Elections législatives en Suède 19 septembre 2010

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 août 2010
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Elections législatives en Suède 19 septembre 2010

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Le 19 septembre prochain, 7 millions de Suédois sont appelés à renouveler l'ensemble de leurs représentants : nationaux (membres du Riksdag, Chambre unique du Parlement) et locaux (conseils municipaux et conseils de comtés).

Les Norvégiens et les Islandais vivant dans le royaume, les personnes possédant la nationalité d'un autre Etat mais enregistrées comme résidentes en Suède depuis au moins 3 ans consécutifs et les citoyens des 26 autres Etats membres de l'Union européenne sont autorisés à voter aux élections locales.

Pour le scrutin législatif, les électeurs peuvent voter à l'avance par correspondance dans tous les bureaux de poste du pays durant les 18 jours précédents, soit à partir du 1er septembre. Ils peuvent s'ils le désirent annuler leur vote par correspondance en se rendant dans l'isoloir le jour du vote. 497 000 Suédois seront électeurs pour la première fois le 19 septembre prochain, soit +15% par rapport aux dernières élections législatives du 17 septembre 2006, représentant 9% du total des votants. Enfin, 132 780 Suédois de l'étranger participeront au scrutin.

A un mois des élections, le résultat reste incertain. Pour beaucoup d'analystes politiques, le scrutin devrait se jouer au centre. Dans une enquête d'opinion réalisée par l'institut SIFO en juillet dernier, 36% des Suédois se déclaraient de droite, 24% de gauche et 33% du centre. Un autre sondage réalisé en juillet montrait que 46% des électeurs pensaient que les forces de l'Alliance, actuellement au pouvoir, allaient s'imposer le 19 septembre tandis que 40% pronostiquaient un changement de gouvernement et donc une victoire de la gauche. Longtemps fidèles toute leur vie durant à un même parti, les Suédois, comme leurs homologues européens, se montrent plus volatiles. Leur vote fluctue selon le contexte électoral ou la position des partis sur tel ou tel enjeu. Tout ceci rend le résultat des élections législatives moins prévisible que durant les décennies précédentes, le scrutin restant indécis jusqu'à la veille du vote. En outre, si les campagnes électorales se cristallisent de plus en plus sur les deux principaux leaders politiques – le Premier ministre Fredrik Reinfeldt pour les forces de l'Alliance et Mona Sahlin pour la coalition de gauche –, la personnalité des candidats joue, en Suède, un rôle moindre que dans les autres Etats. Le débat d'idées est toujours primordial et les électeurs se prononcent toujours en premier lieu en fonction du programme économique et de la capacité à gouverner de chaque parti.

Le système politique suédois

La Suède possède un Parlement monocaméral, le Riksdag, qui compte 349 membres élus tous les 4 ans le 3e dimanche de septembre au scrutin proportionnel. Le pays est divisé pour les élections législatives en 29 circonscriptions électorales, chacune élisant en moyenne 11 représentants au Riksdag. La plus vaste de ces circonscriptions est celle de Stockholm qui élit 38 parlementaires.

Les votes des électeurs sont répartis selon la méthode modifiée de Sainte Lagüe avec un premier diviseur de 1,4. 310 sièges sont répartis entre les 29 circonscriptions électorales que compte le pays ; les 39 autres, appelés sièges compensatoires, sont attribués aux différents partis afin d'assurer la représentativité la plus exacte possible au niveau national. Les candidats sont élus à ces sièges compensatoires dans les circonscriptions où leur parti bénéficie du plus fort reste. Pour prendre part à la distribution de ces sièges, un parti doit avoir obtenu 4% des suffrages exprimés au niveau national ou 12% au sein d'une circonscription donnée.

Depuis les élections législatives de 1998, les électeurs peuvent voter pour un parti ou effectuer un vote préférentiel en faveur de l'un des candidats figurant sur les listes qui leur sont proposées par les partis et, par conséquent, peser davantage sur l'attribution des sièges aux différents partis. Lors du dépouillement, on détermine le nombre de sièges obtenus par chaque parti avant de déclarer élus les candidats de chaque liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages sur leurs noms propres. Néanmoins, pour être élu selon ce système de vote préférentiel, un candidat doit avoir obtenu au moins 8% des voix recueillies par son parti dans une circonscription.

7 partis politiques sont actuellement représentés au Riksdag :

- le Parti social-démocrate (SAP), principal parti d'opposition, dirigé depuis 2007 par Mona Sahlin, a dominé la vie politique suédoise durant plus de 70 ans. Il compte 130 élus ;

- le Parti du rassemblement modéré (M), dirigé par le Premier ministre sortant Fredrik Reinfeldt, situé à droite, possède 97 députés ;

- le Parti du centre (C), ex-Parti agrarien dirigé par l'actuelle ministre de l'Industrie, Maud Olofsson, possède 29 députés ;

- le Parti du peuple-Les Libéraux (FpL), dont le leader est l'actuel ministre de l'Education, Jan Björklund, compte 28 élus ;

- le Parti chrétien-démocrate (KD), parti conservateur créé en 1964 et dirigé par Göran Hägglund, possède 24 députés ;

- le Parti de la gauche (Vp), ex-Parti communiste dont le leader actuel est Lars Ohly, compte 22 élus ;

- le Parti de l'environnement-Les Verts (MP), formation de gauche créée en 1981 et représentée par ses deux porte-parole, Peter Eriksson et Maria Wetterstrand, possède 19 députés.

L'Alliance : bilan de 4 ans de gouvernement

Au pouvoir depuis 2006, les forces de l'Alliance qui regroupe les 4 partis de droite (M, C, FpL, KD), s'enorgueillit du fait que la Suède a été moins sévèrement touchée que la majorité des autres Etats membres de l'Union européenne par la crise économique internationale. Pays très ouvert et donc fortement affecté par la chute du commerce mondial, la Suède a cependant connu une récession légèrement moins marquée que dans d'autre pays qui s'explique notamment par le soutien apportée à la demande intérieure et aux finances publiques qui ont permis de limiter la chute du PIB. Ce dernier a cependant chuté l'an passé pour s'établir à – 4,7%. La récession a inévitablement conduit à une augmentation du taux de chômage ; celui-ci s'élève à 9,5% de la population active (juin 2010) mais à 21,2% pour les jeunes entre 20 et 24 ans, et ce alors que la coalition de l'Alliance a remporté les précédentes élections législatives du 17 septembre 2006 sur ses promesses de réduction du chômage.

Lors de leur arrivée au pouvoir, les 4 partis de l'Alliance ont porté un coup aux syndicats et aux caisses de chômage gérés par ceux-ci en augmentant le coût des cotisations syndicales. Par voie de conséquence, le pays a connu une érosion syndicale (500 000 Suédois n'ont pas renouvelé leur souscription, ce qui représente une baisse de 8% des salariés syndiqués entre 2006 et 2009). En outre, l'Etat s'est désengagé du financement des caisses d'assurance chômage, sa contribution est tombée en janvier 2007 de 95% à 55% (soit une économie de 10 milliards de couronnes – 900 millions € – pour les caisses de l'Etat sur l'année 2007). Les conditions nécessaires pour percevoir l'allocation journalière de base de 320 couronnes (29 €) ont été durcies. Une personne doit avoir travaillé 80 heures mensuelles (contre 70) ou 480 heures sur 6 des 12 derniers mois à raison de 50 heures mensuelles. Enfin, le montant de l'allocation est désormais établi sur la base du revenu moyen perçu au cours des 12 derniers mois (au lieu de 6). De nombreux Suédois perçoivent donc une allocation journalière inférieure à l'allocation de base de 320 couronnes. Les dispositions prises par le gouvernement de Fredrik Reinfeldt ont touché les plus fragiles des Suédois puisqu'elles concernent en premier lieu ceux qui n'occupent pas un emploi en contrat à durée indéterminée, soit 571 000 personnes sur 4 millions de salariés. Le gouvernement a également réduit les avantages dont bénéficiaient les salariés en matière de congé maladie (auparavant non limité dans le temps) en établissant de nouvelles règles en juillet 2008. Seules les personnes très malades peuvent bénéficier d'un congé de longue durée. Les autres perçoivent 80% de leur salaire durant un an (le plafond étant fixé à 2 000 €). Ce congé est prolongeable de 550 jours (avec 75% du salaire). Après cette période, les personnes perdent leur droit à l'assurance maladie.

Interrogé par le journal Expressen, Fredrik Reinfeldt a affirmé que son gouvernement "avait contribué à mettre en place une politique de l'emploi plus efficace, qui a tenté de mettre fin à une certaine culture de la passivité". Il a déclaré que le chômage des jeunes s'expliquait par le fait que nombre d'entre eux quittent le système scolaire sans qualification. "D'où l'utilité des réformes que nous avons mises en place, sur le coaching ou le développement de l'apprentissage" a-t-il dit, ajoutant, "d'un autre côté, il s'agit de ne pas faire la fine bouche devant un emploi chez McDo. Après tout, avoir un boulot avec un salaire, c'est une bonne chose". Dans son programme présenté le 8 mai dernier, le gouvernement a affirmé sa volonté de renforcer l'apprentissage. Le Parti du peuple-Les Libéraux s'est déclaré convaincu que cette mesure favoriserait l'emploi grâce à des salaires moins élevés. Il propose l'embauche d'un apprenti sous un nouveau contrat de travail spécifique aux jeunes de moins de 24 ans. Le Premier ministre a rejeté les critiques de "dureté" faites à sa réforme de l'assurance maladie. "J'ai simplement dit que l'on avait tendance à estimer trop rapidement que tel ou tel n'était plus apte au travail" a-t-il déclaré.

"Nous voulons poursuivre sur notre lancée. Nos finances publiques sont en ordre. Nous n'avons pas de dettes similaires à d'autres pays européens pris dans la crise budgétaire" a déclaré Fredrik Reinfeldt, candidat à sa propre succession à la tête du gouvernement. Il a promis de faire de l'éducation sa mesure prioritaire pour lutter contre le chômage. Son programme est fondé sur la responsabilité budgétaire. Si les finances publiques du pays sont solides (la dette publique s'élevait à 42,8% du PIB en 2009), les 4 partis de l'Alliance souhaitent néanmoins réviser la loi de finances pour y faire inscrire un objectif d'excédent public. Ils prévoient cependant d'augmenter le budget que les municipalités consacrent aux soins aux personnes âgées et à l'éducation. Enfin, mi-août, le gouvernement a décidé de consacrer 5,4 millions € à un programme destiné à améliorer le logement des personnes âgées.

Le ministre de l'Economie, Anders Borg (M), a indiqué que les partis de l'Alliance envisageaient de vendre les parts que possède l'Etat dans plusieurs grandes entreprises, pour un montant total d'environ 100 milliards de couronnes (10,46 milliards €). "Nous espérons obtenir 25 milliards de couronnes de recettes par an durant la prochaine législature. Cet argent devrait contribuer à l'amortissement de la dette publique" a-t-il indiqué. Enfin, le Premier ministre a promis de poursuivre les baisses d'impôts, notamment en faveur des retraités qui, si les finances publiques reviennent dans le vert, devraient voir leurs taxes décroître de 20 milliards de couronnes (2,1 milliards €) au cours des 4 prochaines années. Le Parti du rassemblement modéré aime à se présenter comme le "parti des travaillleurs". "Nous avons la politique de l'emploi qui manque aux sociaux-démocrates. Nous sommes les seuls à assurer la création d'emplois" indique-t-il.

En matière de politique étrangère, le gouvernement a déclaré début août qu'il envisageait de prolonger la présence des troupes suédoises en Afghanistan. "La Suède doit participer aux efforts pour gérer la crise internationale avec un mandat légal clair, pour mieux illustrer sa solidarité et sa responsabilité dans le monde. Les partis de l'Alliance veulent prolonger le mandat des forces suédoises et sont ouvertes à une augmentation de la contribution militaire si la situation l'exige" a écrit le ministre de la Défense, Sten Tolgfors (M), dans une tribune publiée par le quotidien Dagens Nyheter. La Suède est un pays officiellement neutre, non membre de l'OTAN et elle participe à la force internationale en Afghanistan depuis début 2002.

Le ministre des Affaires étrangères, Carl Bildt (M), a dénoncé le danger que les forces de gauche feraient courir au pays et "l'antiaméricanisme primaire qui caractérise le programme de l'opposition" (celle-ci demande la fermeture des bases américaines à l'étranger). "Laissez aux sociaux-démocrates la possibilité de faire entrer la gauche ex-communiste au gouvernement, c'est laisser la porte ouverte à la mise en œuvre d'une politique dont l'issue ne fait hélas aucun doute : un gouvernement désuni et une Suède affaiblie" a-t-il déclaré.

Si les forces de droite demeurent unies à un mois des élections législatives, plusieurs questions se posent sur le poids des différents partis politiques qui composent leur coalition. Les Modérés du Premier ministre Fredrik Reinfeldt, qui ont choisi pour slogan Framat tillsammans "Avançons ensemble", bénéficient d'une cote de popularité élevée, mais obtiennent celle-ci au détriment des 3 autres partis. Le Parti du peuple-Les Libéraux rassemble les Suédois vivant dans les grandes villes et les plus diplômés ainsi qu'un fort contingent d'enseignants tandis que le Parti du centre est davantage celui des campagnes rurales. Sa présidente, la ministre de l'Industrie Maud Olofsson, a réaffirmé lors d'un entretien publié par le quotidien Aftonbladet le 26 juillet dernier son ambition d'en faire "le parti des entrepreneurs et des écologistes de droite" même si, traditionnellement opposé au nucléaire, le parti a voté le 17 juin dernier en faveur de l'adoption par le Parlement de la loi autorisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en remplacement des dix anciens (qui couvrent 42% des besoins énergétiques du pays) lorsqu'ils seront arrivés à terme de leur durée d'exploitation (un texte voté de justesse par le Riksdag par 174 voix contre 172). "Le Parti du centre n'a pas changé d'opinion et promeut toujours les énergies renouvelables mais a choisi d'accepter un compromis, à savoir le remplacement des réacteurs nucléaires vieillissants par de nouveaux" a indiqué Maud Olofsson après le vote. Le Parti chrétien-démocrate semble quelque peu marginalisé, son nouveau concept de "vrais gens" peinant à s'imposer. Son président, Göran Hägglund, a indiqué que ce terme désignait "tous ceux qui se sentaient parfois dépassés et maltraités par les autorités et l'intelligentsia". Son programme s'articule autour de 3 points : la création de nouveaux emplois, notamment grâce à la baisse des charges patronales ; des libertés accrues pour les citoyens, grâce notamment à une limitation du champ d'action de la politique et une meilleure qualité des services rendus par l'Etat. Les personnes âgées constituent le cœur de cible du parti qui souhaite réduire l'écart en matière d'imposition entre les retraités et les salariés (273 millions € de baisses d'impôts) mais aussi faire passer de 67 à 70 ans l'âge maximal de départ en retraite.

Enfin, le Parti du peuple-Les Libéraux a choisi de mettre l'éducation au centre de son programme électoral. Début août, son leader, le ministre de l'Education, Jan Björklund a déclaré que "l'école n'avait pas vocation à élever les enfants à la place des parents". Il a indiqué que les parents des élèves dont le comportement pose problème devraient pouvoir assister, avec leur enfant, à certains cours, afin qu'ils se rendent compte par eux-mêmes de la situation en classe. Le ministre souhaite ouvrir des "classes d'élite" dans les collèges et des lycées. "Les élèves doués ont, autant que les autres, le droit de se sentir bien à l'école sans être contraints de rester assis à écouter des cours qui ne sont pas de leur niveau. Après 1968, nous avons réduit notre niveau d'exigences et donné trop de pouvoirs aux élèves. Il est interdit de leur donner des notes avant la classe de 3e ! Conséquences de ce laisser-aller : le respect vis-à-vis de l'enseignant n'existe plus" a-t-il indiqué. Une enquête d'opinion réalisée par le centre de recherches FSI et publiée par le journal Dagens Nyheter révèle que l'éducation constitue la première préoccupation des Suédois devant la santé, la situation des personnes âgées et l'emploi.

Deux grandes questions se posent aux partis de droite à un mois des élections législatives. La première est la suivante : hormis les Modérés et le Parti du peuple-Les Libéraux, les deux autres partis de l'Alliance – le Parti du centre et les chrétiens-démocrates – passeront-ils la barre des 4% des suffrages exprimés obligatoires pour être représentés au Parlement le 19 septembre prochain ? La deuxième interrogation concerne l'extrême droite : quel sera le résultat des Démocrates suédois (SD) à ce scrutin ? Ceux-ci pourraient-ils priver les forces de droite de la majorité absolue au Parlement ?

Les sociaux-démocrates peuvent-ils revenir au pouvoir ?

A gauche, les Verts ont le vent en poupe et sont plébiscités dans les enquêtes d'opinion tandis que les sociaux-démocrates sont à la peine. La leader social-démocrate, Mona Sahlin, reste peu populaire parmi les Suédois et pâtit de la concurrence de Maria Wetterstrand, la très populaire porte-parole des Verts. Mona Sahlin avait été très affectée dans les années 1990 par l'affaire dite Toblerone. En 1990 et 1991, alors ministre du travail, elle avait utilisé à plusieurs reprises sa carte bancaire professionnelle pour des achats privés. Parmi les articles qu'elle avait achetés se trouvaient deux barres de chocolat de la marque Toblerone. Le deuxième porte-parole des Verts, Peter Eriksson, s'est inquiété de la faible cote de confiance de Mona Sahlin qui, selon lui, pourrait coûter la victoire aux forces de gauche. "Elle est un acteur de découragement" a-t-il déclaré. La présidente du Parti social-démocrate a affirmé "être à l'aise avec les sentiments qu'elle fait naître" et souligné qu'elle avait toujours été "soit adorée, soit détestée". "Au moins, les gens prennent position" a-t-elle conclu.

Le Parti social-démocrate a longtemps été qualifié de "parti politique le plus efficace du monde". Il faut dire qu'il a dominé la vie politique suédoise tout au long du XXe siècle. Mais les catégories socioprofessionnelles qui assuraient sa victoire (ouvriers et petits employés) se sont peu à peu détournées du parti pour deux raisons : l'identification des électeurs à un parti politique est désormais très faible et l'ancienne classe ouvrière est en voie de disparition. Le plus important des partis de gauche a récupéré les suffrages de nouveaux électeurs, comme les Suédois issus de l'immigration, mais en nombre insuffisant pour retrouver sa domination sur la scène politique. Les sociaux-démocrates présentent les élections législatives du 19 septembre prochain comme l'heure du choix entre "une politique qui créera davantage d'emploi et d'égalité des sexes et une politique qui élargit les inégalités et qui exclut". Le parti a choisi pour slogan Vi kan inte vänta (Nous ne pouvons pas attendre).

Le 7 décembre 2008, les forces de gauche se sont unies au sein d'une coalition appelée Rödgröna (coalition rouge-verte) à l'image de ce qu'avaient fait les partis de droite en 2006 lorsqu'ils se sont regroupés sous le libellé de l'Alliance. Cette union des partis de gauche est due à la Confédération syndicale de Suède (LO) qui s'est rapprochée du Parti de gauche au détriment du Parti social-démocrate. S'il remporte les élections législatives, le Parti social-démocrate gouvernera donc avec deux "petits" partis, ce qui serait une première dans le royaume. Mais les forces de gauche, qui ont longtemps mené la course dans les enquêtes d'opinion, sont devancées par celles de l'Alliance.

Les Verts possèdent un électorat jeune, urbain et diplômé. Ils se battent pour l'ouverture des frontières du pays (même si Maria Wetterstrand a déclaré que son parti était prêt à renoncer à sa demande de légalisation de tous les immigrés sans-papiers) présents en Suède, un moratoire sur la construction des grandes surfaces dans les banlieues des grandes villes, le doublement de l'utilisation des moyens de transports en commun dans les dix années à venir (ils souhaitent augmenter le nombre de voies ferrées et de tramways). Maria Wetterstrand se définit comme une "libérale verte". Elle s'oppose à ce que l'Etat prenne une place trop importante, combat la centralisation et souhaite privatiser plusieurs entreprises publiques. Longtemps eurosceptiques, les Verts se sont, sous l'influence de Maria Wetterstrand, convertis à l'Union européenne.

Peter Eriksson a déclaré rester ouvert à une collaboration avec les "petits" partis conservateurs. Il est en effet très possible que ni les partis de l'Alliance ni les forces de gauche n'obtiennent la majorité au Parlement le 19 septembre prochain et que le parti d'extrême droite des Démocrates suédois se retrouve en position d'arbitre. L'ensemble des partis politiques ayant exclu une collaboration avec lui, les deux blocs se verraient obligés de tenter de "débaucher" l'un des partis de la coalition adverse. Les analystes politiques considèrent que, dans ce cas, les partis de l'Alliance pourraient, s'ils recueillaient le plus grand nombre d'élus, parvenir à convaincre les Verts de les rejoindre. Dans une interview qu'il a donnée à Expressen, Fredrik Reinfeldt a toutefois exclu toute coopération avec les Verts au cours de la prochaine législature. "Ils se sont trop nettement opposés à notre politique en matière d'emploi" a-t-il indiqué.

Le Parti de gauche (Vänsterpartiet), qui regroupe d'anciens communistes, des militants associatifs issus de l'immigration et des militants opposés à "l'impérialisme américain", a choisi de modifier son nom pour cette campagne électorale. Il se définit désormais comme le Välfärdspartiet (V), Parti de l'Etat providence, dont il se veut l'ardent défenseur, y compris contre la volonté de ses partenaires au sein de la coalition, le Parti social-démocrate et les Verts. Il voit comme un "gigantesque échec" le bilan de l'Alliance à la tête du pays. Il se bat pour l'ouverture des frontières, la durée de la journée de travail de 6h, le partage du congé parental (actuellement assuré à 80% par les mères) entre les deux parents, l'ouverture des écoles maternelles le soir et la nuit et le retrait des troupes suédoises d'Afghanistan. Sur ce sujet, il est rejoint par les sociaux-démocrates dont la leader, Mona Sahlin, a déclaré envisager un retour des troupes suédoises stationnées dans ce pays puisque la région dont celles-ci ont la charge devrait être parmi les premières à faire l'objet d'un transfert de responsabilité aux Afghans. "Si c'est le cas, et si le scrutin afghan du 18 septembre prochain (les élections législatives auront lieu dans ce pays la veille du scrutin suédois) se déroule dans de bonnes conditions, alors il paraît clair que nous commencerons, au cours de la prochaine législature, à réduire notre présence sur place" a-t-elle indiqué. Le 6 août dernier, Mona Sahlin écrivait dans une tribune publiée dans le quotidien Aftonbladet : "Pour réussir pleinement, le pays a besoin de notre aide et de notre soutien. La Suède est depuis longtemps l'un des principaux contributeurs d'aide à l'Afghanistan. Mais l'assistance militaire a pris le pas sur l'aide au développement. Nous souhaitons dépasser cette situation pour faire en sorte que l'aide au développement soit au moins équivalente à l'effort militaire. Si les conditions de sécurité s'améliorent, le temps sera alors venu de réfléchir aux conditions de notre départ. Il est toutefois essentiel que l'assistance civile perdure bien après le retrait des soldats occidentaux".

Le 29 juillet dernier, une enquête d'opinion révélait que 41 % des Suédois considéraient la présence suédoise en Afghanistan injustifiée (ils étaient 35 % en février dernier), 42 % y étant favorables (46 % lors du précédent sondage).

Mona Sahlin a mis en avant l'unité de la coalition rouge-verte, sur la fiscalité, l'intégration ou encore la politique étrangère, insistant sur la notion de solidarité, qui, selon elle, est au cœur de son programme. La coalition de gauche a ainsi mis en place une plateforme commune en matière d'éducation prônant, entre autres, la notation des élèves dès la fin du collège. Elle qualifie de "pas dans la mauvaise direction" les propositions de l'actuel ministre de l'Education. "Les enseignants sont tout à fait capables de repérer, dans leurs classes, les élèves les plus avancés et d'adapter leur pédagogie au niveau de chacun. Il suffit simplement de créer davantage de postes" a-t-elle déclaré au quotidien Aftonbladet. "Nous consacrerons 12 milliards de couronnes supplémentaires (1,2 milliard €) à l'éducation et à la santé. Le maintien de l'Etat providence est plus important que les baisses d'impôt" ont promis les forces de gauche. Ces dépenses devraient, selon l'opposition, créer entre 10 000 et 15 000 emplois. Le Parti social-démocrate a qualifié d'"emplois au rabais" les "emplois-jeunes" que proposent les partis de l'Alliance et déclaré qu'il fallait de nouvelles formations afin de ne pas reléguer les jeunes en bas de l'échelle et ne pas leur offrir des rémunérations plus faibles que celles des autres salariés.

Les forces de gauche souhaitent voir croître les dépenses publiques, une hausse qui serait financée par une augmentation des impôts qui resterait cependant "légère" pour la grande majorité des Suédois. Devraient augmenter les taxes sur l'alcool, le tabac et les carburants. Le 15 août dernier, Mona Sahlin a accusé le Premier ministre Fredrik Reinfeldt d'avoir affaibli le modèle social suédois durant son mandat et de poursuivre sur cette voie, néfaste selon elle, en promettant de baisser les impôts. "Le Parti du rassemblement modéré pense que baisser les impôts est la priorité. Ils n'ont eu que ce mot à la bouche. Rien ne compte davantage à leurs yeux, ni le chômage des jeunes, ni l'exclusion des personnes malades, ni l'accroissement des inégalités entre les Suédois. Est-ce vraiment la Suède que nous désirons ? Est-ce le pays dans lequel nous voulons vivre ? Non, mille fois non !" a-t-elle déclaré.

En matière de fiscalité, l'opposition souhaite également poursuivre les réductions d'impôt en faveur des retraités ; ceux-ci se verraient accorder 7,5 milliards de couronnes d'avantages fiscaux. "La Suède est l'un des rares pays au monde qui impose davantage les retraites que les salaires" a écrit l'ancien Premier ministre social-démocrate (1986-1991 et 1994-1996) Ingvar Carlsson dans une tribune dans la presse. En outre, alors que le revenu moyen des Suédois a cru de 32% entre 1999 et 2008, celui des retraités a augmenté de 24% (et celles des femmes âgées vivant seules de 19%). Les plus de 65 ans représentent 18% de la population suédoise.

L'opposition accuse le gouvernement de Fredrik Reinfeldt d'avoir échoué au niveau économique et dénonce la hausse du taux de chômage, au plus haut niveau depuis la fin de la crise économique des années 1990 dans le pays. "Le gouvernement n'a pas à être tenu pour responsable de la crise mondiale mais il est responsable du fait que la chute du marché de l'emploi en Suède est plus importante qu'en moyenne dans l'Union européenne" répètent les forces de gauche. Elles affirment que le taux de chômage des jeunes et des immigrés est en Suède "l'un des plus élevés de l'Union européenne" et que la productivité et la compétitivité suédoises ont diminué jusqu'à mettre en péril "la place de la Suède en Europe". Les partis de gauche souhaitent augmenter le plafond supérieur des indemnités de l'assurance chômage (de 680 à 950 couronnes) réduit par les formations de l'Alliance en 2006.

En matière de transports, l'opposition veut introduire le tarif unique dans les transports à Stockholm. Tout voyage coûtera 35 couronnes (3,65 €) et les enfants de moins de 12 ans se déplaceront gratuitement. La coalition de gauche veut créer de nouvelles lignes de chemin de fer à grande vitesse (entre Stockholm et Göteborg et Göteborg et Malmö). Les investissements dans l'industrie ferroviaire devraient augmenter de 120 milliards de couronnes (12,51 milliards €). Enfin, les trois partis veulent faciliter l'auto-entreprenariat ou réduire les charges patronales et, afin d'aider les artisans, accorder de nouvelles déductions fiscales pour tous travaux de rénovation des immeubles permettant une diminution de la consommation d'énergie.

L'extrême droite fera-t-elle son entrée au Parlement ?

L'éventualité de l'entrée de l'extrême droite au Riksdag est l'une des questions essentielles de la campagne électorale. Le pays a en effet été jusque là épargné par les tendances extrémistes. Le parti nationaliste des Démocrates suédois, fondé en 1988 et dirigé par Jimmie Akesson, est en hausse constante aux élections législatives et locales. Il a recueilli 2,9% des suffrages (et près de 10% en Scanie, région frontalière du Danemark, lors du dernier scrutin du 17 septembre 2006). Les Démocrates suédois ont donc fait leur entrée dans 3 parlements régionaux et obtenu 20 élus municipaux.

Dans les enquêtes d'opinion, ils réalisent de bons résultats parmi les plus jeunes électeurs, en particulier chez les primo-votants. Le parti, qui possède des liens historiques avec les néo-nazis (dont il s'est éloigné pour tenter de devenir fréquentable) et qui est issu du mouvement raciste "Gardez la Suède suédoise", a une idéologie à la fois conservatrice et sociale. Il veut restreindre l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, faire cesser ce que le secrétaire du parti, Björn Söder, qualifie de "normalisation de l'homosexualité", s'oppose au féminisme, etc. Mais, à l'image des forces de gauche (et du parti d'extrême droite du Parti du peuple danois, DF), il se veut le défenseur de l'Etat providence.

Dans un pays où un habitant sur quatre a un parent né à l'étranger, les Démocrates suédois sont favorables à une réduction de l'immigration pour que la Suède reste une "société homogène". Ils souhaitent voir diminuer le nombre des immigrés et des demandeurs d'asile de 90%, instaurer un permis de séjour uniquement provisoire, obliger les demandeurs d'asile et les futurs immigrés à se soumettre à un test ADN mais aussi à des examens pour vérifier s'ils ont la tuberculose et s'ils sont porteurs du virus HIV. "La plupart des Suédois partagent mes idées à l'égard des immigrés. Dans ce pays, si vous critiquez la politique sur l'immigration, vous êtes vu comme un raciste ou un xénophobe. Il est difficile de faire se lever les gens et de dire "voici ce que je pense". Les Suédois sont très tolérants mais je suis convaincu qu'une grande part de l'électorat pensent que les politiques d'immigration ont été trop laxistes et beaucoup trop généreuses" affirme Jimmie Akesson qui évoque la "suéditude", terme qu'il utilise pour qualifier "non une couleur de peau ou quelque chose de constitutif de notre corps" mais plutôt "nos valeurs et notre comportement". Durant de nombreuses années, la tendance nationale (anti-mondialisation et anti-Union européenne) a été l'apanage des forces de gauche dans le royaume. En 2003, le Premier ministre de l'époque Göran Persson (SAP) avait prôné une approche restrictive des contrôles aux frontières, notamment envers les travailleurs venus des Etats baltes. Il avait évoqué les "touristes sociaux" qui pourraient miner l'Etat providence.

Les forces de droite comme de gauche ont exclu toute collaboration avec l'extrême droite à l'issue des élections législatives du 19 septembre prochain.

Durant la dernière législature (2006-2010), les forces de gauche ont devancé les partis de l'Alliance dans toutes les enquêtes d'opinion. Le dernier sondage publié le 20 aout dernier crédite les forces de l'Alliance de 47,9% des suffrages pour 46,3% des voix aux partis de l'opposition (le Parti social-democrate reste le premier parti de Suède avec 32,7% des suffrages). L'écart est donc très faible entre droite et gauche. Les Démocrates suédois recueilleraient 4% des voix et feraient donc leur entrée au Parlement. Enfin, 22% des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir encore décidé à qui elles accorderaient leur suffrage. L'écart entre les deux coalitions est donc très faible et a tendance à se réduire au fil des semaines. "Il est probable que la situation soit très confuse à l'issue du scrutin" analyse Carl Melin de l'institut d'opinion United Minds. "Si aucune des deux coalitions ne parvient à atteindre la majorité absolue, un gouvernement minoritaire pourrait être formé mais si celui-ci refuse le soutien des Démocrates suédois, il serait toutefois très instable" a indiqué le politologue Peter Santesson-Wilson de l'Institut Ratio. "Les démocrates suédois pourraient ainsi voter avec l'opposition sur la loi sur le budget, ce qui causerait un véritable chaos politique et forcerait le gouvernement à démissionner" a-t-il ajouté.

En conclusion, les Suédois ont préféré la droite à la gauche à seulement deux reprises dans l'histoire du royaume : en 1991 et en 2006, soit deux années électorales qui ont vu la victoire des partis de droite.

Elections législatives en Suède 19 septembre 2010

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