Election présidentielle en Pologne, Le point à une semaine du scrutin

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14 juin 2010
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Election présidentielle en Pologne, Le point à une semaine du scrutin

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30 millions de Polonais sont appelés aux urnes le 20 juin prochain pour le 1er tour de l'élection présidentielle, un scrutin anticipé de 4 mois en raison du décès accidentel le 10 avril dernier du chef de l'Etat sortant, Lech Kaczynski. Ce dernier a trouvé la mort avec son épouse et 94 autres personnes dans un accident d'avion survenu à Petchorsk, ville située dans la région russe de Smolensk. La délégation présidentielle se rendait à Katyn pour célébrer le 70e anniversaire de l'exécution de 22 000 officiers polonais par les services secrets soviétiques.

L'intérim à la tête de l'Etat polonais est assuré par le président de la Diète, Chambre basse du Parlement, Bronislaw Komorowski (PO), par ailleurs candidat de la Plateforme civique à l'élection présidentielle.

Les Polonais vivant à l'étranger sont autorisés à voter pour ce scrutin présidentiel. Au Royaume-Uni, qui compte 750 000 Polonais (dont la moitié vit à Londres), seront ouverts 45 bureaux de vote (le nombre le plus important en dehors de la Pologne), dont 8 à Londres. Lors des élections parlementaires du 21 octobre 2007, 48 000 Polonais du Royaume-Uni s'étaient inscrits sur les listes électorales pour pouvoir remplir leur devoir civique.

Cette année, compte tenu de la date choisie pour un éventuel 2e tour (4 juillet), les autorités ont décidé d'ouvrir des bureaux de vote sur les lieux de vacances préférés des Polonais (Egypte, Turquie, Espagne). Cette mesure concerne surtout les électeurs de la PO, plus enclins à partir à l'étranger durant leurs congés. La faiblesse de la participation au 2e tour serait un élément favorable à Droit et justice (PiS) dont les électeurs sont souvent les plus mobilisés.

Le candidat de la Plateforme civique, Bronislaw Komorowski, s'est rendu au Royaume-Uni, où il a rencontré la communauté polonaise. Le 23 octobre 2005, lors du 2e tour de l'élection présidentielle, Donald Tusk (PO) avait recueilli 75% des suffrages parmi les Polonais vivant au Royaume-Uni, pour 46% en Pologne. "Si l'économie polonaise continue de se développer au rythme actuel, de nombreux Polonais rentreront au pays" a déclaré Bronislaw Komorowski à la radio polonaise de Londres. Le candidat des forces de gauche, Grzegorz Napieralski (Alliance de la gauche démocratique, SLD), a également fait le voyage au Royaume-Uni pour la campagne et a encouragé les Polonais à retourner vivre dans leur patrie.

10 personnes sont officiellement candidates :

- Bronislaw Komorowski (PO), maréchal (président) de la Diète, ancien ministre de la Défense (2000-2001) et Président de la République par intérim depuis la mort de Lech Kaczynski ;

- Jaroslaw Kaczynski (PiS), frère jumeau du Président de la République défunt Lech Kaczynski et ancien Premier ministre (2006-2007) ;

- Waldemar Pawlak (Parti paysan polonais, PSL), actuel vice-Premier ministre et ministre de l'Economie du gouvernement dirigé par Donald Tusk ;

- Grzegorz Napieralski (Alliance de la gauche démocratique, SLD), leader du principal parti de gauche et le plus jeune de tous les candidats (36 ans);

- Marek Jurek (Droit de la République de Pologne, PR), ancien président de la Diète (2005-2007) ;

- Boguslaw Zietek (Parti du travail, PPP), président de la confédération syndicale WZZ Sierpien 80, positionné à gauche sur l'échiquier politique ;

- Kornel Morawiecki, leader historique du syndicat Solidarité en lutte ;

- Janusz Korwin-Mikke (Liberté et règne du droit, WiP), ancien leader de l'Union de la politique et partisan de la monarchie ;

- Andrzej Olechowski, candidat indépendant soutenu par le Parti démocratique (SD), ancien membre de la Plateforme civique (PO) qu'il a quittée en 2009 et dont il a été le cofondateur avec Donald Tusk et Maciej Plazynski (décédé dans l'accident d'avion du 10 avril dernier) et ancien ministre des Finances et des Affaires étrangères.

- Andrzej Lepper (Autodéfense de la Pologne-Samoobrona, S), ancien vice-Premier ministre et ministre de l'Agriculture (2006-2007).

Jaroslaw Kaczynski (PiS) a tenu son premier grand meeting de campagne à Zakopane, au cœur des terres catholiques du Sud de la Pologne. Ces dernières semaines, le discours du leader du PiS a changé. L'ancien Premier ministre est moins agressif et tient à se positionner au centre de l'échiquier politique. Il se montre plus tolérant à l'égard de ses voisins allemand et russe. "Le succès économique de la Pologne est très fortement lié à celui de l'Allemagne et la Pologne doit maintenir de bonnes relations avec son voisin de l'Ouest" a-t-il déclaré à Slubice, ville située sur l'Oder, à la frontière polono-allemande. Il y a quelques semaines, Jaroslaw Kaczynski avait remercié les Russes de leur attitude lors de la mort de son frère jumeau. "La Pologne a vécu une grande tragédie le 10 avril dernier et les Polonais ont grandement apprécié la sympathie exprimée par des millions de Russes. Nous vous sommes reconnaissants de chaque larme versée, de chaque bougie allumée, de chaque marque de compassion" avait-il souligné. "Ces propos ont été appréciés par les Russes, le discours sur l'Allemagne pourrait avoir un effet similaire" analyse l'historien Bogdan Musial.

Jaroslaw Kaczynski, dont le parti a souvent joué la division au sein de la population polonaise, a appelé dans ses discours à "la fin de la guerre polono-polonaise, cause de malheur et de souffrance qui ne fait aucun bien au pays". De nombreux analystes politiques doutent cependant de la sincérité de l'ancien Premier ministre.

Il a tenu à déclarer son soutien au Premier ministre Donald Tusk (PO) dans la lutte contre les graves inondations qui ont dévasté (et dévastent encore) la Pologne (notamment le sud-est du pays) et qui ont fait une vingtaine de morts et obligé de nombreuses personnes à abandonner leurs maisons. Mais l'ancien Premier ministre a également critiqué le gouvernement pour son manque d'organisation des services d'urgence. Jaroslaw Kaczynski a déclaré qu'en cas de nouvelles inondations, il ne s'opposerait pas à une déclaration par le gouvernement de l'état de catastrophe naturelle, une mesure souhaitée, selon les enquêtes d'opinion, par 58% des Polonais. Il a d'ailleurs transformé certaines de ses réunions pré-électorales en concerts caritatifs donnés au bénéfice des victimes des inondations.

Cette campagne électorale qui se déroule dans un pays endeuillé est véritablement particulière : l'accident du 10 avril et les inondations pèsent lourdement sur les deux principaux candidats – Bronislaw Komorowski et Jaroslaw Kaczynski – comme sur l'ensemble des Polonais. "Les états-majors des deux équipes de campagne sont dans une situation d'attente. Le parti qui attaquera en premier sait qu'il risque également de perdre toutes ses chances" a indiqué Eryk Mistewicz, expert en marketing politique.

Favori de l'élection présidentielle, Bronislaw Komorowski n'a pas la partie facile. Doté d'un avantage certain puisqu'il exerce l'intérim à la tête de l'Etat, il n'a toutefois pas droit à l'erreur. "La Présidence de la République est un grand défi et l'objectif pour la Pologne est de rattraper les pays de la vieille Union européenne" a indiqué Bronislaw Komorowski qui s'est déclaré partisan de l'adhésion de son pays à la zone euro "le plus rapidement possible", à l'horizon de 2014-2016. "Toutes les institutions de l'Etat, le futur Président de la République et le Parlement actuel ont le devoir de soutenir la détermination du gouvernement à adopter l'euro dans ces délais" a-t-il déclaré dans un discours à la chaîne de télévision TVN24. Jaroslaw Kaczynski considère que la Pologne aura intérêt à adopter la monnaie unique dès le moment où son adhésion à l'euro sera "avantageuse" pour son économie. En dépit des différences existant entre les deux frères et des circonstances politiques, l'ancien Premier ministre devrait, s'il est élu, inscrire son action dans le sillage de son défunt jumeau et ainsi s'opposer aux privatisations menées par le gouvernement de Donald Tusk ou se battre pour une augmentation des dépenses de l'Etat.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Gfk Polonia et publiée le 12 juin dernier, Bronislaw Komorowski devrait arriver en tête du 1er tour de l'élection présidentielle avec 42% des suffrages pour 29% à Jaroslaw Kaczynski. Grzegorz Napieralski arriverait en 3e position avec 7% des voix, et le vice-Premier ministre et ministre de l'Economie, Waldemar Pawlak , 2%. Les 6 autres candidats sont au-dessous de 1% des suffrages.

Lors d'un 2e tour de scrutin, le Président par intérim battrait avec 58% des voix le candidat du PiS, qui obtiendrait 34% des suffrages.

La véritable question de cette élection présidentielle est la suivante : les Polonais souhaitent-ils une nouvelle cohabitation ? Début de réponse le 20 juin prochain.

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