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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Les Croates sont appelés aux urnes le 8 novembre prochain pour renouveler les députés du Hrvatski Sabor, chambre unique du Parlement. Le 28 septembre dernier, les 123 députés présents en avaient voté la dissolution à l'unanimité.
A un mois du scrutin, l'écart qui sépare les forces de droite de celles de gauche est très étroit. Selon la dernière enquête réalisée par l'institut Promocija + et publiée le 4 octobre dernier, la coalition de l'opposition (droite) emmenée par l'Union démocratique (HDZ), et dont le chef est Tomislav Karamako, recueillerait 32,9% des suffrages pour 31,9% à la coalition gouvernementale (gauche) conduite par le Parti social-démocrate (SDP) du Premier ministre Zoran Milanovic. Ce dernier a immédiatement rappelé qu'il y a un an, les sondages donnaient tous Ivo Josipovic (SDP) gagnant lors de l'élection présidentielle des 28 décembre et 11 janvier derniers alors que celle-ci a finalement été remportée par Kolinda Grabar-Kitarovic (HDZ). Cette victoire pourrait être la première étape du retour au pouvoir du HDZ.
Un pays en crise
La coalition "Kukuriku-Alliance pour le changement" conduite par le chef du gouvernement Zoran Milanovic dirige la Croatie depuis 2011. Elle rassemblait alors 4 partis : le Parti social-démocrate, le Parti populaire-Libéraux démocrates (HNS), l'Assemblée démocratique d'Istrie (IDS) et le Parti des retraités (HSU). Lors de leur arrivée au pouvoir, ils avaient promis le redressement économique du pays après 3 années de récession.
Quatre ans plus tard, le bilan est maigre même si la croissance est revenue : le PIB devrait en effet augmenter de 1,1% cette année. Cependant, la dette publique reste élevée (78% du PIB), le déficit budgétaire est de l'ordre de 5,5% du PIB et le taux de chômage atteint 17,5%.
Le gouvernement se voit reprocher de ne pas avoir réussi à réformer le pays, et notamment réduit les effectifs du secteur public. La Croatie est l'Etat le plus pauvre de l'Union européenne. Son économie est encore largement dominée par l'Etat ; le faible développement du secteur privé, et notamment des petites et moyennes entreprises (PME) est l'un des principaux problèmes du pays.
Le Premier ministre Zoran Milanovic le répète : "il n'y a pas de solution alternative aux politiques néolibérales que nous menons". Il affirme que le HDZ n'offre que hausses d'impôts et nouvelles coupes budgétaires alors que le gouvernement sortant a tout fait pour résister à l'austérité. "Nous n'avons pas besoin d'une vallée de larmes mais d'une Croatie qui croît" indique-t-il ajoutant que, s'il est réélu pour un 2ème mandat, il se concentrera sur la réduction de la dette.
Le 3 septembre, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures à l'intention des plus défavorisés. "Il s'agit d'aider les plus pauvres et pas d'acheter des voix" a précisé Zoran Milanovic. Parmi ces mesures figurent la fin des coupures de chauffage ou d'électricité pour les "les plus vulnérables" (cette mesure sera financée par une taxe de solidarité sur l'énergie) ; l'attribution d'un repas chaud quotidien à 17 500 écoliers (coût : 2,6 millions €) ; un soutien scolaire et une aide aux devoirs pour les enfants en difficulté et enfin la gratuité des transports pour les personnes âgées vivant dans les régions isolées du pays. Ces mesures comme celles prises quelques mois auparavant pour aider les personnes percevant les plus bas salaires ou celles les plus endettées ont quelque peu amélioré l'image du gouvernement sortant selon les enquêtes d'opinion.
De même, les Croates jugent positivement la décision du Premier ministre d'ouvrir les frontières afin de permettre le passage vers la partie occidentale de l'Europe des émigrés syriens ou afghans venus de Serbie et auxquels la Hongrie ferme ses portes. Les Croates, qui vivaient dans un pays en guerre il y a tout juste une vingtaine d'années, apprécient le geste d'humanité de leur chef de gouvernement.
Pour le scrutin législatif du 8 novembre, le Parti social-démocrate conduira une coalition qui regroupe le Parti populaire-Libéraux démocrates, le Parti des retraités, les Travaillistes-Parti du travail (HL-SR), le Parti paysan autochtone et le Parti Zagorje (région du nord-est). L'Assemblée démocratique d'Istrie, membre du gouvernement sortant, a choisi de quitter la coalition.
Cette coalition de gauche pourrait être sinon concurrencée du moins gênée par la présence de En avant la Croatie-Alliance progressive (NH-Ps), créée le 31 mai dernier par l'ancien président de la République Ivo Josipovic (2010-2015), qui vient de s'allier avec le Parti populaire-Réformistes (NS-R) de Radimir Cacic dans la perspective des élections législatives.
Après son échec au scrutin présidentiel, Ivo Josipovic a en effet décidé de quitter le Parti social-démocrate, l'accusant de ne pas suffisamment travailler à réformer le pays.
L'opposition de droite
Principal parti d'opposition, dirigé par l'ancien chef des services de renseignement Tomislav Karamako, le HDZ a formé le 21 septembre dernier à Vukovar, ville martyre (plus de 250 personnes, en très grande majorité croates, ont été assassinées entre le 18 et le 21 novembre 1991 par l'Armée populaire yougoslave (JNA)), une coalition, appelée coalition patriotique, avec 6 partis en vue des élections législatives. Outre le HDZ, cette coalition rassemble le Parti paysan (HSS), le Parti des droits-Dr Ante Starcevic (HSP-AS), le Bloc des retraités (BUZ), le Parti social libéral (HSLS), le Parti de la croissance (HRAST) et le Parti chrétien démocrate (HDS).
Le programme du HDZ, intitulé 5+Croatie, se déploie sur 5 axes : la croissance économique ; l'emploi ; la santé et la justice sociale ; la stabilité de l'état de droit et les questions de société, de démographie, d'éducation et de sciences.
Le parti promet une croissance du PIB de 5% d'ici à 2019 et la création de 100 000 emplois, financés en partie par les fonds européens dans les 4 prochaines années, une mesure qui devrait permettre aux jeunes Croates de rester au pays. Le HDZ souhaite également intensifier la lutte contre l'économie informelle qui coûterait 1,3 milliard € par an à Zagreb.
Le programme du parti comprend également une section spéciale sur les questions nationales et sur la guerre d'indépendance (1991-1995). Il souhaite renforcer le patriotisme au sein de la jeune génération, protéger les traditions et les valeurs nationales du pays, protéger les Croates de la diaspora, notamment ceux vivant en Bosnie-Herzégovine, et faire voter une loi constitutionnelle sur la protection de la dignité des anciens combattants. Lors de l'annonce de la coalition patriotique à Vukovar, Tomislav Karamako a affirmé que la coalition serait fidèle aux valeurs traditionnelles de la guerre d'indépendance comme aux idéaux pour lesquels les gens sont morts dans cette ville martyre.
Des dizaines de personnes manifestent depuis bientôt un an devant le ministère des Anciens combattants à Zagreb. Elles réclament la démission du ministre des Anciens combattants Predrag Matic (indépendant) et de plusieurs de ses associés ainsi que l'adoption d'une loi pour garantir les droits que leur donne leur statut, notamment ceux liés à la protection sociale, qu'ils estiment menacés. Les manifestants reprochent au gouvernement de Zoran Milanovic de ne pas reconnaître à sa juste valeur le sacrifice qui a été le leur durant la guerre d'indépendance.
Ils sont soutenus par le HDZ et par la présidente de la République Kolinda Grabar-Kitarovic, qui a d'ailleurs nommé l'un d'entre eux au poste de conseiller sur les questions liées à la guerre d'indépendance. Pour l'heure, les anciens combattants n'ont pas exprimé leur soutien à l'une ou l'autre des parties pour les élections législatives.
Le système politique croate
Le parlement croate est monocaméral depuis 2001, année de la suppression de la Chambre des comitats. Son unique assemblée, le Hrvatski Sabor, compte environ 150 députés. Leur nombre varie en effet selon les législatures : il ne peut être inférieur à 100 ou supérieur à 160. Les députés sont élus tous les 4 ans au scrutin proportionnel au sein de 10 circonscriptions, chacune élisant 14 personnes. Lors des dernières élections législatives du 4 décembre 2011, la 11e circonscription qui rassemble les Croates vivant à l'étranger a élu 3 députés. Seuls les individus qui possèdent une résidence dans le pays sont autorisés à participer au scrutin législatif. Le vote des Croates de l'étranger est traditionnellement favorable au HDZ mais l'influence de la diaspora sur le résultat des élections est faible. La 12e circonscription a désigné 8 députés représentant les minorités nationales.
Un parti politique doit obtenir au minimum 5% des suffrages pour être représenté au Hrvatski Sabor. La distribution des sièges se fait selon la méthode d'Hondt.
12 partis politiques sont actuellement représentés au Hrvatski Sabor :
La Coalition Kukuriku-Alliance pour le changement :
– le Parti social-démocrate (SDP), créé en 1990 et dirigé par le Premier ministre sortant Zoran Milanovic, compte 61 députés ;
– le Parti populaire-Libéraux démocrates (HNS), de centre-gauche, fondé en 1990 et dirigé par Vesna Pusic, possède 13 sièges ;
– l'Assemblée démocrate d'Istrie (IDS), parti régionaliste, fondée en 1990 pour défendre les intérêts des habitants des régions de l'Istrie et du Kvarner et dirigée par Ivan Jakovcic, compte 3 députés ;
– le Parti des retraités (HSU) a pour objectif la défense des intérêts des retraités (soit environ 700 000 personnes en Croatie). Fondé en 1996 et dirigé par Silvano Hrelja, il possède 3 sièges
La coalition d'opposition :
– l'Union démocratique (HDZ), principal parti d'opposition, fondé en 1989 et dirigé par Tomislav Karamako, compte 41 députés ;
– le Parti civique (HGS), fondé en 2009 et conduit par Zeljko Kerum, possède 2 sièges ;
– le Centre démocratique (DC), créé en 2000 et dirigé par Vesna Skare-Ozbolt, compte 1 député ;
– les Travaillistes-Parti du travail (HL-SR), créé en 2010 et dirigé par Nansi Tireli, possède 6 sièges ;
– l'Alliance démocratique de Slavonie et Baranja (HDSSB), parti de droite, fondé en 2006 et conduit par Vladimir Sisljagic, compte 6 députés ;
– la Liste indépendante Ivan Grubisic possède 2 sièges ;
– le Parti paysan (HSS), dirigé par Branko Hrg, compte 1 siège ;
– le Parti des droits-Dr Ante Starevic/Pur parti des droits de Ruza Tomasic possède 1 député.
Les Croates élisent également tous les 5 ans leur président de la République au suffrage universel direct. Kolinda Grabar-Kitarovic (HDZ) a remporté, le 11 janvier 2015, le 2e tour de l'élection présidentielle avec 50,74% des suffrages, devant le chef de l'Etat sortant Ivo Josipovic (49,26%). La participation a atteint 59,06% (47,14% lors du 1er tour du 28 décembre).
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