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4 mois de boycott du Parlement par l'opposition conduisent Nikola Gruevski à convoquer des élections législatives anticipées en Macédoine

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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9 mai 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Fondation Robert Schuman

4 mois de boycott du Parlement par l'opposition conduisent Nikola Gruevski à con...

PDF | 278 koEn français

Le 15 avril dernier, la Sobranie, chambre unique du Parlement macédonien, a été dissoute par 79 des 120 députés et des élections législatives anticipées ont été convoquées pour le 5 juin prochain par le Premier ministre macédonien Nikola Gruevski (Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale, VMRO-DPMNE). Selon le code électoral, le scrutin doit être organisé dans les 60 jours suivant la dissolution. Cette décision fait suite à la crise politique que connaît la Macédoine depuis le début de l'année 2011.

 

Un nouveau scrutin anticipé consécutif à une crise politique

 

Depuis le 28 janvier en effet, les forces de l'opposition – Union social-démocrate, SDSM et Parti démocratique albanais, PDA-PDSh (soit 38 députés au total) – décident de boycotter les séances du Parlement pour protester contre le gel des comptes bancaires du magnat des médias, Velij Aramkovski, propriétaire de la chaîne de télévision A1 et des journaux Vreme, Shpic et E Re. Velij Aramkovski a été arrêté avec 16 de ses employés en décembre 2010 ; il est soupçonné d'évasion fiscale à hauteur de 4,1 millions €, une accusation que dément l'intéressé. Le gel des comptes bancaires est " non démocratique et témoigne d'un régime autoritaire qui ne mérite aucune légitimité " a souligné à l'époque le leader de l'opposition Branko Crvenkovski (SDSM) qui réclamait l'organisation d'élections législatives anticipées.

" Nikola Gruevski n'est intéressé que par une chose : cacher ses propres crimes. Il veut enterrer la vérité et rester seul avec ses mensonges et ses propres médias qui lui servent de mégaphones " avait déclaré le leader de l'opposition. " Nikola Gruevski a maintenant le Parlement qu'il souhaitait, un parlement sans opposition " avait-il ajouté. 4 mois après le début du boycott de l'opposition, le chef du gouvernement, où son parti est en coalition avec le parti albanophone de l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI), a donc finalement accédé à la demande des forces de l'opposition. " Le Premier ministre n'avait pas d'autre choix que de répondre à la revendication de l'opposition " a expliqué le directeur de l'institut Euro Balkan, Jovan Donev.

Le VMRO-DPMNE a qualifié la décision des forces de l'opposition de " délit contraire aux intérêts de la Macédoine et à ses perspectives d'avenir européen ". " Le comportement irresponsable de certains politiques menace de ruiner les résultats que nous avons obtenus " a déclaré le porte-parole du parlement, Trajko Veljanovski qui a dénoncé la " crise politique artificielle " créée par les partis de l'opposition.

 

Le SDSM, qui a indiqué qu'il ne cesserait pas son action de boycott du Parlement, a annoncé qu'il participerait aux prochaines élections législatives. Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Pavel Satev, les 3/4 des Macédoniens (72,3%) sont opposés à l'action de boycott menée par les forces de l'opposition. Le SDSM a demandé, préalablement à la tenue des élections législatives, la révision des listes électorales et celle des circonscriptions du pays ainsi qu'une nouvelle loi de façon à empêcher le gouvernement de favoriser des médias proches de l'Etat. Le chef du gouvernement a accédé aux deux premières exigences.

 

Une situation socioéconomique difficile

 

La Macédoine traverse une crise socioéconomique doublée donc d'une crise politique quasi-permanente depuis plus de 3 ans. Le 19 janvier dernier, Skopje a dû recourir à l'aide extérieure. Le pays a obtenu du Fonds monétaire international (FMI) un prêt de 2 ans : 390 millions € pour la première année, une somme qui pourrait atteindre jusqu'à 475 millions € au total. La Macédoine s'est vue accorder ce prêt au titre de la ligne de crédit de précaution, une ligne destinée aux pays membres dotés de solides bases économiques et de bons antécédents de mise en œuvre de politiques saines mais qui restent toutefois vulnérables au niveau économique. De nombreux analystes prévoient que ce prêt sera insuffisant et que le pays sera prochainement obligé d'avoir recours à une aide extérieure.

La croissance du PIB a été de 1,2% l'an passé et devrait atteindre 3,5% en 2011. Le chômage touche environ un tiers des Macédoniens et 30% de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Le salaire moyen est de 250 €, soit très au-dessous de la moyenne européenne. Une récente enquête d'opinion a révélé que la moitié des lycéens macédoniens (49,5%) souhaitaient quitter leur pays dans les dix années à venir. Le manque d'opportunités professionnelles et le désordre social sont les principales raisons de ce désir d'émigration.

 

" Nous n'avons pas vu les progrès attendus " a déclaré Stefan Füle, commissaire européen chargé de l'Elargissement et de la Politique européenne de voisinage, le 6 avril à propos de la Macédoine. Il a souligné que des réformes rapides étaient indispensables en matière de dialogue politique, de réforme de l'administration judiciaire et de l'administration publique, de combat contre la corruption, de liberté d'expression et de la mise en place de l'accord d'Ohrid (accord de paix signé par les principaux partis macédoniens, le 13 août 2001 pour mettre fin aux violents affrontements entre les forces gouvernementales de Skopje et la guérilla albanaise de l'Armée de libération nationale qui ont eu lieu en 2001). " Nous sommes à un moment critique : la Macédoine peut soit prendre le chemin de l'Union européenne et ce pour notre bénéfice mutuel, soit régresser " a indiqué Stefan Füle.

 

Depuis le retour à sa tête de l'ancien président de la République (2004-2009), Branko Crvenkovski, le SDSM travaille à renforcer son profil de parti leader dans l'électorat. Il tente de capitaliser sur le – réel – mécontentement populaire pour retrouver le pouvoir.

Branko Crvenkovski reproche au Premier ministre Nikola Gruevski de ne pas avoir réussi à trouver de solution au problème du nom de la Macédoine qui oppose le pays à la Grèce depuis maintenant 20 ans. Athènes refuse en effet depuis 1991 que son voisin prenne le nom de Macédoine, considérant que celui-ci appartient à son patrimoine (la Macédoine est le nom d'une province située au nord de la Grèce). Athènes prétend que l'utilisation de ce nom pourrait conduire Skopje à revendiquer certains territoires de la province grecque. La Macédoine a été admise à l'ONU en 1993 sous le nom provisoire d'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM). Le pays, candidat officiel à l'Union européenne depuis 2005, espère ouvrir prochainement des négociations d'adhésion qui restent bloquées par cette histoire de dénomination du pays.

Les précédentes élections législatives dans le pays (1er juin 2008) avaient été anticipées à la suite du rejet de la candidature de la Macédoine par l'OTAN en avril 2008, rejet consécutif au blocage de la Grèce sur le nom du pays.

 

Le 4 mai dernier, l'ancien leader du parti et ex-Premier ministre (mai-juin 2004 et novembre-décembre 2004), Radmila Sekerinska, a été désignée candidate du SDSM au poste de chef du gouvernement pour les élections législatives. " Radmila Sekerinska est synonyme de l'intégration de la Macédoine dans l'Union européenne, elle bénéficie du respect de Bruxelles et de Washington " a déclaré Branko Crvenkovski qui a précisé qu'il ne souhaitait pas être membre du gouvernement si son parti remportait le scrutin du 5 juin.

Le maire de Gostivar, Rufi Osmani, a créé fin mars son propre parti politique, Renaissance démocratique nationale (RDK). " L'accord d'Ohrid n'a pas atteint son objectif historique car il était conditionné au principe des 20%, un acte ironique et anti-albanais. Aujourd'hui, la Macédoine est identique à ce qu'elle était en 2001 : la violence et la répression contre les Albanais continuent " a-t-il déclaré. " Nous nous battrons pour que les Albanais soit considérés comme le deuxième peuple constitutif de la Macédoine, que la langue albanaise soit définie comme deuxième langue officielle au niveau national et que la décentralisation du pouvoir soit plus importante qu'actuellement " a ajouté Rufi Osmani

Le RDK devrait se présenter seul mais s'il a écarté toute coalition avec les deux principaux partis albanophones –l'Union démocratique pour l'intégration d'Alija Ahmeti et le Parti démocratique albanais de Menduh Thaci –, il n'a pas exclu la possibilité d'une collaboration avec Nouvelle démocratie (DR) d'Imer Selmani.

 

Le système politique macédonien

 

Le Parlement (Sobranie), monocaméral, compte 120 membres élus au scrutin proportionnel (selon la méthode d'Hondt) pour 4 ans. Pour les élections législatives, le pays est divisé en 6 circonscriptions élisant chacune 20 députés. Le système électoral garantit la représentation des minorités (albanophone, turque, serbe, rom, etc.) de même que celles des femmes puisque les listes électorales doivent obligatoirement comprendre au moins 30% de candidats du sexe opposé. Les partis politiques, les coalitions de partis et les groupes comprenant au moins 500 électeurs sont autorisés à concourir aux élections législatives.

 

5 partis politiques sont représentés dans l'actuel parlement[1]:

- l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE), située à droite sur l'échiquier politique, fondée en 1990 par l'ancien Premier ministre (1998-2002) Ljubco Georgievski et dirigée depuis 2005 par le Premier ministre sortant Nikola Gruevski. Principal parti du gouvernement, il compte 63 élus ;

- l'Union social-démocrate (SDSM), parti d'opposition dirigé depuis mai 2009 par l'ancien président de la République (2004-2009), Branko Crvenkovski, possède 27 élus ;

- le Parti démocratique albanais (PDA-PDSh), créé en 1995 par Arben Xhaferi et dirigé par Menduh Thaci, possède 11 élus ;

- l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI), membre de l'actuelle coalition gouvernementale et dirigée par Alija Ahmeti qui a succédé à l'UCK (officiellement démantelée en 1999), compte 18 élus ;

- le Parti pour un avenir européen (PEI), parti fondé par des intellectuels et des hommes d'affaires et qui se définit comme centriste. Conduit par Fijat Canoski, il possède 1 siège.

 

Toutes les enquêtes d'opinion prédisent la victoire aux élections législatives du 5 juin prochain du VMRO-DPMNE avec toutefois moins de sièges qu'auparavant (le parti détient la majorité absolue). Selon le directeur de l'institut Euro Balkan Jovan Donev, l'opposition a peu de chance de s'imposer mais " le SDSM jouera la carte de l'unification de l'opposition afin de réduire la majorité confortable dont jouit actuellement la coalition Pour une meilleure Macédoine ".

 

Selon le dernier sondage réalisé par l'Institut pour la démocratie et l'association du centre pour la coopération internationale, le VMRO-DPMNE recueillerait 22% des suffrages devançant le SDSM qui obtiendrait 10%.

Du côté des partis albanophones, l'Union démocratique pour l'intégration serait en tête avec 5%, le Parti démocratique albanais recueillerait 1,9%.

Plus d'un quart des personnes interrogées (28,1%) affirment qu'elles ne pensent pas se rendre aux urnes le 5 juin prochain et 16,4% disent ne pas encore avoir fait leur choix.

Le Premier ministre sortant Nikola Gruevski est la personnalité politique à laquelle les Macédoniens font le plus confiance (20%). Seulement 4,6% des personnes interrogées déclarent faire confiance à Branko Crvenkovski ; 4,3% à Ali Ahmeti ; 2,9% à Radmila Shekerisnka ; 2,3% à Rufi Osmani ; 1,7% à Imer Selmani et 1,6% à Menduh Thaci.

 

Selon une enquête d'opinion réalisée par l'agence Oritès, les questions économiques et le chômage constituent les priorités des électeurs. Un quart d'entre eux (24%) considèrent que le VMRO-DPMNE est le mieux placé pour lutter contre les problèmes de chômage et de pauvreté.

 

La ministre de l'Intérieur Gordana Jankulovska a annoncé le 19 avril dernier que Skopje avait formé une task force dédiée à la sécurité des élections du 5 juin prochain.

[1] L'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale conduisait une coalition de 19 partis appelée " Pour une meilleure Macédoine " lors des élections législatives du 1er juin 2008. L'Union social-démocrate (SDSM) conduisait une coalition de 8 partis appelée " Soleil-Coalition pour l'Europe ".

Source : Commission électorale nationale de Macédoine

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