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La France à la tête du Conseil : un bilan positif malgré la guerre

Institutions

Eric Maurice

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27 juin 2022
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Maurice Eric

Eric Maurice

Responsable du bureau de Bruxelles de la Fondation

La France à la tête du Conseil : un bilan positif malgré la guerre

PDF | 280 koEn français

Engagée le 1er janvier dans un contexte de reprise post-Covid-19 et d'élaboration de la double transition climatique et numérique, la présidence française du Conseil de l'Union européenne s'achève le 30 juin dans un environnement bouleversé par la guerre en Ukraine.

En quelques semaines, les Vingt-Sept ont pris des sanctions sans précédent contre la Russie, brisé le tabou du financement de la guerre, décidé de changer leurs approvisionnements énergétiques et ouvert la porte à un nouvel élargissement. Ils doivent également accueillir plusieurs millions de personnes fuyant la guerre, gérer l'inflation la plus forte depuis plusieurs décennies et anticiper une crise alimentaire mondiale.

Placée sous le slogan "relance, puissance, appartenance", la présidence française du Conseil, couramment désignée par l'acronyme PFUE[1], a dû prendre en compte cette nouvelle situation, déclinée dans ses dimensions diplomatiques, politiques et économiques. Alors que, suivant le schéma institutionnel, les grandes orientations de la réponse de l'Union européenne ont été décidées par le Conseil européen, et que les mesures prises ont été préparées par la Commission, le rôle de la PFUE a été de coordonner l'adoption et la mise en œuvre de ces mesures et de maintenir l'unité des Etats membres.

Ce travail diplomatique et technique est caractéristique de la présidence semestrielle du Conseil. Dans le rythme long des institutions européennes, c'est elle qui organise le travail des Etats membres et le processus législatif avec le Parlement. Préparée en amont, elle représente la continuité dans les projets qui seront repris par la présidence suivante, en suivant un programme préparé en coordination avec les partenaires. En temps de crises comme celles que l'Europe traverse actuellement, présider le Conseil suppose de trouver un équilibre entre les priorités définies à l'avance et les urgences du moment. Le bilan de la PFUE est donc à tirer sur les deux tableaux, celui des processus et celui des événements.

La PFUE, dans son acception institutionnelle stricte, c'est-à-dire la présidence temporaire des réunions des ministres et de leurs instances préparatoires, s'était fixé des objectifs en termes de textes législatifs à conclure ou faire progresser. Inscrits dans l'ambition plus large de la construction d'une Europe souveraine qui défend son modèle de société, ces objectifs ont été en grande partie atteints.

Numérique

Le premier d'entre eux a été la régulation des plateformes numériques au travers de deux textes majeurs présentés par la Commission fin 2020 : la législation sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA), et celle sur les services numériques (Digital Services Act, DSA).

Après que le Conseil et le Parlement ont adopté chacun leur position fin 2021 sur le DMA, la France a pu conclure le 24 mars un accord entre les deux institutions. Le texte final, qui doit encore être formellement adopté par les co-législateurs, prévoit un durcissement de la réglementation destinée aux grandes plateformes du numérique considérées comme des "contrôleurs d'accès". Ces derniers, sous peine d'amendes pouvant aller jusqu'à 10% de leur chiffre d'affaires mondial, devront garantir l'interopérabilité des messageries et la protection des données personnelles, s'abstenir d'installer des logiciels par défaut et transmettre les données marketing ou publicitaire aux vendeurs utilisant leur plateforme. Les seuils retenus pour définir les contrôleurs d'accès sont un chiffre d'affaires annuel d'au moins 7,5 milliards € dans l'Union ou une valorisation boursière d'au moins 75 milliards €, ainsi qu'au moins 45 millions d'utilisateurs finaux mensuels et au moins 10 000 utilisateurs professionnels établis dans l'Union.

Le 23 avril, le Conseil et le Parlement se sont également accordés sur le DSA, destiné à protéger les consommateurs des contenus illicites et préjudiciables, et considéré comme un projet plus difficile à conclure. Le texte, qui s'appliquera aux sites comptant plus de 45 millions d'utilisateurs actifs par mois dans l'Union, prévoit le retrait rapide des contenus, produits et services illégaux, une plus grande transparence des algorithmes, l'interdiction des publicités ciblées vers les mineurs et du profilage des utilisateurs, ainsi que des mesures contre la cyberviolence ou la désinformation. Le DSA obligera également les acteurs concernés à analyser chaque année les risques sociaux systémiques qu'ils peuvent représenter et mettre en place une analyse de réduction des risques.

Social

La France voulait pendant sa présidence "poursuivre le renforcement de l'Europe sociale", avec la directive relative à des salaires minimaux adéquats proposée par la Commission en octobre 2020. Après huit cycles de négociation, le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord le 7 juin. Les salaires minimaux seront définis selon des critères communs clairs, pour assurer un niveau de vie décent en tenant compte des conditions socioéconomiques de chaque Etat membre : ils devront être revus au moins tous les deux ans en associant les partenaires sociaux. Le niveau indicatif retenu est de 60% du salaire médian brut et 50% du salaire moyen brut. La négociation collective devra être encouragée afin de couvrir au moins 80 % des salariés. La directive devrait être définitivement adoptée par le Parlement et le Conseil après l'été.

La France voulait également "faire progresser" les discussions sur le projet de directive sur l'équilibre entre les hommes et les femmes dans les conseils d'administration, bloquées depuis cinq ans en raison de l'opposition de plusieurs États membres au nom du principe de subsidiarité. Le nouveau gouvernement allemand ayant décidé de lever son opposition, un accord a pu être trouvé entre Etats membres le 14 mars, puis avec le Parlement le 8 juin. Il prévoit que, d'ici à 2026, les sociétés cotées nomment dans leurs conseils d'administration au moins 40% d'administrateurs non exécutifs ou 33% d'administrateurs exécutifs et non exécutifs du sexe sous représenté. Son adoption définitive devrait intervenir avant la fin de l'année.

La PFUE, en revanche, n'a pas pu entamer les négociations avec le Parlement sur la directive sur la transparence des rémunérations, car les députés n'ont adopté leur position qu'en avril. Dans un autre dossier social, la régulation du statut des travailleurs des plateformes proposée par la Commission en décembre 2021, la France a mené l'examen du texte au niveau technique et proposé un premier compromis de clarification, qui servira de base aux discussions sous la prochaine présidence.

Climat

Pièce centrale de la stratégie de long terme de l'Union européenne, la transition climatique était un élément important de l'agenda de la PFUE, à travers le paquet d'ajustement à l'objectif 55 (Fit for 55), présenté par la Commission en juillet 2021 pour essayer de réduire les émissions de dioxyde de carbone de 55% d'ici à 2030 par rapport à 1990.

Un élément de ce paquet revêtait pour la France une importance particulière : le projet de mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui permettrait, selon Emmanuel Macron, de "concilier la compétitivité industrielle avec l'ambition climatique" en taxant certaines importations à haute teneur en carbone pour inciter les industries étrangères à réduire leur empreinte carbone, et protéger d'une concurrence faussée les industries européennes qui doivent se soumettre aux objectifs climatiques de l'Union européenne.

Malgré de fortes divergences entre Etats membres, le Conseil a arrêté une approche générale le 15 mars sur la base d'un compromis proposé par la France. Le compromis laisse néanmoins de côté deux points connexes nécessaires pour l'adoption du MACF, et devant être traités ultérieurement : le délai pour la suppression totale des quotas gratuits, dans le cadre du système d'échange de quotas d'émission (SEQE), alloués aux secteurs industriels couverts par le MACF pour maintenir leur compétitivité ; et l'utilisation des recettes de la taxe carbone, que la Commission propose de diriger à 75% vers le budget de l'Union et que certains Etats membres voudraient percevoir nationalement. Le Parlement européen s'est prononcé le 22 juin en faveur d'un élargissement du périmètre et une mise en place plus rapide du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) afin de prévenir les fuites de carbone et de renforcer l'ambition climatique.

Les autres projets du paquet-climat, encore en suspens à l'approche de la fin de la PFUE, notamment la réforme du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) et son élargissement aux transports et aux bâtiments, le fonds social pour le climat et l'interdiction des moteurs thermiques en 2035, devraient tous les trois être soumis aux ministres de l'Environnement le 28 juin. En cas d'accord, des négociations pourraient commencer sur ces dossiers suite au vote des députés européens le 22 juin (SEQE, Fonds social). Les ministres de l'Energie devaient aussi le 27 juin se mettre d'accord sur la révision de deux directives concernant l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

Migration et asile

En abordant la PFUE, le gouvernement français avait pour ambition de trouver "des solutions aux problèmes les plus urgents" en matière d'asile, de migration et de fonctionnement de l'espace Schengen de libre-circulation. Il s'agissait avant tout de débloquer les discussions sur le pacte migratoire présenté par la Commission en 2020, et de mettre en place un "pilotage politique" de Schengen similaire à celui qui existe pour la zone euro.

Deux textes étaient importants pour atteindre ce dernier objectif. Le premier, la révision du mécanisme d'évaluation et de contrôle de Schengen, a été adopté le 10 juin après un accord entre Etats en mars et consultation du Parlement en avril. Il introduit une orientation plus stratégique, des procédures simplifiées et accélérées, et renforce le rôle du Conseil en lui permettant d'adopter des recommandations "en cas de manquements graves" de la part d'un Etat membre. Le second, la révision du Code Schengen, présentée par la Commission en décembre 2021, a fait l'objet le 10 juin d'un accord entre Etats membres sur une orientation générale et reste en attente de la position du Parlement. Le projet prévoit notamment de nouveaux outils pour lutter contre l'instrumentalisation des flux migratoires par des Etats tiers ou des acteurs non étatiques, ainsi qu'un nouveau cadre juridique pour les mesures aux frontières extérieures en cas de crise sanitaire. Il permettrait également aux Etats membres de prolonger les contrôles aux frontières intérieures au-delà de la limite actuelle de deux ans et demi, et faciliterait les contrôles dans les régions frontalières des Etats membres pour dissuader les mouvements de migrants en situation irrégulière. Le pilotage politique voulu par la France s'est également traduit par la création d'un "Conseil Schengen" qui s'est réuni deux fois en mars et juin pour aborder entre les vingt-six Etats de l'espace Schengen[2] les grands enjeux indépendamment des discussions sur les textes.

La PFUE a également réussi à faire avancer les discussions sur l'asile et la migration. Après un accord politique entre ministres le 10 juin, le Conseil a adopté le 22 juin ses mandats de négociation sur les règlements Eurodac et Filtrage des migrants. Le premier texte, qui concerne le fichier des empreintes digitales des migrants, vise à mieux lutter contre les mouvements irréguliers et faciliter le retour dans leur pays des personnes en situation irrégulière. Le second prévoit de renforcer les contrôles aux frontières extérieures et d'"orienter rapidement les personnes soumises au filtrage vers la procédure appropriée". Les négociations avec le Parlement pourront commencer lorsque celui-ci aura arrêté sa position.

En complément, le 22 juin, vingt-et-un Etats membres se sont engagés à "mettre en œuvre un mécanisme de solidarité volontaire, simple et prévisible" pour venir en aide aux Etats membres confrontés à des arrivées importantes de migrants en Méditerranée et par la route Atlantique occidentale. Cet engagement permet de surmonter l'un des obstacles majeurs à l'élaboration d'une politique migratoire globale de long terme, l'opposition de certains Etats membres à tout mécanisme contraignant de relocalisation des demandeurs d'asile.

Sécurité et défense

Elément majeur de l'ambition française de développer l'autonomie stratégique et les capacités de l'Union européenne, ainsi qu'une culture stratégique commune, la Boussole stratégique a été adoptée lors du Conseil européen de mars, exactement un mois après le début de l'invasion de l'Ukraine. Une première version avait été élaborée à l'automne 2021. La France, lors d'une réunion des ministres de la Défense à Brest le 13 janvier, avait initié un travail d'approfondissement. La guerre a obligé le Service européen pour l'action extérieure et la PFUE à remanier le document, plus orienté sur la menace russe et appelant au final à un "saut quantique" pour "accroître notre capacité et notre volonté d'agir, renforcer notre résilience ainsi que garantir la solidarité et l'assistance mutuelle". Articulée en quatre piliers - agir, investir, collaborer et sécuriser - la Boussole fixe pour la décennie à venir les priorités de l'Union européenne en termes de sécurité et de défense, et liste les projets à mener pour y répondre. La mesure la plus visible est la création d'une "capacité de déploiement rapide" de 5 000 hommes d'ici à 2025. La Boussole prévoit aussi le renforcement des missions civiles et militaires de l'Union, la mise en place de politiques communes de défense spatiale et de cyberdéfense, et des investissements, non chiffrés, dans des capacités opérationnelles et des technologies de pointe. Occupant la présidence du Conseil, la France a engagé la mise en œuvre de la stratégie, en particulier en matière de mobilité militaire et d'action contre les menaces hybrides.

Ce travail a été complété en parallèle par l'impulsion donnée par les dirigeants européens lors de leur réunion de Versailles les 10 et 11 mars pour combler les insuffisances stratégiques, relancer les investissements dans l'industrie de défense et les capacités. Après une analyse des déficits d'investissements de l'Union européenne dans la défense réalisée par la Commission et l'Agence européenne de défense (AED), le Conseil européen des 30 et 31 mai a demandé de "cartographier" les capacités de fabrication dans le domaine de la défense, d'élaborer des mesures pour soutenir le secteur et de faciliter les passations de marché en commun pour renforcer les stocks.

Faire face à la guerre

L'ensemble de ces accords et décisions, complétés par de nombreux documents d'orientation politique du Conseil, comme les conclusions ou recommandations, ont en grande partie constitué le programme du semestre tel qu'il avait été prévu. Mais la PFUE a dû gérer la réponse de l'Union européenne à la guerre provoquée par la Russie en Ukraine à partir du 24 février et ses conséquences. Cette activité s'est notamment traduite par un nombre élevé de réunions des ambassadeurs - 70 à la date du 23 juin, contre 51 pendant la présidence portugaise en 2021 et 53 pendant la présidence croate en 2020 [3]. Plusieurs réunions extraordinaires des ministres des Affaires étrangères, de l'Energie et de l'Intérieur ont également été organisées.

Le travail le plus important dans ce cadre a été l'adoption des six trains de sanctions contre la Russie et la Biélorussie entre le 21 février, date de la reconnaissance par la Russie des régions séparatistes d'Ukraine, et le 3 juin. Les sanctions européennes visent désormais 1 158 personnes et 98 entités impliquées dans la guerre et les atteintes à la souveraineté de l'Ukraine. Elles incluent principalement l'exclusion de banques russes et biélorusses du système de messagerie financière SWIFT, l'interdiction des échanges financiers avec la Banque centrale de Russie, des restrictions commerciales, ainsi que des embargos sur le charbon et le pétrole russes.

La PFUE a également contribué à organiser l'accueil de plus de 5 millions de réfugiés ukrainiens dans l'Union européenne et le soutien à l'Ukraine sous diverses formes. Le Conseil a ainsi activé la protection temporaire, pour un an, des personnes fuyant la guerre, a permis de réorienter les fonds de cohésion pour l'aide aux réfugiés à hauteur de 17 milliards €, et approuvé le déblocage de 3,5 milliards € supplémentaires dans le même but.

Par plusieurs décisions du Conseil, l'Union européenne a brisé le tabou du financement de la guerre, en mobilisant par quatre fois la facilité pour la paix, pour un total de 2 milliards €, afin de de compenser auprès des Etats membres les livraisons à l'Ukraine d'armes, des équipements de protection et du carburant pour les forces armées. De concert avec le Parlement, le Conseil a également approuvé la libéralisation temporaire des échanges commerciaux avec l'Ukraine, et adopté de nouvelles règles permettant à Eurojust de conserver les preuves de crimes de guerre.

Après un accord entre Etats membres le 10 mai, le Conseil et le Parlement ont trouvé un accord, le 19 mai, sur l'obligation pour les Etats membres de remplir leurs installations de stockage de gaz à au moins 80% avant l'hiver prochain, afin d'assurer la sécurité des approvisionnements dans le cadre de la sortie de la dépendance au gaz russe. Le texte a été définitivement adopté le 27 juin.

Face aux défis multiples engendrés par la guerre en Ukraine, c'est dans son rôle de préparatrice des réunions d'une autre institution, le Conseil européen, que la PFUE a eu un rôle central dans les décisions stratégiques. La déclaration adoptée lors du sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement à Versailles, les 10 et 11 mars, a ainsi été élaborée en premier lieu à l'Elysée et porte la marque que la France voudrait imprimer à l'Union européenne. Les Vingt-Sept y affirment qu'ils ont "décidé d'assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne notre sécurité et de prendre de nouvelles mesures décisives en vue de construire notre souveraineté européenne, de réduire notre dépendance et d'élaborer un nouveau modèle de croissance et d'investissement pour 2030".

La déclaration pose ainsi les trois axes de la réorientation de l'Union européenne face à la guerre : le renforcement des capacités de défense, la réduction de la dépendance énergétique et la construction d'une base économique plus solide. Elle souligne aussi la nécessité de réduire les dépendances stratégiques, dans les domaines numérique et technologique, des matières premières, de la santé et de l'alimentation. Les Conseils européens des 24-25 mars et des 30-31 mai auront précisé et complété cette orientation, sans toutefois que des décisions fondamentales soient prises sur une sortie du gaz russe ou un plan concret de renforcement de l'industrie de défense.

Une ambition bousculée

De ce point de vue, la réunion de Versailles aura été le moment de la PFUE où l'ambition française de modeler l'Union européenne sur le long terme aura été la plus évidente et la plus bousculée par le choc de la guerre.

En entamant son mandat européen de six mois, la France avait ajouté une forte dimension politique et programmatique à la dimension purement institutionnelle d'une présidence du Conseil. "S'il fallait résumer en une phrase l'objectif de cette présidence, je dirais que nous devons passer d'une Europe de coopération à l'intérieur de nos frontières à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin. C'est cela, l'objectif que nous devons poursuivre", expliquait le Président français Emmanuel Macron le 9 décembre en présentant les priorités de la PFUE.

Le sommet de Versailles, les 10 et 11 mars, devait lancer une réflexion sur un "nouveau modèle européen de croissance et d'investissement", qui aurait abordé les questions des coopérations industrielles, du financement de l'innovation et des politiques sociales pour accomplir la double transition climatique et numérique. Cette réflexion aurait coïncidé avec les discussions sur la réforme de la gouvernance de la zone euro et, plus précisément, du pacte de stabilité et de croissance. Mais la gestion des conséquences économiques de la guerre a eu raison de cet ordre du jour et interrompu le débat sur la zone euro. La déclaration de Versailles ne comporte qu'une ébauche de réflexion sur ce point. Ces thèmes reviendront de toutes façons sur la table des dirigeants européens.

D'une certaine manière validée par la guerre et consacrée par la déclaration de Versailles, l'idée d'autonomie stratégique de l'Europe aura paradoxalement progressé, bien que contrecarrée dans les faits par les événements, puisqu'une partie des Etats membres, notamment à l'Est, considère comme essentielles l'appartenance à l'OTAN et la garantie de sécurité américaine, et regardent avec suspicion le concept d'autonomie qu'ils considèrent comme un affaiblissement potentiel de l'OTAN. La position d'équilibre recherchée par Emmanuel Macron dans la crise ukrainienne et son projet de "communauté politique européenne" dévoilé le 9 mai auront conforté certains de ses partenaires dans cette méfiance.

L'ambivalence de ces Etats sur les questions stratégiques et la volonté déjà annoncée de reconstituer les stocks et capacités opérationnelles avec des équipements américains laissent, à cet égard, une incertitude sur la mise en œuvre effective des orientations en matière d'investissements et de coopération dans l'industrie de défense européenne comme le souhaiterait la France.

La capacité d'entraînement de la France, avec ses principaux partenaires allemand et italien, a toutefois été démontrée à Kiev, le 16 juin, lorsqu'Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Mario Draghi, ainsi que le Président roumain Klaus Iohannis, ont apporté leur soutien à la candidature de l'Ukraine à l'Union européenne. Le geste, suivi d'une réunion du Coreper et d'un Conseil Affaires générales, aura permis de garantir une décision unanime lors du Conseil européen des 23 et 24 juin pour octroyer le statut de candidat à l'Ukraine et à la Moldavie, tout en préparant la discussion sur les modalités.

La PFUE aura donc été pour la France un moment de réalisation de nombreux objectifs concrets, ainsi qu'une démonstration de l'efficacité de son appareil diplomatique et politique à Bruxelles et à Paris, tout en faisant passer au second plan certaines des ambitions affichées de long terme pour l'Union européenne. La réflexion sur l'avenir de l'Union ne fait cependant que commencer. Malgré les conséquences de la guerre en Ukraine, la France, qui peut revendiquer une présidence très positive avec des résultats concrets, continuera à se placer au cœur de ces débats à venir.

ANNEXE
Etat d'avancement des textes pendant la PFUE

Tableau actualisé le 1er juillet 2022

[1] Pour Présidence française de l'Union européenne
[2] Tous les membres de l'Union européenne (sauf la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l'Irlande et la Roumanie), ainsi que l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse
[3] Comparaison à semestre équivalent, les présidences se déroulant du 1er juillet au 31 décembre étant allégées par les congés d'été et les fêtes de fin d'année

Directeur de la publication : Pascale Joannin

La France à la tête du Conseil : un bilan positif malgré la guerre

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