Comprendre le nouveau pacte sur la migration et l'asile

Liberté, sécurité, justice

Ramona Bloj,  

Stefanie Buzmaniuk

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16 novembre 2020
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Bloj Ramona

Ramona Bloj

Responsable des études de la Fondation Robert Schuman

Buzmaniuk Stefanie

Stefanie Buzmaniuk

Directrice de recherche, chargée du développement

Comprendre le nouveau pacte sur la migration et l'asile

PDF | 355 koEn français

En 2019, 22,9 millions de personnes, soit 4,7 % de la population totale de l'Union européenne, étaient des citoyens non-européens. Selon la Commission européenne, les États membres accordaient la même année trois millions de premiers titres de séjour à des ressortissants de pays tiers. Tandis que le nombre des demandes d'asile s'élevait à 1,28 million en 2015, il a baissé et atteint 698 000 en 2019.

À travers l'Union, les chiffres diffèrent d'un pays à l'autre : si on regarde le nombre de migrants en 2019, l'Allemagne est le pays qui en accueille le plus avec 13,4 millions, soit 15,7 % de sa population. Elle est suivie par la France (8,3 millions), l'Espagne (6,5 millions) et l'Italie (6,2 millions). Dans les pays d'Europe centrale et orientale, la Pologne est, selon l'OCDE, la première destination de migrants temporaires de travail, devant les États-Unis : en 2018, la Pologne a délivré plus d'un million de nouvelles autorisations à des travailleurs extra-européens.

En matière de politique migratoire, l'Union européenne dispose d'une compétence partagée - son intervention dépend de l'application du principe de subsidiarité et est intimement liée à la création de l'espace Schengen. L'article 79§1 du TFUE définit les objectifs de l'Union en la matière : " L'Union développe une politique commune de l'immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci ".

Au niveau européen, un certain nombre de mécanismes, d'instruments et de structures existent pour assurer la coopération en matière de politique migratoire et d'asile. Il est pourtant avéré que ces bases sont insuffisamment utilisées, coordonnées et adaptées aux réalités politiques et géographiques. Il existe, par exemple, un Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), dont les moyens et compétences sont très limités. Les retours concertés sont prévus dans le cadre actuel, mais ils ne sont appliqués que dans 30 % des cas. L'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, est régulièrement renforcée : elle dispose désormais de 1 200 gardes-frontières et garde-côtes, contre 300 en 2015, mais elle manifeste souvent des insuffisances importantes, surtout dans les moments de grand afflux.

On identifie l'échec de l'architecture actuelle de la politique migratoire de l'Union européenne au règlement Dublin III, qui a remplacé en 2013 le règlement Dublin II adopté en 2003, l'un et l'autre plongeant leurs racines dans la Convention de Dublin de 1990. Malgré ces deux réformes en 2003 et 2013, l'aspect le plus clivant n'a pas été traité : le pays d'entrée d'un demandeur d'asile est responsable de l'examen de sa requête d'asile. De fait, les États membres frontaliers, comme la Grèce, l'Espagne, l'Italie et Malte, sont les pays les plus exposés et, par conséquent, les plus débordés par la gestion des flux migratoires sur leur territoire. En deuxième ligne, on trouve des pays comme l'Allemagne qui, par son attractivité économique et le réseau de migrants déjà établi sur son territoire, est devenue une destination de prédilection pour nombre de migrants. Une étude du Parlement européen montre que sur la période 2008-2017, 90 % des demandes d'asile se concentraient dans dix Etats membres de l'Union.

Les événements et tendances observés depuis 2015 n'ont fait que révéler l'échec et la non-viabilité de la politique d'asile européenne : le déni de solidarité entre les États membres, qui s'est traduit par un refus catégorique des certains États d'accepter le système de répartition (relocalisation) proposé par la Commission  ; les nombreux naufrages de migrants en mer Méditerranée ; l'existence de camps en Libye et le développement des réseaux de trafic illicites de migrants ; l'accord trouvé avec la Turquie en 2016 qui prévoyait le renvoi dans ce pays des migrants irréguliers arrivés en Grèce; l'incendie du 9 septembre 2020, qui a complètement détruit le camp de Moria[1].

C'est pour s'attaquer à ces difficultés et insuffisances qu'un nouveau Pacte sur la migration et l'asile a été présenté le 23 septembre 2020. En effet, trouver un consensus au niveau européen pour une nouvelle approche en matière de migration figure en tête des priorités de la Commission présidée par Ursula von der Leyen annoncées dans ses orientations politiques en juillet 2019.

Une solidarité obligatoire, mais flexible

Depuis 2015, les États membres situés en première ligne ont lancé un appel pour un mécanisme de solidarité plus durable. Mais cette quête de solidarité s'est vite transformée en véritable crise politique, créant de profondes divisions entre les États membres. Le mécanisme des quotas, introduit à l'été de 2015 suite à une proposition de la Commission présidée alors par Jean-Claude Juncker, n'a pas eu l'effet souhaité car il n'a pas été respecté par certains États membres comme la Hongrie et la Pologne ou très peu respecté par d'autres comme l'Autriche ou la République tchèque.

La nouvelle Commission a mis la question migratoire au cœur de son mandat. Dans son discours sur l'état de l'Union le 16 septembre dernier, la présidente de la Commission a souligné : " si nous nous montrons tous prêts à faire des compromis - sans toutefois accepter la moindre compromission par rapport à nos principes - nous pouvons trouver des solutions ". La solidarité, principe inscrit dans les Traités européens[2], se trouve au cœur de cette nouvelle approche. Elle devient toutefois moins contraignante et plus flexible. Contrairement aux essais précédents, le nouveau pacte pour l'asile et la migration ne prévoit pas de quotas fixes de relocalisation, mais intègre plusieurs formes de collaboration et de partage des responsabilités, notamment un système de sponsorship.

Selon la proposition présentée par la Commission, un nouveau mécanisme serait accessible pour tous les États membres qui font face à une forte pression migratoire, avec deux possibilités : soit la Commission déclencherait elle-même le mécanisme après évaluation ; soit l'État concerné en ferait directement la demande. Après l'activation de ce mécanisme, la Commission évaluerait le nombre de migrants ainsi que les besoins du marché du travail et proposerait un plan de répartition entre les États membres, proportionnellement à leur taille et leur économie : 50 % du calcul basé sur le PIB et 50 % sur la taille de la population.

La relocalisation resterait donc toujours une option, mais les États refusant de recevoir des migrants sur leur territoire auraient d'autres options pour se montrer solidaires : ils pourraient choisir de " parrainer " le retour des migrants dans leurs pays d'origine, c'est-à-dire qu'un État membre assumerait la responsabilité du retour d'une personne n'ayant pas le droit de rester, pour le compte d'un autre État membre[3]. Pour cela, ils disposeraient de huit mois, à l'issue desquels le demandeur d'asile, à défaut d'être renvoyé dans son pays d'origine, serait relocalisé dans le pays " parrain ". Ce mécanisme pourrait s'avérer extrêmement long et difficile, mais aussi limité par le droit international. Pour prendre un exemple, à l'heure actuel, il n'existe pas une liste commune des " pays d'origine sûrs "[4] au niveau européen.

Une autre option pour les Etats membres qui refuseraient les demandeurs d'asile serait d'assister les pays situés en première ligne par leur expertise ou de l'aide pratique, comme la gestion des centres d'accueil. Les États refusant l'une ou l'autre option pourraient être sanctionnés, par un mécanisme qui reste encore à définir.

La Commission souhaite donc éviter le blocage de l'alternative entre relocalisation obligatoire et absence de solidarité. Elle propose une approche flexible pour que tous les États puissent participer et se charger d'une responsabilité précise. Ce mécanisme serait adapté à trois types de situations : sauvetage en mer, pression migratoire, crise migratoire[5]. Selon la nature de la situation, la réponse européenne pourrait être calibrée et adaptée. Cela mettrait la Commission dans une position importante d'évaluation et de gestion.

La Commission souhaite également l'installation d'un groupe d'experts informel qui la conseillerait sur s'ensemble de sa politique migratoire et d'asile en prenant en compte le point de vue des migrants. Sa première tâche serait de contribuer à l'élaboration d'un plan d'action global sur l'intégration et l'inclusion pour la période 2021-2024.

Dublin " put to bed ", mais le critère de premier pays d'entrée subsiste

Le règlement Dublin III est l'élément central, mais aussi le plus clivant de la politique migratoire européenne. Pour trouver une solution mieux adaptée à la réalité migratoire, ce règlement serait " put to bed " (mis au lit) pour emprunter les mots de Margaritis Schinas, vice-Président de la Commission chargé des migrations et de la promotion du mode de vie européen,. Il sera donc remplacé par une approche différente.

Pourtant, l'élément central de ce règlement ne serait pas complètement supprimé : le premier pays d'entrée resterait l'un des critères pour décider quel pays est chargé de gérer les demandes d'asile. Néanmoins, ces critères seraient hiérarchisés différemment : le pays responsable de la demande d'asile pourrait être celui dans lequel un demandeur d'asile a un frère, une sœur ou sa " famille nucléaire " (contrairement à la situation actuelle, où la présence de la famille nucléaire constitue le seul critère valable), ou dans lequel il a travaillé ou fait ses études. Le projet conserve la possibilité - trop peu utilisée jusqu'à présent - de déposer sa demande d'asile dans un État membre qui lui a déjà accordé dans le passé un titre de séjour ou un visa. C'est ce qu'on appelle l'existence des réseaux migratoires. Autrement, les pays de première arrivée resteront chargés de gérer les demandes, mais dans le nouvel ordre hiérarchique proposé par la Commission, ce critère étant désormais le cinquième.

L'aspect sécuritaire : un accent très fort sur les retours

Le nouveau pacte pour l'asile et la migration met fortement l'accent sur une meilleure gestion des frontières extérieures et des retours, renforçant ainsi encore plus l'aspect sécuritaire qui, à travers les années, a été l'approche principale en matière de gestion de migration, comme en témoignent la mise en place du système d'information Schengen (SIS), Eurodac, du système intégré de vigilance externe, de Frontex et des accords de réadmission avec les pays tiers.

Premièrement, le " parrainage " des retours serait possible, ce qui lie la question des retours à la problématique de la solidarité. Un mariage amer pour certains observateurs.

Deuxièmement, les migrants devraient savoir plus rapidement s'ils ont la possibilité et le droit de rester en Europe ou s'ils doivent retourner dans leur pays d'origine. Cela devrait être réalisé par des " screenings " obligatoires de tous les demandeurs d'asile qui arrivent aux frontières extérieures de l'Union. Ces screenings consisteraient en une identification, un contrôle sanitaire et un relevé des empreintes digitales et l'enregistrement de ces données dans la base Eurodac[6]. Ainsi, le nouveau pacte pour l'asile et la migration renforcerait cette base de données déjà existante. Il prévoit aussi l'harmonisation au niveau européen de la législation en matière d'asile, priorité affichée depuis de nombreuses années – le Règlement Dublin I de 1990 essayait déjà de s'attaquer à cette question. Par ailleurs, la proposition de la Commission vise à transformer l'actuel Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) en une véritable Agence de l'Union européenne pour l'asile, qui serait chargée d'assurer la convergence dans l'examen des demandes de protection internationale et de fournir une assistance opérationnelle et technique aux États membres.

Troisièmement, les retours devraient être exécutés plus rapidement. La proposition prévoit la mise en place d'un processus accéléré pour renvoyer prestement dans leur pays d'origine les migrants pour lesquels la demande d'asile n'aboutirait pas. Il s'agit des ressortissants des pays dont le taux de réponses positives aux demandes d'asile est inférieur à 20 %, comme la Tunisie ou le Maroc. Dans ces cas, le traitement de la demande d'asile se ferait à la frontière et dans un délai de douze semaines. Ylva Johansson, commissaire européenne aux Affaires intérieures, a souligné dans une audition au Sénat français le 5 novembre 2020 qu'un processus accéléré éviterait l'installation permanente des migrants, comme l'intégration professionnelle ou sociale, qui n'ont pas le droit de rester et faciliterait ainsi le retour pour les administrations, mais aussi pour les migrants eux-mêmes.

Quatrièmement, ces retours devraient être exécutés plus efficacement. Cela devrait être rendu possible à travers la conclusion de nouveaux accords, beaucoup plus larges que ceux en vigueur actuellement, avec les pays tiers. Pour l'instant, l'Union européenne a conclu dix-huit accords de réadmission (Albanie, Moldavie, Arménie, Monténégro, Azerbaïdjan, Pakistan, Bosnie-Herzégovine, Russie, Cap-Vert, Serbie, Géorgie, Sri Lanka, Hong Kong, Turquie, Macao, Ukraine, Macédoine, Kazakhstan). Elle compte également six " dispositifs " de réadmission (Afghanistan, Guinée, Bangladesh, Éthiopie, Gambie, Côte d'Ivoire). L'accord de Cotonou contient également des dispositions sur le retour des migrants en situation irrégulière.

Pourtant, un des grands problèmes posés par les retours est la collaboration avec ces pays tiers et leur stabilité politique. Souvent, ils ne sont ni prêts, ni désireux, ni en mesure de faciliter les retours de leurs ressortissants. Cela rend souvent les retours très lents et, dans beaucoup de cas, impossibles, avec des effets extrêmement nocifs non seulement pour le fonctionnement du système migratoire européen, mais aussi pour la situation personnelle des migrants qui vivent souvent longtemps dans l'illégalité et sans protection sociale..

Pour résoudre ces difficultés, la Commission propose de créer un nouveau poste de coordinateur européen, chargé des retours sous l'égide de Frontex, ainsi qu'un réseau d'experts nationaux qui veilleraient à ce que la politique de retour soit cohérente dans toute l'Union. C'est un des éléments qui, entre autres, garantirait à Frontex l'attribution de moyens supplémentaires.

Des nouveaux partenariats avec les pays tiers

 

Dans sa proposition, la Commission européenne souligne l'importance de prendre en considération la migration d'une manière plus globale et systématique. Cela apparaît plus évident dans la partie concernant la coopération avec les pays tiers et/ou partenaires. Les partenariats devraient aller plus loin que ceux concernant les retours : la migration et l'asile devraient, selon la Commission, être pris en considération dans tous les domaines de la politique extérieure de l'Union, comme dans l'aide au développement et, plus précisément, dans la coopération économique, dans les domaines de la science et de l'éducation, la numérisation, l'énergie, etc.

La Commission souhaite donc construire de meilleurs canaux de communication avec les pays tiers, mais aussi avec leurs populations, concernant les voies légales d'entrée en Europe et la politique des visas. La notion de "partenariats destinés à attirer les talents" évoquée dans le nouveau pacte, semble aller dans le sens d'une politique commune de l'immigration légale de travail, mais ses principaux traits restent, pour le moment, encore très vagues.

De plus, la Commission souhaite coopérer plus étroitement avec les pays tiers dans les domaines judiciaire et policier, notamment avec l'aide d'Europol, pour combattre les trafics d'êtres humains. L'Agence de l'Union européenne pour l'asile qui serait créée jouerait un rôle important dans la mise en place de cette coopération. Prenant en compte la complexité de ces partenariats, notamment avec des pays dans lesquels les gouvernements se montrent peu coopératifs. Il reste à voir comment cela pourrait se concrétiser efficacement.

Quelles améliorations pour les droits des migrants ?

Certaines ONG travaillant avec des migrants et réfugiés regrettent l'accent mis sur les retours et non sur l'être humain. Judith Sunderland, directrice adjointe par intérim de la Division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch (HRW) a déclaré à propos du nouveau système de parrainage : " It's like asking the school bully to walk a kid home " [C'est comme demander à la brute de l'école de raccompagner un enfant chez lui]. Jon Cerezo d'Oxfam France aurait aussi souhaité que la solidarité se concrétise plutôt à travers la protection des demandeurs d'asile et non pas sous la forme des retours. Caritas Europe regrette l'accent mis sur les retours, mais l'ONG reconnaît plusieurs développements positifs sur des dispositifs visant à protéger le droit de l'enfant et à préserver l'unité familiale dès l'arrivée des migrants, ainsi que la tentative d'accorder plus d'attention à la protection des droits fondamentaux aux frontières et dans la coopération avec les pays tiers.

Le raccourcissement de cinq à trois ans de la période de temps après laquelle les réfugiés sont éligibles pour obtenir un statut juridique de long terme pourrait aussi faciliter l'intégration sur le sol européen.

Les réactions des États membres sont globalement constructives mais certains restent vigilants

Les États membres ont plutôt accueilli favorablement le nouveau pacte de la Commission et estiment qu'il s'agit d'une " bonne base " pour entamer des négociations. Les réponses les plus optimistes sont celles des pays qui se sont trouvés en première ligne de la pression migratoire ces dernières années comme l'Italie et Chypre. Le Président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a qualifié le nouveau pacte de " pas important vers une politique migratoire véritablement européenne ", mais son homologue espagnol a déploré l'absence de " mécanisme de solidarité obligatoire ".

L'Allemagne, qui occupe actuellement la présidence du Conseil de l'Union, regarde favorablement cette nouvelle proposition et souhaite avancer le plus vite possible. D'autres pays, comme l'Autriche, l'Estonie, la Hongrie et la République tchèque, ont une approche plutôt constructive mais restent vigilants car ils ne souhaitent pas qu'un mécanisme de répartition obligatoire soit réintroduit - ce qui n'est pas prévu dans la proposition. On observe que les pays qui restent prudents sont d'ailleurs majoritairement ceux qui n'ont pas respecté le mécanisme de relocalisation mis en place en 2015.

C'est la Hongrie qui met le plus clairement en garde contre les nouvelles propositions, notamment celle concernant la solidarité obligatoire en lien avec le parrainage de retour, très difficile à réaliser pour un " petit " pays  selon l'ambassadeur de Hongrie à Paris Georges Károlyi. La solution la plus évidente préconisée par la Hongrie reste d' " arrêter la migration ". Pourtant, le fait de ne pas avoir rejeté le pacte dans sa totalité est compris par la Commission comme une avancée importante.

L'Autriche, l'Estonie, la France, la Grèce, l'Italie, Malte, la Pologne - qui considèrent tous ce nouveau pacte comme une bonne base - estiment qu'il contient des propositions cruciales dans le domaine des retours, des partenariats avec les pays tiers et des contrôles aux frontières. D'autres États membres, comme la Belgique, l'Espagne et le Luxembourg, émettent des doutes sur la mise en œuvre de certaines propositions– notamment le fonctionnement de la solidarité obligatoire et les voies de migration légale.

Les avancées en terme de la protection de droits de l'Homme ont été soulignées par la Finlande et l'Irlande, qui ont demandé que plus d'efforts soient faits dans ce sens.

***

Le projet de pacte présenté par la Commission sera examiné par le Conseil et par le Parlement européen. La Présidence allemande du Conseil affiche une claire volonté d'avancer au plus vite sur les négociations et la Commission souhaiterait voir la proposition adoptée avant la fin de l'année prochaine. La pandémie de coronavirus, mais aussi la polarisation extrême du débat public sur cette question dans les États membres, pourraient toutefois rendre les négociations plus ardues que prévu.

Le Pacte proposé par la Commission renforcera les outils et instruments existants, ainsi que l'aspect sécuritaire de la politique migratoire européenne. Il semble plus réaliste en matière de partage des responsabilités et de solidarité, mais la volonté politique sera indispensable pour trouver un accord entre les Etats membres et le contexte de pandémie et de crise actuelle pourrait ralentir l'avancement de ce dossier, comme l'a souligné Ylva Johansson.

La migration est un fait humain, structurel ; l'asile est un droit fondamental pour les personnes persécutées et une obligation juridique en vertu du droit international pour les États parties de la convention de Genève. Le domaine de la politique migratoire restera donc crucial pour l'Europe et une nouvelle approche européenne est indispensable. Ce pacte pourrait alors être une " bonne base " pour avancer, mais il reste à voir comment il pourra être adapté à des réalités politiques et migratoires différentes.


[1] Ouvert en 2013 sur l'île de Lesbos en Grèce, le camp a fait l'objet des nombreuses critiques, surtout concernant les conditions de vie, le surpeuplement, et sa transformation en centre de rétention à la suite de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie en 2016.
[2] Article 2 TUE et article 222 TFUE
[3] Par-delà la question migratoire : les enjeux du Nouveau Pacte sur la Migration et l'Asile. Entretien avec Jean-Pierre Cassarino, Le Grand Continent, 8 novembre 2020.
[4] Catégorie des pays, dont les ressortissants ne peuvent pas bénéficier du statut de réfugié.
[5] Selon la Commission européenne, la situation de crise couvre les situations exceptionnelles d'afflux massif de ressortissants de pays tiers ou d'apatrides qui arrivent de manière irrégulière dans un État membre ou sont débarqués sur son territoire à la suite d'opérations de recherche et de sauvetage. Elle est d'une ampleur telle, proportionnellement à la population et au PIB de l'État membre concerné, et d'une nature telle qu'elle rend inopérant le système d'asile, d'accueil ou de retour de cet État membre.
[6] Le système "Eurodac" permet la comparaison des empreintes digitales pour l'application du règlement Dublin.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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