Le parti du Premier ministre Nikola Gruevski devrait conserver le pouvoir en Macédoine

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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30 mai 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

1 828 380 Macédoniens (dont 7 258 résidant à l'étranger) sont appelés aux urnes le 5 juin prochain pour élire les 123 membres de la Sobranie (l'assemblée comptera 3 parlementaires supplémentaires en raison du vote des électeurs de l'étranger), chambre unique du parlement.

Le caractère démocratique de ce scrutin est au cœur de la campagne électorale. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a envoyé une mission d'observateurs, dirigée par Julian Peel Yates. Celle-ci comprend 12 experts internationaux qui seront basés à Skopje et 20 observateurs qui seront présents dans toute la Macédoine. Une délégation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est également rendue dans le pays les 17 et 18 mai derniers. Celle-ci a insisté sur l'importance du caractère libre, pacifique et démocratique des élections législatives et sur la nécessité pour tous les partis politiques de reconnaître les résultats du scrutin. Le Conseil de l'Europe a évoqué le nécessaire renouvellement des listes électorales régulièrement remises en question depuis 1994. La Macédoine compte en effet 1,8 million de personnes inscrites sur les listes électorales pour une population de 2 millions d'habitants, soit un nombre anormalement élevé d'électeurs.

"La campagne électorale sera sale et emplie d'énergie négative" a déclaré Klime Babunski, professeur de communication à l'Institut de recherche sociologique, politique et juridique de Skopje. Les leaders de 30 partis politiques ont signé un code de bonne conduite électorale.

Le 8 mai dernier, la chaîne de télévision A1, propriété du magnat des médias, Velij Aramkovski, soupçonné de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale à hauteur de 4,1 millions € et en prison depuis 5 mois, a diffusé un reportage réalisé par Natasa Stojanovska et Saska Cvetkoska révélant les pressions effectuées sur certains fonctionnaires pour que ceux-ci fournissent aux autorités les noms d'électeurs prêts à accorder leur voix au parti au pouvoir de l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE) en échange de leur maintien à leur poste de travail ou d'une promesse d'embauche d'un de leurs proches parents ou amis. Les employés doivent fournir les noms de quinze personnes et les cadres de trente. La Commission électorale macédonienne (DIK), dirigée depuis le 13 avril dernier par Boris Kondarlo, est pour l'heure restée silencieuse sur le scandale soulevé par la chaîne A1. Des pressions similaires avaient déjà été dénoncées lors des précédentes élections législatives du 1er juin 2008 et du scrutin présidentiel des 22 mars et 5 avril 2009.

La chaîne de télévision A1 a déclaré qu'elle soutenait pour le scrutin du 5 juin prochain les partis de l'opposition : l'Union social-démocrate, le Parti libéral-démocrate (LDP) ainsi que les partis positionnés à droite sur l'échiquier politique que sont Unis pour la Macédoine (OM), l'Organisation révolutionnaire-Parti populaire (VMRO-NP) de l'ancien président de la République (1998-2002) Ljubco Georgievski, l'Aile droite démocratique et Dignité ainsi que le Parti démocratique albanais (PDA-PDSh) de Menduh Thaci, Renaissance démocratique nationale (NDP-RDK), créée fin mars par Rufi Osmani, et Nouvelle démocratie (DR) d'Imer Selmani (ND-DR).

Le procès de Velij Aramkovski a débuté le 23 mai dernier à Skopje ; Il a immédiatement été ajourné au 13 juin, soit après le scrutin.

Les Macédoniens résidant à l'étranger sont autorisés à voter pour la première fois pour les élections législatives. La Sobranie comptera donc bientôt 3 nouveaux parlementaires (l'un représentant les électeurs vivant en Europe et en Afrique, le deuxième ceux habitant le continent américain et le dernier les votant d'Asie et d'Océanie). C'est en Europe que les Macédoniens de l'étranger ont été les plus nombreux à s'inscrire pour les élections législatives du 5 juin prochain (4 653). Tout candidat vivant hors de Macédoine souhaitant se présenter au scrutin législatif doit recueillir la signature d'au moins mille électeurs.

La campagne électorale des partis "macédoniens"

Les 3 principaux partis "macédoniens" – l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE) du Premier ministre sortant Nikola Gruevski, l'Union social-démocrate (SDSM) de Branko Crvenkovski et le Parti libéral-démocrate –, sont favorables à l'entrée dans l'Union européenne et dans l'OTAN, à la fin de la dispute entre Skopje et Athènes et au développement de relations étroites avec la diaspora. L'adhésion de la Macédoine à l'Union européenne constitue la priorité n°1 des 3 partis. Le Parti libéral-démocrate affirme d'ailleurs que s'il remporte les élections, Skopje sera fin prêt pour rejoindre les Vingt-sept lors de la dernière année de la prochaine législature, soit 2014. Selon Dimitar Mircev, ancien ambassadeur de Macédoine en Slovénie (1993-1997) et analyste politique, la proximité des programmes politiques explique les attaques et les batailles que l'on observe durant la campagne électorale. "Les partis se concentrent sur ce qui se passe chez les autres plutôt que d'offrir des projets concrets et précis" affirme-t-il.

Principal parti d'opposition, l'Union social-démocrate (SDSM) se présente en coalition avec 14 autres partis avec le slogan "Pour votre avenir". Sa candidate au poste de chef du gouvernement, ex-Premier ministre (mai-juin 2004 et novembre-décembre 2004), Radmila Sekerinska, fait campagne sur la hausse des investissements dans les infrastructures et dans l'agriculture ainsi que des aides sociales en faveur des plus déshérités. Elle affirme qu'elle se fera tous les efforts nécessaires pour résoudre au plus vite le problème de l'appellation officielle de la Macédoine qui oppose Skopje à Athènes et empêche la Macédoine de rejoindre l'OTAN et d'avancer sur la voie de l'intégration européenne. Ancien président de la République (2004-2009), le leader du SDSM Branko Crvenkovski a conseillé au Premier ministre sortant, Nikola Gruevski de renoncer à son poste de chef du gouvernement en cas de victoire de sa formation aux élections législatives. "Faites comme moi : renoncez au pouvoir. Libérons la Macédoine de Nikola Gruevski et de Branko Crvenkovski" a t-il déclaré.

Le VMRO-DPMNE a conclu une alliance avec 23 autres partis, formant ainsi la plus grande coalition de l'histoire du pays. Son programme est intitulé "Renaissance en 100 pas : développement et promotion". Il comprend précisément 1 185 projets comme la poursuite des réductions d'impôts, une baisse de la TVA sur le tourisme de 18% à 5% et de nouvelles subventions Le VMRO-DPMNE a choisi de s'appuyer sur les nouvelles technologies et les réseaux sociaux pour la campagne électorale. Le Premier ministre Nikola Gruevski possède 43 000 amis sur Facebook (pour 11 000 pour sa principale adversaire Radmila Sekerinska). L'analyste Vadimir Bozinovski de l'Institut pour la recherche politique de Skopje souligne que la présence du parti au pouvoir sur internet explique sa position de leader dans les enquêtes d'opinion. "La nouveauté de ce scrutin législatif tient à l'utilisation de Facebook, des blogs et des sites internet des partis politiques" a t-il indiqué.

La campagne électorale des partis albanophones

Parti partenaire du VMRO-DPMNE, l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI) est critiquée par les autres partis représentant la minorité albanophone pour avoir oublié ses promesses de campagne. Par ailleurs, son leader Alija Ahmeti et certains de ses associés ont été accusés d'avoir été des agents des services secrets de l'ancienne Yougoslavie. La justice macédonienne a cependant prononcé un non-lieu sur cette affaire, estimant ne pas disposer de preuves suffisantes.

La règle en Macédoine veut que le parti albanophone qui recueille le plus grand nombre de suffrages aux élections législatives entre au gouvernement quel,que soit le parti qui dirige la coalition gouvernementale. Ceci explique qu'Alija Ahmeti mène campagne en affirmant avoir été contraint à gouverner avec le VMRO-DPMNE, une union qu'il n'auraitnpas souhaitée.

Le DUI-BDI a fait de la mise en œuvre totale de l'accord d'Ohrid (accord de paix signé par les principaux partis macédoniens, le 13 août 2001 pour mettre fin aux violents affrontements entre les forces gouvernementales de Skopje et la guérilla albanaise de l'Armée de libération nationale) le principal point de son programme électoral. Il insiste sur le fait qu'il exigera, avant de décider de participer au gouvernement, un accord signé sur le respect de son programme.

Le renforcement des droits de la population albanophone, la nomination d'un membre de la minorité albanophone à l'un des trois postes clés du pays (président de la République, Premier ministre ou président du parlement) et l'institution de l'albanais comme langue officielle sur l'ensemble du territoire macédonien sont les trois points majeurs des programmes du Parti démocratique albanais (PDA-PDSh), dirigé par Menduh Thaci, et de Nouvelle démocratie (DR), parti récemment créé par Imer Selmani. l'albanais a le statut de langue officielle dans les seules municipalités où au moins 20% de la population est albanophone ; en outre, la loi oblige à une représentation de la première minorité du pays seulement dans l'administration.

Menduh Thaci a déclaré qu'il ne participerait plus jamais à un gouvernement dirigé par Nikola Gruevski. Imer Selmani a indiqué qu'il exigerait que le programme de son parti soit inscrit à l'agenda politique avant d'envisager de rejoindre le gouvernement. Enfin, le leader de Renaissance démocratique nationale (RDK), Rufi Osmani, a déclaré qu'il ne gouvernerait pas avec l'Union social-démocrate de Branko Crvenkovski.

Selon Imer Ismaili, professeur à l'université de Tetovo, l'ignorance des demandes albanophones de la part du gouvernement de Nikola Gruevski durant ces six dernières années explique les exigences actuelles des partis albanophones. "Son gouvernement a causé beaucoup de dommage à la Macédoine et au-delà a semé la méfiance entre les deux principales communautés ethniques du pays" a déclaré Imer Ismaili.

L'Union démocratique pour l'intégration et le Parti démocratique albanais ont signé un accord pour éviter les discours de haine et les provocations et la reconnaissance des résultats des élections législatives.

Le résultat des élections législatives dépendra de la capacité de l'opposition social-démocrate de mobiliser les électeurs encore indécis, soit environ 35% d'entre eux à une semaine du scrutin. Le VMRO-DPMNE qui a précédemment remporté l'élection présidentielle des 22 mars et 5 avril 2009 et le scrutin local qui s'est déroulé à la même date, est en position de force. Selon toutes les enquêtes d'opinion, le parti du Premier ministre sortant Nikola Gruevski devrait conserver le pouvoir.

La campagne électorale a débuté le 15 mai et s'achèvera le 4 juin.

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