Elections législatives en Estonie 6 mars 2011

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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7 février 2011
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

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Elections législatives en Estonie 6 mars 2011

PDF | 239 koEn français

Le 29 novembre, le président estonien Toomas Hendrik Ilves a fixé la date des prochaines élections législatives au 6 mars 2011. La République balte compte 1 million d'électeurs. 46 000 Estoniens vivant à l'étranger pourront participer au scrutin. Le vote par anticipation pourra s'effectuer entre le 28 février et le 2 mars et le vote en ligne (par ordinateur ou téléphone portable) entre le 24 février et le 2 mars. La hausse de la participation aux élections européennes du 7 juin 2009 (58 669 e-votants, soit 14,9% du nombre total des électeurs), au scrutin local du 18 octobre 2009 (où 104 415 électeurs, soit dix fois plus que lors des précédentes élections régionales du 16 octobre 2005, ont utilisé internet pour voter) et enfin aux dernières élections législatives du 4 mars 2007 a été considérée comme un succès du e-voting. Lors de ce dernier scrutin, le taux de participation a enregistré une hausse de 4 points par rapport aux précédentes élections législatives de 2003, une augmentation quasiment équivalente à la part du vote électronique dans l'ensemble des votes (3%).

Le vote par Internet suscite toutefois de nombreuses interrogations sur la sécurité et de la confidentialité du vote comme sur le contrôle de la procédure. Pour pouvoir remplir son devoir civique de façon électronique, le citoyen doit, dans un premier temps, disposer de l'équipement suivant : outre un ordinateur (ou un téléphone portable) sur lequel est installé un programme spécial, une carte d'identité électronique et deux codes PIN, le premier lui permettant de s'identifier au début de la procédure de vote, le second d'apposer sa signature électronique. L'électeur doit ensuite se rendre sur le site www.valimised.ee géré par la Commission électorale d'Estonie et responsable du déroulement du scrutin par Internet, pour y déposer son enveloppe électronique. Les cyberélecteurs peuvent revenir sur leur vote autant de fois qu'ils le souhaitent ou décider in fine de se rendre à leur bureau de vote le jour officiel du vote ; dans ce cas, le bulletin qu'ils déposent dans l'urne annule leur précédent vote. Le 6 mars, les Estoniens pourront utiliser leur téléphone portable pour désigner leurs députés ; le porte-parole du gouvernement a certifié que le vote par mobile permettait une meilleure identification des signatures digitales et constituait donc le mode d'élection le plus sécurisé.

L'Estonie, où a été créé Skype, logiciel qui permet de téléphoner gratuitement par Internet, est l'un des pays les plus connectés d'Europe. Cette situation ne doit rien au hasard mais découle d'une politique volontariste de développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) : mise en place d'un plan pluriannuel de formation et de développement des TIC et fort engagement des Pouvoirs publics qui permettent aux citoyens d'accéder en ligne à de nombreux services administratifs. Depuis l'année 2000, 1% du budget estonien est consacré au développement de la société de l'information. L'Estonie est à la pointe du e-gouvernement : le papier a ainsi été supprimé il y a 11 ans de toute réunion de travail de la coalition gouvernementale qui est par ailleurs l'une des plus jeunes d'Europe, un élément qui a ici son importance. Depuis 2002, chaque Estonien de plus de 15 ans possède une carte électronique qui lui permet d'effectuer la plupart des formalités administratives (payer dans les transports en commun ou pour le stationnement de sa voiture, etc.) et donc de voter.

A un mois du scrutin législatif, le Parti de la réforme (ER) du Premier ministre sortant Andrus Ansip fait figure de grand favori. Les analystes politiques s'attendent à ce que le chef du gouvernement soit réélu à la tête du pays. Reste à savoir avec quel(s) partenaire(s) il gouvernera.

Le système politique estonien

Le Riigikogu, chambre unique du parlement, compte 101 membres, élus tous les 4 ans au scrutin proportionnel au sein de 12 circonscriptions plurinominales (comprenant au minimum 5 sièges - comme la circonscription de Virumaa occidentale – et au maximum 14 comme celles de Harjumaa et Raplamaa, ou Centre, Lasnamae et Pritita à Tallinn.

Pour être candidat, chaque personne doit être âgée d'au moins 21 ans et effectuer un dépôt de 2 mois de salaires ou 8 700 couronnes (soit 556 €) ¬¬¬- qui lui seront rendus en cas d'élection, si elle obtient un nombre de voix égal à la moitié du quota retenu dans son district ou encore si le parti auquel elle appartient recueille au moins 5% des votes au niveau national. Tout parti politique doit obligatoirement recueillir un minimum de 5% des suffrages exprimés pour être représenté au Parlement. 789 personnes ont été officiellement enregistrées comme candidates au scrutin par la Commission électorale d'Estonie le 20 janvier dernier, soit - 186 par rapport au précédent scrutin législatif du 4 mars 2007.

Le système partisan estonien est proche de celui des pays nordiques, se divisant en quatre courants d'à peu près égale importance : les conservateurs, les libéraux, les sociaux-démocrates et les agrariens. Le pays ne possède pas de formation d'extrême droite ou d'extrême gauche d'importance.

6 partis politiques sont actuellement représentés au Riigikogu:

- le Parti de la réforme (ER), du Premier ministre Andrus Ansip au pouvoir depuis avril 2005. Fondé en 1994 par l'ancien président de la Banque centrale d'Estonie et ancien Premier ministre (2002-2005), il compte 31 députés ;

- le Parti du centre (K), principal parti du pays en nombre de militants, créé en 1991 et dirigé par l'actuel maire de Tallinn et ancien Premier ministre (1991-1992), Edgar Savisaar. Situé au centre-gauche sur l'échiquier politique, le parti, très populaire parmi la minorité russophone, possède 29 sièges ;

- l'Union pour la patrie-Res Publica (IRL), alliance de deux partis libéraux fondée le 4 juin 2006 et dirigée par l'ancien Premier ministre (1992-194 et 1999-2002) Mart Laar. Membre du gouvernement sortant d'Andrus Ansip, elle compte 19 députés ;

- le Parti social-démocrate (SDE), ancien Parti populaire des modérés (M) créé en 1990 et parti de l'actuel président Toomas Hendrik Ilves. Dirigé depuis le 16 octobre 2010 par l'ancien ministre de la Défense (2002-2003), Sven Misker, il possède 10 sièges;

- les Verts d'Estonie (EEE), créés en 2006 dont les trois leaders sont Aleksei Lotman, Toomas Trapido et Trin Veber, compte 6 députés ;

- l'Union du peuple estonien (ERL), parti agrarien fondé en 1994 sous le nom de Parti du peuple rural d'Estonie (EME) et dirigé par Andrus Blok, possède 6 sièges.

En Estonie, le président de la République est élu pour 5 ans au suffrage indirect, soit par le parlement, soit (si les députés ne parviennent pas à s'entendre sur un nom) par un collège électoral rassemblant les 101 membres du Parlement et les représentants des conseils municipaux. Toomas Hendrik Ilves a été élu à la tête de l'Etat le 23 septembre 2006 dès le 1er tour de scrutin de l'assemblée réunissant députés et représentants locaux.

La campagne et les enjeux des élections législatives

Le Parti de la réforme

Le Premier ministre sortant Andrus Ansip sera candidat dans le district de Harju et Rapla comme en 4 mars 2007. Réélu à la tête du pays à cette occasion – son parti enregistrant une hausse de 10 points par rapport au précédent scrutin législatif du 2 mars 2003 -, le chef du gouvernement s'appuie sur son bilan pour espérer conserver son poste. En dépit de la crise économique qui a touché la République balte comme l'ensemble du monde, l'année 2010 a été celle des succès économiques pour l'Estonie. En effet, le pays est devenu le 9 décembre dernier le 34e membre de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). "L'entrée de l'Estonie dans l'OCDE confirme le succès de notre politique économique et la stabilité de l'environnement économique du pays ; elle accroît l'attractivité et le sérieux de notre pays auprès des investisseurs. Etre invité et accepté comme membre de l'OCDE est une véritable reconnaissance" a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Urmas Paet (ER).

Le 17 juin 2010, l'Estonie a également obtenu le feu vert de Bruxelles pour rejoindre la zone euro. Le Riigikogu a signé le 14 novembre le document finalisant l'adoption de la monnaie unique. Le 1er janvier 2011, le pays est donc devenu le 17e pays de la zone euro. "L'Estonie est passé à l'euro grâce à sa politique budgétaire rigoureuse. Nous sommes désormais le pays le plus pauvre de la zone euro. Nous avons donc beaucoup à faire maintenant que notre objectif de rejoindre ces pays a été atteint" a déclaré Andrus Ansip. "En entrant dans la zone euro, l'Estonie rejoint une nouvelle fois l'Europe" a affirmé le président Toomas Hendrik Ilves. Enfin, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s'est félicité de ce qu'"avec l'entrée de l'Estonie dans la zone euro, plus de 330 millions d'Européens utilisent désormais les billets et des pièces en euros" ajoutant "Ceci reflète bien l'attrait et la stabilité de l'euro pour les États membres de l'Union européenne". Le leader de l'opposition, Edgar Savisaar, a estimé que "l'euro représentait de grands sacrifices pour les Estoniens qui ont été forcés par le gouvernement d'adopter la monnaie unique".

En mai 2010, l'Estonie a été classée 12e pays le plus compétitif du monde par le World Economic Forum. A titre de comparaison, ses deux voisins baltes, la Lettonie et la Lituanie, auxquelles l'Estonie est souvent comparée, occupent respectivement les 20e et 22e places. Après une récession de 14% durant l'année 2009, le PIB estonien a enregistré une croissance de 5% entre le 3e trimestre 2009 et celui de 2010. Selon la Banque centrale du pays, cette hausse devrait se poursuivre et atteindre 4,2% cette année, soit le taux le plus élevé de l'Union européenne. Si la demande intérieure a chuté, les exportations, notamment à destination des pays nordiques, ont fortement augmenté en 2010 favorisant le retour de la croissance. Le gouvernement pourrait toutefois décider de poursuivre une politique de stagnation des salaires pour sauvegarder la relance économique. Enfin, le déficit public estonien est inférieur à 3% et le pays possède le plus faible taux d'endettement de l'UE. Le chômage reste cependant élevé. Il s'établissait à 10,2% de la population active mi-janvier 2011.

Pour le Premier ministre sortant Andrus Ansip, les questions socioéconomiques constituent le principal enjeu du scrutin du 6 mars. "Quelle est la question qui préoccupe le plus les Estoniens ? L'économie, parce qu'elle est à la base de tout. De l'économie dépendent la création de nouveaux emplois, la stabilité de la croissance, l'augmentation des pensions de retraites et des services en faveur des familles, la sécurité de chacun et la qualité de notre éducation que nous voulons porter au niveau de celle des autres pays nordiques" a-t-il déclaré.

Andrus Ansip a totalement écarté l'idée de gouverner en coalition avec le Parti du centre d'Edgar Savisaar. "Nous excluons complètement ce scénario comme nous sommes complètement opposés à l'introduction d'un impôt progressif sur le revenu qui paralyserait l'économie estonienne et rendrait les Estoniens plus pauvres en pénalisant ceux qui veulent travailler plus. Le style d'Edgar Savisaar à Tallinn est en totale contradiction avec notre culture d'honnêteté et de transparence basée sur le sens commun" a indiqué le Premier ministre sortant. "L'impôt que souhaite mettre en place Edgar Savisaar crée de la pauvreté, effraie les investisseurs et va à l'encontre de la création de nouveaux emplois. Le système fiscal doit favoriser la croissance et la création d'emplois" répète Andrus Ansip.

Le Parti du centre

Edgar Savisaar multiplie les offres de collaboration en direction des autres partis politiques. Selon lui, les récents propos du Premier ministre sont irresponsables : "Andrus Ansip ne collabore pas avec l'opposition. Mais il ne collabore pas non plus avec les syndicats ou avec les patrons ou encore avec le Bureau national d'audit. Il ne tient pas non plus compte des recommandations des institutions internationales qu'il ignore. A l'heure où les scientifiques, les syndicalistes, les patrons et les hommes politiques se demandent comment aider le pays, les membres du Parti de la réforme préfèrent nous dire avec quelles personnes ils ne travailleront pas après les élections législatives. Ce genre de repli sur soi ne profite à personne. Qu'a fait Andrus Ansip pour le pays ? Combien d'emplois a-t-il créé ? A-t-il contribué à réduire la pauvreté ?".

"La hausse de la TVA, l'augmentation des taxes sur la consommation et les coupes budgétaires ont affaibli l'économie estonienne et affecté la situation financière de la population. Je pense que les sacrifices auxquels les Estoniens ont été contraints ont été trop importants et que le pays est entré trop vite dans l'Union économique et monétaire. En comparaison, la Pologne, moins affectée par la crise économique internationale, a adopté une attitude de wait and watch à l'égard de la zone euro" a déclaré Edgar Savisaar. Il a également dénoncé l'utilisation, qualifiée par lui de cynique, par le gouvernement de l'adoption de l'euro pour introduire une politique économique et sociale qui n'a "plus rien de commun avec les valeurs européennes".

La hausse des prix et le chômage constituent les enjeux centraux de la campagne électorale du Parti du centre dont le programme propose une baisse de la TVA sur les médicaments et les produits alimentaires ainsi que le contrôle des prix de l'électricité.

Edgar Savisaar a été mis en difficulté par la publication le 21 décembre dernier d'un rapport de la Kaitsepolitsei (police de sécurité, services secrets estoniens) indiquant qu'il avait sollicité des fonds de la Russie pour la campagne électorale de son parti. Selon le rapport, le président des chemins de fer russes, Vladimir Yakounine, avait accepté de financer le Parti du centre à hauteur de 1,5 million € pour la campagne (le tiers de cette somme devant être versé en liquide) et de 1,5 million € pour la construction d'une église orthodoxe à Lasnamae.

Au sein même du principal parti d'opposition, des voix se sont élevées pour réclamer la démission du leader. Une Commission de la vérité sur le scandale lié à l'église a été désignée pour faire toute la lumière sur ces accusations. Fin décembre, le bureau politique du parti a finalement maintenu Edgar Savisaar dans ses fonctions de président du parti et de maire de Tallinn et récusé toute accusation faisant de son leader un "agent sous influence russe". L'organe central du parti a considéré que l'intervention des services spéciaux dans la campagne électorale "va totalement à l'encontre des principes de culture politique établis en Europe". Par ailleurs, il a affirmé que le financement de la construction d'une église par des fonds venus de l'étranger était une pratique largement répandue en Estonie.

En dépit des déclarations du vice-président du parti, Ain Seppik, qui affirme que le parti n'est pas menacé d'éclatement, la mise en cause d'Edgar Savisaar a fait apparaître au grand jour les divisions internes du Parti du centre. L'opposition à l'actuel chef du parti est conduite par Ain Seppik, ancien ministre de l'Intérieur (2005-2007) Kalle Laanet et Jüri Ratas, leader du groupe parlementaire au Riigikogu. Ain Seppik n'a jamais caché qu'il était favorable au remplacement d'Edgar Savisaar par Jüri Ratas, qui permettrait de réfléchir à une éventuelle alliance avec le Parti de la réforme après le scrutin du 6 mars. Kalle Laanet a affirmé qu'il n'avait pas de raison de ne pas accorder foi au rapport des services de sécurité et que le Parti du centre devait se choisir un nouveau leader.

"Les gens ont le droit de savoir" a déclaré le Premier ministre sortant Andrus Ansip. "Il faut rendre public l'information des services de sécurité. Pour moi, demander de l'argent de cette façon est abominable et dégoûtant. Quand le président d'un parti politique va demander de l'argent à un ancien officier du KGB pour arranger des élections, de quoi s'agit-il ? Les Estoniens doivent savoir. Même si les choses ne peuvent être légalement prouvées, même s'il ne s'agit que d'un soupçon. Ils ont le droit de savoir" a affirmé le chef du gouvernement. Le président Toomas Hendrik Ilves a également réprouvé les actes d'Edgar Savisaar. "Si le Parti du centre ne condamne pas la requête qui a été faite auprès de la Russie pour la campagne électorale et si les personnalités mises en cause dans cette affaire ne quittent pas ce parti, le Parti du centre ne pourra pas participer aux futurs gouvernements" a-t-il déclaré.

Conséquence de cette affaire pour Edgar Savisaar : le Parti social-démocrate, son allié à Tallinn, s'est retiré de la coalition municipale le 23 décembre dernier après la déclaration de soutien rédigée par le bureau politique du parti.

L'Union pour la patrie-Res Publica

Actuel partenaire du Parti de la réforme au pouvoir, l'Union pour la patrie-Res Publica se bat pour empêcher le parti d'un gouvernement de gauche à l'issue des élections législatives du 6 mars. Dans son programme, le parti s'engage à maintenir le budget du pays à l'équilibre (une obligation qu'il souhaite inscrire dans la Constitution estonienne) et à donner un nouvel élan aux entreprises en diminuant les taxes sur le travail et en soutenant les exportations. Le parti compte sur la croissance pour réduire le chômage, créer des emplois et voir les salaires augmenter. L'Union pour la patrie-Res Publica souhaite également instituer une pension de retraite pour les mères et les veuves. Une mère de deux enfants (ou plus) recevra un 13e mois de pension. Jurgen Ligi (ER), ministre des Finances, a critiqué ce projet, arguant du fait qu'il revenait à favoriser les parents au détriment des personnes sans enfant et surtout qu'une telle mesure allait contre l'objectif d économie budgétaire que s'est fixé le gouvernement.

Le Parti social-démocrate

Ancien membre du Parti du centre, Sven Mikser a été élu le 16 octobre dernier à la tête du Parti social-démocrate et remplace Pihl Jüri qui a d'ailleurs annoncé qu'il renonçait à être candidat le 6 mars. "Bien que beaucoup de gens considèrent un tel changement de leadership avant les élections comme néfaste au parti et que celui-ci traverse une crise, je pense le contraire. Les événements ont fortement incité les gens à agir et nous avons eu, pour la première fois lors de l'élection de notre leader, plusieurs candidats qui exprimaient des points de vue différents, ce qui est une bonne chose" a déclaré la vice-présidente, Katrin Saks.

Pour beaucoup d'analystes politiques, la jeunesse de Sven Mikser (37 ans) et ses prises de position en faveur de l'intérêt de la population pourraient attirer un grand nombre d'électeurs, notamment parmi les sympathisants du Parti de la réforme. Néanmoins, plus de 20 ans après la chute du mur de Berlin, les Estoniens restent très méfiants envers les partis positionnés à gauche sur l'échiquier politique qu'ils assimilent souvent aux socialistes soviétiques. Depuis l'indépendance du pays le 20 août 1991, les partis de droite ont toujours été au pouvoir à Tallinn. Jugées plus crédibles que leurs homologues de gauche, ils peuvent s'appuyer sur leur expérience et tirer avantage de tout ce qui a été accompli depuis près de 20 ans. Les commentateurs politiques sont nombreux à estimer que le leader social-démocrate cherche à se positionner en réalité pour le scrutin de 2015.

Sven Misker sera candidat dans la plus grande circonscription du pays, celle de Jarva et Viljandi, où il avait été élu le 4 mars 2007.

Le parti social-démocrate propose de tripler les allocations familiales perçues pour tous les enfants de moins de 19 ans. Il veut également garantir à chaque enfant une place en crèche et augmenter le salaire des puéricultrices de façon à l'aligner sur celui perçu par les instituteurs des classes primaires. Le parti poursuit l'objectif de rendre à terme l'éducation totalement gratuite en Estonie.

Sven Mikser considère que son parti a de bonnes chances d'être en mesure de gouverner avec le Parti de la réforme après les élections du 6 mars, ne serait-ce que parce que l'Union pour la patrie-Res Publica formule des propositions de plus en plus populistes et donc difficiles à accepter par le parti d'Andrus Ansip. Une alliance Parti social-démocrate-Parti de la réforme ne sera toutefois pas aisée à conclure, le parti de gauche souhaitant réintroduire la progressivité de l'impôt sur le revenu, augmenter les allocations familiales (en les faisant passer de 19 à 60 €/mois pour chaque enfant) et réduire la TVA sur les produits alimentaires.

Les autres partis

L'Union du peuple estonien est le seul parti à ne pas avoir rejeté l'offre de collaboration d'Edgar Savisaar. "L'Estonie est un petit pays, nous devons tous être capables de coopérer" a déclaré son leader Andrus Blok qui s'est par ailleurs refusé à commenter le rapport de la Kaitsepolitsei sur le chef centriste. L'Union du peuple estonien est en perte de vitesse depuis la condamnation, en 2009, de son ancien leader Villu Reiljan pour corruption.

Le Parti de la gauche unifiée (EVUP) souhaite rassembler au-delà de la minorité russophone qu'il représente. "Un nombre croissant de gens ont compris que ce pays est trop fortement orienté à droite" a déclaré son coprésident Sergei Jurgens.

Dimitri Klenski, journaliste et dirigeant du mouvement des jeunes russophones Nochnoi Dozor (Veille de nuit), conduira la liste du Parti russe sous le slogan "Ensemble", le président du parti Stanislav Tserepanov figurera en 2e position. Le parti se bat pour que l'ensemble des habitants de l'Estonie aient le droit de vote. L'Estonie compte 1,3 million d'habitants dont 387 500 de non-Estoniens (dont la grande majorité est russophone), soit 29,8% de la population. Environ 136 000 personnes (chiffres de 2006) vivant dans le pays, en majorité de langue maternelle russe, ne possèdent pas la nationalité estonienne mais n'étant pas ressortissantes d'un autre pays se retrouvent apatrides. S'ils sont autorisés à résider dans le pays et à accéder aux services sociaux, les non-citoyens ne peuvent cependant voter aux élections nationales et locales.

32 candidats indépendants ont été enregistrés pour le scrutin du 6 mars, un record historique. 25 personnes avaient choisi de se présenter sous cette étiquette lors des scrutins de 1993, 19 en 1999 et 7 il y a quatre ans. En 2007, ces 7 candidats avaient recueilli 563 voix au total. En 2003, les indépendants avaient obtenu 2 161 voix ; en 1999, 7 058 voix et en 1995, 1 044 voix. Aucun d'entre eux n'a jamais remporté un seul siège au parlement.

Cet engouement pour le statut d'indépendant s'explique en partie par le succès remporté par le candidat Indrek Tarand aux élections européennes du 7 juin 2009. Celui-ci était arrivé en 2e position avec 25,81% des suffrages, un très faible écart de voix avec le Parti du centre (26,07%). Fils de l'eurodéputé social-démocrate Andres Tarand et actuel directeur du musée de la guerre d'Estonie, le candidat avait rallié sur son nom un grand nombre de votes protestataires. Les scrutins ne sont cependant pas comparables et l'exploit d'Indrek Tarand n'est pas aisément rééditable. Les candidats indépendants bénéficient souvent d'une large couverture médiatique durant la campagne électorale.

Parmi les personnes qui se présentent le 6 mars, on trouve le représentant des sauveteurs Andreas Reinberg ; le chanteur Siiri Sisak ; Valdo Paddar, membre du Parti de l'Assemblée des agriculteurs (non représenté au parlement) qui se présente dans la circonscription de Jarva et Viljandi ; Leo Kumas, lieutenant colonel de réserve, candidat dans celle de Harju et Rapla et l'entrepreneur agricole Raimond Allik, qui cherchera à obtenir les votes des électeurs de la circonscription de Hiiumaa Laane et Saaremaa. Si le nombre d'électeurs est équivalent dans un mois à celui du précédent scrutin législatif du 4 mars 2007, un candidat indépendant devra obtenir entre 4 500 et 6 000 voix pour être élu au Riigikogu.

Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut TNS Emor fin janvier, le taux de participation aux élections législatives du 6 mars prochain pourrait être quasiment équivalent à celui enregistré lors du précédent scrutin. En effet, 62% des personnes interrogées se déclarent prêtes à se rendre aux urnes. Parmi elles, les plus jeunes électeurs et les russophones devraient être plus nombreux qu'il y a quatre ans.

Le Parti de la réforme arrive en tête du dernier sondage réalisé par l'institut Turu uuringute AS avec 22% des suffrages. Il est suivi du Parti du centre qui recueille 16% des voix, de l'Union pour la patrie-Res Publica 12% et du Parti social-démocrate 8%. Les Verts recueillent 3% et ne seraient donc pas en mesure d'être représentés dans le prochain parlement. Un autre sondage réalisé par TNS Emor révèle que 40,5% des Estoniens désignent le chef du gouvernement sortant Andrus Ansip comme le meilleur Premier ministre pour le pays. Près de trois personnes interrogées sur dix (29,3%) lui préfèrent Sven Mikser, 16,8% citent Mart Laar et 13,4% Edgar Savisaar.

A un mois du scrutin, le Premier ministre estonien devrait suivre l'exemple de son voisin letton, Valdis Dombrovksis (Nouvelle ère, JL), qui s'est succédé à lui-même lors des élections législatives du 2 octobre 2010, et donc être reconduit dans ses fonctions de chef du gouvernement le 6 mars prochain.

Source : Commission électorale d'Estonie http://www.vvk.ee/index.php?id=11535

Elections législatives en Estonie 6 mars 2011

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