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Élections en Europe
Pascale Joannin
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Les dixièmes élections européennes, qui se sont tenues du 6 au 9 juin dans les 27 Etats membres de l’Union européenne, montrent une certaine stabilité dans le choix des citoyens européens qui ont, une nouvelle fois, donné leurs voix et accordé leur confiance aux candidats issus des trois principales familles politiques : centre-droit (PPE), centre-gauche (PSE, S&D) et Libéraux (ALDE, Renew)). La coalition sortante formée par ses 3 partis conserve une majorité de 405 sièges. Seule coalition majoritaire, elle devrait donc être renouvelée pour la nouvelle législature.
Une participation en hausse.
Après un rebond lors des élections de 2019, la participation avait alors pour la première fois depuis 1994 dépassé le seuil de 50% (50,66%), la participation s’est accrue de nouveau en 2024 pour atteindre 51,08% dans l’Union européenne. Ce résultat vient contredire l’idée selon laquelle ces élections européennes n’intéresseraient pas les citoyens et qu’elles n’ont pas d’enjeux. Bien évidemment, il existe des divergences entre les pays où le vote est obligatoire et où elle est supérieure à 80% (Belgique 89,82% et Luxembourg 82,29%) et des pays où elle reste inférieure à 30% (Croatie 21,35% et Lituanie (28,35%)
Le maintien des grands équilibres
Ce dixième scrutin européen consacre la prépondérance du parti populaire européen (PPE), qui reste le premier groupe avec 190 sièges. Il est arrivé en tête en Allemagne, en Espagne, en Pologne, en Grèce, en Croatie, en Finlande, en Irlande, en Bulgarie, en Slovénie, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, au Luxembourg et à Chypre. Le parti socialiste européen (PSE), et son groupe S&D, se maintient en seconde position avec 135 sièges. Il est arrivé en tête au Portugal, en Suède et à Malte, et dans une coalition, aux Pays-Bas et en Roumanie. Ce sont encore une fois les deux seuls groupes qui dépassent le seuil de 100 députés.
Les Libéraux de Renew, qui l’avait dépassé en 2019 avec 102 sièges, sont en perte de vitesse du fait notamment du très mauvais résultat de Renaissance en France qui a obtenu 14,6% (contre 22.42% en 2019) et perd 10 sièges. Malgré cette déroute, la délégation française devrait rester la plus nombreuse de ce groupe. Les Libéraux sont arrivés en tête en République tchèque et en Slovaquie. Le groupe se maintient pour l’instant à la troisième place avec 80 élus.
Ces trois groupes forment avec 405 sièges la seule coalition majoritaire possible comme nous l’écrivions déjà en début d’année et selon nos prévisions.
Les principaux équilibres politiques déjà à l’œuvre depuis 2019 se maintiennent. Rappelons que la perte de la majorité absolue par les deux principaux groupes en 2019 fut alors un véritable changement alors qu’ils dominaient le Parlement depuis les premières élections au suffrage universel direct en 1979. La majorité réunissant depuis trois partis se perpétue donc en 2024
Une poussée à droite contenue.
Beaucoup d’observateurs redoutaient une forte poussée des partis de droite radicale, populiste nationaliste, voire extrême. Ils progressent certes, mais de manière plus limitée que prévu.
Dans le groupe des Conservateurs er réformistes (ECR), le parti Fratelli d’Italia (FdI) de la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, arrive en tête en Italie avec 28.76% (contre 6.44% en 219), ce qui était attendu, mais c’est le seul cas. Les Polonais de Droit et Justice (PiS) arrivent seconds derrière la coalition civique (KO) du Premier ministre Donald Tusk tout comme la N-VA en Belgique. En Lettonie, le l’Alliance nationale (NA) arrive en deuxième position derrière Nouvelle unité (JV). Vox arrive troisième en Espagne avec 9.62%, loin derrière le Partido popular (PP) et le PSOE ; les Démocrates suédois (SD) ne sont plus que quatrièmes avec 13.2% après avoir fini seconds lors des dernières élections législatives de 2022 et les Vrais Finlandais, membres du gouvernement, terminent sixièmes avec 7.6%. Ce n’est donc pas un raz-de-marée.
Dans le groupe Identité et Démocratie (ID), le PVV de Geert Wilders n’a pas réitéré l’exploit de finir premier comme il avait réussi à le faire lors des élections législatives du 22 novembre 2023. Il est devancé par la coalition gauche-verte. En Belgique, le Vlaams Belang coiffe d’un cheveu la N-VA… qui le supplante au Parlement fédéral où les élections législatives étaient organisées le même jour. La Lega italienne qui constituait la principale délégation de ce groupe dans le parlement sortant voit ses résultats fondre. Il passe de 34.26% en 2019 (22 élus) à 8.98% (8 élus). Au Portugal, Chega finit troisième avec 9.79%. Il n’y pas de chamboule-tout.
Outre la Belgique, seuls deux autres pays voient un parti de ce groupe arriver en tête. Le FPÖ en Autriche obtient 25.4% mais il est talonné par l’ÖVP (PPE) du Chancelier Nehammer (24.5%) et surtout la France où le Rassemblement national (RN) dépasse le seuil de 30% (31.37%) des voix, surpassant le parti Renaissance de plus du double de voix.
Incertitudes sur les ralliements des élus issus des nouveaux partis et des non-inscrits
Chez les non-inscrits, une de plus importantes délégations est celle du Fidesz de Viktor Orban en Hongrie depuis son départ du groupe PPE en 2021. Il reste en tête avec 44.81% mais il perd 8 points par rapport à 2019 (52.56%) et 2 sièges. Le Fidesz voudra-t-il rejoindre l’un des groupes existants ? Son positionnement sur la Russie et l’Ukraine ne semblent guère le rapprocher de la ligne défendue à ECR par Giorgia Meloni ou le PiS, mais plutôt de celle promue par le RN.
En Allemagne, les membres de l’AfD qui y siège après avoir été expulsé par les membres du groupe ID en mai dernier, arrive deuxième avec 15,9%. Sa tête de liste Maximilian Krah, dont les propos avaient été à l’origine de l’éviction du groupe ID, a été exclu le 10 juin par les instances du parti qui refuse de le voir siéger parmi eux. Cette éviction aboutira-t-elle à un retour du parti AfD au sein du groupe ID ?
On le saura lors de la constitution du groupe fin juin.
Où iront les 8 élus du Mouvement 5 étoiles (M5S) en Italie qui ont obtenu 9.98%. ?
Le SMER en Slovaquie du Premier ministre Robert Fico n’est pas arrivé en tête. Ses 5 élus resteront ils parmi les non-inscrits ou seront-ils tentés de former un nouveau groupe ?
Pour cela, il faut réunir 23 députés originaires de 7 Etats membres.
Parmi les nombreux élus qui ne seront pas rattachés à un groupe et que le Parlement européen, estime à 44, soit autant que le nombre de non-inscrits à ce jour (45), il n’est pas impossible que certains, qui ne seraient pas tentés de s’allier avec un groupe existant, essayent de constituer un groupe, par exemple le Bündnis Sahra Wagenknecht en Allemagne qui a obtenu 6.2% et 6 élus, pour obtenir les moyens et temps de parole qui font avec.
Le déclin des Verts
Alors qu’ils constituent le quatrième groupe du Parlement sortant avec 71 élus, que le Pacte vert a été l’une des priorités de la législature qui s’achève et que la question climatique reste d’actualité, les Verts n’ont pas réitéré leur score de 2019. S’ils arrivent seconds en Finlande, et en tête aux Pays-Bas avec une coalition avec les socialistes, ils sont quatrièmes en Allemagne et en France ils sont parvenus in extremis à dépasser le seuil de 5% (5,47%) en perte de 8 points par rapport à 2019. Au niveau européen, ils perdent près de 20 sièges et comptabilisent, pour l’heure, 52 sièges.
La France se démarque
Les résultats en France, à l’encontre de ce qui s’est passé partout ailleurs chez nos voisins et partenaires européens, nous place dans une position singulière. Ils ont entraîné une situation politique inédite en France. Le Président français, lors d’une allocution le 9 juin au soir, tirant les conséquences de ce résultat, a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale (Chambre basse du parlement français). C’est la première fois que les résultats des élections européennes ont une telle conséquence sur la vie politique française, alors qu’à plusieurs reprises dans le passé les partis au gouvernement se sont trouvés en difficulté dans ces élections. Le scrutin législatif aura lieu les 30 juin et 7 juillet.
Cette situation a conduit d’ores et déjà de nombreux revirements au sein des partis politiques français. A gauche, les partis, divisés lors des élections européennes et malgré des divergences, se sont entendus à des fins électorales sur une union entre le PS (S&D), les Verts, LFI (Gauche GUE/NGL) et le parti communiste appelée Nouveau Front populaire. A droite, le président des Républicains (LR), membre du PPE, a annoncé le 11 juin une alliance avec le RN (ID) sans avoir consulté les instances qui l’ont démis de son mandat à l’unanimité dès le lendemain.
Que fera le PPE si des élus LR sont élus avec le soutien du RN ou rejoignent ses rangs ?
Ce rapprochement est en totale rupture avec la ligne du parti. Dès lors, des élus LR ont décidé de faire alliance avec les partis modérés, y compris la majorité présidentielle, pour tenter de faire échec à l’extrémisme de droite et de gauche.
Cette crise politique a des répercussions sur les marchés financiers. L'indice français CAC 40 a perdu plus de 6 % dans la foulée de la dissolution de l'Assemblée nationale, entraînant dans son sillage les autres places européennes.
Depuis cette annonce, l’image de la France paraît malmenée et son influence, notamment au sein du Conseil, pourrait pâtir du résultat de scrutin législatif.
Incidences pour la présidence de la Commission et la désignation des « top jobs »
Le parti populaire européen étant toujours, et de loin, le principal groupe, peut revendiquer la présidence de la Commission. Il a désigné en mars dernier comme tête de liste la présidente sortante de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, candidate à un second mandat. Cette fois-ci, et contrairement à 2019, elle s’est assurée du soutien de son parti en Allemagne, la CDU, et celui du PPE.
Première femme présidente, elle peut se prévaloir d’une expérience acquise tout au long de ses cinq dernières années même si elle n’‘est pas exempte de reproches.
Sa candidature doit être « proposée » par le Conseil européen qui se réunira de manière informelle le 17 juin, puis en sommet les 27 et 28 juin. Ce sera le premier acte de la désignation des principaux postes (top jobs) au niveau européen. Compte tenu des résultats, il semble que le PSE souhaiterait obtenir la présidence du Conseil européen - le nom de l’ancien Premier ministre portugais Antonio Costa est évoqué - et Renew le poste de Haut représentant pour les Affaires étrangères – le nom de la Première ministre estonienne, Kaja Kallas, revient régulièrement. Depuis la guerre en Ukraine, il semble acquis qu’un de ces postes doit revenir à un pays d’Europe centrale et orientale.
Dans cette perspective, Ursula von der Leyen fait campagne afin de recueillir la majorité des voix (361) au Parlement européen lors de la prochaine session plénière à Strasbourg (16-19 juillet). La date du 18 juillet est évoquée pour ce vote afin que la désignation de commissaires et leurs auditions par les commissions parlementaires à l‘automne ne soient pas différées, voire retardées.
En 2019, désignée par le Conseil européen en lieu et place du candidat désigné par le PPE, elle n’avait obtenu qu’une courte majorité de 9 voix. Cela devrait être différent cette année même si elle doit faire campagne pour pallier de possibles défections dans son propre camp.
On ne voit pas très bien quelles alternatives crédibles pourraient se présenter au risque de perturber un calendrier déjà très serré pour une entrée en fonction d’ici la fin de l’année. L’Europe a besoin d’être en ordre de marche dans les meilleurs délais pour pouvoir affronter et relever les nombreux défis, tant interne qu’internationaux, auxquels elle est confrontée.
ALLEMAGNE
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AUTRICHE
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BELGIQUE
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CROATIE
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HONGRIE
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