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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Le 31 octobre dernier, le Premier ministre George Papandreou (Mouvement socialiste panhellénique, PASOK) annonçait l'organisation d'un référendum sur le plan de sauvetage de la Grèce voté par l'Union européenne le 27 octobre à Bruxelles pour sortir la Grèce de son surendettement en imposant au pays une tutelle économique et une cure d'austérité renforcées. L'annonce avait provoqué stupeur et indignation en Grèce et dans toute l'Europe, fait dévisser les bourses européennes, américaines et asiatiques et surpris les marchés financiers.
"La chose est suicidaire" avait déclaré Michalis Matsourakis, chef économiste de la banque grecque Alpha Bank, qui voyait dans l'annonce du référendum une tentative de George Papandreou de sortir de sa solitude et de la crise politique qui minait le pays en acculant les partis de l'opposition qui, jusqu'alors, refusaient catégoriquement d'appuyer les mesures d'extrême rigueur prises par le gouvernement, à se positionner sur le plan européen de façon à calmer la contestation sociale liée à la brutale dégradation des conditions de vie. Le Premier ministre, qui avait de plus en plus de mal à obtenir le soutien des membres du PASOK ou des ministres de son gouvernement, avait dès juin 2011 proposé à l'opposition de s'unir au PASOK pour former un gouvernement de coalition. La droite avait opposé une fin de non recevoir à cette proposition.
Les autorités européennes ont vu dans l'annonce de George Papandréou un coup de poker qui menaçait le plan de sauvetage sur lequel les partenaires européens d'Athènes s'étaient difficilement mis d'accord. "George Papandreou a mal calculé les réactions internationales, ce qui montre qu'il était en panique" avait déclaré le politologue Georges Sefertzis.
Le 9 novembre, George Papandréou est finalement contraint à la démission. Il est remplacé deux jours plus tard par Lucas Papademos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne et ancien président de la Banque centrale grecque. Il forme un gouvernement d'union nationale résultant d'un accord entre 3 partis politiques : le PASOK, Nouvelle démocratie (ND) et le parti d'extrême droite de l'Alarme orthodoxe populaire (LAOS). Le nouveau Premier ministre est un expert reconnu qui rassure les créanciers et les partenaires de la Grèce, ainsi qu'un fin connaisseur des institutions européennes. Il a pour mission de sauver le pays de la faillite et d'éviter sa sortie de l'euro et en appelle à "l'unité et la coopération de l'ensemble des partis" pour mener sa tâche à bien. Deux vice-présidents de Nouvelle démocratie, l'ancien commissaire européen à l'Environnement (2004-2010) Stavros Dimas et l'ancien maire d'Athènes, Dimitris Avramopoulos, font leur entrée au gouvernement. ND détient désormais 6 postes dans la nouvelle équipe. Le LAOS compte 4 ministres, une première dans l'histoire du pays. Le ministre sortant des Finances, Evangelos Venizelos (PASOK), est maintenu à son poste.
"J'assume la responsabilité au moment le plus difficile de l'histoire moderne du pays. Tout seul, je ne peux pas y arriver. Malgré les sacrifices du peuple, l'évolution de la crise est toujours incertaine" souligne Lucas Papademos devant la Vouli (Parlement) le 14 novembre. Le nouveau Premier ministre, qui a renoncé à son salaire, recueille une majorité de 255 voix, contre 38 et 7 abstentions. Le Parti communiste (KKE) et la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) qualifient le gouvernement d'anticonstitutionnel et d'illégitime et demandent l'organisation d'élections législatives anticipées.
Le gouvernement de Lucas Papademos avait pour mission d'achever l'opération d'effacement d'une partie de la dette du pays et d'assurer la mise en place du 2e plan de sauvetage de la zone euro. "Son mandat doit se terminer le 12 avril (date à laquelle l'échange des obligations de l'accord sur la restructuration de la dette grecque sera achevé)" a annoncé le porte-parole du gouvernement, Pantelis Kapsis. Le Premier ministre a toujours indiqué qu'il ne souhaitait pas servir les deux ans restants de la mandature. "Les objectifs fixés pour ces 5 derniers mois (à savoir l'échange d'une partie de la dette avec les créanciers privés destiné à effacer plus de 100 milliards € de dette du pays et empêcher la faillite) ont été atteints" a déclaré Antonis Samaras, leader de Nouvelle démocratie.
Le 11 avril dernier, le Premier ministre Lucas Papademos a annoncé que les prochaines élections législatives auraient lieu le 6 mai. Les partenaires européens de la Grèce craignent que ce scrutin bénéficient aux partis extrémistes (de droite et de gauche) ou radicaux qui sont hostiles au plan de sauvetage et auraient préféré que les élections soient repoussées. Une enquête d'opinion montre que la "punition" des responsables de la crise constitue la motivation principale de la majorité des Grecs (41,9%) pour se rendre aux urnes le 6 mai. Un peu plus d'un quart des électeurs (29,5%) déclarent qu'ils donneront leur suffrage au parti qui leur semblera le plus compétent pour sortir le pays de la crise et 21,7% qu'ils voteront en faveur de celui le plus à même de former un gouvernement stable et de mener à bien les réformes nécessaires.
Une crise économique d'ampleur historique
Quelques semaines après la victoire du PASOK aux élections législatives du 4 octobre 2009 avec le slogan "De l'argent, il y en a !" (Lefta uparxoun !), le nouveau Premier ministre George Papandreou révèle que le déficit de la Grèce s'élève à 12,7% du PIB - au lieu de 6% annoncés par le précédent gouvernement conduit par Costas Caramanlis (ND). La falsification des comptes publics par les précédents gouvernements est mise à jour et remet en question la transparence de la Grèce vis-à-vis de ses partenaires européens. La confiance des marchés est mise à mal et les agences de notation dégradent la note de la Grèce, contribuant à augmenter les taux d'intérêt auxquels Athènes peut emprunter de l'argent. George Papandreou présente alors son premier plan de rigueur destiné à faire baisser le déficit du pays sous la barre de 3% du PIB. Début 2010, la Commission européenne place la Grèce sous surveillance et les chefs d'Etat et de gouvernements européens assurent Athènes de leur soutien. En avril 2010, le pays se retrouve néanmoins en cessation de paiement et incapable de régler le service de sa dette. George Papandreou est contraint de demander officiellement l'aide de Bruxelles.
En mai 2010, la Grèce reçoit du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Union européenne 110 milliards € (prêt sur 3 ans). En échange, le gouvernement doit mettre en œuvre des mesures de grande austérité destinées à réaliser 30 milliards € d'économies en 2012 (notamment par la privatisation de plusieurs entreprises publiques, l'objectif final est fixé à 50 milliards € d'ici à 2015). Les salaires de la fonction publique chutent de 25% et les pensions de retraites de 10% ; les impôts augmentent (hausse de la TVA à 23%). Le nombre de trimestres de cotisation pour le droit à la retraite croît et de nombreuses primes sont supprimées. Enfin, 30 000 fonctionnaires sont licenciés (l'objectif étant d'arriver à 100 000 sur 3 ans) et le gouvernement décide de cesser de remplacer neuf départs à la retraite sur dix dans la fonction publique.
Ce plan ne permet cependant pas à l'économie grecque de renouer avec la croissance et ne parvient pas à dissiper les craintes concernant ses finances publiques. En 2011, le déficit budgétaire est supérieur au montant escompté, la croissance plus faible qu'attendue et beaucoup des réformes structurelles prévues ne sont toujours pas mises en place. Les 26 et 27 octobre 2011, le Conseil européen décide de la mise en place d'un 2e plan d'aide de 130 milliards € en faveur d'Athènes.
Ce 2e plan a été mis en place en février 2012 dans l'urgence, la Grèce devant absolument rembourser 14,4 milliards € de bons du trésor arrivant à maturité avant le 20 mars sous peine de se retrouver en cessation de paiement. Il efface par la décote de 53,5% de la valeur nominale des obligations de l'Etat grec une partie de la dette privée (celle détenue par les banques et les fonds d'investissement) à hauteur d'au moins 107 milliards €, soit la moitié des 206 milliards € d'emprunts souscrits par les banques, les assureurs et autres fonds financiers (la dette publique totale du pays s'établit à plus de 350 milliards €, un montant revu à la hausse et un record dans histoire). Il s'agit de la plus grosse restructuration de tous les temps. Le ministre grec des Finances Evangelos Venizelos remercie alors les créanciers privés "d'avoir partagé les sacrifices du peuple grec dans un effort historique".
En contrepartie de leur perte, les banques internationales et grecques ont obtenu une garantie de 30 milliards € sur les nouveaux titres qui seront émis. Le plan de sauvetage financier s'accompagne également d'un nouveau train de mesures d'austérité : baisse de 22% du salaire minimum (586 € bruts sur 14 mois), réduction de 10% des retraites complémentaires (le déficit des caisses de retraite dépasse 4,5 milliards €). Athènes s'engage à économiser 3,3 milliards €. Les taux d'intérêt des prêts consentis à la Grèce sont diminués et les plus-values réalisées sur les créances grecques seront reversées à Athènes, de façon à faire diminuer les besoins de financement du pays (1,8 milliard € au total). Plusieurs réformes structurelles doivent être mises en place parmi lesquelles celle de l'administration publique dont les effectifs doivent être considérablement réduits et celle de la collecte des impôts pour lutter contre l'évasion fiscale (chasse aux mauvais payeurs, suppression de nombreux avantages fiscaux et création de nouveaux impôts). Le gouvernement doit également effectuer de nouvelles coupes dans les dépenses publiques. Les tarifs des services publics ont été augmentés (+ 50% pour l'électricité par exemple) et les privatisations doivent se poursuivre à un rythme plus soutenu. "En 2012, les investissements privés atteindront au moins 9 milliards €" a déclaré Lucas Papademos.
Selon les analystes financiers, si la Grèce met en œuvre les réformes prévues pour réduire son train de vie, elle devrait enregistrer en 2012, pour la première fois depuis des années, un excédent primaire (c'est-à-dire hors service de la dette) de 1,1%. L'objectif est toutefois ambitieux compte tenu de la situation actuelle de l'économie (PIB en recul de 5,5% en 2011 et prévision de baisse de 2,8% en 2012). Le gouvernement a publié ses objectifs en matière de déficit public : - 6,1% en 2013, - 5,1% en 2014 et - 4,2% en 2015. A cette date, la dette publique devra être tombée à 286 milliards €, soit 126% du PIB. "L'économie grecque va passer une année très difficile, que ce soit au niveau économique, social ou même politique. Elle s'apprête à affronter dix ans de sacrifices énormes" a indiqué Savvas Robolis, professeur d'économie à l'université Panteion d'Athènes.
L'enjeu principal de l'aide à Athènes est de ramener le taux d'endettement du pays, qui représente actuellement 160% du PIB, à 120,5% en 2020, soit un niveau jugé soutenable à long terme de façon à permettre au pays de revenir sur les marchés à moyen terme. Le budget 2012, qui comprend de nouvelles hausses d'impôts, la baisse des salaires des fonctionnaires et une réduction du nombre des salariés du secteur public, a été voté par 258 voix, contre 41.
"Pour que l'Union européenne et le FMI soutiennent la Grèce, ils doivent être certains que l'effort sera maintenu dans la durée, qu'il ne concerne pas seulement l'avenir immédiat et ce gouvernement, mais aussi les gouvernements futurs" a déclaré le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ajoutant "Ce n'est pas un sprint, c'est un marathon. C'est pourquoi il est important d'avoir une confiance absolue. En fin de compte, tout est une question de confiance". "Notre position en Europe est non négociable. La Grèce est et restera une partie de l'Europe unie et de l'euro" a indiqué le Premier ministre Lucas Papademos qui s'est dit conscient que cette "participation impliquait des obligations". La grande majorité des Grecs (environ 80% selon les derniers sondages) soutiennent l'adhésion de leur pays à la zone euro. Selon une enquête d'opinion réalisée mi-février, 82% des personnes interrogées imputaient la responsabilité de la crise économique à leur gouvernement. Seules 9,3% d'entre elles désignaient les marchés et les spéculateurs comme coupables et 6% le FMI et l'Union européenne. "La crise est à 90% un problème d'ordre politique" a déclaré Panagiotis Korliras, président du Centre de planification et de recherche économique (Kepe).
Le pays a connu quatre années de récession économique depuis 2008. Tous les Grecs font face actuellement à une dégradation de leur niveau de vie. Chaque citoyen a dans son entourage proche (famille ou amis) quelqu'un qui a perdu son emploi ; 150 000 postes ont été supprimés dans la fonction publique au cours des trois dernières années ; de nombreux commerçants ont dû fermer leur boutique et ne peuvent bénéficier des allocations chômage. Ce dernier fléau affecte 21% de la population active en décembre 2011 (10,2% en décembre 2009). La moitié des jeunes de moins de 24 ans sont sans emploi, une augmentation de 41,2% en un an selon les chiffres de l'Autorité des statistiques grecques (ESA). Entre 2000 et 2010, alors que la productivité stagnait, les salaires ont augmenté en Grèce de 54% (28,7% au Portugal et 18,6% en Allemagne). L'économie informelle représente environ un tiers de l'économie officielle du pays et le coût de l'évasion fiscale est estimé à 13 milliards € par an. L'économie grecque devrait se contracter en 2012 de 4,5% et le déficit du pays devrait atteindre 10,6% du PIB.
"Le gouvernement issu des prochaines élections législatives devra poursuivre la politique d'assainissement des comptes publics et réduire les dépenses de 12 milliards € en 2013 et 2014" a mis en garde Lucas Papademos, ajoutant "Le but est de limiter le gaspillage et de ne pas réduire encore davantage les salaires. Cette année et le début de l'année prochaine ne seront pas faciles mais il faut poursuivre l'effort pour que les sacrifices du peuple grec ne soient pas perdus".
Les raisons du naufrage
"A l'origine de la dette grecque, il y a le fait que les dirigeants du pays ont toujours confondu la notion de crédit avec celle de revenu" indique Nicolas Bloudanis, historien, ajoutant "l'appartenance à la monnaie unique a permis à la Grèce d'emprunter à bas coût et donc à la classe politique de renforcer sa base électorale en recrutant des fonctionnaires à tour de bras".
Depuis le retour de la démocratie en 1974, les deux grands partis qui dominent la vie politique et se succèdent aux affaires – le PASOK et la Nouvelle démocratie (ND) –ont en effet consolidé le système clientéliste, marque de fabrique de l'Etat grec né au XIXe siècle, en embauchant de nombreux fonctionnaires.
L'économie grecque est contrôlée par l'Etat et, de ce fait, peu fonctionnelle. Le secteur public est atrophié (l'Etat emploie 45% de la population active) et le secteur privé est constitué de très petites entreprises ou de gigantesques entreprises d'armement maritime. La situation catastrophique de l'économie grecque s'explique en partie par la prodigalité des dépenses mais elle est aussi le résultat des importantes faiblesses structurelles de l'économie nationale.
L'assèchement des finances publiques et des fonds européens, qui ont été largement accordés à Athènes depuis son entrée dans l'Union européenne en 1981 (mais que le pays n'a pas utilisé pour développer son système productif et améliorer la productivité de son industrie), ont mis à mal l'économie. En outre, l'adhésion du pays à l'euro, qui a permis à Athènes d'emprunter sur les marchés aux mêmes conditions que l'Allemagne, a contribué à creuser le déficit. Selon l'écrivain Nikos Dimou, "le problème est avant tout culturel. Pendant des années, les gens ont vu l'Etat gonfler et employer la moitié du pays. Ils se sont habitués à recevoir de l'argent de l'Etat et de l'Europe. L'évasion fiscale n'était pas considérée comme un délit mais comme un droit". En Grèce, l'Etat a toujours été perçu comme un lieu de distribution d'argent et de privilèges plutôt que comme une instance régulatrice capable de prélever et de redistribuer l'impôt.
Les structures politiques, juridiques et économiques de la Grèce ont peu à voir avec celles des autres pays d'Europe. Elles ont découragé l'entrepreneuriat et les investissements étrangers et montré leur inefficacité face à la corruption. Le pays a toujours favorisé les exonérations d'impôt plutôt que l'octroi de prestations financées par l'impôt. Cette politique a entraîné des phénomènes de corruption (plusieurs scandales financiers ont été mis à jour ces derniers mois) et l'impunité dont ont bénéficié de nombreuses personnalités politiques ou administratives a entraîné un fort ressentiment des Grecs vis-à-vis de leurs institutions politiques et judicaires. "En Grèce, l'Etat est un Etat autoritaire dont il faut se méfier" affirme Nicolas Bloudanis. "Face à l'incapacité de l'Etat à relever les défis du pays, les Grecs ont inventé au XIXe siècle l'évergétisme, mécanisme d'apaisement des inégalités sociales" souligne l'historien Anastassios Anastassiadis. L'évergétisme est le nom donné à une politique sociale menée par des voies privées.
Les enjeux des élections législatives
La classe politique grecque est désormais largement discréditée. Au cours des derniers mois, de nombreux hommes politiques, y compris le président de la République Carolos Papoulias, ont dû faire face aux huées de la population et ont subi à plusieurs reprises des jets de projectiles lors de manifestations publiques. Les élections législatives du 6 mai devraient fragmenter l'échiquier politique. Les deux principaux partis– PASOK et ND – recueillent leur plus faible taux d'approbation depuis 1974, année du retour du pays à la démocratie (environ 35% à eux deux). Selon un sondage réalisé par l'institut de l'opinion publique, GPO, au début du mois d'avril, le pourcentage de citoyens ne s'estimant pas représenté par les forces politiques en présence s'établit à 25% ; 50,4% des Grecs considèrent qu'aucun des leaders des deux principaux partis -Antonis Samaras ou Evangelos Venizelos- n'est qualifié pour devenir le prochain Premier ministre.
En tête dans les enquêtes d'opinion, Nouvelle démocratie (ND) espère capitaliser sur le mécontentement des Grecs après deux années de forte austérité. Antonis Samaras demande aux électeurs de lui accorder la majorité absolue afin "d'avoir la force nécessaire pour négocier à l'étranger". De nombreux analystes considèrent que l'établissement d'un gouvernement d'union nationale (coalition ND-PASOK) serait bénéfique à la Grèce mais Antonis Samaras ne veut pas en entendre parler. Les deux principaux partis grecs entretiennent des relations hostiles depuis des décennies. "Je veux avoir les mains libres. Une majorité claire est nécessaire pour gouverner correctement le pays" a déclaré le leader de ND qui veut rassurer ses partenaires européens et répète qu'il respectera à la lettre les engagements de son pays, c'est-à-dire le cadre et les objectifs du 2e programme d'aide. Il espère cependant être en mesure, après les élections législatives, de renégocier les conditions de sa réalisation. Antonis Samaras souhaite ancrer son parti à droite, affichant des positions très fermes sur l'immigration et la sécurité afin de réduire les potentielles défections d'électeurs, notamment ceux qui reprochent à ND d'avoir entériné le transfert de la souveraineté nationale, vers le parti LAOS. Ce parti d'extrême droite avait, dès 2009, suggéré le nom de Lucas Papademos pour diriger le gouvernement et sortir la Grèce de la crise. Il a gagné ses galons de partenaire politique responsable en approuvant, seul, avec le PASOK, le plan de sauvetage international de mai 2010. Le parti s'est cependant opposé au 2e plan d'octobre 2011.
Deux nouveaux partis se sont récemment créés à droite. L'Alliance démocratique (DS) a été fondée par l'ancienne ministre des Affaires étrangères (2006-2009) et ancienne maire d'Athènes (2003-2006), Dora Bakoyannis. Le Parti des Grecs indépendants (AE) a été créé le 24 février par l'ancien ministre de la Politique maritime et insulaire, Panos Kammenos. Ces deux leaders sont d'anciens membres de ND. Dora Bakoyannis en a été exclue le 6 mai 2010 après avoir voté en faveur du premier plan de sauvetage (le parti d'Antonis Samaras y était opposé) et Panos Kammenos l'a quitté après avoir refusé de voter la confiance au gouvernement de Lucas Papademos.
"J'ai pris des décisions difficiles. Elles ont pu me coûter cher politiquement mais elles en valaient la peine" a déclaré George Papandreou. Son successeur à la tête du PASOK, Evangelos Venizelos, a abonné son mandat de ministre des Finances pour faire campagne. Le PASOK est en effet au plus bas dans les enquêtes d'opinion. Lors de son élection le 18 mars, Evangelos Venizelos (remplacé par Filippos Sachinidis (PASOK) au gouvernement) a admis que le PASOK devait aux Grecs "de larges et honnêtes excuses pour nos erreurs et nos omissions". Il devrait être le grand perdant du scrutin du 6 mai même s'il faudra sans doute compter avec lui pour former le prochain gouvernement.
A gauche, deux nouveaux partis ont également vu le jour : la Gauche démocratique, dirigée par Fotis-Fanourios Kouvelis, qui soutient l'accord de décote de la dette détenue par les créanciers privés mais s'oppose au nouveau plan d'austérité qu'elle veut renégocier, et le Parti du nouveau contrat social, co-dirigé par Louka Katseli, ancienne ministre de l'Economie (2009-2010), du Travail et de la Sécurité sociale (2010-2011) (exclue du PASOK après avoir refusé de voter la baisse du salaire minimum), et par Haris Kastanidis ancien ministre de la Justice, de la Transparence et des Droits humains (2009-2011), de l'Intérieur (février-novembre 2011), qui promet d'alléger la politique d'austérité du gouvernement actuel.
Du côté de l'extrême gauche, la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) s'est divisée sur la question de la participation au gouvernement d'union nationale. Le parti demande une augmentation des taxes des armateurs (la Grèce possède la plus grande flotte commerciale du monde) et souhaite que la Banque centrale européenne puisse imprimer de la monnaie. "La question est de savoir s'il y a une alternative en Europe, pas seulement en Grèce" a souligné Alexis Tsipras, leader du groupe SYRIZA au Parlement et président de l'une de ses composantes, Synapsimos. "La richesse existe mais on ne peut la taxer ; les banques suisses recèlent 600 milliards € détenus par des Grecs, soit une somme supérieure à la dette du pays" a-t-il ajouté.
Enfin, la secrétaire générale du Parti communiste (KKE), Aleka Papariga, a déclaré : "Nous n'avons pas l'intention de coopérer avec SYRIZA car nous avons des objectifs différents. Ce parti est membre du système, nous ne le sommes pas". Les communistes sont opposés à l'appartenance de la Grèce à la zone euro et au plan de sauvetage.
Le système politique grec
Le parlement grec (Vouli), monocaméral, compte 300 membres, élus pour 4 ans au sein de 56 circonscriptions au scrutin proportionnel appelé proportionnelle renforcée. Les électeurs votent pour une liste au sein de laquelle ils peuvent exprimer leurs préférences. 51 circonscriptions désignent 288 députés, les 12 parlementaires restants, appelés députés nationaux car ils représentent l'ensemble de la Grèce – une position honorifique –, sont désignés à partir des résultats de chacun des partis politiques à l'échelon national. Ce système électoral garantit un niveau de représentativité de 70% aux partis politiques en droit d'être représentés au Parlement (c'est-à-dire ayant recueilli un minimum de 3% des suffrages exprimés). Tout parti obtenant au moins 41% des suffrages est assuré d'obtenir la majorité absolue à la Vouli.
Le vote est obligatoire en Grèce jusqu'à l'âge de 70 ans. L'abstention peut être punie d'une peine d'emprisonnement allant d'un mois à un an.
5 partis politiques sont actuellement représentés au Parlement :
– Le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK), arrivé en tête des élections législatives du 4 octobre 2009. Fondé en septembre 1974 par l'ancien Premier ministre (1981-1989 et 1993-1996) Andreas Papandreou, le parti est dirigé depuis le 18 mars dernier par l'ancien ministre de la Défense (2009-2011) et ancien ministre des Finances (2011-2012) Evangelos Venizelos. Il possède 160 députés ;
– La Nouvelle démocratie (ND), centre-droit, fondée en octobre 1974 par l'ancien Président de la République (1980-1995) et ancien Premier ministre (1955-1963 et 1974-1980), Constantin Caramanlis, est dirigée par Antonis Samaras. Elle compte 91 sièges ;
– Le Parti communiste (KKE), fondé en 1918, issu du Mouvement socialiste et ouvrier, communiste et anti-européen et dirigé par Aleka Papariga, possède 21 députés ;
– L'Alarme orthodoxe populaire (LAOS, qui signifie peuple), parti d'extrême droite fondé en 2000 par le journaliste Georgios Karatzaferis, ancien membre de la Nouvelle démocratie, compte 15 sièges ;
– La Coalition de la gauche radicale (SYRIZA), parti d'extrême gauche, né en 2004 du rassemblement de l'ancien parti Synaspismos et de plusieurs organisations de gauche (dont l'ancienne aile gauche du PASOK), de militants communistes et d'écologistes. Dirigé par Alexis Tsipras, elle possède 13 députés.
Les dernières enquêtes d'opinion révèlent un éclatement du paysage politique grec dominé durant 1974 par l'alternance entre le PASOK et ND. Dans le dernier sondage réalisé par l'institut de l'opinion publique GPO pour la chaîne de télévision Mega le 11 avril dernier, le parti d'Antonis Samaras (ND) recueillerait 18,2% des suffrages devant le PASOK qui obtiendraient 14,2% des voix. Le Parti communiste est crédité de 8%, le Parti des Grecs indépendants de 7%, la Coalition de la gauche radicale de 6,2%, la Gauche démocratique de 5,9%, l'Alarme orthodoxe populaire de 4% et, enfin, le parti néo-nazi Chryssi avghi (Aube dorée) dirigé par Nikolaos Michaloliakos, un peu plus de 3%, indispensable pour être représenté au parlement.
Aucun des deux "grands" partis ne serait donc en mesure de former seul un gouvernement, les "petits" partis devraient donc se retrouver en position d'arbitre. "Ces élections législatives sont difficiles et cruciales pour l'avenir et inaugurent une nouvelle période, la plus importante depuis 1974" a souligné Thomas Gerakis, directeur de l'institut d'opinion Marc.
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