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Sans surprise, Alexandre Loukachenko conserve son poste. Plusieurs candidats de l'opposition sont emprisonnés après une manifestation dénonçant les fraudes.

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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20 décembre 2010
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Sans surprise, Alexandre Loukachenko conserve son poste. Plusieurs candidats de ...

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Comme attendu, Alexandre Loukachenko a remporté dès le 1er tour le pseudo-scrutin qui s'est déroulé le 19 décembre avec 79,7% des suffrages. Il devance l'ancien vice-ministre des Affaires étrangères et leader de Biélorussie européenne, Andreï Sannikov, et le poète et leader du mouvement Govori Pravdou ("Dis la vérité !"), Vladimir Nekliaev, qui recueillent chacun 6,1% ! Aucun des 7 autres candidats ne recueille plus de 5% des suffrages !

La participation s'est élevée à 90,66%, soit très légèrement au-dessous de celle enregistrée lors du pseudo-scrutin du 19 mars 2006 (- 1,9 point).

Au pouvoir depuis 1994, Alexandre Loukachenko rempile pour la 4e fois consécutive! Il obtient un résultat inférieur de 2,9 points par rapport à mars 2006. "Le dépouillement des bulletins ne sera probablement pas juste et transparent. Mais, et c'est un élément essentiel, si Alexandre Loukachenko est déclaré vainqueur avec environ 50% des suffrages, cela paraîtra crédible. En revanche, un résultat de 75% des voix ou plus pourrait inciter les partisans de l'opposition à braver des températures glaciales pour manifester contre les résultats" avait déclaré Arkady Moshes, analyste de l'Institut finlandais des affaires internationales avant le 19 décembre.

A l'appel de 7 des candidats de l'opposition qui souhaitaient protester contre la victoire attendue d'Alexandre Loukachenko, environ 10 000 personnes se sont rassemblées aux abords de la place Kastrychnitskaya (d'Octobre) à Minsk brandissant des drapeaux rouge et blanc de la Biélorussie et ceux bleu et or de l'Union européenne et scandant "Pour la liberté !" et "Vive la Biélorussie !" mais aussi "Des élections sans Loukachenko" et "Pars, pars" à l'adresse du dictateur.

"Ne vous inquiétez pas, il n'y aura personne sur la place d'Octobre ce soir" avait déclaré Alexandre Loukachenko plus tôt dans la journée, ajoutant "On ne peut absolument pas parler de falsification du scrutin". L'opposition a pourtant dénoncé des fraudes massives dans les bulletins des électeurs (estimés à environ un tiers des votants, 31,3% en 2006) qui ont rempli leur devoir civique par anticipation, soit pendant les 5 jours précédant le scrutin. Le vote par anticipation échappe au contrôle des observateurs internationaux.

"C'est ici que la Biélorussie a déclaré son indépendance en 1991 et c'est ici que la dictature d'Alexandre Loukachenko va tomber aujourd'hui. Alexandre Loukachenko n'a pas gagné l'élection, il ne peut pas devenir Président de la République. C'est un usurpateur. A Minsk, il n'a remporté que 25% des voix. Il faut organiser un 2nd tour" a déclaré Andreï Sannikov. La police anti-émeute, qui avait été mise en état d'alerte renforcée, a violemment dispersé les manifestants dont certains tentaient de prendre d'assaut le siège de la Présidence s'attaquant aux portes et aux fenêtres. Plusieurs centaines de personnes ont été interpellées. Deux candidats ont été blessés : Vitali Rimachevski, coprésident du Parti de la démocratie chrétienne, a été hospitalisé après avoir été blessé à la tête pendant la charge policière et Vladimir Nekliaev, souffrant d'un traumatisme crânien, a été évacué par ambulance. "Cette élection est frauduleuse. Un vote libre est impossible sous cette dictature" avait-il déclaré.

6 des 9 candidats de l'opposition – Vladimir Nekliaïev, Andreï Sannikov, Nikolaï Statkevitch (Parti social démocrate), Vitali Rimachevski (Parti de la démocratie chrétienne), Ryhor Kastusyow (Front populaire), Alexeï Mikhalevich (Union de la modernisation) et Dmitri Us (directeur de la société Tryvium) – ont été arrêtés et emprisonnés!

Le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, a condamné "la lâche attaque" dont a été victime Vladimir Nekliaïev et la Haute représentante, Catherine Ashton, a condamné la violence utilisée contre l'opposition. Les Etats-Unis ont dénoncé le recours à la force des autorités. "Les Etats-Unis condamnent fermement la violence lors du scrutin en Biélorussie. Nous sommes particulièrement inquiets du recours excessif à la force par les autorités, notamment envers plusieurs candidats battus et interpellés, ainsi que de la violence à l'égard des journalistes et des membres de la société civile. Nous appelons le gouvernement de Biélorussie à faire preuve de retenue lors de la suite du processus électoral, qui ne doit pas être marqué par davantage d'intimidations et de violence" indique l'ambassade américaine à Minsk. En mars 2006, les manifestants avaient planté des tentes sur la place d'Octobre avant d'en être délogés 5 jours plus tard par les forces de police. Certaines personnes avaient été ensuite emprisonnées.

Le déroulement du pseudo-scrutin, l'ampleur de la victoire d'Alexandre Loukachenko et sa gestion des manifestations de l'opposition pourraient être déterminants dans l'évolution des relations de la Biélorussie avec l'Union européenne. Alexandre Loukachenko se montre d'autant plus soucieux de donner des gages à l'Union européenne que les relations entre Minsk et Moscou se sont tendues durant les derniers mois. "Nous voulons réagir aux commentaires des journalistes occidentaux qui qualifient notre Chef de l'Etat de dernier dictateur d'Europe" a déclaré Pavel Legky, porte-parole de la Présidence. Alexandre Loukachenko est en effet interdit de séjour dans l'Union européenne et aux Etats-Unis depuis 2002 en raison de ses atteintes répétées aux droits de l'Homme. La Biélorussie détient le triste record du plus grand nombre de résolutions du Parlement européen condamnant les agissements de ses autorités. Son statut d'invité spécial au Conseil de l'Europe est suspendu depuis 1997.

Avant la fermeture des bureaux de vote, Geert-Hinrich Ahrens, chef des 400 observateurs de l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), a déclaré que le scrutin s'était déroulé dans de "meilleures conditions que celui du 19 mars 2006".

Si la campagne a été un peu plus libre que celle du précédent scrutin du même type en 2006, les opposants et de nombreux analystes politiques estiment qu'il ne s'agissait que d'un semblant de démocratie dans le but d'obtenir un satisfecit des observateurs de l'OSCE et que cette libéralisation toute relative n'excèdera pas le temps du scrutin. "C'est du théâtre. Derrière la scène, on assiste à un durcissement du régime" a affirmé le sociologue Oleg Manaev.

Le 24 novembre, environ 1000 personnes représentant une partie des forces de l'opposition se sont rassemblées pour réclamer la tenue d'une vraie élection présidentielle conforme aux règles démocratiques sur la place d'Octobre à Minsk et aucune arrestation n'a été signalée alors que la manifestation était interdite. Tous les candidats ont été autorisés à s'exprimer durant deux fois 30 minutes à la télévision et à la radio où Andreï Sannikov a pu appeler les Biélorusses à "chasser le cochon du jardin". "L'exécutif a facilité la prise de parole des candidats et les citoyens biélorusses ont découvert la politique" s'est félicité Viktor Terechtchenko, ancien directeur de l'institut international du management de Minsk et actuel président du Conseil de l'Association des petites et moyennes entreprises. Pour la première fois, le droit des observateurs internationaux a été élargi, la Commission électorale ayant adopté un décret les autorisant à assister au dépouillement des bulletins de vote.

Alexandre Loukachenko, âgé de 56 ans, originaire de Kopys, est diplômé de la faculté d'Histoire de Moguilev et de l'Académie d'agriculture. Ancien professeur d'idéologie communiste de l'Armée rouge et ex-commissaire politique chez les garde-frontières, il devient responsable de sovkhoze (ferme collective) en 1987. Elu député du Soviet suprême de la Biélorussie soviétique en 1991 (il a été le seul membre du Parlement biélorusse à voter contre le traité dissolvant l'Union soviétique), il est nommé deux ans plus tard président de la commission parlementaire anti-corruption du Soviet suprême de Biélorussie. Le 20 juillet 1994, il devient Président de la République. Deux ans plus tard alors que la loi biélorusse interdit toute modification de la Constitution par référendum, Alexandre Loukachenko organise une consultation populaire lui permettant de prolonger de deux ans le terme de son premier mandat (qui s'est donc achevé en 2001) et d'élargir ses prérogatives. Il sera redésigné à la tête de l'Etat au 1er tour le 9 septembre 2001 pour un mandat de 5 ans par 75,65% des suffrages, contre 15,65% des voix à son principal adversaire, Vladimir Gontcharik. Ce scrutin, dont les résultats ont été vivement contestés par l'opposition, n'a pas été reconnu par les observateurs de l'OSCE.

La Constitution biélorusse lui interdisant de se présenter pour un 3e mandat consécutif, Alexandre Loukachenko a organisé le 17 octobre 2004, jour des dernières "élections" législatives (dénoncées comme frauduleuses par les observateurs chargés de veiller sur la transparence et l'honnêteté du scrutin), un 2e référendum afin de se maintenir au pouvoir. Par une nouvelle consultation populaire illégitime et selon des résultats jugés falsifiés par l'ensemble des organisations internationales chargées d'observer le scrutin, Loukachenko a obtenu par 77,3% des suffrages l'adoption d'un amendement à la Constitution levant la limitation du nombre de réélection à la Présidence de la République pour une seule et même personne. Alexandre Loukachenko a donc été re-redésigné le 19 mars 2006 contre Alexandre Milinkievitch, à qui le Prix Sakharov du Parlement européen a été décerné la même année. Ce pseudo-scrutin comme tous ceux organisés sous son règne a été déclaré non conforme aux normes démocratiques internationales.

Les Biélorusses démarreront l'année 2011 comme les 14 précédentes avec Alexandre Loukachenko à la tête du pays. "Il y aura certainement des changements politiques... mais le pouvoir ne changera pas en Biélorussie" avait-il prévenu quelques jours avant le pseudo-scrutin. Interrogé par un journaliste sur son éventuelle collaboration avec les forces de l'opposition, il a répondu qu'il discuterait avec les gens "normaux" mais pas avec les "bandits".

[1]http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/EN/foraff/118638.pdf

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