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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le candidat du Parti socialiste (PS), François Hollande, est arrivé en tête du 1er tour de l'élection présidentielle française le 22 avril. Il a recueilli 28,63% des suffrages, devançant le président de la République sortant, Nicolas Sarkozy (Union pour un mouvement populaire, UMP), qui a obtenu 27,18% des voix. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, un chef de l'Etat sortant échoue à arriver en tête du 1er tour du scrutin.
La candidate du Front national (FN), Marine Le Pen, est arrivée en 3e position. Avec 17,9% des suffrages, elle réalise un résultat supérieur à celui qu'avait recueilli son père Jean-Marie lors du 1er tour de l'élection présidentielle du 21 avril 2002 (16,86% des voix). La candidate du FN devance Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche, FG) qui a recueilli 11,1% des voix, un résultat inférieur à celui que lui prédisaient les enquêtes d'opinion. De même, François Bayrou (Mouvement démocrate, MoDem) n'est pas parvenu à passer la barre des 10% et a obtenu 9,13% des suffrages.
Les autres candidats font moins de 5% des voix : Eva Joly (Europe écologie-Les Verts, EELV) 2,31% des voix, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République, DLR), 1,79%, Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste, NPA), 1,15% ; Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière, LO), 0,56% et enfin Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès, S&P), 0,25%.
La participation a été élevée et s'est établie à 79,47%, au-dessous de celle – exceptionnelle – enregistrée le 22 avril 2007 mais parmi les plus hautes de la Ve République. Alors que l'abstention croît régulièrement depuis plusieurs années à chaque scrutin intermédiaire, l'élection présidentielle reste donc capable de mobiliser les électeurs et conserve son statut d'exception en France.
"Ce soir, je deviens par le vote des Français le candidat de toutes les forces, de ceux qui veulent tourner une page et en ouvrir une autre. Je suis aussi le candidat du rassemblement de tous les citoyens attachés à une République enfin exemplaire, soucieux de l'impartialité de l'Etat, de tous les Français qui veulent que l'intérêt général prenne le dessus" a déclaré François Hollande à l'annonce des résultats. Le socialiste s'est fixé plusieurs objectifs : "D'abord réussir une alternance qui redonne confiance. Ensuite répondre aux inquiétudes légitimes, aux colères nombreuses (chômage, précarité, amputation du pouvoir d'achat, insécurité). Ma dernière responsabilité, c'est de réorienter l'Europe sur le chemin de la croissance et de l'emploi". Il a également exprimé sa satisfaction devant la participation et son inquiétude face au résultat du Front national : "C'est un nouveau signal qui appelle un sursaut dans la République et une compréhension non pas des colères simplement mais de ce qui travaille notre pays dès lors qu'il n'est pas porté avec fierté sur ce qui doit l'élever et où il est parfois amoindri" a-t-il souligné.
Le candidat socialiste s'est donc voulu rassembleur et, après avoir reçu le soutien d'Eva Joly (EELV) et de Jean-Luc Mélenchon (FG), semble aborder en confiance le 2e tour le 6 mai prochain. "Grâce à vous, le changement est désormais en marche et rien ne l'arrêtera. Il dépend du peuple français et le choix est simple : continuer une politique qui a échoué avec un sortant qui a divisé ou aller vers le redressement de la France dans la justice avec un candidat qui rassemblera" a indiqué François Hollande. "Le 6 mai, je veux une victoire, une belle victoire, pour la France et son avenir" a-t-il conclu.
Avant le 22 avril, il avait déclaré : "Il n'y a pas de place dans une élection présidentielle pour une négociation entre partis. Pas de troc, de concession, d'échanges. Je suis socialiste. J'ai à rassembler la gauche. Et à m'adresser aux Français qui veulent le changement. Je l'ai dit, il n'y aura pas de tractations ni de négociations. C'est sur le projet que j'ai présenté au 1er tour que j'irai vers les Français au 2e. En revanche, si les Français me portent au 2e tour, je m'adresserai à tous les électeurs. Chaque vote du 1er tour méritera d'être compris". Il a de nouveau rejeté la proposition du président de la République sortant de se retrouver autour de plusieurs débats télévisés. "Si je suis au 2e tour, il y aura un grand débat, c'est tout" a affirmé François Hollande. Celui-ci aura lieu le 2 mai prochain.
Le président sortant, devancé par le candidat du PS, n'est pas parvenu à créer une dynamique et, disposant de faibles réserves, se retrouve donc a priori en moins bonne position pour le 2e tour. La relative faiblesse de Jean-Luc Mélenchon ne constitue pas une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy qui aura du mal à présenter François Hollande comme l'otage de la gauche radicale. En outre, le résultat élevé de Marine Le Pen témoigne de son échec, en dépit d'une campagne électorale à droite, à attirer sur son nom les électeurs du FN.
"J'appelle tous ceux qui refusent la fuite en avant dans les dépenses publiques sans aucun contrôle et qui ne veulent pas que la France connaisse le sort de tant de nos voisins européens aujourd'hui emportés par la crise. J'accueillerai tous ceux qui souhaitent se rassembler autour de mon projet, je le ferai sans aucun esprit partisan, c'est à tout le peuple français que je veux parler" a t-il déclaré après l'annonce des résultats. Un véritable défi attend le président sortant pour le 2e tour : rassembler à la fois les électeurs de Marine Le Pen et ceux de François Bayrou, soit deux électorats qui ont peu, voire pas, de points communs et donc in fine parvenir dans un même mouvement à continuer une campagne très à droite et à amorcer un recentrage.
Nicolas Sarkozy parie sur le fait qu'une nouvelle campagne s'ouvre. Il devrait également poursuivre sur le thème qu'il avait entonné, à savoir tenter de faire du scrutin un "référendum sur François Hollande" et instiller le doute sur la stature et la crédibilité de son adversaire et le faire apparaître comme dépourvu des compétences indispensables pour accéder à la magistrature suprême.
Marine Le Pen a réussi son pari en faisant mieux que son père Jean-Marie lors du 1er tour de l'élection présidentielle du 21 avril 2002. "Cela m'ennuierait de faire moins que les 16,86% de suffrages atteints par Jean-Marie Le Pen en 2002. Ce serait un recul" avait-elle déclaré avant le 1er tour. La progression du FN est encore plus impressionnante si on la mesure en voix : Marine Le Pen a en effet recueilli 6 344 097 suffrages. Il y a dix ans, Jean-Marie Le Pen avait obtenu 4 804 713 voix au 1er tour et 5 525 032 le 5 mai 2002.
Si elle échoue à se qualifier pour le 2e tour, la candidate du FN parvient cependant à positionner son parti comme une force désormais incontournable à droite qui pourrait être un acteur important dans la perspective où Nicolas Sarkozy serait battu par François Hollande le 6 mai prochain. Le FN étend son influence sur l'ensemble du territoire français, y compris sur celles où il réalisait jusqu'alors des résultats au-dessous de sa moyenne nationale.
Le résultat de Marine Le Pen, qui s'est présentée durant toute la campagne comme la seule "candidate antisystème", lui permet d'envisager avec une certaine confiance les élections législatives des 10 et 17 juin prochains (Marine Le Pen sera candidate dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais). Le FN pourrait recueillir dans de nombreuses circonscriptions des résultats lui permettant de se maintenir au 2e tour de scrutin, ce qui pourrait constituer un handicap important pour l'UMP.
Marine Le Pen ne devrait pas appeler à voter pour Nicolas Sarkozy, ni pour François Hollande le 6 mai prochain. Quant à ses électeurs, selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Sofres pour itélé et publiée le 13 avril dernier, la moitié (51%) se prononceraient pour Nicolas Sarkozy ; 20% choisiraient le bulletin François Hollande et 29% préfèreraient l'abstention.
Révélation de la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est certainement déçu par son résultat. Victime en partie du vote utile à gauche qui a fait se rassembler les proches de cette tendance politique autour du candidat socialiste dès le 1er tour, il a échoué notamment dans son désir de devancer Marine Le Pen. Reconnu comme un grand tribun, il a su, en articulant son discours sur les inquiétudes des Français face à la mondialisation, redonner vie à une culture politique communiste, très à gauche et protestataire. "Le Front de gauche n'est ni à vendre, ni à acheter, ni à domestiquer" a-t-il déclaré en appelant à voter "pour battre Nicolas Sarkozy" le 6 mai. Il se montre toutefois confiant quant à l'avenir de son mouvement. "La crise du capitalisme est loin d'être finie, la crise écologique est toujours là. Je suis absolument certain qu'inéluctablement, nous serons au pouvoir avant dix ans. Notre objectif, c'est la conquête du pouvoir et la transformation radicale de la société" a-t-il déclaré.
François Bayrou n'est pas parvenu à rééditer son résultat du 22 avril 2007 et ne sera donc pas le faiseur de roi de cette élection présidentielle. Si le leader du MoDem a régulièrement indiqué que Nicolas Sarkozy incarnait "la division" et François Hollande "l'illusion", il a cependant affirmé qu'il s'adresserait aux deux candidats du 2e tour et ferait "un choix" avant le 6 mai prochain.
Dans l'enquête d'opinion de la Sofres, 43% des électeurs de François Bayrou déclarent souhaiter voter pour François Hollande au 2e tour du 6 mai ; un tiers (33,5%) disent préférer Nicolas Sarkozy et un quart (24%) envisagent de choisir l'abstention.
Après dix années de gouvernement à droite et dans un contexte de crise économique qui rend la reconduction des gouvernants sortants difficile, la France semble se préparer à l'alternance. A l'issue du 1er tour de l'élection présidentielle, François Hollande (PS) conserve sa position de favori qui est la sienne depuis le début de la campagne. Nicolas Sarkozy (UMP) ne sera cependant pas un adversaire facile et luttera sans aucun doute jusqu'au bout pour s'imposer. Une nouvelle campagne de 2e tour s'ouvre dont le débat télévisé du 2 mai sera un moment fort.
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