députés. Cette dernière compte 200 députés élus pour 4 ans au scrutin plurinominal au sein de 14 circonscriptions dans lesquelles la répartition des voix s'effectue selon la méthode d'Hondt. Chaque parti doit recueillir un minimum de 5% des suffrages exprimés (10% pour les coalitions regroupant 2 partis, 15% pour les coalitions rassemblant 3 partis et 20% pour les coalitions de 4 partis et plus) pour être représenté à la chambre basse du parlement. Les candidats doivent être âgés d'au moins 21 ans.

Les électeurs peuvent exprimer leur préférence pour 4 des candidats inscrits sur la liste. Les candidats recueillant plus de 5% des suffrages préférentiels à l'échelon régional sont alors placés en haut de la liste de leur parti. Lorsque plusieurs candidats recueillent plus de 5% des votes préférentiels, ils sont classés par ordre décroissant, en fonction du nombre total de votes préférentiels qu'ils ont recueillis.

Pour la première fois cette année, les dépenses autorisées durant la campagne électorale sont plafonnées à 90 millions de couronnes (3,3 millions €) pour chaque parti.

Le vote s'effectue sur deux jours (vendredi et samedi matin). Durant la nuit, les urnes restent à l'intérieur des bureaux de vote, installés généralement dans les bâtiments publics, mais également parfois dans des bâtiments privés comme par exemple dans des auberges dans certains villages. Cependant, aucun résultat d'élections n'a jamais été contesté depuis le retour de la Tchécoslovaquie (à l'époque) à la démocratie.

Le Sénat tchèque compte 81 membres élus pour 6 ans au scrutin uninominal majoritaire à 2 tours et renouvelables par tiers tous les 2 ans. Le choix de ce mode de scrutin répond à la volonté des rédacteurs de la Constitution, et notamment à celle de l'ancien président de la République (1993-2003), Vaclav Havel, de rendre plus aisée l'élection de personnalités indépendantes et solidement établies au sein des circonscriptions.

Enfin, les Tchèques élisent également le président de la République au suffrage universel depuis 4 ans. La première élection de ce type a eu lieu les 11 et 12 janvier (1er tour) et 25 et 26 janvier 2013 (2e tour). Elle a été remportée au second tour de scrutin par Milos Zeman (Parti des droits civiques, SPO) avec 54,8% des suffrages face à Karel Schwarzenberg (TOP 09) qui a obtenu 45,2% des voix.

7 partis politiques sont entrés à la Chambre des députés à l'issue des précédentes élections législatives des 25 et 26 octobre 2013:

– Le Parti social-démocrate (CSSD), fondé en 1878 présidé par Milan Chovanec, membre de la coalition gouvernementale sortante, est le parti du Premier ministre sortant Bohuslav Sobotka, Milan Chovanec. Il possède 50 sièges ;

– ANO, dont l'acronyme signifie à la fois " oui " et Action des citoyens insatisfaits, est un parti populiste fondé en 2012 par Andrej Babis qui le dirige encore. Membre du gouvernement sortant, il compte 47 députés ;

– Le Parti communiste de Bohème et Moravie (KSCM), créé en 1989, dernier parti communiste non réformé d'Europe centrale. Dirigé par Vojtech Filip, il possède 33 sièges ;

– Tradition, responsabilité, prospérité 09 (TOP 09), parti de centre droit, fondé en 2009 et présidé par Miroslav Kalousek, compte 26 députés ;

– Le Parti démocrate-civique (ODS), parti eurosceptique de droite créé en 1991 et dirigé par Petr Fiala, possède 16 sièges ;

– Usvit (Aube de la démocratie directe), parti populiste fondé par Tomio Okamura et dirigé par Miroslav Lidinsky, compte 14 députés ;

– L'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (KDU-CSL), parti centriste emmené par Pavel Belobradek, possède 14 sièges.

Rappel des résultats des élections législatives des 25 et 26 octobre 2013 en République Tchèque Participation : 59,48%

Le parti populiste ANO d'Andrej Babis favori des élections législatives tchèques

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