La chancelière sortante Angela Merkel est la grande favorite des élections allemandes du 22 septembre

Élections en Europe

Corinne Deloy

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26 août 2013
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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61,8 millions d'Allemands, soit 400 000 de moins qu'en 2009, sont appelés aux urnes le 22 septembre prochain pour renouveler les membres du Bundestag, chambre basse du Parlement. 3 millions de jeunes voteront pour la première fois, soit 4,8% du total des électeurs. Parmi ces derniers, 12,4 millions ont plus de 70 ans (20,10%) alors que 9,9 millions (16%) ont moins de 30 ans.

34 partis politiques sont en lice pour le scrutin, dont 9 sont représentés dans le Parlement actuel (Bundestag et Bundesrat). Longtemps très stable (4 des 6 partis représentés au Bundestag le sont depuis 1949), le paysage politique allemand a évolué au cours des 20 dernières années. Les Verts sont apparus en 1993 et la réunification de 1990 a fait entrer au parlement le Parti du socialisme démocratique (PDS), devenu Parti de gauche (DL) en 2007. Cette année, 2 nouveaux partis sont en lice : le Parti pirate (P) et l'Alternative pour l'Allemagne (AfD).

Les enquêtes d'opinion réalisées ces dernières années en Allemagne révèlent l'existence d'une crise de confiance à l'égard des élites et concomitamment une perte d'autorité de ces mêmes élites, notamment à la suite de la crise économique internationale, tout comme une perte de confiance des citoyens dans un capitalisme dominé par la finance.

Jamais les Allemands n'ont cependant autant souhaité que le gouvernement sortant reste en place à l'issue du scrutin (65% d'entre eux en mars dernier), soit le résultat le plus élevé depuis 1994. Près des 3/4 des personnes interrogées déclarent approuver l'action de la chancelière sortante Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU). Taux de chômage à 6,80%, salaires en hausse et finances publiques quasiment de retour à l'équilibre ne sont pas a priori des éléments de nature à pousser les Allemands à souhaiter une alternance du pouvoir.

A un mois du scrutin, la question est donc moins de savoir si Angela Merkel va le remporter que d'imaginer avec qui la chancelière sortante va gouverner. Aucune des deux coalitions "classiques" - alliance de l'Union chrétienne-démocrate et du Parti libéral-démocrate (FDP) d'une part et union du Parti social-démocrate (SPD) et des Verts (DG) d'autre part - ne semble en mesure de s'imposer dans les urnes le 22 septembre prochain.

Grande coalition ? Union inédite de 3 partis ? Bien malin qui pourrait répondre à cette question. Le rapport de forces entre les 5 principaux partis du pays déterminera la (ou les) couleur(s) du prochain gouvernement allemand.

Un pays en relative bonne santé économique

0,4% de croissance en 2013 et 1,8% prévu pour l'an prochain, l'Allemagne affiche une relative bonne santé économique. Le chômage s'élève à 6,8% de la population active, soit 2,89 millions de personnes, le chiffre le plus faible depuis la réunification du pays. Certaines régions comme le Bade-Wurtemberg ou la Bavière sont quasiment en situation de plein emploi. Le chômage de longue durée (plus de 12 mois sans emploi) s'est réduit de plus de 40% depuis 2007. Dans le même temps, le nombre des bénéficiaires des minima sociaux a diminué (- 800 000 personnes).

La consommation intérieure a cru en partie grâce à la hausse récente des salaires (2,5% en 2012). Selon le quatrième rapport gouvernemental sur la pauvreté et la richesse de mars 2013, après avoir augmenté entre les années 2000 et 2005, les écarts de revenus se réduisent depuis 2007 et la pauvreté s'est stabilisée en raison de la bonne santé du marché de l'emploi.

L'indice du baromètre GFK, qui mesure le climat de la consommation dans le pays, a grimpé en juillet dernier de 6,5 à 6,8 points, soit son niveau le plus élevé depuis septembre 2007. L'indice IFO du climat des affaires a également progressé : 104,4 en mai et 106,2 en juillet.

Les comptes publics du pays (Etat fédéral, Länder, communes et caisses d'assurance sociale) sont en situation excédentaire (+ 2,2 milliards €, soit 0,1% du PIB en 2012) pour la première fois depuis 5 ans, une situation qui s'explique par le niveau élevé de l'emploi et la hausse des recettes fiscales consécutive à l'augmentation des bénéfices des sociétés.

Près des 3/4 des Allemands (72%) estiment d'ailleurs que 2012 a été pour eux une bonne année et la quasi totalité des jeunes (17-27 ans) (95%) qualifient leur situation personnelle de "très bonne" selon l'institut TNS Infratest.

Ces résultats économiques constituent l'atout majeur d'Angela Merkel. Celle-ci "rassure les Allemands qui n'attendent pas de leur chancelière qu'elle ait des visions sur l'avenir de l'Europe. La dernière fois qu'un dirigeant allemand a eu des visions, c'était dans les années 1930 et on sait où cela a conduit. Ce qui intéresse les Allemands, c'est que leurs voitures se vendent bien en Chine" analyse Wigan Salazar, directeur de groupe de communication MSL.

Les résultats économiques de Berlin s'expliquent par la spécialisation de l'industrie allemande dans le secteur des biens d'équipement qui a permis au pays de profiter de l'accroissement de la demande dans les pays émergents et d'exporter une très large quantité de sa production. En décembre 2011, les exportations ont, pour la première fois, dépassé le seuil symbolique des 1 000 milliards €. "En 2007, 2/3 de l'excédent commercial allemand était issu du commerce avec les partenaires européens. 5 ans plus tard, les 3/4 de cet excédent, resté identique en valeur, proviennent du reste du monde ; la stratégie allemande largue les amarres européennes" affirme Olivier Passet, économiste du cabinet Xerfi.

La dynamique allemande s'enracine bien sûr dans des choix politiques et économiques et s'explique par plusieurs facteurs structurels et culturels. Elle est également le résultat du gel des salaires de ces dernières années et de l'Agenda 2010, série de mesures mises en place par le précédent gouvernement de Gerhard Schröder (Parti social-démocrate, SPD) dans les années 2000 qui visaient à redresser la compétitivité du pays par une plus grande flexibilité du marché du travail. En janvier 2005, la loi Hartz 4 a ainsi durci les conditions d'obtention des indemnisations chômage (durée de versement de 12 mois au lieu de 26 précédemment, 18 mois pour les plus de 55 ans). Au-delà de cette période, le chômeur perçoit une indemnité de longue durée - qui s'élève à 382 € par mois - attribuée sous conditions de ressources. 6 millions de personnes sont récipiendaires de l'allocation Hartz 4.

L'opposition social-démocrate aime à rappeler que la prospérité germanique est due aux réformes initiées par Gerhard Schröder et pointe le creusement des inégalités entre riches et pauvres et l'augmentation de la paupérisation des travailleurs qui ont eu lieu sous le gouvernement d'Angela Merkel. 7 millions de salariés sont considérés comme pauvres (salaire horaire inférieur à 8,50 €, voire au-dessous de 5 € pour 1,3 million d'entre eux) et près de la moitié des nouveaux contrats de travail sont à durée déterminée. Enfin, un Allemand sur sept déclare se sentir menacé de tomber dans la pauvreté.

L'Allemagne est enfin confrontée à une crise de natalité. En 2011, le nombre de naissances est tombé à son plus bas niveau depuis la Seconde Guerre mondiale (663 000) et les démographes estiment que la population allemande (82 millions de personnes) pourrait tomber sous les 60 millions d'habitants d'ici 2050. Le pays connaît d'ores et déjà un problème de main d'œuvre. Selon l'OCDE, Berlin devra recruter 5,4 millions de travailleurs qualifiés d'ici à 2025. "L'Allemagne a besoin d'un apport annuel de 200 000 immigrés qualifiés par an pour ses besoins de main d'œuvre" a indiqué le responsable de l'Agence allemande pour l'emploi, Frank-Jürgen Weise.

En 2012, Berlin a accueilli un million d'étrangers, soit le nombre le plus élevé depuis 17 ans. Parmi eux, le nombre d'Européens du sud (Espagnols, Italiens, Grecs et Portugais) a cru de 8% par rapport à l'année précédente (34 00 personnes au total). En 2011-2012, le gouvernement allemand a facilité la reconnaissance des diplômes étrangers et assoupli les conditions d'obtention de titres de séjour pour les personnes hautement qualifiées. Grâce aux migrants, la population allemande a d'ailleurs augmenté en 2011 pour la première fois depuis 10 ans. Au début du mois d'août, pour lutter contre la pénurie de main d'œuvre dans certains secteurs, le gouvernement a publié une liste de types d'emplois intermédiaires à pourvoir (électriciens, infirmières, etc.) par des travailleurs venus de l'extérieur de l'Union européenne, une première dans l'histoire de l'Allemagne.

Angela Merkel, atout de son parti

"Angela Merkel ne domine pas le plus grand parti politique allemand, elle l'incarne à elle seule" pouvait-on lire dans le quotidien Die Welt en novembre 2012. "Elle est dans la moyenne, elle obtient de bons résultats. Chacun peut s'identifier à elle et c'est –la recette de son succès. Le programme de son parti, c'est elle" souligne Edgar Wolfrum, professeur d'histoire à l'université d'Heidelberg. La chancelière sortante, désignée femme la plus puissante du monde pour la 3e année consécutive (et la 8e fois en 10 ans) et surnommée la chancelière Teflon, jouit en effet d'une popularité exceptionnelle dans l'histoire allemande (70% d'approbation de la part de ses concitoyens). Si les élections fédérales se déroulaient au scrutin uninominal direct, elle l'emporterait selon les enquêtes d'opinion avec 60% des suffrages pour 23% à son principal rival, le social-démocrate Peer Steinbrück. Aux yeux de ses compatriotes, Angela Merkel symbolise la stabilité et la solidité ; elle est également le meilleur défenseur des intérêts allemands. "L'avantage d'Angela Merkel est qu'elle réagit aux problèmes de façon pragmatique et sans idéologie. Les Allemands font confiance à l'Union chrétienne-démocrate pour créer des emplois" analyse Richard Hilmer, directeur de l'institut d'opinion Infratest Dimap. La chancelière sortante a été réélue à la tête de la CDU le 4 décembre dernier lors du congrès de son parti à Hanovre par 97,94% des suffrages, soit son résultat le plus élevé depuis 2000. "La CDU va concevoir sa campagne sur le thème de la crise en disant : regardez, l'Allemagne a une gestion forte. Et c'est cela qu'Angela Merkel incarne parfaitement" analyse Gero Neugebauer, politologue de l'université libre de Berlin.

La chancelière sortante est donc l'atout principal de son parti pour la campagne électorale. Il y a quelques semaines, une polémique s'était fait jour sur le fait qu'elle pourrait ne pas effectuer la totalité de son mandat, en cas de victoire le 22 septembre prochain. Dans son livre intitulé La Chancelière hésitante publié à la fin du mois d'avril, Nikolaus Blome, patron du service politique du quotidien Bild Zeitung, écrivait qu'Angela Merkel pourrait être le premier chancelier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à renoncer volontairement au pouvoir. En 2015, elle fêtera ses 60 ans et, en cas de réélection, ses 10 ans de pouvoir, un temps qu'elle a dans le passé qualifié de "maximum acceptable". La chancelière sortante affirme toutefois qu'elle ira bien au bout de son 3e mandat si ses compatriotes lui permettent de se maintenir au pouvoir.

Si la popularité d'Angela Merkel est réelle, elle ne rejaillit toutefois pas forcément sur son parti. En 2009, la CDU avait ainsi obtenu le résultat le plus faible de son histoire. Le parti peine en effet à attirer les jeunes électeurs ou encore ceux résidant dans les centres urbains. Parmi les dix premières villes du pays, seule Düsseldorf a un maire chrétien-démocrate (Dirk Elbers). "Si la CDU entend rester un parti populaire, elle doit prendre en compte l'évolution des réalités. Nous ne pouvons pas simplement dire : "c'est bien parce qu'il en a toujours été ainsi et c'est pour cela que cela ne doit pas changer"" a déclaré le ministre des Finances Wolfgang Schäuble (CDU).

Angela Merkel a pourtant fait évoluer son parti, en plaidant par exemple pour l'élargissement des droits des homosexuels ou la hausse de l'immigration, indispensable pour compenser la baisse de main d'œuvre due à la faible natalité allemande, sans toujours parvenir à convaincre. Le 22 mars dernier, le Bundesrat, Chambre haute du Parlement allemand, a adopté un projet de loi qui reconnaît aux homosexuels le droit de se marier et d'adopter, texte qui doit cependant encore être adopté par le Bundestag. Le 6 juin suivant, le Tribunal fédéral constitutionnel a accordé aux couples de même sexe des droits fiscaux identiques à ceux des hétérosexuels (mesure rétroactive à partir de 2011). Les députés ont voté cet amendement le 27 juin. Angela Merkel sait qu'elle ne pourra longtemps faire l'économie d'un débat sur ce sujet mais son parti, qui est le seul à s'opposer au mariage et à l'adoption par des couples de même sexe, reste pour l'heure sourde à toute évolution dans ce domaine.

Les élections ne se gagnent pas sur un bilan, aussi bon soit-il. La chancelière sortante le sait bien. "L'Allemagne va bien, les Allemands doivent en profiter" répète-t-elle. Sa force réside dans l'absence de proposition alternative à son programme, une absence qu'elle prend soin d'entretenir en travaillant sans cesse à reprendre à son compte les thématiques et aussi les propositions de l'opposition sociale-démocrate : plafonnement des loyers (mesure dont le coût est évalué à environ 25 milliards €), développement des crèches, amélioration du réseau internet, etc. Des analystes politiques ont ironisé en affirmant que les 127 pages du programme de la CDU, intitulé "Ensemble pour l'avenir de l'Allemagne", proposent tout ce qu'offre le SPD moins les augmentations d'impôts.

Car contrairement à l'opposition de gauche, la CDU reste opposée à toute hausse d'impôts. Autre différence notoire entre droite et gauche : Angela Merkel ne veut pas d'un salaire minimum unitaire, qui, selon elle, nuirait à la compétitivité des entreprises, mais défend un salaire minimum par branche d'activité et par Land. "De nombreux pays en Europe ont un taux de chômage beaucoup plus élevé que nous parce qu'en leur sein, les salaires et les performances au travail divergent trop fortement" affirme-t-elle.

La chancelière sortante multiplie les cadeaux aux familles. Si elle est réélue à son poste, elle promet l'augmentation des retraites des mères de famille (6 milliards € sont prévus à cet effet). Dès janvier 2014, les mères d'enfants nés avant 1992 (discriminées par rapport à celles ayant eu un enfant, après cette date) percevront une retraite supplémentaire d'un minimum de 650 € par an. Angela Merkel a également promis une hausse des allocations familiales de 35 € par mois, soit 7,5 milliards € de dépenses afin de doper la natalité allemande. Elle souhaite également d'investir dans les routes et l'aménagement du territoire à hauteur de 25 millions €.

Pas de nouvelle dette, tel est le principal objectif de la CDU. "La consolidation des finances publiques et la croissance sont les deux faces d'une même médaille lorsqu'il s'agit de restaurer la confiance" a déclaré Angela Merkel à Davos le 25 janvier dernier. "Il n'y a pour moi aucune opposition entre finances solides et croissance" a-t-elle indiqué au quotidien Le Monde le 2 juillet dernier.

Son parti reste très attaché à l'indépendance de la Banque Centrale européenne (BCE) et à la séparation entre politique monétaire et politique budgétaire. Pour la chancelière sortante, les Etats européens ne doivent pas obtenir d'aide sans contrepartie, c'est-à-dire sans promettre d'adopter des réformes indispensables à l'assainissement de leurs finances publiques. "A long terme, chaque pays ne peut vivre qu'à partir de ce qu'il produit. Le bien-être à crédit n'est plus possible. Cela doit être clair pour tout le monde" a indiqué Angela Merkel. "J'ai toujours dit que nous devions faire un pas après l'autre. Nous avons déjà obtenu certains résultats : les déficits ont quasiment diminué de moitié en Europe. Ce n'est pas le moment de perdre patience" a-t-elle souligné dans Le Monde. "Ce ne sont pas des idées allemandes mais les préceptes d'une politique garantissant l'avenir. La politique de réforme et la consolidation favorable à la croissance font l'objet d'un consensus européen et reposent sur des décisions adoptées l'unanimité par les Etats membres" a indiqué dans une tribune publiée par le même journal en date du 23 juillet 2013 le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble (CDU).

La chancelière sortante tente néanmoins de modifier l'image de gendarme de l'Europe qui colle à l'Allemagne. Pour ce faire, elle a présidé la Conférence européenne pour lutter contre le chômage qui s'est tenue le 3 juillet dernier à Berlin où elle s'est engagée à ce que Berlin prenne en charge la formation et l'emploi de 5 000 jeunes venus d'Espagne par an. Le chômage des Etats du sud inquiète les Allemands pour qui il constitue en effet une menace à moyen terme sur l'union de la zone euro. "L'Allemagne n'ira bien que si l'Europe va bien, c'est pourquoi nous avons une responsabilité première à remplir nos devoirs" a déclaré Angela Merkel.

L'opposition social-démocrate a-t-elle déjà perdu ?

Le SPD a placé la justice sociale au cœur de son programme. Pour le parti, les élections se joueront sur l'équité des salaires, le recul du travail sous-payé et précaire, une plus grande justice dans l'accès à l'éducation et l'avenir du système de santé. "Liberté, justice, solidarité. C'est pour ces valeurs que je veux être chancelier" affirme Peer Steinbrück, candidat du SPD au poste de chancelier. Le thème de la justice sociale, les précédentes campagnes électorales l'ont prouvé, mobilise cependant peu les électeurs qui peinent à croire que l'opposition pourrait mettre fin à la crise actuelle ou mieux la gérer qu'Angela Merkel. Les sociaux-démocrates ne proposent ni modèle économique et social alternatif ni réel projet d'émancipation crédible en ces temps de mobilité sociale réduite. En outre, Peer Steinbrück a toujours soutenu les réformes initiées sous Gerhard Schröder. Il a toutefois promis le poste de ministre du Travail et des affaires sociales à Klaus Wiesehügel, président du syndicat de la construction, de l'industrie de l'agroalimentaire et de l'environnement IG Bau qui est opposé au recul de l'âge de la retraite à 67 ans.

Au niveau économique, le SPD s'oppose à la politique d'austérité imposée par Angela Merkel. "Avec vous et beaucoup d'autres en Allemagne, je veux abandonner la stagnation pour le progrès. Après le 22 septembre, je veux prendre les responsabilités pour une Europe plus unifiée dans laquelle nous serons de bons voisins" a déclaré Peer Steinbrück, ajoutant "Nous sommes favorables à la consolidation budgétaire mais nous voulons la compléter par la croissance".

Pour les sociaux-démocrates, la réduction des déséquilibres économiques européens ne doit pas reposer sur les seuls Etats déficitaires. "Les excédents de notre balance des paiements sont les déficits des autres ; depuis l'introduction de l'euro, nous avons encaissé 500 milliards € de plus que nous en avons dépensé. Comme n'importe quel chef d'entreprise intelligent, nous devons en investir une partie" a déclaré le dirigeant du SPD, Sigmar Gabriel. Le principal parti d'opposition est favorable à une coordination des politiques économiques et fiscales des Etats de la zone euro, à une réforme bancaire qui séparerait les activités spéculatives de celles de la banque de détail et enfin à la création d'une agence de notation européenne.

Le SPD souhaite créer un Fonds monétaire européen à partir du mécanisme européen de stabilité (MES), en charge de la restructuration des dettes des Etats défaillants. Partisans des eurobligations, les sociaux-démocrates veulent mettre en place une taxe sur les transactions financières. "L'Europe ne peut fonctionner que si elle est solidaire de ceux qui connaissent des difficultés" a affirmé Peer Steinbrück dans un entretien au quotidien Le Monde le 9 avril. "Economiser, seulement économiser, cela ne va pas sortir les pays en crise de leurs difficultés" a-t-il répété le 17 août dernier à Berlin où il célébrait les 150 ans du parti.

Le SPD se bat pour la mise en place, dès le 1er février 2014, d'un salaire minimum de 8,50 € par heure (une mesure qui concernerait 6,8 millions de salariés dans le pays) et d'une pension de retraite de solidarité. "C'est non seulement plus juste socialement mais cela fait sens économiquement puisque cela créé du pouvoir d'achat" a déclaré le candidat du SPD qui affirme que ces mesures apporteraient 7 milliards € au pays (par la hausse des impôts perçus et l'arrêt du versement de certaines des allocations délivrées aux travailleurs les plus pauvres). Les sociaux-démocrates veulent développer le droit à la formation et augmenter le nombre d'écoles pouvant accueillir les enfants toute la journée pour faciliter le travail des parents. Ils souhaitent également mettre en place des quotas pour permettre aux femmes d'accéder à des postes de responsabilité et créer un poste de secrétaire d'Etat en charge des femmes et de la parité dans le prochain gouvernement.

Peer Steinbrück promet de réformer la fiscalité des ménages en supprimant l'allocation parentale d'éducation et réintroduisant l'impôt sur fortune, en portant à 49% le taux maximal d'imposition pour les revenus supérieurs à 100 000 € (celui-ci est de 42% pour les revenus supérieurs à 53 000 € et de 45% pour ceux au-dessus de 250 000 €). Le SPD veut interdire aux propriétaires de proposer des loyers supérieurs de 10% aux tarifs proposés dans le quartier pour le même type de logement et plus largement d'augmenter les loyers qu'ils demandent de plus de 15% sur 4 ans.

Les sociaux-démocrates souhaitent enfin permettre à tout enfant né en Allemagne de devenir Allemand tout en conservant la nationalité de ses parents. Les enfants nés en Allemagne de parents étrangers doivent en effet choisir à l'âge de 18 ans entre la nationalité allemande et celle(s) de leur(s) parent(s). S'ils ne le font pas, ils perdent obligatoirement leur nationalité allemande à l'âge de 23 ans. "Je comprends tous ceux qui veulent vivre durablement en Allemagne sans pour autant renoncer à leurs racines. Nous avons besoin d'un code de la nationalité moderne" a déclaré Sigmar Gabriel, qui a précisé que l'acceptation de la double nationalité sera la première mesure qu'adopterait un gouvernement de gauche (alliant les sociaux-démocrates aux écologistes). Les enquêtes montrent que l'obligation de renoncer à la nationalité de leurs parents est l'un des motifs qui pousse par exemple de nombreux jeunes turcophones vivant en Allemagne à quitter le pays.

Peer Steinbrück a été désigné le 28 septembre 2012 candidat social-démocrate au poste de chancelier. Le 9 décembre, sa candidature, acceptée à l'unanimité par la direction du parti, a été confirmée par 93,45% des voix lors du congrès de Hanovre. Ancien ministre des Finances du gouvernement de grande coalition dirigé par Angela Merkel (2005-2009), Peer Steinbrück est membre de l'aile droite du SPD. Au cours de la campagne, il a gauchisé son discours, en partie poussé par la chancelière qui excelle à reprendre à son compte les propositions des sociaux-démocrates. Si la réputation d'excellent gestionnaire et l'expérience de trésorier de l'Allemagne de Peer Steinbrück rassuraient les électeurs les plus centristes, le programme du parti d'opposition adopté par les 600 délégués du congrès d'Augsbourg et intitulé "Pour un nouvel équilibre dans notre pays" est considéré comme très à gauche.

Dès sa nomination, Peer Steinbrück a largement occupé la scène politique, mais moins grâce à ses propositions pour l'avenir du pays qu'en raison de ses gaffes (actuelles ou passées) qui ont déstabilisé jusqu'à son propre camp. Au début de l'année, la presse a révélé que sa participation à différents colloques et conférences lui avait rapporté 1,25 million € depuis novembre 2009. Peer Steinbrück détient d'ailleurs le record du parlement pour le nombre d'interventions à des conférences extérieures (89 au total) et est le député qui a perçu les honoraires les plus élevés : les conférences étaient rétribuées 14 065 € en moyenne (7 314 € de gains réels après imposition). Face à cette polémique, le candidat du SPD s'est défendu en affirmant n'avoir rien fait d'illégal et déclaré avoir fait don d'une partie de ses revenus à des œuvres caritatives. Il a rappelé qu'il avait participé à 250 conférences, notamment dans des écoles, sans recevoir d'argent. Peer Steinbrück a assisté à des conférences lors des périodes de débats parlementaires et qu'il a utilisé pour s'y rendre la carte de député lui donnant droit à des transports gratuits. "Ce pays n'a t-il pas des problèmes plus importants à débattre que de s'intéresser à ma façon d'utiliser ma carte de la Deutsche Bahn (compagnie ferroviaire allemande) ?" s'est-il défendu.

Quelques semaines plus tard, Peer Steinbrück a affirmé que le chancelier allemand n'était pas assez payé. "Pratiquement chaque directeur de caisse d'épargne de Rhénanie du Nord-Westphalie gagne plus que le chancelier" a-t-il souligné. En février, il emploie le terme de "clowns" pour qualifier Beppe Grillo, dirigeant du Mouvement cinq étoiles (M5s) en Italie, et l'ancien président du Conseil italien Silvio Berlusconi (Parti du peuple pour la liberté, PdL), donnant l'impression de critiquer le vote des Italiens les 24 et 25 février. Au printemps, on, apprenait que la famille au sein de laquelle il s'était installé pour une émission de télévision était en fait liée à un responsable du SPD et que la femme qui recevait le candidat de l'opposition était elle-même membre du parti.

Enfin, le 4 août dernier, Peer Steinbrück n'a pas hésité à affirmer, à propos du manque de passion de la chancelière pour la politique européenne, à affirmer qu'Angela Merkel avait eu "une socialisation personnelle et politique totalement différentes de celles des Allemands qui ont vécu l'intégration européenne depuis le début des années 1950". Ces propos, qui ont été entendus comme une stigmatisation de la population originaire de la partie orientale du pays, ont provoqué un scandale et, de façon paradoxale, le Parti de gauche s'est retrouvé à défendre ardemment la chancelière.

Beaucoup de gaffes et de maladresses donc pour le candidat SPD mais le plus grave est sans doute les dissensions apparues à plusieurs reprises entre les différents dirigeants du parti. Peer Steinbrück a d'ailleurs dû appeler dans l'hebdomadaire Der Spiegel "tout le monde, y compris le président du parti, à se rassembler d'une manière loyale et constructive au cours des 100 prochains jours derrière le candidat à la chancellerie et sa campagne".

Le candidat SPD souffre indéniablement d'un déficit d'image, notamment parmi les femmes. Si la dirigeante de la CDU est plus populaire que son parti, l'inverse est vrai du côté de l'opposition. Peer Steinbrück fait face à deux difficultés majeures : il doit, d'une part, parvenir à faire entendre sa différence et à exposer un programme alternatif sans critiquer la très populaire Angela Merkel et, d'autre part, parvenir à convaincre les électeurs que son parti possède une réelle stratégie de croissance à même d'assurer une plus grande justice sociale grâce à une meilleure distribution des revenus du travail, le temps de la redistribution via des transferts sociaux étant désormais révolu.

Quel faiseur de rois ?

Le Parti libéral-démocrate à la croisée des chemins

Créé en 1948 et longtemps faiseur de rois des élections allemandes, le Parti libéral démocrate (FDP), qui avait obtenu son résultat le plus élevé lors du dernier scrutin en 2009 (14,6% des suffrages), lutte désormais pour sa survie. Il détient en partie la clé des élections. Le candidat du FDP à la chancellerie est Rainer Brüderle.

Le FDP est, en Allemagne, le seul parti à promouvoir la liberté et la responsabilité des individus comme du marché, un positionnement difficile à l'heure où les citoyens, affectés par la crise socioéconomique, demandent un accroissement du rôle de l'Etat. Le FDP souhaite un allègement et une simplification de la fiscalité et est opposée à l'établissement d'un salaire minimum, synonyme à terme d'un accroissement de la pauvreté. Il s'est même prononcé en juillet contre l'extension, proposée par la chancelière sortante, de l'impôt sur la solidarité (Solidarritätszuschlag), introduit en 1991 pour aider au développement de la partie orientale du pays et qui doit normalement disparaître en 2019. Cette taxe a rapporté 13,6 milliards € en 2012.

Libéral sur les plans économique comme sociétal, le dirigeant du parti, Philipp Rösler, s'est déclaré favorable à l'acceptation de la double nationalité en Allemagne : "Trouver de la main d'œuvre est l'un des plus grands défis de l'économie allemande. Les ressortissants nationaux ne suffiront pas à couvrir les besoins. Je suis persuadé qu'il nous faudra davantage de main d'œuvre qualifiée venant de l'étranger. Et la double nationalité est une initiation supplémentaire pour attirer cette main d'œuvre" a t-il souligné.

Le parti est également partisan de l'égalité entre les couples et de l'adoption par les couples de même sexe. Selon Jack Janes, président de l'Institut des études allemandes contemporaines de l'université Johns Hopkins, "10% des Allemands sont philosophiquement libéraux".

Rainer Brüderle affirme que le programme de Peer Steinbrück coûterait 40 milliards € au pays en raison des augmentations d'impôts qu'il préconise. La tête de liste du FDP tente d'effrayer certains électeurs en affirmant que pour former un gouvernement, les sociaux-démocrates seraient in fine obligés de s'allier avec le Parti de gauche pour obtenir la majorité absolue.

Les deux partis de droite semblent en fait s'être partagé les rôles pour la campagne électorale : la CDU a pour objectif d'attirer les électeurs du centre (et ceux de gauche qui pourraient être déçus par Peer Steinbrück) tandis que le FDP essaie de séduire les Allemands les plus à droite et ceux qui pourraient être tentés par L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti eurosceptique créé par Bernd Lucke. L'idéal pour Angela Merkel (et pour les libéraux) serait que la majorité des votants utilisent leur première voix pour voter pour la CDU et la deuxième pour se prononcer pour le FDP.

Les Verts vont-ils bénéficier du regain de la conscience écologique ?

Après avoir connu un léger recul dans les enquêtes d'opinion du début de l'année 2013, menacés notamment par le Parti pirate, les Verts ont désormais refait leur retard dans les sondages. Le parti a obtenu plusieurs résultats satisfaisants au cours de la législature qui s'achève. Ils dirigent pour la première fois de l'histoire un Land - le Bade-Wurtemberg –, où Winfried Kretschmann, est ministre-président depuis les élections régionales du 27 mars 2011. Ils ont également remporté la mairie de Stuttgart, 6e plus grande ville d'Allemagne, où Fritz Kuhn est devenu, le 21 octobre dernier, le premier maire écologiste d'une capitale régionale.

Les 17-18 novembre dernier, lors du congrès du parti à Hanovre, Cem Ozdemir et Claudia Roth ont été reconduits à la tête des écologistes pour 2 ans. En revanche, cette dernière a été désavouée lors des élections primaires qui se sont déroulées au cours du même mois pour désigner les têtes de listes de la campagne électorale. 15 candidats étaient en lice ; Jürgen Trittin, leader du groupe parlementaire vert et représentant de l'aile gauche du parti, et Katrin Göring-Eckardt, vice-présidente du Bundestag et représentante de l'aile droite, ont remporté le scrutin.

Ancien parti protestataire devenu parti de gouvernement en 1998, les Verts sont dorénavant le parti la plus bourgeois d'Allemagne : leurs électeurs sont plus diplômés et disposent d'un revenu plus élevé que la moyenne des Allemands. Les premiers écologistes ont vieilli : 80% d'entre eux avaient moins de 35 ans en 1980 pour un tiers seulement actuellement. Ils ont plutôt bien réussi professionnellement et sont socialement très bien insérés : en 1980, plus des 2/3 d'entre eux (70%) jugeaient "mauvaise" leur situation économique personnelle ; 60% s'en déclarent satisfaits désormais. S'ils se sont décalés vers la droite, les Verts diffèrent cependant des autres électeurs bourgeois en ce qu'ils défendent des valeurs libérales : défense de l'environnement bien sûr, mais multiculturalisme, égalité hommes-femmes et égalité des droits de tous les couples.

Les écologistes ont beau avoir invité le dirigeant social-démocrate Sigmar Gabriel à leur congrès des 26-28 avril à Berlin (et Claudia Roth a beau voir été l'une des invitées du congrès du SPD à Augsbourg les 13 et 14 avril), il n'est pas tout à fait impossible que 2013 signe la fin de l'alliance exclusive des écologistes avec le SPD. Plus de la moitié des membres du parti (54%) disent pouvoir imaginer gouverner avec la CDU d'Angela Merkel.

Le parti reste cependant divisé entre les partisans du libéralisme de marché et ceux qui se montrent favorables à un renforcement de l'Etat-providence. De son côté, la chancelière sortante a déclaré dans le journal Bild am Sonntag au printemps dernier : "Notre relation avec les Verts s'est développée. On peut dire qu'elle s'est normalisée. Alors qu'il y avait dans le passé des divergences insurmontables, le ton est différent et le dialogue simple". La question fiscale (les Verts sont favorables à une augmentation des impôts) reste cependant un différend important entre les deux partis et Angela Merkel ne ferait certainement le choix d'un gouvernement avec les écologistes qu'en dernier ressort.

On notera qu'aux élections fédérales de 1998 et 2002, plus de la moitié des électeurs verts avaient donné leur première voix au SPD pour seulement un tiers en 2009.

Les écologistes sont favorables à l'établissement d'un salaire minimum (de 8,50 € par heure) et à une augmentation des taxes. Ils veulent relever le seuil maximal de 42% à 49% pour les revenus supérieurs à 80 000 € annuels et introduire progressivement un impôt sur la fortune en commençant par un prélèvement de 1% sur les fortunes supérieures à 1 million €. Ils souhaitent revaloriser l'allocation Hartz 4 versée aux chômeurs de longue durée et garantir une pension de retraite de 850 € mensuels aux personnes ayant travaillé plus de 30 ans ou élevé des enfants.

Les Verts veulent enfin accélérer la transition énergétique et souhaitent que les énergies renouvelables couvrent dès 2030 l'ensemble des consommations d'électricité et, en 2040, les transports et les consommations de chauffage. Les énergies renouvelables couvrent actuellement un peu moins de 20% des besoins de l'Allemagne.

Quel avenir pour le Parti de gauche ?

Le Parti de gauche (Die Linke) a obtenu des résultats très mitigés lors des dernières élections régionales à travers le pays. Il a été chassé de plusieurs parlements régionaux, notamment dans la partie occidentale de l'Allemagne, et est redevenu un parti des Länder de l'ancienne RDA (et de la Sarre).

Le parti a également été secoué par plusieurs crises et notamment par les forts soupçons d'antisémitisme. La direction a d'ailleurs tenu à inscrire le droit d'Israël à exister dans son programme électoral pour les élections. Récemment, son ancien dirigeant Oskar Lafontaine a demandé l'abandon de l'euro afin d'aider les pays du sud de l'Europe. "Les Allemands n'ont pas encore reconnu que les Européens du sud, y compris les Français, vont tôt ou tard être forcés par leur misère actuelle de se battre avec l'hégémonie allemande" a déclaré celui qui était pourtant ministre des Finances au moment de l'adoption de la monnaie unique. "Dans les années 1990, je pensais qu'une coordination salariale orientée vers la productivité était possible et j'étais donc d'accord avec la création de l'euro ; toutefois, les dernières années ont montré qu'une telle politique n'a aucune chance d'être mise en œuvre" a indiqué Oskar Lafontaine pour justifier l'évolution de sa position sur la monnaie unique.

Le Parti de gauche a indiqué que les opinions de son ancien leader, qui n'est pas candidat aux élections, ne reflétaient pas la ligne du parti.

Le Parti de gauche a adopté un programme électoral 100% social lors de son congrès qui s'est tenu à Dresde du 14 au 16 juin dernier. Celui-ci a été évalué à 180 milliards €. Le parti propose de porter à 53% la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu et d'effectuer un prélèvement européen exceptionnel de 75% sur la part des revenus et des patrimoines supérieurs à 1 million €, des mesures qui, selon lui, rapporterait 10 milliards € et permettraient de relever l'allocation Hartz 4 de 382 € à 500 € par mois et de créer une retraite minimum d'un montant de 1 050 €. Le parti est favorable à l'établissement d'un salaire minimum de 10 € par heure (qui serait porté à 12 € en 2017) et demande la nationalisation des banques et la réduction du temps de travail à 30 heures hebdomadaires.

Au niveau européen, le Parti de gauche souhaite la création d'eurobligations et un contrôle démocratique de la BCE. Il demande l'adoption d'une politique sociale commune par l'Union économique et monétaire

Partisan de l'abolition de l'OTAN, il veut interdire tout engagement de la Bundeswehr (armée allemande) à l'étranger et toute livraison d'armes émanant de Berlin.

Une nouvelle offre politique

L'Alternative pour l'Allemagne (AfD)

"Nous voulons mettre fin à une flagrante violation de démocratie, des principes légaux et économiques que nous avons connue ces 3 dernières années parce que le gouvernement d'Angela Merkel affirme qu'il n'y a pas de solution alternative" affirme Bernd Lucke, cofondateur et porte-parole du nouveau parti, créé le 6 février dernier par Frauke Petry, Konrad Adam, et Bernd Lucke, L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), un nom choisi en réponse aux propos de la chancelière sortante. "Maintenant, il existe une solution alternative pour l'Allemagne" répète Bernd Lucke. Celui-ci a été membre de la CDU durant 33 ans avant de quitter le parti en 2011 après le vote du plan de sauvetage de l'euro.

L'AfD, qui estime que le pays connaît la plus grave crise de son histoire, s'est construite sur 3 fondements : Berlin ne doit plus garantir les dettes des autres Etats membres; la monnaie unique doit être abandonnée ("dissoute" de manière contrôlée et graduelle ; chaque Etat doit être libre de quitter l'euro, d'entrer dans autre association monétaire ou d'introduire sa monnaie propre en parallèle) et un référendum doit être organisé pour tout nouvel abandon de souveraineté de l'Allemagne en faveur de l'Union européenne. Pour l'AfD, la zone euro rassemble des économies nationales de puissance et de nature trop différentes. La suppression de l'euro permettrait de créer des unions monétaires régionales plus souples qui regrouperaient des pays de même puissance économique. L'Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas et l'Autriche pourraient ainsi être rassemblés dans une zone euro du nord. "La Grèce, Chypre, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et vraisemblablement la France devront sortir de l'euro" a affirmé Bernd Lucke au journal Focus le 22 avril dernier, ajoutant "Si l'euro disparaît, l'Europe ne disparaîtra pas mais en revanche, Angela Merkel et Wolfgang Schäuble tomberont".

Les membres d'AfD veulent donc stopper toute aide financière aux pays de la zone euro qui ne font pas d'effort pour gérer leurs finances publiques. "On se contente de donner de l'argent à ceux qui ont accumulé le plus de dettes et non pas aux plus pauvres" souligne Bernd Lucke. "Nous devons nous battre pour le bien de tous plutôt que de trouver des solutions profitant à un certain nombre de pays, dont l'Allemagne, pendant que d'autres en souffrent" indique-t-il également.

L'AfD se bat également pour une simplification du système fiscal, une politique d'immigration capable d'attirer les plus talentueux, l'engagement des troupes allemandes en dehors de l'OTAN et s'élève contre la politique subventionnée en faveur des énergies renouvelables qui, selon le parti, coûte cher aux Allemands.

Le parti pourrait séduire les électeurs, dont les 2/3 sont opposés au versement d'aides financières aux mauvais élèves de la zone euro, mais les Allemands restent très majoritairement favorables à la monnaie unique (70%). Cependant, même sans atteindre le seuil de 5% des suffrages exprimés obligatoires pour être représenté au parlement, l'AfD pourrait handicaper la chancelière sortante. Sa présence dans le débat politique oblige en tout cas Angela Merkel à maintenir sa ligne politique et à refuser tout assouplissement de sa politique européenne avant les élections.

L'AfD souffre néanmoins d'un problème de positionnement : la photo de Bernd Lucke en une de l'hebdomadaire Der Spiegel avec le responsable du Parti de gauche n'a certainement pas été la meilleure idée de campagne du parti. Les récents propos de Bernd Lucke qui a déploré l'ignorance des électeurs ("Seule une minorité de personnes se préoccupe des questions importantes et les comprend à peu près. En parlant avec des gens dans la rue, nous avons constaté qu'environ 20% des électeurs s'intéressent vraiment à l'économie et à l'euro et en ont une connaissance même approximative" a-t-il regretté) ne devraient pas non plus renforcer la popularité du parti. "Ils n'ont pas trouvé la bonne personne pour les mener" a indiqué Manfred Güllner, directeur de l'institut d'opinion Forsa à propos de l'AfD.

Les pirates

"Les pirates expriment un ras-le-bol venu du cœur même de la société allemande, frustrée par le débat politique" analyse Stefan Seidendorf, de l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg. Sans doute pour cette raison même, leurs succès, bâtis sur le mécontentement des votants, restent fragiles. Les électeurs, qui apprécient de plus en plus que les candidats incarnent véritablement les valeurs qu'ils défendent, apprécient la façon qu'ont les pirates de faire de la politique : peu d'idéologie mais fraîcheur et authenticité de leurs convictions et de leur programme et faible hiérarchie organisationnelle. Les pirates demandent la liberté totale d'internet ; la gratuité des transports en commun ; la renationalisation des réseaux d'eau, de gaz et d'électricité ; le libre accès à la culture et à l'information ; un maximum de 15 élèves par classe ; le droit de vote à 14 ans ; la gratuité des cantines scolaires ; un salaire de base garanti pour tous et la privatisation de la religion.

Le Parti pirate (P) est né en Allemagne en mai 2009, lorsqu'une pétition a été lancée sur le réseau de Franziska Heine contre le projet du gouvernement de la chancelière Angela Merkel d'interdire l'accès aux sites internet aux personnes suspectées de pédophilie. Le texte a recueilli 134 000 signatures et a été déposé au Bundestag avant que le gouvernement n'abandonne in fine son projet. Le parti revendique 30 000 membres, dont la moitié viennent des Verts, du FDP et du Parti de gauche. Ils ont élu à leur tête Bernd Schlömer, haut fonctionnaire au ministère de la Défense, avec 66% des suffrages.

S'ils ont fait leur entrée dans 4 parlements régionaux lors des dernières élections qui se sont déroulées dans les Länder au cours des 2 dernières années, les pirates cumulent cependant deux handicaps majeurs : ils formulent peu de propositions politiques concrètes et semblent peu préparés à l'exercice du pouvoir comme d'ailleurs à la gestion des crises qui se font parfois jour en leur sein comme dans toute organisation. La participation au pouvoir reste d'ailleurs pour eux une question ouverte.

Le système politique allemand

Le Parlement allemand est bicaméral, composé d'une Chambre basse, le Bundestag et d'une Chambre haute, le Bundesrat.

Les élections par lesquelles sont désignés les membres du Bundestag ont lieu tous les 4 ans selon un système mixte qui combine vote uninominal majoritaire et vote à la proportionnelle de liste. Chaque électeur dispose de 2 voix. La première (Erststimme) lui permet de désigner, au scrutin uninominal, le député de la circonscription (Wahlkreise) dans laquelle il réside. Le pays compte 299 circonscriptions et le nombre d'élus désignés de cette façon, qui obtiennent ainsi un mandat direct, va de 2 à Brème et 4 en Sarre jusqu'à 64 en Rhénanie du nord-Westphalie. La deuxième voix (Zweitstimme) permet à l'électeur de voter par ordre préférentiel en faveur d'une liste présentée par un parti politique au niveau du Land (l'Allemagne compte 16 Länder). Les sièges sont attribués selon la méthode de Sainte-Lagüe. Le pourcentage des 2e voix détermine le nombre de sièges revenant proportionnellement à chaque parti et, in fine, le rapport de forces entre les partis au sein du Bundestag. 323 députés ont été élus ainsi en 2009 et 315 en 2005.

Seuls les partis ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés au niveau national ou 3 mandats directs au scrutin uninominal peuvent être représentés au Bundestag. Si, dans un Land, un parti remporte davantage de mandats directs que le nombre de sièges qui lui est accordé en fonction du nombre de 2e voix, il conserve néanmoins ces mandats excédentaires (Uberhangmandate). Ce qui explique que le nombre de membres du Bundestag est variable.

Le 2 juillet dernier, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a jugé inconstitutionnel le système des mandats supplémentaires lorsque leur nombre dépasse 15 sièges. La loi a été modifiée de façon à compenser au niveau national les mandats supplémentaires dès le premier d'entre eux afin que le Bundestag reflète le plus fidèlement possible la répartition des 2e voix. Cette nouvelle règle pourrait porter à 650, voire 700, le nombre de députés.

34 partis politiques sont en lice pour les élections du 22 septembre prochain, dont 6 sont représentés au Bundestag et concourent dans les 16 Länder.

Le système électoral allemand vise à assurer le parti dune majorité parlementaire stable et à éviter l'émiettement de la scène politique que le pays a connu sous la République de Weimar (1919-1933), où le grand nombre de partis représentés au Parlement avait rendu la formation d'un gouvernement quasiment impossible. Le système rend quasiment impossible pour un parti de former seul le gouvernement.

En 1949, 11 partis politiques étaient représentés au Bundestag, ils n'étaient plus que 4 en 1957 et seulement 3 (en regroupant la CDU et la CSU en un seul parti) entre 1961 et 1983 (SPD, CDU/CSU et FDP). En 1983, les Verts parviennent à franchir la barre des 5%, des suffrages exprimés et entrent au Parlement ; ils seront suivis en 1990 du Parti du socialisme démocratique (PDS), issu du Parti socialiste unifié (SED) de l'ex-Allemagne de l'Est, (les députés anciennement communistes entreront donc au Bundestag un an après la chute du Mur), ancêtre du Parti de gauche.

6 partis politiques sont représentés au Bundestag :

– l'Union chrétienne-démocrate (CDU), fondée en 1945, dirigée par la chancelière sortante, Angela Merkel, au pouvoir depuis 2005, compte 194 députés ;

– l'Union chrétienne-sociale (CSU), créée en 1946 et dirigée depuis fin 2008 par le ministre-président de Bavière, Horst Seehofer, coopère électoralement avec la CDU depuis 1953. Selon leur accord, la CDU ne présente pas de candidat en Bavière et la CSU ne concourt que dans ce seul Land. La CSU possède 45 sièges ;

– le Parti social-démocrate (SPD), fondé en 1863, est la plus ancien parti politique d'Allemagne. Dirigé par Sigmar Gabriel, il compte 146 députés ;

– le Parti libéral démocrate (FDP), créé en 1948 et dirigé par Philipp Rösler, a longtemps été le faiseur de rois des élections allemandes. Il a participé dans les années 1980 et 1990 à l'ensemble des gouvernements dirigés par la CDU mais également, dans les années 1970, à des coalitions gouvernementales emmenées par le SPD. Il possède 93 sièges ;

– le Parti de gauche (Die Linke), d'extrême gauche, est né le 16 juin 2007 de la fusion du Parti du socialisme démocratique (PDS), issu du Parti socialiste unifié (SED) de l'ex–Allemagne de l'Est, avec l'Alternative pour le travail et la justice sociale (WASG), mouvement créé le 22 janvier 2005 et qui rassemblait l'ancienne élite communiste et les déçus de la social-démocratie. Dirigé par Katja Kipping et Bernd Riexinger, il compte 46 députés ;

– les Verts, issus de la fusion, en 1993, d'Alliance 1990, mouvement pour les droits civiques de l'ex-Allemagne de l'Est, et du parti écologiste, possèdent 68 sièges.

Source:http://www.bundeswahlleiter.de/en/bundestagswahlen/BTW_BUND_09/ergebnisse/bundesergebnisse/index.html

Le parlement allemand possède également une Chambre haute, le Bundesrat, composée des membres des gouvernements des 16 Länder du pays. Chaque région y dispose d'au moins 3 voix ; celles comptant plus de 2 millions d'habitants possèdent 4 voix ; celles de plus de 6 millions, 5 voix et enfin celles de plus de 7 millions, 6 voix. Au total, le Bundesrat compte 69 membres.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Forschungsgruppe Wahlen et publiée le 17 août dernier crédite la CDU de 41% des suffrages le 22 septembre prochain, loin devant le SPD qui recueillerait 25% des voix. Les Verts arriveraient en 3e position avec 13% des suffrages. Le Parti de gauche obtiendrait 8% des voix et le FDP juste 5% des suffrages. Ensemble, chrétiens-démocrate et libéraux-démocrates recueilleraient donc 46% des voix pour 38% aux forces de gauche (sociaux-démocrates et verts). "Ceux qui pensent que ces élections sont déjà jouées et qu'Angela Merkel restera chancelière quoi qu'il arrive pourraient vivre un réveil difficile après la fermeture des bureaux de vote. L'issue du scrutin est tout sauf certaine" a néanmoins souligné la chancelière sortante. Le sondage rendu public par la chaîne de télévision ZDF ne peut que confirmer ses craintes puisque celui-ci révèle que près de 3/4 des électeurs (72%) n'excluent pas de choisir, le jour du scrutin, un autre parti que celui pour lequel ils déclarent vouloir voter.

"Les élections fédérales se jouent toujours au cours des 6 dernières semaines" affirme Nils Diederich, politologue de l'université libre de Berlin, Nous y sommes. Le dernier mois de campagne sera donc décisif.

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