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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Les Biélorusses sont appelés le 19 décembre à désigner leur "président"! 16 personnes ont postulé mais seules 10 ont réussi à recueillir les 100 000 signatures obligatoires pour se présenter. Il s'agit de:
- L'actuel titulaire, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis le 20 juillet 1994 ;
- Vladimir Nekliaiev;
- Jaroslav Romantchouk, vice-président du Parti de l'unité civile ;
- Andreï Sannikov, leader de Biélorussie européenne;
- Viktor Terechtchenko, président du Conseil de l'Association des petites et moyennes entreprises ;
- Ryhor Kastusyow, président du Front populaire ;
- Dmitri Us, directeur de l'entreprise Tryvium ;
- Nikolaï Statkevich, co-fondateur du Parti social démocrate ;
- Vitali Rimachevski, coprésident du Parti de la démocratie chrétienne;
- Alexeï Mikhalevich, avocat et membre de l'Union de la modernisation.
Un millier d'observateurs internationaux sont attendus dont 400 appartenant à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui seront conduits par Geert-Hinrich Ahrens. 5000 Biélorusses surveilleront également le déroulement du scrutin. Le droit des observateurs internationaux a été élargi, la Commission électorale ayant adopté un décret selon lequel ils pourront désormais assister au dépouillement des bulletins de vote!
Autre nouveauté : entre le 22 novembre et le 3 décembre, chaque candidat aura l'occasion d'exposer son programme à la télévision et à la radio durant deux fois 30 minutes. Loukachenko, omniprésent dans les médias, a décidé de ne pas utiliser ce temps de parole! Aucune arrestation n'a été signalée le 24 novembre dernier après qu'environ 1000 personnes représentant une partie des forces de l'opposition se sont rassemblées sur la place Kastrychnitskaya à Minsk pour réclamer la tenue d'une vraie élection conforme aux règles démocratiques. "Nous sommes venus pour que vous puissiez gagner" a déclaré Vladimir Nekliaiev. Vitali Rimachevski et Nikolaï Statkevich ont participé à ce rassemblement alors que Andreï Sannikov et Alexeï Mikhalevich ont préféré s'abstenir. Nikolaï Statkevich a présenté les 3 exigences des manifestants : le droit de chaque candidat de disposer d'un représentant à la Commission électorale (actuellement, moins de 1% des responsables des commissions électorales locales appartiennent à des organisations de l'opposition), le décompte public des suffrages et la suppression du vote par anticipation dénoncé comme moyen de falsification des résultats! La loi électorale autorise en effet les Biélorusses à accomplir leur devoir civique de façon anticipée durant les 5 jours précédant le scrutin. Ce vote par anticipation a été supprimé en Ukraine et en Géorgie après les révolutions de couleur. "Je dispose d'un taux d'approbation de 70% tandis que l'opposition est à 1,5%, pourquoi aurais-je besoin de frauder ?" répète Alexandre Loukachenko.
L'Union européenne a déclaré qu'elle accorderait 3 milliards € à la Biélorussie si "l'élection" présidentielle était démocratique.
Face à Loukachenko, l'opposition est désunie ; les 9 autres candidats proposent des programmes différents. Jaroslav Romantchouk, qui affirme être le seul économiste professionnel et disposer d'une équipe de réformateurs professionnels, a promis de créer un million d'emplois en cas de victoire. Il a précisé qu'il commanditerait une enquête sur la disparition des opposants durant le règne d'Alexandre Loukachenko. Andreï Sannikov promet de nombreux changements en cas de victoire : une réelle séparation des pouvoirs, une modification du code électoral, l'organisation d'élections locales libres, l'indépendance de la justice et du Parlement, l'amélioration du secteur privé, l'augmentation de l'allocation accordée à la naissance d'un enfant, la baisse des prix du logement, la hausse des pensions de retraite et la modernisation de l'économie. Il promet l'entrée de la Biélorussie dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans les 2 ans à venir et, à terme, au sein de l'Union européenne. Andreï Sannikov est opposé à l'adhésion de son pays à l'OTAN mais souhaite réduire la durée du service militaire à un an (elle est actuellement de 18 mois et de 12 mois pour les diplômés universitaires). "Il est honteux pour notre pays d'être qualifié de dernière dictature d'Europe. Nous avons une chance historique de nous débarrasser de ce régime odieux et de vivre dans un pays européen indépendant" a t-il affirmé. Il veut supprimer les cours d'idéologie d'Etat dispensés dans les établissements d'enseignement secondaire et supérieur et dans les entreprises. "Le pays a besoin de patriotes et de citoyens plus que d'esclaves obéissants" a-t-il souligné se déclarant certain de la défaite d'Alexandre Loukachenko.
Fait notable : son programme a été publié dans les journaux d'Etat. Mais 3 journaux ont refusé de publier le programme de Dmitri Us. Celui-ci affirme que le système électoral biélorusse est identique à celui de l'Allemagne des années 1930.
Vladimir Nekliaiev et Andreï Sannikov ont déclaré qu'ils allaient former un bloc électoral pour lutter contre les fraudes électorales. "Nous ne ferons rien l'un contre l'autre" a souligné Vladimir Nekliaiev qui a répété qu'il avait choisi de faire de la politique parce que "la poésie ne peut changer la vie, juste la rendre plus belle, et je veux changer et améliorer la vie. Je sais que cela peut être réalisé". Vladimir Nekliaiev a indiqué qu'il offrirait 19 000 € aux familles pour la naissance d'un enfant et qu'il consacrerait sa première loi aux petites et moyennes entreprises.
Alexandre Loukachenko continue à affirmer que les forces de l'opposition sont financées par l'étranger, notamment par la France, la Lituanie, la Pologne et l'Allemagne. "Nous le savons, Andreï Sannikov et Vladimir Nekliaiev sont financés par la Russie" a-t-il déclaré au quotidien français Le Figaro le 29 novembre dernier.
Les relations entre Minsk et Moscou sont depuis quelques mois très tendues. "Alexandre Loukachenko n'a pas seulement bafoué les normes diplomatiques mais également celles de la décence humaine" a déclaré le Président russe, Dmitri Medvedev après que le satrape biélorusse avait accusé Moscou d'avoir organisé un attentat à l'aide de cocktails molotov contre son ambassade de Minsk pour discréditer son régime. Fin septembre dernier, Alexandre Loukachenko avait affirmé que l'administration de Dmitri Medvedev "orchestrait un flux de mensonges éhontés, d'absurdités et de désinformation sur la Biélorussie".
Moscou exige de son étranger proche la plus grande loyauté et reproche à Minsk de ne pas avoir honoré sa promesse en refusant de reconnaître l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et en accordant l'asile à Kurmanbek Bakiev, ancien Président de la République du Kirghizistan (2005-2010), contraint à la démission le 15 avril dernier. Les autorités russes considèrent que la présence de leaders autocrates hostiles à toute réforme dans les pays voisins réduit leurs marges de manœuvre. Cependant, nul ne pense Moscou capable de remettre en cause la légitimité d'Alexandre Loukachenko si, comme attendu, celui-ci remporte le soi-disant scrutin. La Russie n'a d'ailleurs pas choisi de soutenir un candidat de l'opposition. Dans ce contexte de tension entre les deux Etats, tous les candidats de l'opposition se présentent comme des amis de la Russie, la population biélorusse étant traditionnellement très russophile.
Alexandre Loukachenko n'a pas de véritable challenger. La seule vraie menace réside dans le taux de participation. Il bénéficie d'une forte popularité dans les parties rurales de la Biélorussie et parmi les personnes les plus âgées qui sont les plus nombreuses à voter. "Si Alexandre Loukachenko est au pouvoir, c'est parce que lorsqu'il fait une promesse, il la tient en toutes circonstances. Les gens le savent et l'apprécient" affirme le dictateur.
Toutes les enquêtes d'opinion prévoient sa victoire le 19 décembre. L'économiste Jaroslav Romantchouk devrait arriver en 2e position, suivi par Andreï Sannikov puis Vladimir Nekliaiev selon un sondage réalisé par l'institut ukrainien, le Socium research center.
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