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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 9 décembre dernier, la Croatie signait à Bruxelles son traité d'adhésion à l'Union européenne. Le 1er décembre, le Parlement européen avait approuvé, par 564 voix contre 38 et 32 abstentions, l'entrée de Zagreb au sein des Vingt-sept. "La Croatie est le meilleur exemple de la force et de la réussite de notre politique d'élargissement" avait souligné le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. "Nous franchissons enfin le seuil de notre demeure européenne" avait indiqué le président de la République Ivo Josipovic. "Ce rêve que nous avons fait si longtemps se réalise enfin" avait déclaré la Premier ministre de l'époque Jadranka Kosor (Union démocratique, HDZ).
Le 23 décembre dernier, les membres du Hrvatski Sabor, chambre unique du parlement, élus le 4 décembre, avaient accepté par 129 voix l'organisation du référendum sur l'adhésion de leur pays à l'Union européenne le 22 janvier prochain. Quelques associations se sont élevées contre le choix de cette date estimant que les autorités et les organisations favorables à l'adhésion disposaient de trop peu de temps pour informer les électeurs et expliquer ce qu'entraînait réellement l'appartenance de leur pays à l'Union européenne. Les Travaillistes croates-Parti du travail (HL-SR), dirigés par Dragutin Lesar, ont demandé un report de 3 mois du référendum afin d'engager un véritable débat et l'Alliance démocratique de Slavonie et Baranja (HDSSB) de Vladimir Sisljagic a exigé que les électeurs soient convoqués l'été prochain et appelé le chef de l'Etat et le gouvernement à rassurer la population sur l'avenir de la souveraineté de la Croatie.
"Nous tenons à ce que le processus de ratification du traité d'adhésion soit achevé le plus tôt possible" a déclaré le président croate Ivo Josipovic. "Je ne crois pas que le référendum pêchera par manque de démocratie" a-t-il ajouté, qualifiant le moment d'"événement historique d'une ampleur comparable à celle du référendum d'indépendance". Il y a 20 ans, le 19 mai 1991, 95,7% des Croates se prononçaient en faveur de l'indépendance de leur pays (4,3% avaient voté "non"). Plus de huit électeurs sur dix (83,6%) s'étaient rendus aux urnes.
Le référendum du 22 janvier prochain est seulement le 2e organisé en Croatie. Aucun quota minimum de participation ne sera requis pour valider la consultation populaire.
Les syndicats croates avaient souhaité que soit organisée, le même jour que le référendum sur l'adhésion à l'Union européenne, une consultation populaire sur la modification des règles en vigueur pour la convocation d'un référendum. Actuellement, la procédure nécessite d'obtenir la signature de 400 000 électeurs en moins de 15 jours. Le projet est de baisser le seuil de signatures à 200 000 et d'augmenter le laps de temps pour les recueillir à 30 jours. L'Union démocratique (HDZ), désormais principal parti d'opposition, était favorable à l'organisation de ce 2e référendum. Par ailleurs, les syndicats ont rappelé que le nouveau Premier ministre Zoran Milanovic (Parti social-démocrate, SDP) avait exprimé son accord avec cette proposition en 2010. Ils n'ont cependant pas obtenu gain de cause et ont échoué à ce que leur projet soit soumis au vote des électeurs.
La longue route de Zagreb vers l'Europe
La marche de la Croatie vers l'Europe a commencé en 1999 après la mort de l'ancien président de la République (1991-1999) Franjo Tudjman (HDZ). Le gouvernement dirigé par Ivica Racan (SDP) (2000-2003) et le président de la République (2000-2010) Stjepan Mesic ont beaucoup œuvré pour transformer la Croatie en une véritable démocratie européenne. En février 2003, Zagreb a fait sa première demande à Bruxelles. Quatre mois plus tard, le conseil européen de Thessalonique en juin 2003 a confirmé la perspective d'adhésion des pays des Balkans occidentaux. En juin 2004, la Croatie a obtenu le statut de candidat officiel à l'Union européenne. Les négociations entre Zagreb et Bruxelles, ouvertes le 3 octobre 2005, se sont achevées le 30 juin 2011.
La pleine coopération des autorités croates avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) figurait dans la liste des exigences de Bruxelles pour favoriser l'intégration européenne de Zagreb. En 2000, l'inspecteur général de l'armée croate, Ante Gotovina, a refusé cependant la collaboration de l'armée avec l'institution judiciaire internationale exigée par le président de la République Stjepan Mesic. En juin 2001, le TPIY a inculpé Ante Gotovina pour violation des lois et coutumes de la guerre et crimes contre l'humanité. Il est accusé de persécutions pour des motifs d'ordre politique, racial et religieux, de meurtres (notamment environ 150 civils serbes de Krajina et 30 personnes à Knin), de déplacements forcés de population et de destructions de villes et de villages. Mais l'homme a disparu quelques jours avant son inculpation officielle et l'émission de son mandat d'arrêt. Après 4 ans de cavale, il a été finalement arrêté à Tenerife (Espagne) le 7 décembre 2005 et condamné le 15 avril 2011 à 24 années de prison par le TPIY pour ses actes et les actes commis sous son commandement en 1995 lors de l'Opération Tempête (Oluja).
Le soutien à l'adhésion du pays à l'Union européenne, majoritaire depuis toujours dans toutes les enquêtes d'opinion, a été minoritaire au lendemain de la condamnation d'Ante Gotovina, considéré comme un héros par de nombreux Croates notamment en raison de la prise de Knin, capitale de l'éphémère République serbe de Krajina mais aussi ancienne capitale médiévale croate, le 5 août 1995. Quelques jours après celle-ci, un sondage réalisé par l'institut Ipsos Puls pour la chaîne de télévision Nova TV révélait que 52% des personnes interrogées s'opposaient à l'adhésion, 38% y restant favorables.
Enfin, le différend frontalier avec la Slovénie voisine, qui portait sur quelques kilomètres de côtes et quelques miles marins de la mer Adriatique situés dans la baie de Piran, a longtemps retardé le processus d'adhésion. Ljubljana souhaitait en effet une extension de ses eaux territoriales de façon à posséder son propre accès aux eaux internationales, ce à quoi Zagreb s'est longtemps opposée avant de revenir sur sa position en 2009. Un accord a été ratifié par les parlements slovène et croate et approuvé par les Slovènes lors d'un référendum le 6 juin 2010 (51,49% de "oui", participation : 42,36%). Le résultat de ce vote avait permis à Zagreb de poursuivre son avancée vers l'adhésion à l'Union européenne.
L'accord signé à Stockholm le 4 novembre 2009 par les deux pays prévoit l'établissement d'un tribunal spécifique pour mettre un terme au différend entre les deux Etats. Instruit par la situation chypriote, toujours irrésolue 7 ans après l'entrée de Nicosie dans l'Union européenne, Bruxelles tient impérativement à finaliser le règlement du conflit entre la Slovénie et la Croatie avant que cette dernière rejoigne l'Union européenne.
L'évolution de la Croatie sera surveillée de près par les Européens qui, en cas de non respect des engagements pris, pourront adresser aux autorités croates des avertissements qui pourraient éventuellement être suivies de sanctions (par exemple le gel des fonds européens).
Le 9 décembre dernier, lors de la signature du traité d'adhésion, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a chaleureusement accueilli la Croatie "au sein de la famille européenne" déclarant "L'adhésion de la Croatie prouve à toute la région que par le travail, la ténacité, le courage politique et la détermination, l'entrée dans l'Union européenne est accessible". Il a toutefois précisé que le traité d'adhésion ne constituait pas la "fin du chemin". De même, le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, a indiqué : "Tout marathon se termine par un sprint final. Il est important que nous puissions franchir la ligne d'arrivée le 1er juillet 2013".
Jusqu'au 1er juillet 2013, date de son adhésion pleine et entière, Zagreb bénéficiera d'un statut d'observateur au sein des institutions européennes. La Croatie enverra 12 députés au Parlement européen qui pourront participer aux sessions et au travail des commissions, mais ne seront pas autorisés à voter.
La campagne électorale du référendum
La signature du traité d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne parachève une ambition nationale de longue date. Cependant, la crise économique a quelque peu terni l'enthousiasme des Croates. De même, en raison des difficultés que traverse l'Union européenne, Zagreb pourrait ne pas connaître avant son accession le boom économique qu'ont vécu les précédents pays candidats. La situation actuelle de l'Union pourrait avoir un effet sur les résultats du référendum du 22 janvier prochain. "Nous avons reçu peu de fonds européens, notamment pour ce qui concerne le développement rural, l'agriculture et les transports ferroviaires, mais la Pologne qui avait été dans le même cas a beaucoup reçu du Fonds de cohésion après son entrée dans l'Union" répète la ministre des Affaires étrangères Vesna Pusic. La Croatie devrait recevoir 3,5 milliards € au titre des fonds structurels européens sur 2 ans, à partir de son adhésion en 2013.
La grande majorité des partis politiques sont favorables à l'adhésion à l'Union européenne.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Ipsos Puls pour la chaîne de télévision Nova TV et publiée le 27 décembre dernier, 60% des Croates s'apprêtent à voter en faveur de l'adhésion de leur pays à l'Union européenne. Un tiers des électeurs (33%) envisageraient de se prononcer contre et 7% sont toujours indécis quant à leur vote.
Le Premier ministre Zoran Milanovic a indiqué que la question posée aux Croates sera formulée simplement : Etes-vous pour ou contre l'appartenance de la Croatie à l'Union européenne ?
Si les Croates disent "oui" le 22 janvier, leur pays sera, après la Slovénie, la 2e des 6 anciennes républiques de l'ex-Yougoslavie à rejoindre l'Union européenne.
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