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Elections législatives en République Tchèque, 14-15 juin 2002. Le point à sept jours du scrutin

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

16 juin 2002
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Vingt-neuf formations politiques seront présentes aux élections législatives en République tchèque, un record dans la brève histoire du pays. Aux élections de 1994, les électeurs avaient le choix entre treize partis, seize lors du dernier scrutin de 1998. Rappelons que la République tchèque a compté jusqu'à deux cents formations politiques au début des années quatre-vingt-dix, juste après la Révolution de velours de 1989. L'inflation du nombre de partis en lice pour ces élections s'explique par la modification de la loi électorale votée par le Parlement au début de l'année 2002. Alors qu'auparavant, chaque parti devait déposer 200 000 couronnes par région où il présentait des candidats et qu'un score minimum de 3% des suffrages était requis pour obtenir une subvention de l'Etat, le dépôt est aujourd'hui limité à 15 000 couronnes et chaque parti ayant atteint 1,7% des voix recevra cent couronnes par voix.

Parmi les vingt-neuf formations se présentant devant les électeurs, seules cinq d'entre elles ont de véritables chances de recueillir les 5% de suffrages requis pour siéger à la Chambre basse du Parlement. Il s'agit des deux grands partis majoritaires, le Parti social démocrate (CSSD) situé au centre gauche et le Parti démocrate civique (ODS), formation de centre droit, ainsi que de trois autres formations dont deux sont actuellement représentées à la Chambre basse : le Parti communiste de Bohème et Moravie (KSCM) et les deux partis membres de la Coalition, l'Union chrétienne démocrate-Parti tchèque du peuple (KDU-CSL), formation de centre gauche ; l'Union de la Liberté- Union démocratique (US-DEU), située au centre droit.

Les vingt-quatre autres partis rassemblent de petites formations implantées depuis déjà quelques années comme le Parti vert (SZ), créé en 1990 et qui a recueilli 1,12% des suffrages aux dernières élections législatives de 1998 ; les Républicains de Miroslav Sladek (RMS), formation d'extrême droite née en 2000 de l'éclatement du Parti républicain de la République tchèque (SRP-RSC) dont Miroslav Sladek était déjà le leader et qui a obtenu 3,9% des voix en 1998, ou encore le Parti de la sécurité (SZJ) formé en 1989 et qui défend les intérêts des retraités (3,06% des suffrages en 1998). Deux formations sont extrêmement récentes : L'Espoir (Nadeje), créé en janvier 2002 et dirigé par Monika Pajerova, leader étudiante de la Révolution de velours de 1989, regroupe des intellectuels et des citoyens qui condamnent la logique partisane et se prononcent en faveur d'une « troisième voie » de gouvernement. Autre parti créé en octobre 2001, la Voie du changement (CZ), dirigé par Jiri Lobkowicz, est une formation libérale de centre droit, militant activement pour l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne.

Dernières enquêtes d'opinion

Si les deux principaux instituts de sondages donnent l'ODS vainqueur du scrutin, les jeux sont loin d'être faits. Le taux d'abstention devrait atteindre 25 à 30%. Concernant le choix des électeurs, la dernière enquête de l'institut STEM du 22 mai accorde soixante-trois sièges pour 27,1% d'intentions de vote au Parti démocrate civique (en chute de 3,1% par rapport aux sondages de mi mai) et soixante et un sièges pour 26,4% à son principal rival le CSSD (en chute de 6,9%). Derrière ces deux grandes formations, la Coalition (KDU-CSL et US-DEU) remporterait quarante et un sièges et 18% (+ 3,1%) et le Parti communiste trente-cinq sièges et 15,1% (+ 1,4%). Enfin, la Voie du changement (CZ) et le Parti de la sécurité (SZJ) recueilleraient chacune 1,7% des voix et seraient donc en-dessous des 5% minimum pour être représentés au Parlement. Le parti de Jiri Lobkowicz attire essentiellement des primo votants et les abstentionnistes aux derniers scrutins nationaux. L'autre grand institut, le TNS Factum (Taylor Nelson Sofres Factum) dans un sondage du 29 mai, accorde 28,7% d'intentions de vote à l'ODS et 26,9% au CSSD, le Parti communiste et la Coalition recueillant chacun 15,9% des voix.

A une semaine du scrutin, les sondeurs sont perplexes constatant une extrême volatilité de l'électorat. Le CSSD a ainsi gagné 6,5% d'intentions de vote la deuxième semaine de mai, passant pour la première fois de la campagne devant l'ODS, avant de chuter de 6,9% la semaine suivante. A ce jour, un tiers des électeurs déclarent ne pas avoir encore fait leur choix ; des indécis qui sont généralement plus enclins à voter finalement pour le Parti social démocrate. Selon Alena Nedoma, directeur exécutif du bureau de Prague de l'institut Gallup, le travail des sondeurs politiques est rendu difficile par le caractère récent de la démocratie tchèque, un cas de figure que l'on retrouve dans l'ensemble des pays ex-communistes de l'Est de l'Europe. « Les partis et les programmes ne sont pas stables et les électeurs ont des pratiques électorales différentes de ceux des démocraties plus anciennement installées, passant ainsi plus aisément et plus rapidement d'un parti à l'autre » déclare t-il. Pour cette raison, Gallup a choisi de ne pas publier d'enquêtes d'opinion sur les élections tchèques. En avril dernier, l'institut avait, comme la majorité de ses confrères, pronostiqué la victoire du FIDESZ de Viktor Orban aux élections législatives de Hongrie, scrutin finalement remporté par le Parti socialiste (MSZP).

La campagne électorale

Coup dur pour le Parti démocrate civique, le 28 mai dernier, Jan Kasl, maire ODS de Prague et figure politique importante de la République tchèque, a annoncé sa démission de son poste de maire et son départ du parti dirigé par Vaclav Klaus. Celui-ci a réagi très violemment à ce qu'il a appelé un « second Sarajevo » en référence à la démission collective de plusieurs des membres de son parti en 1997, démission qui avait conduit à la chute de son gouvernement. Le leader de l'ODS a qualifié la décision de Jan Kasl de « trahison déshonorante ». L'ex maire de la capitale a expliqué son geste par les difficultés rencontrées au sein de son équipe municipale ainsi que par son profond désaccord avec les propos de Vaclav Klaus sur l'immigration, propos qu'il juge similaires à ceux que tient Jean-Marie Le Pen en France. Vaclav Klaus mène en effet une campagne très nationaliste, faisant une large place à l'immigration qui, selon lui, « ne doit pas être un sujet tabou », en référence aux « problèmes croissants » posés par les demandeurs d'asile. Le thème de la sécurité est également privilégié par le Parti démocrate civique qui souhaite augmenter le nombre de policiers dans les rues, allonger les sanctions pénales et enfin réduire le pouvoir du Président de gracier des condamnés.

De son côté, la campagne du Parti social démocrate est très orientée à gauche. La plate-forme du parti développe de nombreux thèmes sociaux comme la création de 200 000 emplois dans les quatre ans à venir, la gratuité des soins pour les personnes de plus de soixante-dix ans, les handicapés et les malades chroniques, la construction de 45 000 logements par an durant cinq ans, le maintien du montant des retraites, un accroissement de l'imposition des personnes à hauts revenus, des facilités de prêt pour les moins de trente-six ans souhaitant devenir propriétaires ou encore la suppression du service militaire à l'horizon de 2006. Cependant, le CSSD doit aujourd'hui répondre de son action gouvernementale des quatre dernières années. Les leaders du parti reconnaissent eux-mêmes leur échec dans la lutte contre la corruption, fléau qui gangrène le pays, la République tchèque étant l'une des nations les plus corrompues d'Europe. Les sociaux-démocrates ont également échoué à mener à leur terme les privatisations prévues, excepté celle du secteur bancaire, et creusé de façon considérable le déficit public qui devrait atteindre cette année une ampleur record en s'élevant à cinquante milliards de couronnes.

Depuis 1989, le Parti communiste, que beaucoup avaient cru appelé à disparaître rapidement après la Révolution de velours, améliore son score à chaque scrutin législatif. Le KSCM pourrait même, selon les sondages, se maintenir comme troisième force politique de la Chambre basse du Parlement. Le parti fait campagne sur la semaine de trente-cinq heures, la création de 300 000 emplois, la construction de 30 000 logements par an, le retrait de la République tchèque de l'OTAN et la tenue d'un référendum sur l'entrée du pays dans l'Union européenne. S'il n'y a aucune chance qu'en cas de victoire, le Parti social démocrate n'invite le Parti communiste à former une coalition, le KSCM a cependant peu à peu perdu son statut de paria au sein de la classe politique tchèque. Récemment, les députés communistes ont d'ailleurs été invités à participer au groupe de travail parlementaire autour de la proposition de résolution sur les décrets Benes, un événement encore inimaginable il y a seulement quelques années.

En définitive, aucun des deux grands partis ne semblant être en mesure de gouverner seul, la Coalition pourrait bien détenir la clé des élections législatives tchèques. La Coalition actuelle a succédé à la précédente Coalition des Quatre (4K), qui rassemblait l'Union chrétienne démocrate-Parti tchèque du peuple (KDU/CSL), l'ODA (Alliance démocratique civique), l'US (Union de la Liberté) et le DEU (Union démocratique), formée en septembre 2000 et dissoute en février 2002 après être devenue la première force politique du Sénat et alors qu'elle était en tête des sondages électoraux avec 31% d'intentions de vote. La Coalition s'est donc reformée sans l'ODA. Elle mène campagne pour l'élection du Président de la République (qui se tiendra au début de l'année 2003) au suffrage universel direct ainsi que pour l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne. Si les sociaux-démocrates se sont déclarés ouverts à toute proposition de coalition à l'exception d'une alliance avec le Parti communiste, Vladimir Spilda, actuel vice-Premier ministre et leader du CSSD, a récemment affirmé que sa préférence va à une coalition avec le KDU-CSL de centre gauche. Une nouvelle coalition du CSSD avec l'ODS n'est toutefois pas à exclure même si beaucoup de militants des deux partis se prononcent contre et si Vladimir Spilda, vient de déclarer qu'il ne serait jamais membre d'un gouvernement dirigé par Vaclav Klaus. Vladimir Mlynar (US-DEU) a affirmé que son parti était favorable à une alliance avec le CSSD mais il a été aussitôt contredit par Hana Marvanova, leader du parti, qui s'est prononcée en faveur d'un gouvernement de centre droit. Quant à Karel Künhl de l'Union de la Liberté, il s'est déclaré ouvert à toute proposition déclarant que le CSSD et l'ODS étaient chacun des partenaires possibles pour une coalition.

On le voit, à une semaine du scrutin, presque tous les scénarios de coalition gouvernementale sont envisageables. Alors qu'un tiers des électeurs n'ont pas encore fait leur choix, le Parti démocrate civique qui ne possède qu'une légère avance sur le Parti social démocrate n'a pas victoire acquise. Les scores de la Coalition et, pourquoi pas, du Parti communiste pourraient également réserver des surprises. Il faudra donc attendre les 15 et 16 juin pour savoir par qui les Tchèques seront dirigés durant les quatre années à venir.

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