Elections législatives en Suède, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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13 septembre 2010
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Elections législatives en Suède, Le point à une semaine du scrutin

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A une semaine des élections législatives suédoises le 19 septembre, l'Alliance - qui regroupe le Parti du rassemblement modéré (M), dirigé par le Premier ministre sortant Fredrik Reinfeldt ; le Parti du centre (C), le Parti du peuple-Les Libéraux (FpL) et le Parti chrétien-démocrate (KD) - devancerait la coalition rouge-verte (Rödgröna) qui rassemble le Parti social-démocrate (SAP) dirigé par Mona Sahlin, le Parti de l'environnement-Les Verts (MP) et le Parti de la gauche (Vp).

La cote de popularité du Chef du gouvernement, Fredrik Reinfeldt, est beaucoup plus élevée que celle de sa rivale, Mona Sahlin, qui reste peu populaire parmi les Suédois au contraire de sa partenaire de coalition, Maria Wetterstrand, porte-parole des Verts. Au sein du SAP, beaucoup parlent d'une "campagne de haine" contre Mona Sahlin, cible permanente des médias selon eux.

Selon les enquêtes d'opinion, les Suédois s'attendent à une victoire des forces de l'Alliance. Début septembre, 62,4% d'entre eux donnaient la droite en tête contre 19,3 % qui anticipaient une victoire de la gauche. Parmi les sympathisants de l'opposition, seuls 38% estiment que l'alternance est possible.

Les retraités (environ 20% de l'électorat), qui ont vu leurs pensions diminuer ces derniers mois (le niveau des retraites est, en Suède, indexé sur la croissance économique), figurent au cœur de la fin de campagne. Une partie des retraites relève de la capitalisation et a donc été affectée par la crise financière. Les retraités sont davantage taxés que les actifs auxquels ont été accordés des allégements fiscaux ces dernières années, l'Alliance ayant explicitement souhaité privilégier le travail.

Les forces de l'Alliance ont indiqué qu'en cas de victoire elles baisseraient les impôts des retraités de 5 milliards de couronnes et les partis de gauche qu'ils gommeraient le différentiel d'impôts entre retraités et salariés s'ils revenaient au pouvoir. Début septembre, le gouvernement a annoncé qu'il consentirait une baisse d'impôts de 2,5 milliards de couronnes pour les retraités (271,5 millions €), réforme qui entrera en vigueur en 2011, et qu'il pourrait envisager une nouvelle baisse d'impôts de 2,3 milliards de couronnes (249,7 millions €), si les finances publiques revenaient dans le vert. Les propositions des forces de l'Alliance pourraient donc porter à 10 milliards de couronnes (environ 1,1 milliard €) les baisses d'impôts consenties aux retraités. Quant à la coalition rouge-verte, elle promet au total une baisse de 17,5 milliards de couronnes (1,9 milliard €).

La campagne est centrée aussi sur les questions de fiscalité et s'apparente à un concours de baisse d'impôts (la Suède est l'un des pays où la pression fiscale est la plus forte en Europe). Le temps semble lointain de l'opposition entre une droite favorable à la diminution des taxes et une gauche protectrice du modèle suédois. Au total, le gouvernement s'est engagé à baisser les impôts et les dépenses publiques à hauteur de 32,7 milliards de couronnes (3,55 milliards €) en cas de victoire.

Les forces de gauche ont déclaré qu'elles ne reviendraient pas sur 90% des baisses d'impôts votées par le gouvernement sortant. Elles souhaitent diminuer les taxes sur les retraites et sur les cotisations d'assurance chômage et préconisent une baisse de la TVA sur la restauration. Elles prévoient néanmoins de relever la valeur fiscale minimale d'une maison de 4,5 à 7 millions de couronnes (ce qui donnerait lieu au paiement d'un impôt supplémentaire), d'augmenter quelques les taxes sur le revenu et sur l'essence et de réinstituer l'impôt sur la fortune. Elles souhaitent supprimer la réduction d'impôt sur les services à domicile (50% de leur coût est actuellement déductible), réduction qui serait compensée par une baisse de la TVA sur ces mêmes services. Un programme qui a fait dire au Premier ministre sortant que l'opposition souhaitait "baisser les impôts de tous, sauf des Suédois qui travaillent".

Mona Sahlin a accusé Fredrik Reinfeldt d'avoir affaibli le modèle social suédois durant son mandat et de fragiliser le financement de l'Etat providence avec ses nouvelles promesses de baisses d'impôts. "Le Parti du rassemblement modéré pense que la priorité est de diminuer les impôts. Il n'en voit pas d'autres. Ni le chômage des jeunes ni l'exclusion des malades ni les inégalités croissantes entre les gens" a-t-elle déclaré. Selon elle, le Chef du gouvernement favorise les baisses d'impôts "au détriment de l'augmentation du nombre des salariés dans les secteurs de la santé et de l'éducation, d'ambitions écologiques plus élevées et de la possibilité pour les citoyens suédois de vivre une vie plus riche". "Les baisses d'impôt ont un prix. Je suis certaine que leur prix sera l'Etat providence" a-t-elle affirmé. Les forces de gauche promettent de consacrer dès 2011 1,5 milliard de couronnes (sur les 4,6 milliards promis pour l'ensemble de la législature à venir) à la prise en charge et au bien-être des personnes âgées. Elles prévoient une hausse des moyens consacrés à la petite enfance, à l'éducation (hausse de l'allocation étudiante, plafonnement des frais d'inscription à l'école maternelle, augmentation du nombre d'enseignants) et à l'Etat providence en général.

Fredrik Reinfeldt s'appuie sur le bilan de ses 4 années passées à la tête du pays pour faire de nouvelles promesses mesurées. Pays parmi les plus solides d'Europe au niveau économique (la Suède obtient la 2e place, derrière la Suisse, dans le classement de la compétitivité internationale du World Economic Forum), la Suède est en pleine reprise (4,5% de croissance du PIB prévue en 2010). Ses finances publiques sont saines (la dette publique s'élevait à 42,8% du PIB en 2009, le déficit budgétaire représentait 0,5%), la couronne suédoise a gagné environ 20% sur l'euro depuis mars dernier et la Banque centrale suédoise (Riksbank) a relevé début septembre ses taux d'intérêt directeurs d'un demi-point (de 0,25% à 0, 75%) pour la 2e fois cette année. Certes, le taux de chômage reste élevé (8% de la population active, 21,2% parmi les jeunes entre 20 et 24 ans) et les coupes parfois sévères effectuées dans les dépenses sociales au sein d'un pays très attaché au maintien d'un Etat Providence (Folkhemmet, soit la maison du peuple) puissant ont affecté les Suédois les plus fragiles.

Les forces de l'Alliance ont fait de l'emploi leur priorité et présentent leur politique de baisse des impôts comme la seule façon efficace de créer des emplois. "Les réductions d'impôts créeront de l'emploi et inciteront à travailler" a déclaré Fredrik Reinfeldt qui a présenté, avec le ministre de l'Economie Anders Borg (M), son "paquet pour l'emploi" dont le coût est estimé à 3 milliards de couronnes (325 millions €). Les mesures concernent les jeunes chômeurs et les chômeurs de longue durée, notamment une amélioration des possibilités d'insertion professionnelle des jeunes diplômés, une extension du système de coaching (aide à la rédaction d'un dossier de candidature à un emploi, etc) à laquelle serait consacré 1 milliard de couronnes (108, 5 millions €).

"Nous sommes prêts pour 4 années supplémentaires" a déclaré le Chef du gouvernement. Au total, les forces de l'Alliance promettent, en cas de victoire, d'allouer 32,7 milliards de couronnes (3,4 milliards €) à un plan de réformes sociales. Elles souhaitent vendre certaines des parts que possède l'Etat dans plusieurs entreprises publiques comme la compagnie d'électricité Vattenfall, la banque Nordea ou l'opérateur téléphonique TeliaSonera. L'opposition de gauche est beaucoup moins favorable à toute politique de privatisation et désire conserver Vattenfall dans le giron de l'Etat.

"Je fais exactement ce que j'ai promis aux Suédois : la protection du système social passe avant tout" a déclaré le Premier ministre Fredrik Reinfeldt, ajoutant "l'essentiel de l'argent que nous engagerons ira à l'éducation, à la santé et aux services sociaux".

Fredrik Reinfeldt a tout intérêt à porter le débat sur les questions socioéconomiques. Son bilan et la garantie de stabilité et de consolidation des acquis de la précédente législature que se propose de représenter son programme semblent attirer les électeurs. Sans forcément adhérer à une doctrine libérale, les Suédois montrent, comme beaucoup de citoyens européens, un besoin de stabilité et une plus grande confiance dans l'efficacité des partis de droite pour gérer la crise économique et faire face aux bouleversements que connaît leur société.

Les forces de gauche peinent à incarner un réel programme alternatif capable de mobiliser les électeurs. La coalition rouge-verte souffre de son hétérogénéité. Ainsi, le Parti de gauche est eurosceptique contrairement au Parti social-démocrate et au Parti de l'environnement-Les Verts. Par ailleurs, les catégories socioprofessionnelles les plus populaires, traditionnellement proches du Parti social-démocrate, se reconnaissent parfois difficilement dans le parti écologiste, défenseur de l'identité homosexuelle. L'opposition manque de stratégie (les forces de l'Alliance ont imposé leur agenda politique – notamment la fiscalité – dans la campagne électorale). Enfin, elle souffre du problème de leadership de Mona Sahlin, peu populaire.

Cette situation est dommageable pour les partis de gauche car si la personnalité des candidats joue habituellement un rôle moindre en Suède que dans les autres Etats européens, la campagne législative s'est cristallisée sur les deux principaux leaders politiques – le Premier ministre Fredrik Reinfeldt pour la coalition gouvernementale sortante et Mona Sahlin pour la coalition de gauche. L'idée que se font les électeurs de la capacité de chacun d'entre eux à gouverner devrait être primordiale dans le choix qu'ils feront. "Nous avons seulement 2 candidats principaux et ces élections législatives s'apparentent à un scrutin présidentiel" a déclaré le journaliste Fredrik Furtenbach. "C'est un grand changement pour les sociaux-démocrates qui doivent accepter de ne plus être au centre du jeu politique. C'est bien sûr également un grand changement pour les électeurs qui ont une véritable alternative" a indiqué Henrik Brors, analyste politique.

Jimmie Akesson, leader des Démocrates suédois (SD), parti d'extrême droite, en a présenté le programme électoral. Emploi, bien-être et sécurité en sont les 3 thèmes centraux même si de l'avis de tous, c'est en réalité la lutte contre l'immigration qui figure au cœur du manifeste. A l'approche du scrutin, le ton de l'extrême droite se fait de plus en plus dur contre la politique d'intégration et contre l'islam. Un clip électoral montrant une femme âgée tentant d'atteindre un guichet et devancée au dernier moment par un groupe de femmes en burqa, a fait scandale. La chaîne de télévision TV4 a refusé de le diffuser.

Jimmie Akesson tient des propos relevant de l'idéologie traditionnelle de l'extrême droite. "Les apôtres de la diversité culturelle et tout l'établissement ont volé la Suède" a-t-il ainsi déclaré. Il a souligné que son parti n'avait aucun intérêt à traiter du sujet de l'emploi "puisque tous les autres partis en parlent déjà" et affirmé vouloir se tourner "contre les immigrés qui occupent un emploi en Suède pour les remplacer par des Suédois". "Notre message est destiné à susciter la controverse. Que les partis de l'établissement nous tombent dessus à bras raccourcis, c'est très bien. Cela permet de susciter le débat et de faire parler de nos priorités" a-t-il indiqué.

La coalition rouge-verte a clairement déclaré qu'elle ne formerait jamais de coalition gouvernementale avec les Démocrates suédois et qu'elle n'accepterait pas un quelconque soutien parlementaire de leur part.

La dernière enquête d'opinion publiée le 10 septembre par le Dagens Nyheter crédite les forces de l'Alliance de 50,5 % des suffrages (48,4% dans un sondage du 8 septembre) et la coalition rouge-verte de 42,2% (44,9% dans un sondage du 8 septembre). Les Démocrates suédois sont crédités de 6% (4,7% dans un sondage du 8 septembre). Ils entreraient ainsi au Parlement.

Les deux principaux partis sont à égalité dans les sondages et le Parti social-démocrate (30% des suffrages) voit sa position de premier parti suédois menacée par le Parti du rassemblement modéré (29,9% des suffrages).

Quoi qu'il arrive, les élections législatives du 19 septembre prochain seront un scrutin historique en Suède.

Soit elles consacreront la coalition sortante de l'Alliance et le gouvernement conduit par le Parti du rassemblement modéré effectuera un 2e mandat, ce qui n'est jamais arrivé jusqu'à présent. Soit elles donneront la victoire au bloc rouge-vert et la Suède sera dirigée par une coalition inédite rassemblant les sociaux-démocrates, les écologistes et les anciens communistes. Dans cette dernière option, Mona Sahlin deviendrait Premier ministre, une première en Suède. Enfin, le scrutin pourrait être celui qui verra un parti d'extrême droite entrer pour la première fois au Riksdag.

http://www.dn.se/nyheter/valet2010/majoritet-av-valjarna-ger-alliansen-sitt-stod-1.1168122

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