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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
4,3 millions de Slovaques vont renouveler les 150 membres du Conseil national de la République (Narodna rada Slovenskej republiky), chambre unique du Parlement, lors d'élections législatives anticipées qui se tiendront le 10 mars prochain. Le scrutin est consécutif au vote de défiance des députés à l'encontre du gouvernement de la Premier ministre Iveta Radicova (Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique, SDKU-DS) le 11 octobre dernier. 26 listes de candidats sont en lice pour ce scrutin qui se caractérise par un nombre record de candidats (52) ayant décidé de quitter la liste du parti sur lequel ils étaient inscrits au cours des dernières semaines. Le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (OL'aNO) d'Igor Matovic est le plus touché par ce phénomène : 30 des ses candidats se présentent désormais en indépendants.
728 Slovaques résidant à l'étranger se sont inscrits pour remplir leur devoir civique par correspondance. Ils étaient 570 lors du dernier scrutin législatif du 12 juin 2010. La majorité des Slovaques expatriés vivent en République tchèque voisine ; ils sont également nombreux aux Etats-Unis, au Canada. Milan Vetrak, chef du bureau des Slovaques de l'étranger (USZZ), s'attend à une participation des expatriés plus forte qu'il y a 2 ans, en réaction à la chute du gouvernement d'Iveta Radicova qui a été particulièrement mal perçue par cette partie de la population.
Le référendum que le Parti national (SNS) voulait organiser le même jour que les élections législatives sur la langue slovaque (il souhaitait que le slovaque soit reconnu comme la seule langue officielle du pays) ne sera pas organisé. Pour beaucoup d'analystes politiques, cette consultation populaire aurait été anticonstitutionnelle, l'utilisation des langues minoritaires dans la communication officielle étant considérée par la Loi fondamentale slovaque comme l'une des libertés et des droits fondamentaux. Ainsi, l'affichage bilingue est obligatoire dans les communes du pays dont au moins 20% des habitants appartiennent à une minorité.
La campagne officielle a débuté le 18 février dernier. A une semaine du scrutin, l'opposition de gauche, représentée par Direction-Démocratie sociale (SMER-SD), parti dirigé par l'ancien Premier ministre (2006-2010), Robert Fico, reste le grand favori des enquêtes d'opinion.
L'affaire Gorilla, nom d'une opération des services de renseignements slovaques qui a été rendue publique en décembre dernier avec la publication de documents secrets et la mise en ligne d'enregistrements de conversations sur Internet datant des années 2005 et 2006, figure désormais au cœur de la campagne électorale. Les enregistrements ont révélé les liens du monde de la politique avec celui des affaires. Les conversations de Jaroslav Hascak, président du groupe financier Penta, avec plusieurs hommes politiques, dont Jirko Malcharek (Alliance du nouveau citoyen, ANO), ministre de l'Economie de l'époque (2005-2006), font état de versements de pots-de-vin et de blanchiment d'argent lors de la privatisation d'entreprises. Elles contiennent également des informations – corroborées par d'autres renseignements – sur le financement des principaux partis politiques du pays. L'Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique (SDKU-DS) de la Premier ministre sortante Iveta Radicova, qui était au pouvoir en 2005-2006, est la première victime de ce scandale, notamment par le biais de l'actuel leader du parti, ministre des Affaires étrangères sortant et ancien Premier ministre (1998-2206), Mikulas Dzurinda et du ministre des Finances Ivan Miklos. Les autres partis ne sont toutefois pas épargnés même si le leader de l'opposition Robert Fico (SMER-SD) évite consciencieusement d'évoquer l'affaire (les enregistrements révèlent qu'il a rencontré le président de Penta, Jaroslav Hascak).
Un tribunal de Bratislava a interdit la publication du livre écrit sur l'affaire Gorilla par Tom Nicholson, journaliste slovaco-canadien qui a été le premier à révéler le scandale, à la demande du président de Penta Jaroslav Hascak qui affirmait que l'ouvrage menaçait la protection de ses droits. Le livre circule toutefois librement sur Internet et son interdiction constitue certainement sa meilleure publicité. Dans cette affaire, personne ne semble plus rien contrôler ces derniers temps, pas plus le pouvoir politique que les milieux d'affaires ou même les médias et tous se retrouvent éclaboussés par le scandale qui accroît la défiance et la désillusion, déjà élevées dans le pays, de la population slovaque à l'égard de ses élites. Plusieurs manifestations ont été organisées au cours des dernières semaines pour dénoncer les malversations mises à jour par l'affaire Gorilla à Bratislava mais également en province, par exemple à Poprad et à Prievidza. Un nouveau rassemblement doit avoir lieu la veille des élections législatives le 9 mars.
Liberté et solidarité (Sloboda a Solidarita, SaS), membre du gouvernement sortant, est soupçonné par beaucoup d'être à l'origine de la publication du dossier Gorilla. Le leader du parti, Richard Sulik, évoque une "alliance de vieilles structures corrompues". Son parti, créé en 2008 et qui n'existait donc pas à l'époque de l'affaire, est en effet le seul (avec le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes) à ne pas être éclaboussé par le scandale et pourrait en tirer profit lors du scrutin législatif. SaS figure d'ailleurs parmi les critiques les plus virulents des responsables politiques et des partis mis en cause dans l'affaire. Le parti de Richard Sulik a toutefois été affecté par un scandale : l'ancien ministre de la Défense Lubomir Galko (SaS) a ainsi été contraint à la démission le 23 novembre 2011 après qu'il a été révélé qu'il avait fait espionner un journaliste par les services secrets. En outre, Richard Sulik a été mis en cause après la mise en ligne le 23 février dernier de l'enregistrement de sa conversation avec l'homme d'affaires Marian Kocner. Il ressort de celle-ci que le leader de SaS souhaitait (avant la chute du gouvernement le 11 octobre dernier) remplacer la Premier ministre Iveta Radicova par le ministre des Finances Ivan Miklos. L'homme politique dévoile également à Marian Kocner que plusieurs députés membres de partis appartenant à la coalition gouvernementale se sont vus offrir la somme de 300 000 € chacun pour voter en faveur de Dobrosla Trnka, candidat à sa réélection au poste de procureur général, en décembre dernier. Alors que l'un de ces députés était membre de SaS, Richard Sulik n'avait pas jugé bon d'en informer les services de police. Il a présenté ses excuses après la mise en ligne de l'enregistrement et promis que de telles choses ne se reproduiraient plus. Richard Sulik s'est également engagé à renoncer à son mandat de député s'il ne recueillait pas le plus grand nombre de votes préférentiels sur son nom le 10 mars prochain.
Les derniers scandales politico-financiers touchent davantage les membres et les sympathisants des partis de droite. Sur ce côté de l'échiquier politique, une nouvelle génération, moins favorable à l'Union européenne et plus radicale, est en train d'émerger et ses membres pourraient accéder rapidement à des postes de responsabilité. Le leader du SDKU-DS, Mikulas Dzurinda, a déclaré qu'il n'envisageait pas de quitter la tête de son parti, qui tient habituellement un congrès dans les 6 mois suivants des élections législatives ; à cette occasion, son leadership pourrait être remis en cause, notamment si le parti échoue à entrer au parlement le 10 mars prochain.
Lucia Zitnanska, ministre de la Justice sortante, a déclaré que si le SDKU-DS était évincé du Conseil national de la République, Mikulas Dzurinda devrait démissionner de son poste. Elle a d'ores et déjà annoncé qu'elle pourrait se présenter à sa succession et plusieurs leaders régionaux du parti – Ondrej Matej de la région de Presov et Martin Fedor de celle de Trencin – lui ont publiquement exprimé leur soutien.
Les principaux partis politiques slovaques ont signé avec trois organisations non gouvernementales – Transparency International Slovaquie, l'Institut pour les réformes économiques et sociales (INEKo) et l'Institut pour la gouvernance de la Slovaquie (SGI) – un texte les engageant à améliorer la transparence dans leur financement. Le texte met en avant 7 mesures, dont 6 sont des recommandations du Conseil de l'Europe. Le Parti populaire-Mouvement pour une Slovaquie démocratique (LU-HDZ) de Vladimir Meciar et le Parti national slovaque (SNS) ont refusé de signer ce pacte.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut MVK, Direction-Démocratie sociale (SMER-SD) devrait arriver largement en tête du scrutin avec 40,6% des suffrages, soit 84 sièges. Il serait suivi du Mouvement chrétien-démocrate (KDH), qui serait donc le premier parti de droite avec 12,7% des voix (26 sièges). Le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes recueillerait 7% (15 sièges), Liberté et solidarité (SaS) 6,1% (13 sièges) et Most-Hid 5,9% (12 sièges). Trait marquant de ce sondage : l'Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique(SDKU-DS) n'obtiendrait pas le minimum de 5% des suffrages exprimés indispensable pour être représenté au parlement. Le Parti de la coalition hongroise (SMK) de Pal Csaky et le Parti national seraient dans le même cas.
Par ailleurs, selon une autre enquête d'opinion réalisée par l'institut MVK, le leader de l'opposition Robert Fico est aux yeux des Slovaques l'homme politique le plus crédible du pays (37,1%). La Premier ministre sortante Iveta Radicova arrive en 2e position avec 18,2% et le président de la République Ivan Gasparovic à la 3e place (14,3%). En revanche, interrogés sur les politiciens les moins crédibles, les Slovaques citent en premier Mikulas Dzurinda auquel plus de la moitié de ses concitoyens (52,6%) dénient toute crédibilité. Le leader du SKDU-DS devance le leader d'extrême droite Jan Slota (SNS) qui obtient 34,4%.
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