Union économique et monétaire
Nicolas-Jean Brehon
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ENNicolas-Jean Brehon
L'Union européenne face au Royaume-Uni.
Le " casse-tête budgétaire " [1] de la facture du Brexit
Après un rappel des enjeux, les conséquences budgétaires du Brexit doivent être analysées par séquence. Jusqu'en mars 2019, et après mars 2019, jusqu'à la fin de l'exécution du Cadre Financier Pluriannuel (CFP).
1. Le contexte de la négociation budgétaire
1.1 Les données budgétaires
1.1.1 Un partenaire important dans le système budgétaire européen
Avec le Brexit, l'Union européenne perd un contributeur au budget européen. Qu'il s'agisse de la contribution brute du pays au budget (sa participation au financement), ou de sa contribution nette, c'est-à-dire après déduction des dépenses du budget européen au Royaume-Uni [2].
* Les contributions assises sur la TVA et le RNB sont des ressources propres de l'UE mais comme elles sont prélevées sur le budget des Etats membres elles sont couramment considérées comme des contributions nationales
** La contribution réelle se calcule principalement par différence entre la contribution brute diminuée du rabais mais ce solde subit également quelques corrections et ajustements.
*** 52 % des dépenses européennes au Royaume-Uni sont des dépenses agricoles
Malgré le rabais, le Royaume-Uni reste un contributeur net important au budget européen [3]. C'est le deuxième contributeur net, loin derrière Allemagne et juste devant la France. La contribution nette se chiffre à 38,7 milliards € en 5 ans (2012/2016). La moyenne récente est de 7,5 milliards €. C'est a priori, ce qui représente la perte de recettes potentielle induite par le Brexit.
1.1.2 Un partenaire singulier : le rabais britannique
La singularité budgétaire du Royaume-Uni se manifeste principalement par le rabais britannique. Le principe, acté par le Conseil européen de Fontainebleau en 1984 est simple: " Il a été décidé que tout Etat membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier, le moment venu, d'une correction". En 1984, l'Etat visé était évidemment le Royaume-Uni. Le pays était l'un des moins prospères de la Communauté économique européenne et, compte tenu de la structure du budget de l'époque, écrasé par le poids de la politique agricole commune (PAC), recevait peu de fonds européens. Le pays déplorait que sa contribution nette fût la plus importante de tous les Etats membres et exigea un " juste retour ". Le rabais permet de réduire le solde net (négatif) vis-à-vis de l'Europe. La correction se traduit par un remboursement des versements britanniques au budget européen à hauteur des 2/3 de la contribution nette du pays. La compensation d'une année est versée l'année n+1. Ce " chèque ", autre appellation du rabais, est financé par les autres Etats membres. Après que plusieurs pays ont obtenu à leur tour des corrections sous forme de rabais sur le rabais, la France assure la plus grande part du financement du rabais soit 26 % du total [4].
Si le principe est simple, les modalités de calcul du rabais sont extrêmement complexes [5] et fixées par une décision sur les ressources propres, adoptées par le Conseil [6]. Il est piquant de rappeler que les Britanniques volontiers critiques à l'encontre de la bureaucratie européenne, sont à l'origine de " la quintessence de la complexité budgétaire européenne " [7]. Une complexité accrue d'élargissement en élargissement, de correction en correction, de rabais en rabais.
Ce rabais a toujours été critiqué. Une critique à la fois fondée et vaine. Le principe du rabais est contraire aux règles de solidarité, au fondement de la construction européenne, et le Royaume-Uni est le seul pays de l'Union dont la part dans le financement du budget est éloignée de son poids économique [8]. Cette critique fait partie des rituels des débats budgétaires. Mais ce rabais est devenu un élément de la singularité et, par-là, de l'identité britannique. Dès lors que les règles de financement du budget sont adoptées à l'unanimité, il est illusoire de penser que le rabais disparaîtrait. Seul, le Brexit mettra fin au rabais britannique.
1.1.3 Les droits de douane
Ce poste semble oublié par les commentateurs. Il représente portant un enjeu budgétaire de l'ordre de 3 milliards €.
Les droits de douane, qui forment la quasi-totalité des " ressources propres traditionnelles ", ne sont que partiellement pris en compte dans le calcul des soldes nets. La Commission considère que les droits de douane ne peuvent être assimilés à des contributions nationales, prélevées sur les produits des impôts nationaux, alors qu'il s'agit de ressources authentiquement communautaires qui résultent de l'application du tarif extérieur commun aux importations hors-UE [9]. D'ailleurs, l'importateur qui supporte les droits de douane n'est pas toujours résident du pays qui les encaisse. Les droits de douane sont majorés dans les principaux points d'entrée européens (" effet Rotterdam "). Pourtant, force est de constater que, si les ressources propres traditionnelles sont bien de " vraies ressources propres ", la sortie du Royaume-Uni va bien entraîner une perte sèche de recettes douanières.
L'enjeu budgétaire est loin d'être négligeable. Le pays est le deuxième collecteur de droits de douane de l'Union, derrière l'Allemagne. Les importations britanniques (hors-UE) supportent des droits de douane à hauteur de 3,7 milliards € et assurent 3 milliards de recettes au budget européen, déduction faite de la retenue de 20% sur la recette collectée [10]. Cette recette disparaît avec le Brexit en mars 2019. Les droits de douane perçus sur les importations britanniques (hors-UE) seront désormais intégralement comptabilisés en recette nationale. L'enjeu budgétaire du Brexit est donc une perte de recettes totale de l'ordre de 10 milliards €.
1.2 Les procédures
L'article 50 TUE définit la procédure de retrait [11]. Cette procédure a été mise en œuvre par une notification au Président du Conseil européen le 29 mars 2017 [12]. Si l'accord n'est pas conclu au bout de 2 ans, soit le 29 mars 2019, les traités cessent de s'appliquer au Royaume-Uni sauf si un délai supplémentaire est autorisé par le Conseil européen à l'unanimité. Ce dernier détermine les orientations de la négociation et conclut l'accord de retrait après un vote à la majorité qualifiée et après approbation du Parlement européen. En avril 2017, le Conseil européen a arrêté le dispositif de négociation et identifié les sujets qui feront l'objet de l'accord de retrait. Il a d'ailleurs créé une première " task force " sur le Brexit, avant le déclenchement de la procédure de l'article 50, sous la direction du Belge Didier Seeus.
L'accord est négocié conformément à l'article 218 § 3 TFUE. La Commission présente des recommandations au Conseil qui adopte une décision autorisant l'ouverture des négociations. Le 27 juillet 2016, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a nommé le Français Michel Barnier, à la fonction de négociateur en chef responsable du groupe de travail de la Commission chargé de la préparation et de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni au titre de l'article 50TUE. Ce groupe de travail est opérationnel depuis le 1er octobre 2016. Il est organisé autour de trois grands sujets (marché intérieur, budget et commerce). La question budgétaire doit être réglée par un règlement financier. Michel Barnier travaille en étroite relation avec les Etats. Les administrations nationales sont évidemment très impliquées. Le temps des compromis politiques arrivera plus tard. Il s'assure du soutien unanime des Etats. Il réunit régulièrement les " sherpas " des administrations nationales et aurait fait deux fois le tour des capitales des Etats membres depuis sa prise de fonction.
Les délais sont très courts. La négociation se déroule par sessions et doit être conclue d'ici octobre 2018, afin de laisser le temps de l'approbation du Parlement et de libérer les élections européennes de 2019 de ce sujet. La négociation avance plus ou moins vite selon les sujets (accès au marché unique, relations commerciales, droits des ressortissants) mais il est manifeste que la question budgétaire est l'une des plus conflictuelles. La commissaire européenne au budget a reconnu que " les négociations sur le budget seront très difficiles " [13]. Cela ne peut surprendre. Michel Barnier déplore régulièrement ces difficultés [14]. Le 20 octobre 2017, le président du Conseil européen a dressé un premier rapport d'étape rappelant que " les informations faisant état d'une impasse entre l'Union européenne et le Royaume-Uni étaient exagérées. Bien que les progrès ne soient pas suffisants, cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y en ait pas du tout " [15].
1.3 Le positionnement des parties
1.3.1 Points de repère sur la position britannique
Le règlement financier doit-il être autonome comme le souhaitent les 27 Etats membres ou faire partie d'un tout comme le veulent les Britanniques ? Pas d'accord budgétaire sans accord sur les relations futures avec l'Union, par exemple. Accord final ou période transitoire ? Le Royaume-Uni ne souhaite pas s'engager dans un accord financier tant que l'Union européenne ne souhaite pas discuter d'une période de transition.
Autant sa sortie de l'Union a pu ébranler la cohésion du pays, autant il se retrouve plutôt soudé dans la négociation sur le volet budgétaire. L'argument du coût de l'Union pour le Royaume-Uni est facile à comprendre et a toujours été bien compris. Les Britanniques, malgré le rabais, sont toujours le deuxième contributeur net. Même si elle a perdu la majorité absolue après les élections de juin 2017, la Première ministre britannique Theresa May reste capable de défendre les intérêts britanniques, " to protect Britain in Brexit " dans ce qui est parfois présenté comme " la négociation du siècle ". Le " dîner catastrophe " [16] du 26 avril 2017 entre JC Juncker et T May a révélé un gouffre entre les positions des deux parties. Le point de1 départ des Britanniques est de zéro. " Not a penny for EU ". Certains observateurs préfèrent pourtant nuancer cette position de force affichée par les Britanniques qui ne serait qu'une façade de négociation. Le pays craint surtout que les 27 soient dans une position punitive, que l'Union fasse payer au sens propre comme au sens figuré ce départ et que la facture soit suffisamment forte pour dissuader d'autres Etats de suivre le même chemin.
1.3.2 Points de repère sur la position de l'Union
La singularité britannique a souvent irrité les 27 Etats membres. Par le rabais, le pays est le seul qui fait payer une partie de sa contribution par les autres. Une partie de l'opinion de plusieurs pays voit le départ britannique sans déplaisir excessif. Sans déplaisir et sans concession.
La position des 27 est claire et simple. "Nous n'accepterons pas de payer à 27 ce que nous avons décidé à 28. Rien de plus rien de moins", a insisté le négociateur. Il y a une belle unanimité sur le sujet [17]. Les contributeurs ne veulent pas prendre en charge la part du Royaume-Uni et les bénéficiaires ne veulent pas perdre ce qu'ils avaient à 28. Une position qui a été plusieurs fois défendue par l'Allemagne et par la France. Le Brexit est une occasion de se défendre contre tous. En particulier contre les Français.
1.3.3 Une guerre budgétaire franco-anglaise ?
La négociation budgétaire du Brexit fait ressurgir une rivalité franco-anglaise ancestrale. La France agace. La France n'a pas caché son ambition de tirer profit du Brexit. Les régions se positionnent en ce sens, la France est prête à accueillir les sièges des sociétés internationales inquiètes du Brexit, et surtout, la France souhaite concurrencer la City comme place financière internationale : " Si on pressent que Londres fera tout pour rester le premier centre financier mondial, il est de bonne politique pour les places concurrentes de se préparer à tirer profit du Brexit (...) Paris l'emporte sur ses concurrentes " [18].
La France inquiète. Le président français Emmanuel Macron, pro-européen convaincu, ne manque pas de souligner son ambition d'une relance européenne, parfois présenté par la presse britannique comme Machiavel ou Napoléon, et est ressenti comme une menace pour les intérêts britanniques dans les négociations du Brexit. Le lendemain de son élection, Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, partisan d'un hard Brexit, écrivait aux membres du parti conservateur pour leur demander de renforcer le positionnement de Theresa May afin de faire face à la position forte de la France. Le Conseil européen du 20 octobre 2017 consacré au Brexit a révélé un positionnement assez pugnace. Lors d'une conférence de presse, le président français a estimé que " celles et ceux qui ont prôné le Brexit n'ont jamais expliqué au peuple britannique quelles en étaient les conséquences". Le Royaume-Uni est encore "loin du compte" dans ses engagements financiers (...) Il y a, de part et d'autre, du bruit, du bluff, des fausses informations (mais) nous n'avons pas fait la moitié du chemin ". La France n'a pas de " volonté punitive ", mais il est clair qu'elle a des exigences budgétaires.
La France, sur le plan budgétaire, n'est pourtant pas la plus mal placée face au retrait britannique. Elle supporte la plus grande part du rabais (26 % en moyenne sur la période 2010-2017) ce qui représente une charge de 1,45 milliard € sur les 3 derniers exercices. Le Brexit représentera aussi la fin du rabais et donc une économie potentielle. Le Brexit ne doit ni coûter ni retirer quoi que ce soit aux autres Etats membres. Tel est le postulat français. La France compte sur une alliance avec l'Allemagne. En dépit des amabilités d'usage, il n'y a pas de certitude. Les intérêts des deux pays convergent mais ne se superposent pas.
2. La facture jusqu'au 29 mars 2019
A priori, jusqu'au 29 mars 2019, rien ne change. Pourtant avec le Brexit, tout se complique. Trois éléments doivent être distingués. Le sujet principal concerne l'apurement des comptes via les restes à liquider.
2.1 L'apurement des comptes : les restes à liquider
Il constitue le principal poste de la " facture " de sortie. L'Union, bien qu'elle n'ait pas de dette [19], a accumulé au cours des années des retards de paiement considérables : les " restes à liquider " (RAL) qui correspondent aux engagements du budget européen n'ayant pas encore été couverts par des paiements. " Tous ceux qui s'intéressent aux questions européennes ( connaissent ) cette bosse de fonds européens restant à liquider, budgétés et non dépensés, qui constitue un problème crucial pour l'Union européenne parce que (...) nous ne savons pas comment nous allons la surmonter " [20]. Il faudra, un jour ou l'autre, régler cette facture. Par un emprunt ? Par des crédits de paiements correspondants ? Le montant diminue mais ces RAL représenteraient toujours 251 milliards € fin 2017 [21].
Le Royaume-Uni, comme tout autre pays, doit prendre sa part dans cet apurement. Mais sur quelle base ? Sur la base des RNB nationaux ou sur la base des contributions ? [22] Sur la base des RNB des années d'engagements ou sur la base des RNB actuels ? [23] Il y a des écarts considérables et, compte tenu de l'assiette, chaque dixième de point après la virgule se chiffre par milliards €. Ces arbitrages sont déterminants pour évaluer la " facture ".
2.2 Une baisse de la contribution britannique due à l'effet richesse
La notification du Brexit a ouvert une procédure et une négociation de retrait mais, jusqu'à sa sortie, le pays reste membre à part entière de l'Union. Cette situation n'est remise en cause par personne [24].
Au premier abord, le Brexit n'a donc pas d'effet budgétaire immédiat. Le pays assume toutes les charges de son appartenance à l'Union avec les règles en vigueur (contribution, rabais, retours). Le Brexit n'entraînera ni dépense supplémentaire ni ressource en moins pour les autres Etats membres. Quelques imprévus peuvent cependant gripper le système et embarrasser les Etats membres.
2.2.1 L'incidence du Brexit sur l'économie britannique
L'effet richesse
La croissance britannique s'est ralentie, ce qui affecte la contribution britannique. Depuis 10 ans, le Royaume-Uni a eu une croissance supérieure à celle de ses partenaires : 1,1% en moyenne annuelle entre 2006 et 2016 contre 0,5%. Ce différentiel s'inverse. Si l'annonce du Brexit n'a entraîné aucun effondrement de l'activité, il est établi qu'il a affaibli l'économie britannique. Les nombreuses estimations à l'échéance de 2020 s'échelonnent entre +1,5 % et - 9,5 %. L'estimation intermédiaire est de - 2,2 % [25]. Les conséquences économiques du Brexit commencent à se faire sentir en 2017. Le taux de croissance serait ramené à 0,7 % (contre 2,2 % en 2015 et 1,8 % en 2016).
Or, les contributions des Etats au budget européen, qu'il s'agisse de la ressource TVA et de la ressource RNB, sont entièrement liées à l'activité et la richesse du pays. Ainsi, la contribution britannique devrait diminuer. Il ne s'agit pas d'une manœuvre dilatoire, mais de la simple incidence arithmétique d'un ralentissement de la croissance britannique sur le calcul des contributions nationales. Cette baisse sera d'autant plus marquée que les prélèvements sont ajustés rétroactivement.
L'effet monétaire
La contribution britannique est également affectée par le facteur monétaire. La parité livre/euro a baissé depuis l'annonce du Brexit. Les Britanniques devront payer plus en £ pour assumer leur contribution en €. Mais certaines sources considèrent que cette chute fait aussi perdre 1,8 milliard €au budget européen [26].
2.2.2 L'impact budgétaire : une majoration des contributions des autres Etats membres.
Ces baisses britanniques ont pour conséquence de majorer les contributions des autres Etats. Le financement du budget européen est un système de vases communicants. Dès lors que les recettes s'ajustent aux dépenses globales, toute baisse d'une recette est financée par les autres. La baisse de la part d'un Etat est compensée par une augmentation de la part des autres. Le précédent grec est une parfaite illustration de ce phénomène [27]. Le décalage entre la timide reprise de l'activité dans la zone euro et le ralentissement de la croissance britannique due en partie au Brexit se traduira par une augmentation des contributions des 27. Le pic sera atteint en 2019 lorsque les chiffres de 2017 seront définitifs.
2.3 Les coûts induits.
Enfin, le Brexit va entraîner certaines dépenses spécifiques directement liées au choix britannique. Ces dépenses sont cependant assez marginales. Deux postes sont évoqués le plus souvent
2.3.1 Les dépenses de personnel
Aux termes de l'article 28 du statut des fonctionnaires de l'Union, " nul ne peut être nommé fonctionnaire s'il n'est ressortissant d'un des États membres des Communautés ". Environ 2000 Britanniques [28] travaillent dans les institutions européennes (60% à la Commission, 40% dans les autres institutions) auxquels il faut ajouter 600 personnes si l'on inclut les personnels des agences. Ces fonctionnaires devront quitter l'institution. Quelques dérogations, " accordées par l'autorité investie du pouvoir de nomination ", sont possibles mais elles resteront rares. Le statut liste les cas de cessation de fonction [29]. Il est probable que les administrations correspondantes sauront aménager les conditions de départ. Les agents non statutaires vont être invités à partir, certains fonctionnaires deviendront de jeunes retraités. Les dépenses correspondantes vont donc être brutalement majorées [30]. Le partage de la charge des pensions des anciens fonctionnaires britanniques, qu'il s'agisse des pensionnés anciens ou induits par le Brexit, sera un point de négociation.
Le même phénomène touche les eurodéputés britanniques.
2.3.2 Les conséquences pratiques sur l'organisation du système européen
La Commission a établi une liste de 67 entités impactées par le Brexit. Les conséquences les plus visibles sont liées aux déménagements des sièges des deux agences décentralisées situées à Londres, l'agence européenne du médicament (897 personnes) et l'autorité bancaire européenne (154 personnes). L'Union euroépenne considère que l'intégralité du coût de transfert (déménagement et réinstallation) doit être supportée par le Royaume-Uni.
L'impact financier peut être aussi dans l'autre sens et le Royaume-Uni demandera à recevoir la fraction correspondant à son poids relatif dans les actifs de l'Union, notamment le remboursement de sa part dans le capital de la Banque centrale européenne et de ses engagements dans la banque européenne d'investissement.
2.3.3 Les conséquences sur le processus législatif européen
Dans cette période intermédiaire de 2 ans, bien que toujours Etat membre, les Britanniques se mettent souvent en retrait des décisions collectives, préférant s'abstenir ou ne participant pas aux votes. Cette précaution cède pourtant lorsqu'il s'agit des questions budgétaires. Comme en témoignent les conditions d'adoption de la révision du CFP en juin 2017.
Le Royaume-Uni a bloqué pendant un temps la révision du cadre financier pluriannuel 2014-2020 considérant que les autorités britanniques ne pouvaient pas se prononcer sur des sujets aussi importants en pleine période électorale (avant les élections du 8 juin 2017). Le pays a fini par lever ses réserves sur les redéploiements budgétaires. En prenant soin de souligner sa position constructive et en faisant appel au même sens du fairplay (fairness) de la part des 27 dans la négociation du Brexit [31]. (Le Royaume Uni lève ses réserves sur la revision du CFP) "in order to support the good governance of the budget while the UK remains a member of the EU, recognising that the Mid-Term Review will have an effect primarily on the budget after the UK has left the EU. This is without prejudice to the UK's position on asserted financial liabilities in the forthcoming withdrawal negotiations, and conditioned on the clear understanding that the EU acting at 27 will not use the UK's constructive position on the Mid-Term Review to add to its asserted claims regarding UK liabilities. The UK is confident that other Member States and the institutions will reciprocate the UK's act of good faith in facilitating Union business primarily applicable after its withdrawal in the approach they take to the withdrawal negotiations, and in ongoing relations to UK businesses and recipients of EU funds. We expect that they will apply a similar sense of fairness, and work cooperatively on an orderly withdrawal." Lorsque des milliards sont en jeu, le sens du fairness tend parfois à s'estomper.
3. 2019 -2021, années de tous les dangers
C'est à partir de mars 2019 que les données budgétaires de la relation euro-britannique se compliquent singulièrement. Le pays aura alors cessé d'être un Etat membre (sauf report décidé à l'unanimité). Il ne sera plus lié que par les engagements du passé et éventuellement les engagements à venir. De quels engagements s'agit-il ?
3.1 Le décalage entre le Brexit et sa traduction budgétaire
Le Brexit ne se traduira pas tout de suite dans les budgets des années 2019 et suivantes. Il s'agit d'une simple application des règles budgétaires de l'Union telles qu'elles résultent du règlement financier [32] et des textes additionnels.
3.1.1 Le paiement des engagements antérieurs
La première difficulté provient de l'articulation entre crédits d'engagements (CE) et crédits de paiement (CP). Même s'il faut une base légale préalable, l'engagement autorise et fonde la dépense. Le CE détermine le montant qu'il est prévu d'affecter à la réalisation d'une action. Le CP détermine les moyens qui vont être effectivement versés, décaissés, une année donnée. Ainsi, dans la plupart des cas, les CE d'une année n sont couverts par des CP échelonnés sur plusieurs années (n, n+1, n+2). C'est, en particulier, le cas des dépenses de cohésion.
Jusqu'en mars 2019, le pays est un Etat membre. Ou bien il participe aux votes du Conseil, élément constitutif de l'autorité budgétaire (Parlement et Conseil), notamment en adoptant des CE et l'on voit mal comment le pays pourrait ne pas financer, en CP, des crédits qu'il a voté quelques mois auparavant en CE. Ou bien, il suspend sa participation, en ne prenant pas part aux votes par exemple. Ainsi, les choix budgétaires se font sans lui. Le pays doit-il financer des CP correspondants à des CE décidés par les 27 ? Certes, même s'il suspend sa participation, le pays devra financer les CP correspondants aux CE adoptés par l'autorité budgétaire, même si les paiements ont lieu après le Brexit. Mais plus les CE sont élevés avant le départ britannique et plus le pays se voit lié par des engagements antérieurs. Les 27 peuvent être tentés de "charger" les années 2018 et 2019 et d'engager des dépenses qui auraient pu être reportées l'année suivante, ne serait-ce que pour contraindre le Royaume-Uni à payer les CP correspondants. Autant dire que la période sera assez malsaine.
3.1.2 Le scénario catastrophe : et si les 27 payaient pour le Brexit...
Ce scénario catastrophe est lié aux calculs rétroactifs de la contribution RNB. Le revenu national brut (RNB) des États membres sert de base au calcul de la part la plus importante (72%) des recettes du budget européen. Le RNB est donc un agrégat économique fondamental. Toute surestimation (ou sous-estimation) du RNB pour un État membre, même si elle n'affecte pas globalement les ressources propres RNB, a pour conséquence de diminuer (ou d'augmenter) les contributions respectives des autres États membres. Il en va de même pour la recette assise sur la TVA. Les procédures d'évaluation sont donc très précises et très contrôlées [33]. Les estimations fournies par les Etats sont vérifiées, ajustées, révisées [34]. Ce processus d'évaluation assorti de modifications peut durer plusieurs années. Un règlement de 2016 organise cette procédure et porte ce délai d'ajustement à 4 ans [35]. Ainsi, non seulement les inflexions de la croissance dans un Etat membre ont des répercussions sur les contributions, mais les ajustements sont rétroactifs sur 4 ans.
Ainsi, en toute logique, le ralentissement de la croissance britannique aura une incidence sur les contributions des 27. Si ce ralentissement est plus important que les premières estimations ne le laissaient supposer, les contributions seront alors réajustées : la contribution du pays baissera rétroactivement et les contributions des 27 augmenteront rétroactivement. Jusqu'à l'hypothèse la plus catastrophique pour les 27 : que les 27 soient obligés de rembourser le trop versé par les Britanniques. En d'autres termes, les 27 paieraient pour le Brexit !
Une hypothèse nullement fantaisiste, puisque par jeu des ajustements rétroactifs, il est arrivé que le Royaume Uni devienne momentanément bénéficiaire net ! Rompant avec des années de contributions nettes, en 2001, le Royaume-Uni enregistrait un solde net positif de 955 millions €.
3. 2 L'articulation entre le retrait britannique et les " programmations " budgétaires
3.2.1 Le Brexit et la fin du Cadre financier pluriannuel
Les 27 ont une position simple et claire : les engagements budgétaires pris à 28 doivent être tenus. De quels engagements s'agit-il ? Le principal est lié au cadre financier pluriannuel (CFP), clef de voûte du système budgétaire européen. Le CFP est adopté par le Conseil après approbation du Parlement mais, en fait, le Conseil reprend les arbitrages rendus par le Conseil européen après des mois de négociations. Bien entendu, le Royaume-Uni a eu sa part dans cette négociation et dans les arbitrages. Le CFP, adopté en 2013, est applicable jusqu'en 2020, voire plutôt 2021, compte tenu des délais de mise en œuvre du futur CFP. Après 2019, la nature juridique du CFP est la clef des rapports entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.
Le CFP lie –t-il le pays ? En dépit d'un front uni (chez les 27), il y a des incertitudes sur ce sujet. Le CFP est parfois présenté comme un instrument de programmation budgétaire. Il en a incontestablement certains aspects notamment un tableau qui présente les crédits d'engagements, par rubrique et pour chacune des sept années du CFP (2014-2020). Dans sa communication, la Commission européenne parle d'ailleurs de programme et de programmation [36]. Mais le TFUE en donne une autre définition.
Article 312 du TFUE :
1 Le cadre financier pluriannuel vise à assurer l'évolution ordonnée des dépenses de l'Union dans la limite de ses ressources propres (...).
3 Le cadre financier fixe les montants des plafonds annuels des crédits pour engagements par catégorie de dépenses et du plafond annuel des crédits pour paiements. Les catégories de dépenses, d'un nombre limité, correspondent aux grands secteurs d'activité de l'Union.
Ni les termes d'" évolution ordonnée " ni celui de " plafonds " ne signifient des engagements de dépenses. Ni au sens juridique (les CE sont fixés chaque année par l'autorité budgétaire) ni même au sens politique. Certes, le CFP est un élément de planification et de prévision, en ce sens qu'il oriente le montant et la structure du budget européen ; certes, le CFP fixe un cadre budgétaire et donne une vision des grandes orientations budgétaires de l'Union, mais le CFP ne fixe que des plafonds de dépenses, des plafonds à ne pas dépasser [37]. Le budget annuel, son montant exact, en CE et en CP, comme sa répartition la plus fine restent fixés par l'autorité budgétaire (Parlement et Conseil) selon une procédure législative spéciale mais qui repose sur la codécision des deux branches de l'autorité budgétaire.
Plusieurs hypothèses sont ouvertes.
- La première est d'adopter (sans le Royaume-Uni) un budget annuel d'un montant très inférieur à celui " prévu " par le CFP (adopté avec lui) pour tenir compte du retrait britannique. Dès lors que le budget européen doit être inférieur aux plafonds, le retrait d'un Etat membre a le même effet qu'un choix de l'autorité budgétaire. Cela induit une diminution des dépenses versées aux Etats membres.
- La deuxième est d'adopter un budget annuel cohérent avec le montant prévu par le CFP ce qui induit un maintien des dépenses mais aussi une hausse des contributions des 27.
- La troisième est l'option de la révision du CFP qui fixe un cadre budgétaire rigide pour l'Union en déterminant des plafonds de dépenses par rubrique et année par année. Le règlement de 2013 fixant le CFP pour la période 2014-2020 a néanmoins prévu trois éléments de souplesse: les instruments spéciaux destinés notamment à répondre aux situations d'urgence, une flexibilité dans la répartition des crédits entre rubriques, et la révision du CFP. La révision de CFP, qu'il faut distinguer de l'ajustement aux prix réels, est prévue dans plusieurs cas :
- la révision à mi-parcours, prévue par l'article 2 du règlement: "avant la fin de 2016 au plus tard, la Commission présente un réexamen du fonctionnement du cadre financier, en tenant pleinement compte de la situation économique qui existera à ce moment-là"
- la révision pour ajuster la gestion des crédits des fonds structurels;
- la révision liée aux conditions d'exécution pour ajuster l'évolution des CP et CE
- la révision en cas de révision des traités;
- la révision en cas d'élargissement;
- la révision en cas d'unification de Chypre.
Le Brexit ne rentre dans aucun de ces cas de figure.
La révision, prévue à mi-parcours a été adoptée par le Conseil le 20 juin 2017 [38]. A aucun moment, sauf à l'occasion des explications de vote au Parlement, le Brexit n'a été mentionné. La négociation d'un nouveau CFP pour la période 2021-2027 (?) sera ouverte par une proposition de la Commission, attendue pour 2018.
Dès lors que la révision à mi-parcours a été adoptée en 2017 et que la négociation du futur CFP s'ouvre en 2018, l'hypothèse d'une nouvelle révision du CFP actuel est exclue. Dans tous les cas, elle impliquerait l'unanimité au Conseil.
- La quatrième est le report du retrait du Royaume-Uni, ne serait-ce que pour faire coïncider la sortie du pays et la fin du CFP. Une situation qui arrangerait considérablement les 27 mais mettrait objectivement les Britanniques dans une position de force, qui pourrait en profiter pour négocier une diminution de sa dette budgétaire vis-à-vis de l'Union.
La référence au CFP pour " obliger " le pays, pour le contraindre à payer jusqu'en 2021 ne parait pas la plus adaptée. Ce qui ne signifie pas que l'Union se trouve démunie.
3.2.2 Les programmations budgétaires hors CFP
Le CFP est la clef de voûte du système budgétaire européen. Mais la quasi-totalité des actions et programmes sont assortis de documents de programmation financière. Une fiche financière est même obligatoire pour toute proposition ayant une incidence budgétaire. Cette obligation est prévue par le règlement financier [39]. Cette programmation peut concerner des politiques entières, comme la politique de cohésion ou la recherche et développement ou des programmes comme LIFE, MEDIA, etc. Ainsi, cette programmation budgétaire peut figurer dans un acte législatif de base ou dans un acte d'exécution de la Commission [40]. Dans les deux cas, le pays fait partie intégrante du processus de décision soit en tant que membre du Conseil, co-législateur (avec le Parlement), soit en tant que membre des comités d'experts, consultés par la Commission.
Par exemple, la Commission (reprenant les arbitrages entre Etats membres formalisés au sein du comité des Etats membres), a défini dans un acte d'exécution une ventilation fine, année par année, Etat membre par Etat membre, à l'euro près, des allocations des différents fonds structurels et d'investissements [41]. Dans ce cas, l'engagement budgétaire des 28 est manifeste.
Ainsi, si le CFP ne paraît pas à lui seul lier le Royaume-Uni, les actes législatifs assortis de documents de programmation budgétaire sont de nature à engager le budget européen et, par conséquent, entraînent des obligations de financement de la part des Etats membres et du Royaume-Uni en particulier.
C'est là, semble-t-il, que réside le coût du départ. Cette obligation impose un travail fin de recensement exhaustif de toutes les programmations budgétaires prévues avant mars 2019.
La position du " rien de plus, rien de moins " est-elle tenable? " Rien de plus " signifie que les 27 ne doivent pas payer à la place des Britanniques, et " rien de moins " signifie surtout que les bénéficiaires d'un programme doivent conserver le montant qui était prévu à 28. Ce qui implique que le pays continue à verser sa part de ressources propres (sa contribution au budget). Un positionnement bien compréhensible de la part des 27 qui présente toutefois une faiblesse de taille : le pays continuerait à payer pour les autres, au titre de ses engagements antérieurs mais cesserait de bénéficier du budget européen puisqu'il en serait sorti. Cette solution serait ressentie comme une provocation par les Britanniques, au risque de conduire à la pire des solutions, c'est-à-dire un Brexit sans accord.
3.3 Le futur des droits de douane
Même si elles ne sont qu'une ressource mineure du budget européen, les droits de douane vont être affectés par le Brexit. Le solde final (perte ou gain ?) dépend toutefois de deux données qu'il est très difficile d'appréhender à l'avance : l'évolution des échanges et l'existence ou non d'un accord commercial entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.
3.3.1 L'évolution des échanges commerciaux
Les échanges anglo-européens
Les échanges internes devraient être les plus affectés. Brexit rétablit des procédures, des coûts administratifs, qui freinent considérablement les échanges. Même en cas d'accord commercial, le Brexit devrait donner un coup de frein aux échanges commerciaux, qui pourrait aller jusqu'à 25% [42].
En revanche, sur le strict plan budgétaire, en l'absence d'accord commercial et douanier spécifique, le Royaume-Uni devient un pays tiers, les importations en provenance du pays subissent le Tarif extérieur commun (TEC). Il y a donc bien une entrée de droits de douane [43].
Les échanges anglo-mondiaux.
Le Brexit devrait aussi s'accompagner d'une réorientation des échanges internationaux. Le pays est d'ores et déjà le plus tourné vers le reste du monde. Les échanges avec l'Union européenne représentent moins de la moitié de ses échanges. Les droits assis sur les importations seront désormais comptabilisés en recette nationale. Mais quelle sera l'attitude des opérateurs non-européens qui choisissaient d'exporter au Royaume-Uni ? Une part était destinée au marché britannique et il y a bien, alors, une perte de recette pour l'Union. Mais une part était aussi destinée au marché unique européen. Si les exportateurs non-européens choisissaient le Royaume-Uni pour des raisons de commodité et parce que le pays donnait accès au marché unique, il est probable que certains d'entre eux arbitrent désormais pour un autre point d'entrée. Les droits de douane perdus au Royaume-Uni se retrouveront ailleurs (Pays-Bas, Belgique, Italie, France ?). La perte de recette serait réduite d'autant.
3.3.2 La négociation d'un accord commercial
La clef réside dans l'établissement ou non d'un accord commercial et douanier entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Deux formules sont possibles : la zone de libre-échange de type AELE ou l'union douanière [44].
Le pays ne veut pas d'Union douanière avec l'Union (qui implique un tarif extérieur commun –TEC-) et compte, au contraire, sur une offensive commerciale britannique vers le reste du monde, y compris par une tarification douanière avantageuse par rapport à celle de l'Union. Certains partisans du hard-Brexit considèrent que la sortie de l'Union est même une opportunité pour développer ce commerce sans être entravé par les barrières douanières du TEC.
Mais il est difficile d'envisager les relations commerciales avec l'Union sans traitement particulier. Imagine-t-on le retour de frontières entre l'Ulster et l'Irlande? Imagine-t-on qu'Airbus paye des droits de douane sur les ailes des avions, fabriqués au pays de Galles? Un accord de ce type modifie évidemment le montant des droits de douane induits par les échanges commerciaux. En l'absence d'accord, les règles du commerce international prévues par l'OMC s'appliquent.
3.4 Le maintien de contributions budgétaires liés à des partenariats
Le Brexit ne signifie pas la fin des contributions budgétaires. Il est vraisemblable que le pays restera un co-financeur de certaines dépenses.
3.4.1 Les programmes " obligés "
Le retrait britannique de certains programmes paraît difficile, notamment dans le domaine international. C'est le cas de " la facilité en faveur des réfugiés en Turquie " [45] ou encore du fonds européen de développement, l'outil budgétaire de l'aide européenne aux pays en développement [46]. Il est vraisemblable que le pays ne prendra pas le risque politique d'un désengagement brutal pour ces deux programmes politiquement sensibles. La participation au démantèlement des installations nucléaires dans certains pays nouvellement adhérents peut également être aisément négociée [47]. Ces différents postes font partie des demandes des 27.
3.4.2 Un accord de partenariat
D'une façon plus générale, il est probable que l'Union européenne et le Royaume-Uni négocient un partenariat à certaines activités et programmes européens à l'instar des coopérations que l'Union entretient avec la Suisse ou la Norvège. Le Royaume-Uni voudra bénéficier des avantages du marché unique. " Il paraît difficilement envisageable que le maintien d'une intégration élevée du Royaume-Uni au marché unique puisse se faire sans qu'une contribution financière ne soit demandée à ce dernier à l'exemple de la Suisse ou de la Norvège" estime Albéric de Montgolfier [48]. Ces accords ont un volet budgétaire. Le sénateur y voit " une contrepartie de leur accès au marché unique ". Même si le résultat est le même, il est plus vraisemblable que ces pays participent non pas au coût d'accès au marché unique mais à certains programmes européens spécifiques, notamment le PCRD et les échanges universitaires. Sans être partenaires de la politique de cohésion (qui concerne tous les Etats membres), ces deux pays versent une contribution au développement des pays qui ont adhéré en 2004 ; 2007 et 2013.
La Suisse (accord bilatéral) par exemple, contribue aux programmes suivants : PCRD, aides aux nouveaux adhérents, agence européenne de sécurité aérienne, agence environnementale européenne, Erasmus, Galileo. L'ensemble représente une contribution annuelle de l'ordre de 730 millions € [49].
La Norvège (Espace économique européen) a, par deux fois, refusé l'adhésion à l'Union européenne mais leurs relations sont très étroites. En particulier sur le plan budgétaire. Le pays, sans être membre de l'Union européenne, paye presque autant que s'il l'était. La Norvège a des contributions importantes au PCRD et est impliquée dans de nombreux programmes européens [50].
Ce volet a été pris en compte dans un rapport du Sénat. Les sommes en jeu sont importantes. Un partenariat sur le modèle norvégien aurait pour effet de maintenir pratiquement à son niveau actuel (compte tenu du rabais) la contribution britannique au budget européen. L'incidence est également très marquée sur les Etats membres.
***
La négociation budgétaire se présente comme un kaléidoscope à plusieurs facettes, RAL, CFP, engagements, agences, pensions, etc., autant de sujets de débats et d'occasions de frictions. C'est tout l'enjeu de la " facture " qui explique l'éventail énorme des évaluations du coût du Brexit qui s'échelonnent dans une fourchette haute, entre 0 et 100 milliards €, ou, dans une fourchette basse, entre 20 et 60 milliards €.
Après 2021, la situation devrait s'éclaircir. La facture sera éditée (à défaut d'être réglée) et l'Union européenne vivra avec un nouveau CFP et de nouvelles programmations. Le Royaume-Uni ne sera alors évidemment plus lié par les décisions budgétaires européennes, à l'exception des paiements résiduels correspondants aux engagements d'avant 2019 et aux contributions à certains programmes. Les perspectives semblent dégagées. La situation est- elle plus simple pour autant ? Rien n'est moins sûr.
Partie II
Les conséquences du Brexit sur la politique et la négociation budgétaires
Le Brexit n'éliminera pas les tensions budgétaires au sein de l'Union. Elles vont même se manifester sans attendre, à l'occasion de la négociation du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) qui devrait porter sur la période 2021-2027 (ou 2025 si la durée est ramenée à 5 ans). La négociation devrait s'ouvrir sur une proposition de la Commission, attendue en 2018. Les conséquences du Brexit sur la négociation et la politique budgétaire de l'Union vont se manifester dans trois domaines : le niveau du budget, la structure du budget, le débat sur les soldes nets et les rabais.
1. Les conséquences sur le montant du budget : l'Allemagne perd son meilleur allié
Depuis 10 ans, le principal point de fixation est le niveau global du budget. Un sujet âprement débattu et finalement arbitré à 1% du revenu national brut (RNB) de l'Union dans le CFP 2014-2020. Mais arbitré par qui ? Certes, formellement, le CFP est adopté à l'unanimité. Mais, dans la négociation budgétaire, les Etats ne sont pas égaux et les principaux financeurs et contributeurs nets pèsent davantage dans la décision finale. De fait, l'Allemagne, premier financeur du budget, a toujours été l'élément quasi décisionnaire, mais le Royaume-Uni a joué un rôle d'aiguillon pour limiter le niveau du budget européen. Avec le Brexit, l'Allemagne perd un allié objectif, probablement son meilleur allié budgétaire.
1.1 L'alliance objective entre le Royaume Uni et l'Allemagne
1.1.1 L'influence déterminante du RU dans la négociation budgétaire
Le Royaume-Uni a toujours joué un rôle déterminant dans les débats budgétaires, notamment à l'occasion de la négociation des CFP. Il fut souvent la cheville ouvrière des coalitions anti-dépensières qui se sont formées avant même le début des négociations. Ce fut le cas pour le CFP 2007-2013, avec "la coalition d'austérité" [51]. Ce fut le cas pour le CFP 2014-2020 avec le groupe du " better spending " [52], autrement dit les Etats favorables à la limitation du budget européen. Au cours de la négociation, le Royaume-Uni a monté d'un cran en présentant des propositions chiffrées. il l'a fait en 2005, pendant la présidence semestrielle du Conseil en présentant un CFP à 1,03% du RNB, puis, à nouveau, en 2012, en demandant une baisse de 100 milliards € par rapport à la proposition de la Commission, puis en proposant une coupe de 147 milliards €, deux fois supérieures aux mesures proposées par le président du Conseil européen, notamment par la baisse des dépenses de personnel et la réduction de la part de la PAC dans le budget, ramenée à un tiers du budget (contre 42,5% dans le CFP précédent).
Une offensive vue avec bienveillance par le vrai décideur budgétaire, l'Allemagne.
1.1.2 L'Allemagne, maîtresse du jeu budgétaire
Peu après, l'Allemagne lançait sa proposition. 1% du RNB, 960 milliards € "tout compris", au lieu de 1033 milliards € annoncés par la Commission. Ce sera 1% et 960 milliards [53] (en valeur 2012)
De fait, l'Allemagne, premier financeur et premier contributeur net du budget européen, a toujours été l'élément quasi décisionnaire. Discret mais décisionnaire. Sans oser heurter ses principaux partenaires (surtout la France et la Pologne), son intérêt est tout de même de de maîtriser le budget. L'Allemagne a ainsi fixé les limites (1% du RNB en moyenne) et fait valider par les autres Etats sa proposition tant en crédits d'engagement (960 milliards) qu'en crédits de paiement (908 milliards) mais le Royaume-Uni avait joué auparavant joué un rôle d'aiguillon.
En matière budgétaire, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont toujours tiré dans le même sens et visé les mêmes buts. Leur poids budgétaire est décisif et incontournable. Ils représentaient à eux seuls un tiers des contributions brutes mais surtout la moitié des contributions nettes : 100 milliards en 5 ans (2011-2015). Quand l'un avance un chiffre en valeur, l'autre avance un niveau en proportion du RNB. Il y a une parfaite cohérence (connivence) entre les deux pays.
La négociation du prochain CFP va s'ouvrir en 2018. Avec le Brexit, le contexte se présente donc de façon très différente. L'Allemagne restera le décideur ultime. Son intérêt reste le même: maîtriser la dépense européenne. La Chancelière prendrait trop de risques politiques à voir filer le budget européen. Une hausse du CFP, même quasi symbolique et limitée à 0,1% de RNB, représente pour l'Allemagne une contribution additionnelle annuelle de près de 3 milliards €. L'Allemagne ne sera pas "la vache à lait" de l'Europe.
Avec le Brexit, l'Union européenne pourrait perdre 10 milliards € par an. Elle devra s'adapter, soit en maintenant le niveau du budget en valeur et, par conséquent, en augmentant à la fois les contributions des Etats et le poids du budget dans le RNB en allant au-delà du fameux 1%, soit en réduisant les dépenses. " Plusieurs Etats ont déjà fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas augmenter leur contribution ". [54] Mais avec le Brexit, l'Allemagne perd un allié budgétaire. Certes, elle peut compter sur l'appui d'autres pays favorables à une maîtrise très stricte du budget (Pays-Bas, Danemark, Suède, Finlande et Autriche), mais leur poids politique et budgétaire est loin d'égaler celui du Royaume-Uni. Sans compter le cas particulier de la France, dont le rôle va devenir crucial à l'avenir.
1.2 La France, arbitre du prochain CFP ?
La France a toujours été embarrassée sur ces questions budgétaires européennes. Accusée dans les années 90 d'être la profiteuse du système (grâce aux retours budgétaires de la PAC), elle dut subir la fronde de ses partenaires et n'avait pas d'autre choix que celui de devenir à son tour un contributeur net, dans les mêmes proportions que les autres pays d'un niveau de vie comparable. C'est chose faite. La France assure la plus grande part des rabais aux autres Etats que le Royaume-Uni. En conséquence, sa situation budgétaire vis-à-vis du budget européen s'est dégradée à partir des années 2010 [55]. De fait, elle trouve désormais un intérêt budgétaire à maîtriser le budget européen.
Mais elle a rejoint le camp des anti-dépensiers par tactique, pour éviter que les coalitions ne se fassent sur son dos, par une réduction drastique des aides du premier pilier de la PAC, priorité traditionnelle des agriculteurs français [56]. En outre, il ne faut pas cacher que Bercy considère toujours le prélèvement sur recettes au profit de l'Union [57] comme une contrainte budgétaire lourde qui pèse sur le solde budgétaire français, qu'ils cherchent à minimiser. Les arbitrages politico-budgétaires (Bercy + ministère de l'agriculture contre la logique politique de la construction européenne) conduisent à des circonvolutions gênées. Bernard Cazeneuve, lorsqu'il était ministre délégué aux affaires européennes, déplorait que la France se soit montrée au cours de la négociation budgétaire "parmi les plus pingres des radins", découvrant "une administration négociant avec les Britanniques des coupes de 200 milliards €" [58] mais s'accommodant parfaitement de la baisse du budget européen, une fois devenu ministre du budget.
Ainsi, en 2012, pour la préparation du CFP 2014-2020, la France n'avait pas d'autre choix que celui d'accepter la limite imposée par l'Allemagne. En vérité, elle pouvait feindre de le regretter même si, en coulisses, elle n'en était pas mécontente. Les accusations rituelles à l'encontre de l'intransigeance britannique sur le rabais dissimulaient un réel soulagement.
La France continuera-t-elle ce jeu d'équilibriste qui réussit à ménager la chèvre et le chou, autrement dit l'argent et la politique? Le président de la République a plusieurs fois affiché son intention de relancer la construction européenne. On voit mal comment cela pourra se faire avec un budget maintenu à 1% du RNB. Il y aura donc, cette fois, l'Allemagne, avec sa rigueur budgétaire, et la France, avec une ambition affichée mais des moyens limités. En dépit des inévitables discours d'amitié et de solidarité, il y aura une vraie confrontation de deux logiques. La négociation du prochain CFP sera un moment de vérité, le prochain grand rendez-vous qui montrera les rapports de force entre les deux pays.
1.3 Quelles sont les marges de progression ?
L'augmentation du budget européen est une revendication récurrente qui s'exprime à chaque préparation du CFP et dans les enceintes politiques et universitaires. Il faut distinguer le souhaitable et le possible.
Le souhaitable relève du choix politique. Un budget européen limité à 1% du RNB ne peut évidemment pas assurer les fonctions budgétaires traditionnelles (allocation, redistribution, stabilisation). Il n'atteint pas le seuil qui lui permettrait d'être un véritable acteur en cas de crise. Songeons par exemple qu'en pleine crise financière des années 2007/2010, le budget européen n'atteignait même pas le seul déficit budgétaire de la France ! Le CFP constitue d'ailleurs un cadre rigide, inadapté aux inflexions et aux relances budgétaires. Sur le plan politique, le budget européen ne répond pas ou très mal aux besoins qui s'expriment dans l'opinion. Si l'Union exerce une influence déterminante dans le domaine environnemental par sa législation, par exemple, elle n'a pratiquement aucun moyen budgétaire. D'où l'idée fréquemment émise d'un budget qui atteindrait 3%, voire 5%, du RNB. Un budget européen de 500 à 750 milliards €.
Une telle progression, en l'état actuel de l'opinion, des finances publiques nationales et du partage des financements, est utopique. Est-il raisonnable de penser que la contribution allemande au budget européen puisse passer de 24 milliards à plus de 100 milliards €? Sans oublier que les décisions sur les ressources propres sont adoptées par le Conseil, à l'unanimité des Etats et après ratification par les parlements nationaux. De toute évidence, un budget doublé, ou triplé, n'est pas pour demain.
Cela ne signifie pas qu'il n'existe pas de marge de progression. En restant dans le cadre juridique actuel de la décision sur les ressources propres (DRP) qui fixe un plafond des ressources propres à 1,23% du RNB [59]. Or, le plafond des ressources conditionne le plafond des dépenses. Il n'y a pas d'obstacle institutionnel à ce que le budget européen puisse atteindre 1,23% du RNB. L'augmentation resterait dans le plafond et il n'y aurait pas de nouvelle DRP soumise à la ratification des parlements nationaux.
Cela passe évidemment par une augmentation des ressources, qu'il s'agisse de trouver de nouvelles ressources propres (un pourcentage sur les impôts existants, une taxe sur les transactions financières, une nouvelle ressource assise sur les importations d'énergie) ou de majorer les contributions des Etats membres.
La prise en charge par les 27 de la contribution nette britannique (soit 7,4 milliards € en moyenne) mettrait le niveau du budget européen à 1,23% du RNB, soit exactement le plafond fixé par la DRP. Le Brexit est en fait l'occasion de faire ce saut ! C'est en ce sens qu'il faut comprendre que certains observateurs estiment que le Brexit est aussi une opportunité [60]. Les Etats membres sont-ils prêts à faire ce choix ? La négociation du prochain CFP verra s'affronter deux visions de l'Europe.
2. Les conséquences du Brexit sur la structure et le contenu du budget européen : vers une victoire posthume britannique ?
Le 28 juin 2017, la Commission européenne a publié un document de réflexion sur l'avenir des finances de l'Union européenne [61]. Ce document souligne l'impératif de mobiliser des crédits européens pour venir en soutien de politiques indispensables à l'échelle européenne (cohésion, aide alimentaire, projets scientifiques et technologiques, grands investissements) et la nécessité répondre à de nouveaux défis : encourager le développement durable, répondre à la crise migratoire, lutter contre le terrorisme. " Encore plus que lors des réformes précédentes, la tentation risque d'être grande de dégager des marges de manœuvre nouvelles au détriment des politiques traditionnelles de l'Union européenne " [62]. Le Brexit ne pourra que renforcer ces tensions et conduire à une inflexion des deux grandes politiques budgétaires européennes : la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion.
2.1 Les conséquences pour la Politique agricole commune
L'opposition britannique à la PAC est résolue et constante. Les agriculteurs n'éprouvent pas de regret excessif au départ du Royaume-Uni. Il ne faut pas attendre de bouleversement sur la PAC même s'il y a tout lieu de croire que la prochaine PAC sera certainement plus conforme aux visions britanniques que françaises. Cela se verra tant sur le niveau du budget que sur le contenu de la PAC.
2.1.1 Le budget global de la PAC
Les positions de la Commission dans son document de réflexion sont autant de signaux marquant la volonté de rogner le montant de la PAC et sa part dans le budget européen.
Sur ce sujet, certains ont toujours joué sur l'ambiguïté. Jusqu'à présent, réduire le budget en valeur a toujours été considéré comme politiquement impossible à assumer. L'abaissement a eu lieu à enveloppe constante mais en € courants [63]. Cette opération conduit insidieusement à une baisse discrète mais régulière de la part de la PAC dans le budget. Mais si la PAC n'est plus le colosse budgétaire de jadis, elle consomme toujours 38% du budget sur la période 2014-2020. Il est clair que cette part pourrait subir une nouvelle réduction dans la future période de programmation budgétaire.
La France soutiendra -telle la PAC et son budget comme elle le fit dans le passé ? Contrairement à une idée reçue, la France n'est plus seule dans ce combat budgétaire. Au fur et à mesure que les aides structurelles diminuent, la PAC représente pour certains Etats un enjeu budgétaire important. Depuis 5 ans, l'Espagne reçoit plus de subventions européennes au titre de la PAC que de fonds structurels. La Pologne et la Roumanie reçoivent des aides importantes et sont devenues des soutiens de poids.
Mais le soutien français pourrait être moins manifeste qu'il le fut [64] et les pressions à la baisse de la part des principaux partenaires de la France ne manqueront pas. L'évolution de la PAC s'est faite jusqu'à présent de façon insidieuse. Il ne faut pas exclure une offensive plus ouverte dans le prochain CFP avec une réduction nominale de la PAC. L'objectif d'un tiers du budget européen, au moins à la fin de la programmation, bien qu'il ne soit affiché par personne, est dans tous les esprits. Le Royaume-Uni aura réussi ce qu'il n'avait pu obtenir jusque-là.
2.1.2 Le contenu de la PAC
Les Britanniques ont toujours eu une grande influence sur le contenu de la PAC. Pour le commissaire chargé de l'agriculture Phil Hogan, " les ministres successifs du Royaume-Uni ont influencé l'évolution de la PAC d'une façon positive, en insistant sur une plus grande orientation vers le marché, sur la protection de l'environnement et sur une politique de développement rural plus large ". [65]
Ces évolutions vont se poursuivre. Il ne faut pas s'attendre à de grande réforme. Même si, peu à peu, le contenu de la PAC se transforme radicalement, la réforme de la PAC n'est bien souvent qu'un glissement progressif. Il en ira de même la prochaine fois. Mais là encore, une PAC plus conforme aux idées britanniques semble se dessiner.
Le document de réflexion de la Commission rappelle l'impératif de réformer la PAC à travers un meilleur ciblage des aides directes, surtout dans les zones périphériques et en faveur des exploitations les plus pauvres. Il évoque la possibilité d'apporter des cofinancements nationaux pour financer les paiements directs, solution rejetée lors des réformes précédentes. Il met en avant cinq scénarios possibles pour la période 2021-2027 : un scénario de continuité, un scénario de contractions des actions communes, un scénario de développement des coopérations sur une base volontaire, un scénario de réforme radicale et un scénario d'augmentation.
A l'exception du scénario, hautement improbable, de l'augmentation du budget, la Commission européenne prévoit de consacrer moins de ressources à la PAC, en ciblant les dépenses sur les agriculteurs rencontrant des contraintes particulières (zone de montagne, petites exploitations), sur l'aide à l'investissement dans les zones rurales, en particulier en faveur de mesures agroenvironnementales et sur le soutien à des instruments de gestion des risques. Dans le scénario de réforme radicale, la Commission européenne envisage même une réduction drastique des paiements directs.
La structure de la PAC restera, peu ou prou, ce qu'elle est. Plusieurs pays, comme la France et l'Allemagne, s'accommodent de la situation et veulent conserver leurs aides directes. Même s'il y a un habillage, présenté comme " une réforme ", comme d'habitude.
Il faut s'attendre à nouveau un glissement entre premier pilier (aides directes) et deuxième pilier (développement rural). Ce glissement n'est pas le plus favorable aux agriculteurs qui ont toujours privilégié une approche budgétaire de la PAC et ont souvent été en retard d'une bataille agricole. Il est probable que le bien-être animal sera l'une des nouvelles priorités de la prochaine PAC. D'autres savent mieux anticiper ces évolutions sociétales et n'ont pas besoin de la PAC pour y répondre. Cette évolution correspond aux attentes du Royaume-Uni [66].
2.2 Les conséquences du Brexit sur la politique de cohésion
La politique de cohésion [67] est l'expression budgétaire de la solidarité entre Etats membres. Cette politique passe par une aide sous forme de subventions d'investissements [68]. Cette politique est massive (autour de 350 milliards € à chaque programmation), généreuse (jusqu'à 10 milliards par an en Pologne), consensuelle (quel contraste par rapport à la PAC !), ouverte (tous les Etats en bénéficient à un titre ou à un autre) et, quand elle bien accompagnée, souvent efficace. La sortie du Royaume-Uni devrait pourtant imposer une réflexion stratégique sur la politique de cohésion et, probablement, une inflexion de cette dernière. L'enjeu financier est énorme pour l'Union européenne et pour les bénéficiaires pour lesquels les fonds structurels constituent une source de financements importante [69].
2.2.1 L'effet statistique du Brexit
La politique de cohésion vise à " réduire les écarts de développement des régions ". L'intensité de l'aide européenne, tant en volume qu'en taux de cofinancement, varie selon la richesse de la région considérée, avec une forte concentration sur les régions les moins développées. L'indicateur qui sert à ce classement se réfère au PIB moyen par habitant [70].
De la même façon que les derniers élargissements ont entraîné une diminution de la richesse moyenne européenne par adjonction d'Etats beaucoup moins prospères, le Brexit a le même effet, mais cette fois par la sortie d'un Etat, devenu au fil du temps, tant par son propre dynamisme que par la baisse du revenu moyen européen, parmi les pays riches de l'Union [71].
Le Brexit entraînera une baisse du PIB/RNB global et du PIB/RNB moyen par habitant. Cette baisse serait de l'ordre de 3,6%, soit environ 1000 €. Cette diminution aura un effet direct et mécanique sur l'aide que l'Europe apporte à certaines régions. Ainsi, certaines régions aux seuils de l'éligibilité des deux catégories les plus aidées au vu des données statistiques actuelles (régions les moins développées et régions en transition), devraient changer de catégorie. Cet effet statistique concerne une douzaine de régions [72]. Même si l'Union a une expérience de ce type de situation et a adopté un régime transitoire d'aide dégressive mais qui reste généreux, ce nouvel effet statistique ne doit pas être oublié.
2.2.2 Les inflexions de la politique de cohésion
Le Brexit ouvrira trois possibilités. Première hypothèse, sur la pression des principaux Etats bénéficiaires, l'Union européenne maintient le niveau actuel des enveloppes globales (350 milliards € en 7 ans), ce qui induira une augmentation des contributions des Etats membres. Cette option paraît assez peu probable.
Il est plus vraisemblable que le Brexit conduira à une baisse du budget consacré à la politique régionale. L'adaptation à la baisse des crédits se fera alors soit par une diminution des dotations aux actuels bénéficiaires, soit par une réduction du nombre de régions bénéficiaires
- Réduire les aides aux bénéficiaires. Les aides budgétaires de la politique de cohésion représentent un soutien très important pour les bénéficiaires des derniers élargissements. Les anciens Etats membres y trouvent leur intérêt ne serait-ce que par les retours économiques et financiers induits [73]. A l'exception des observations mouchetées de la Cour des Comptes européenne [74], personne ne s'est jamais aventuré à émettre des critiques à l'encontre de cette politique. L'Union européenne n'a jamais osé affronter certains bénéficiaires puissants en envisageant une réduction. Lors de la négociation du CFP 2014-2020, la Pologne avait vigoureusement défendu l'enveloppe globale affectée à cette politique. Pourtant ; tous les investissements sont-ils pertinents ? Quand l'Europe affecte plusieurs milliards par an à un Etat membre, il n'est pas inconvenant de poser la question. La contrainte budgétaire pourrait donner une impulsion qui, jusque-là, manquait. Il est vraisemblable qu'un certain nombre de pays généreusement dotés verront leur dotation réduite. La négociation sera évidemment très tendue.
- Réduire le nombre de régions bénéficiaires. Même si elle est concentrée, la politique de cohésion bénéficie à tous les Etats et pratiquement à toutes les régions, y compris les plus riches. Il n'est pas étonnant que toutes les régions bénéficiaires des fonds structurels (et co-financeurs des opérations réalisées) en soient les plus ardents défenseurs. L'Europe représente " une manne financière qu'il ne faut surtout pas laisser passer " [75]. La question peut pourtant se poser de savoir si les régions riches ont réellement besoin de cet argent [76]. Il ne s'agit pas de savoir si les opérations cofinancées sont utiles ou non mais de savoir si l'intermédiation de la Commission est utile et nécessaire, si la règle de subsidiarité s'applique. Autrement dit, ne faut-il pas réserver la politique de cohésion aux seules régions prioritaires, avec un seuil à définir, égal à 75% ou 90% de la moyenne par exemple ?
Le Royaume-Uni s'est toujours prononcé en faveur de cette voie, mais il s'est heurté à une forte opposition. L'Europe est devenue au fil du temps à la fois un partenaire financier majeur des régions, une politique de retours budgétaires pour les Etats, l'un des meilleurs outils pédagogiques. Pour la Commission, en mal de légitimité, la politique régionale est un moyen de financer des actions concrètes pour les Européens. L'Allemagne et la France considèrent, par exemple, que si la politique de cohésion doit être concentrée sur les régions les plus pauvres, elle ne doit pas être réservée à elles seules. Cette politique exprime une solidarité partagée pour les combats de demain : énergie, climat.
Mais, au risque de briser un consensus et d'affronter des oppositions solides, la réduction des crédits imposera certainement un infléchissement. Réserver les fonds structurels aux seules régions prioritaires, comme le proposait les Britanniques, conduira à supprimer les aides aux bénéficiaires actuels [77]. Une telle orientation pourrait rencontrer l'appui de certains Etats. La création du fonds de cohésion en 1994 obéissait à cette même logique [78]. Un clivage ne manquera pas de se produire entre pays riches et pauvres. Ce sera un point difficile de la négociation du prochain CFP.
2.3 Le Brexit et les autres politiques
2.3.1 Le Brexit et la politique de recherche et de compétitivité
La politique de compétitivité est le nouveau credo européen. Sur le plan budgétaire, l'Union européenne a gonflé artificiellement cette politique dans le CFP en incluant la politique de cohésion mais le cœur reste la recherche, via ses programmes cadre pour la recherche et le développement économique (PCRD). Le 8e PCRD recouvre la période 2014-2020. Cette politique est cardinale non seulement par l'ambition qu'elle suppose, mais aussi parce que, par cette politique, l'Europe trouve tout son sens. Tandis que les autres grandes politiques ne sont, en fait, que des politiques de redistribution, la politique de recherche repose sur des coopérations entre chercheurs, entre centres de recherche, entre entreprises, entre Etats membres. La politique européenne de recherche (avec quelques programmes d'échanges tels qu'Erasmus) construit l'Europe beaucoup plus que n'importe quelle autre politique.
Cette politique a toujours été défendue par les Britanniques. Peu avant le référendum britannique, David Cameron avait listé ses exigences européennes parmi lesquelles figurait la compétitivité. Il souhaitait qu'elle soit "inscrite dans l'ADN de toute l'Union européenne", afin d'améliorer la compétitivité du marché unique ".
Le Royaume-Uni a d'ailleurs un excellent positionnement budgétaire dans ce domaine [79] où il a plus à perdre. Mais pour l'Union, c'est aussi une perte importante. Les coopérations internationales dans le domaine des nouvelles technologies et de la recherche supposent un mix entre partenaires solides et expérimentés, dotés de grandes capacités et qui font le socle des coopérations associés à des partenaires plus modestes et des partenaires venant des pays candidats. Le Royaume-Uni relevait du premier cercle. Les coopérations scientifiques ne sont évidemment pas impossibles sans lui mais il manquera.
La sortie du Royaume-Uni rendra les coopérations plus difficiles mais cela ne devrait pas entraîner de changement budgétaire majeur. Il est probable que la dotation consacrée à la compétitivité augmentera dans la lignée de ce qui se produit depuis 10 ans. Même si cela n'est pas une demande expresse britannique, cela correspond aussi à une orientation générale soutenue par le pays.
2.3.2 Les autres politiques
Si l'on raisonne dans le cadre actuel du budget, le Brexit n'aura que peu d'influence dans les autres domaines qui ne représentent pas de vrai enjeu budgétaire. Les dépenses des autres politiques sont marginales. Le Royaume-Uni s'est toujours prononcé pour des coupes massives dans le budget, notamment les dépenses de fonctionnement. En 2012, David Cameron avait eu une charge sévère contre les dépenses de personnel [80], mais les dotations sont faibles et les marges le sont encore plus. Il en va de même pour les dépenses extérieures. Il est même probable que le pays maintienne une part de ses contributions.
En définitive, un budget plus proche de la vision britannique se dessine. C'est en ce sens que l'on peut oser pronostiquer une victoire britannique posthume.
A moins d'un saut qui marquerait une rupture. Car le Brexit est aussi une " opportunité ", autrement dit une occasion de relancer la construction européenne, d'innover, de combler des trous béants dans le domaine de l'environnement et de la sécurité. Au lieu de chercher à coller à toutes les attentes qui ne correspondent pas aux socles des compétences de l'Union (la santé, l'éducation, le sport), à tous les débats, à toutes les modes, au risque de se disperser, l'Union pourrait se concentrer sur ce qui peut apporter une vraie valeur ajoutée européenne, en finançant des opérations qui, d'évidence, seront mieux traitées au niveau européen. C'est tout l'enjeu du prochain CFP sans Britanniques.
3. Le débat sur les rabais. L'Union européenne perd son bouc émissaire mais la question des soldes nets reste posée [81]
Le troisième sujet budgétaire, encore étouffé car le plus embarrassant, est celui des rabais. Le Brexit marque la fin du rabais britannique. Enfin ! L'Union européenne va pouvoir fonctionner sans contorsion/correction et appliquer une règle simple : chaque Etat contribue au budget européen en proportion de son poids dans le RNB total. C'est le principe de la ressource RNB, principale ressource du budget. Cela signifie-t-il la fin des rabais ?
3.1 Le débat actuel
Le sujet reste tabou. Les rabais sont décidés après détermination des soldes nets, calculés par différence entre les retours, les dépenses du budget européen dans le pays, et sa contribution au budget. Ce calcul fait apparaitre une distinction entre les contributeurs nets et les bénéficiaires nets. Un déséquilibre excessif est de nature à ouvrir la possibilité d'une correction.
Un tabou et certainement la plus grande hypocrisie européenne. Le calcul des soldes nets est une tartufferie. N'en parlez jamais, mais pensez-y toujours. Car il faut admettre que tous les pays font ce calcul, notamment à l'occasion de la grande négociation du CFP. Le solde net explique le positionnement de beaucoup d'Etats membres.
Trois erreurs sont couramment commises sur ce sujet.
La première est de voir ce calcul uniquement de façon sordide. Il est entendu que cette approche purement budgétaire occulte tous les aspects et les avantages économiques et politiques de l'Union. Ce type de calcul est une comptabilité de boutiquier dérisoire et même indécente face à l'ambition historique de la construction européenne. Un " poison " [82] même, qui mine la construction européenne. Dans les milieux fédéralistes européens, certains proposent même d' " interdire " toute référence aux soldes nets.
Soit. Mais il est tout à fait possible de voir ces calculs autrement. Les soldes nets, loin de miner la solidarité, expriment au contraire une vraie solidarité entre les pays. Les transferts sont massifs. 40 milliards € sont redistribués chaque année et vont des huit ou dix Etats contributeurs à celle des dix-huit ou vingt bénéficiaires après l'intermédiation du budget européen. Les mouvements induits par ces soldes nets sont le premier vecteur de solidarité budgétaire, supérieurs même aux seuls versements des fonds structurels. Deux tiers de cette redistribution est assurée par trois Etats membres [83]. Deux tiers de cette redistribution est affectée à cinq Etats membres [84].
La deuxième est de confondre rabais et juste retour. Le rabais a toujours été critiqué sur un fondement erroné. A plusieurs reprises, les Britanniques ont demandé un équilibre des flux budgétaires [85]. Mais contrairement à une idée très largement répandue, ils ne l'ont jamais obtenu. La correction, mise en place par l'accord de Fontainebleau en 1984 [86], ne vise pas à parvenir à un équilibre strict entre ce que le Royaume-Uni verse au budget européen et ce qu'il en retire, même si la formule de Margaret Thatcher incite à penser le contraire, mais de limiter " une charge budgétaire excessive ". Ce n 'est pas la même chose. Une correction, pas un équilibre. Le Royaume-Uni malgré son rabais, reste un contributeur net important, le deuxième après l'Allemagne.
La troisième est de penser que les Britanniques ont été les seuls à se positionner sur ce sujet. En vérité, beaucoup d'autres Etats sont inspirés du même souci de limiter leur déséquilibre budgétaire vis-à-vis de l'Union. Ils ont revendiqué et obtenu des aménagements budgétaires qui n'ont ni la force ni la visibilité du rabais britannique, mais qui n'en sont pas moins des corrections visant à réduire leur contribution. Dans le CFP 2007-2013, l'accord final comprenait pas moins de 40 dispositions destinées à majorer les retours ou réduire les contributions nationales de certains Etats. C'était la condition de l'unanimité. Cette " logique des cadeaux ", selon l'expression de l'époque, est-elle vraiment plus noble que le rabais ? Les corrections sont toujours nombreuses. Les principales sont les réductions des contributions des Etats membres au financement du rabais britannique.
3.2 Les difficultés du débat demain
Le Brexit éliminera le bouc émissaire mais n'éliminera pas le problème. Au contraire, on peut même dire que le Brexit va compliquer le règlement de ce sujet budgétaire. Cette observation part du postulat que l'attention des Etats sur les soldes nets demeure. On pourra toujours " interdire " ces calculs, supprimer les tableaux de la Commission dans les rapports financiers annuels, tous les Etats contributeurs le feront dans leur coin. Avec des méthodes de calcul qui ne seront pas homogènes et qui aggraveront probablement la perception des Etats sur leur position budgétaire. Tout repose sur la notion de déséquilibre excessif. La notion n'est pas définie. Qu'est-ce qu'un déséquilibre excessif ? Un déséquilibre est excessif quand il est considéré comme tel par l'Etat qui avance cet argument. Et il avance cet argument dans trois situations. Tout d'abord, en tenant compte de sa prospérité relative. Ensuite, par comparaison avec les pays comparables. La fronde de plusieurs Etats contre la France à la fin des années 90 ne s'explique pas autrement. Certains Etats ne pouvaient accepter que la France, pays aussi prospère qu'eux, soit bénéficiaire du budget européen tandis qu'ils étaient contributeurs nets. Enfin et surtout, la question est budgétaire mais la perception est politique. Le passage d'une situation de bénéficiaire net à une situation de contributeur net peut modifier cette perception (cas de la Finlande). A l'inverse, certains Etats contributeurs nets n'ont jamais émis d'observation (cas de l'Italie). Le climat politique autour de l'Europe forge le positionnement budgétaire. Cette combinaison de facteurs donne tout son sens à cette précision de l'accord de Fontainebleau : une correction " le moment venu ".
Même si l'Allemagne est toujours discrète sur cette question, et même si le temps des grandes critiques est passé [87], le sujet resurgit périodiquement, notamment lorsqu'il s'est agi de financer les aides à la Grèce. Pas question que l'Allemagne devienne " la vache à lait de l'Europe ". Il y a un moment où les contributions sont jugées comme excessives, ou, pour le dire autrement, où l'opinion considère que trop c'est trop.
Enfin, le Brexit compliquera singulièrement le sujet. Car les principaux aménagements budgétaires accordés aux Etats membres se raccrochent au rabais britannique. L'Union européenne a mis en place plusieurs dispositions pour réduire les déséquilibres : des ristournes, des taux réduits, des dépenses ciblées. Mais les plus connues et les plus massives sont " le rabais sur le rabais " qui consiste à réduire la part de certains Etats dans le financement du rabais britannique [88]. C'est le rabais sur le rabais qui permet de contenir le solde net de l'Allemagne, de la Suède et des Pays-Bas. Sans rabais britannique, pas de rabais sur le rabais pour les autres Etats. Sans rabais, les Etats contribuent à plein, en fonction de leur part dans le RNB de l'Union, et les contributions augmentent.
Tôt ou tard, il est vraisemblable que cette situation sera jugée préoccupante par les intéressés. Avec le départ britannique, certains Etats bénéficiaires pourraient devenir contributeurs nets. La situation de l'Espagne, par exemple, pourrait basculer. Au Danemark, aux Pays-Bas, en Autriche, dans un contexte de contestation européenne croissante, on peut imaginer que certains Etats considèrent que leur charge budgétaire est excessive.
Nier cette possibilité ne peut conduire qu'à des déconvenues. Il est probable que certains pays prendront des initiatives sur ce sujet lors du prochain CFP. L'Union européenne doit accepter cette éventualité et devrait plutôt s'y préparer.
3.3 Quelques pistes de réflexion
Plusieurs pistes sont ouvertes.
- Rogner les transferts vers les bénéficiaires nets, en fixant une limite aux transferts budgétaires. Le principe d'un tel plafonnement (capping) a été décidé avant les derniers élargissements lors du Conseil européen de Berlin en 1999. Il figure dans les réglementations successives des fonds structurels. La réglementation actuelle des fonds structurels et d'investissements prévoit une limite aux transferts annuels égale à 2,35% du PIB de l'Etat considéré [89]. Même si elle ne sera pas acceptée facilement, une baisse de ces plafonds peut être envisagée.
- L'écrêtement généralisé des soldes nets consiste à déterminer un niveau maximum de contribution nette au budget européen. Lorsque ce niveau est dépassé, l'excédent est reporté sur les autres Etats membres. Cette solution est régulièrement proposée par la Commission mais elle a été rejetée par les Etats membres. Outre les rituelles positions de principe sur la solidarité européenne, les variables de calcul, par conséquent les occasions de marchandage, sont nombreuses : quel critère retenir ? Contribution en % du RNB, contribution par habitant ? Faut-il moduler ces écrêtements en fonction de la richesse, comment s'opère la répartition, sur les seuls Etats riches, sur tous, quid si un Etat franchit le seuil en raison du financement de l'écrêtement d'un autre ? En dépit des oppositions des services chargés du budget des Etats, cette voie mériterait d'être explorée
- La troisième voie consisterait à modifier la structure du budget pour mieux équilibrer les retours vers les Etats riches. " La solution aux déséquilibres budgétaires passe par les dépenses ", disait-on déjà lors de la première demande de correction britannique. Pourquoi ne pas revenir à cette idée de bon sens ? Les dépenses militaires et les dépenses d'environnement se prêteraient assez bien à ce mouvement de rééquilibrage. C'est encore une fois, la fameuse " opportunité " du Brexit.
***
Niveau du budget, contenu du budget, rabais sont autant de sujets de rapports de force entre le Conseil et le Parlement et entre les Etats. En matière budgétaire, le Royaume-Uni était un bouc émissaire. Le Brexit sonnera l'heure de vérité. Pour reprendre l'expression du Conseil de Fontainebleau, " le moment est venu " d'affronter ces questions.
Le commissaire chargé du budget a reconnu que " les négociations budgétaires avec le Royaume-Uni seraient difficiles ". Sans lui, elles le seront tout autant. Le président français a annoncé à l'issue du Conseil européen du 19 octobre 2017 que le Royaume-Uni avait fait la moitié du chemin. Les 27 n'ont pas commencé le leur.
[1] Hervé Jouanjean, ancien directeur général des budgets à la Commission européenne, tribune parue dans Les Echos, 5 février 2017.
[2] Observation de méthode : Il importe de retenir des données assez longues, sur au moins 3 ans, tant les variations d'une année à l'autre peuvent être importantes. Ces écarts doivent être expliqués. Les dépenses de l'UE dans un pays sont relativement stables d'une année sur l'autre (sauf montée en puissance des dépenses de cohésion pour les Etats Membres). En revanche, la participation des Etats au budget dépend beaucoup de la richesse nationale du pays. Les ressources assises sur la TVA et sur le revenu national brut (RNB) représentent 82% du financement du budget de l'UE. Ainsi, les différentiels de taux de croissance ont un impact immédiat sur la participation des Etats. Un Etat avec une croissance forte participera tout de suite beaucoup plus au budget de l'UE qu'un autre, avec une croissance faible.
[3] Le solde net n'est pas égal à la différence arithmétique entre contribution et retours. Les contributions des Etats et les dépenses de l'UE dans les pays subissent des traitements pour ventiler les dépenses administratives dans le pays et une part des droits de douane collectés. Ces différences expliquent la diversité des estimations de soldes nets. Dans la suite de la présente note, les soldes nets sont repris des calculs de la Commission figurant dans ses différents rapports financiers annuels.
[4] La charge représentée par le " rabais britannique " est répartie entre les autres États membres au prorata de leur part dans le RNB total de l'Union. Pays fortement contributeurs nets, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède bénéficient toutefois, depuis 2002, d'un "rabais sur le rabais", et leur contribution réelle est réduite à 25 % du montant qu'ils devraient théoriquement acquitter. La charge de cette réduction est ensuite répartie entre les autres États membres au prorata de leur part dans le RNB de l'Union.
[5] Le calcul du " rabais britannique " repose sur la différence constatée entre la part du Royaume-Uni dans les dépenses réparties, soit les dépenses engagées par l'Union sur le sol britannique, et sa part dans le total des paiements au titre des ressources TVA et RNB. Cette différence, exprimée en pourcentage, est multipliée par le total des dépenses réparties. Le déséquilibre ainsi obtenu est remboursé à hauteur des deux tiers au Royaume-Uni. Voir une présentation " simplifiée " des modalités de calcul de la correction britannique dans le rapport annexé au Projet de loi de finances pour 2016, relations financières avec l'UE, p. 27.
[6] Il existe une DRP après chaque CFP. Les DRP sont adoptées par le Conseil à l'unanimité, après consultation du Parlement européen. La DRP fait l'objet d'un processus de ratification par les Etats membres et donc, après autorisation des parlements nationaux. Le régime actuel est fixé par une Décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne. Cette DRP a été mise en œuvre en 2017.
[7] Pierre Bernard-Raymond, Le rabais britannique est-il encore justifié ? Rapport d'information, Sénat (2010-2011), n° 603.
[8] En 2016, le RU représentait 16% du RNB de l'UE tandis que sa part dans les contributions nationales au budget de l'UE (TVA et RNB), après rabais, n'était que de 11,4%.
[9] Une analyse partagée par la Cour des Comptes française qui a obtenu que les deux ressources (droits de douane d'un côté, et contributions nationales TVA et RNB de l'autre) soient séparées.
[10] Le % prélevé par les Etats au titre de la collecte a été ramené de 25 à 20% dans la DRP de 2014. Cette réduction est effective depuis 2016. Les droits de douane imputés en recette budgétaire se montent, en moyenne annuelle sur 2014-2016, à 3,77 milliards € pour l'Allemagne, 3 milliards pour les Britanniques, 2,2 milliards pour les Pays Bas et 1,45 milliard pour la France.
[11] Art 5O du TUE : Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. Cet accord est négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il est conclu au nom de l'Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.
[12] Le 23 juin 2016, les Britanniques se prononçaient par référendum pour la sortie du pays de l'UE. Le 29 mars 2017, le PM britannique fait parvenir au président du Conseil européen une lettre notifiant l'intention du Royaume-Uni de se retirer de l'UE. Le 22 mai 2007, le Conseil adopte une décision autorisant l'ouverture des négociations. Les négociations sont engagées depuis le 19 juin 2017. La durée des négociations, fixée par l'article 50 TUE est de 2 ans. Si l'accord n'est pas conclu au bout de 2 ans, soit le 29 mars 2019, les traités cessent de s'appliquer au Royaume-Uni sauf si un délai supplémentaire est autorisé par le Conseil européen (statuant à l'unanimité et en accord avec les autorités britanniques).
[13] Audition de Kristalina Georgieva, vice-présidente de la Commission européenne en charge du budget et des ressources humaines, " Relancer l'Europe, retrouver l'esprit de Rome ", Jean-Pierre Raffarin, Jean Bizet, Sénat, N° 434 tome II.
[14] Michel Barnier a notamment évoqué " le manque de progrès significatif " (31 août 2017), " les divergences sérieuses sur le règlement financier" (3 octobre 2017), voire " l'impasse préoccupante " (12 octobre 2017).
[15] Conseil européen 20.10.17
[16] Courrier international 3 mai 2017
[17] Le 11 mai 2017, lors d'une conférence à Londres sur leur rôle dans l'avenir de l'UE, le groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque Slovaquie) a affiché une forte unité avec la position commune des 27.
[18] Raffarin, Bizet, Sénat, op. cit., p. 40.
[19] Par le jeu de l'équilibre automatique du budget, les recettes s'ajustent automatiquement aux dépenses. La ressource RNB assure cet ajustement.
[20] Bernard Cazeneuve, Sénat, 10 octobre 2012
[21] François Marc, rapporteur spécial commission des finances du Sénat, PLF 2017, Sénat 2016-2017, rapport N° 140 tome II, fascicule 2 " affaires européennes ".
[22] En 2016, le Royaume-Uni représentait 16% du RNB de l'UE tandis que sa part dans les contributions nationales au budget de l'UE n'était que de 11,4%.
[23] En 2015, le Royaume-Uni représentait 17,6% du RNB de l'UE. En 2016, sa part n'est plus que de 16%. Ce déclin devrait se poursuivre.
[24] Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, notamment son article 70 selon lequel "le fait qu'un traité a pris fin en vertu de ses dispositions (...) ne porte atteinte à aucun droit, aucune obligation, ni aucune situation juridique des parties, créés par l'exécution du traité avant qu'il ait pris fin".
[25] Albéric de Montgolfier, Le Brexit : quelles conséquences économiques et budgétaires ?, Sénat, n° 656 (2015-2016).
[26] Le Figaro 26 octobre 216.
[27] Avec l'effondrement de son économie, la part de la Grèce dans le financement du budget est passée de 2,8 à 1,3% entre 2007 et 2015. Sur la même période, la part de l'Allemagne est passée de 19 à 21,7%.
[28] Il s'agit des fonctionnaires, agents temporaires et agents contractuels
[29] Articles 48 et suivants du statut des fonctionnaires de l'UE : démission, démission d'office, retrait d'emploi dans l''intérêt du service, mise à la retraite...
[30] le budget de l'UE pour 2018 comporte une hausse sensible des dépenses de pensions et dépenses connexes (titre 30 du budget de l'UE) qui passent de 1,68 milliard en 2016 à 1,9 milliard en 2018. Le seul poste " indemnités en cas de mise en disponibilité, retrait d'emploi ou licenciement " (art 30.01.14) passe de 240.000 € en 2016 à 6,5 millions en 2018 (chiffres arrondis).
[31] Relevé des actes du Conseil de juin 2017, N° 12757/17, p. 22
[32] Règlement (UE/Euratom) n° 996/2012 du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union.
[33] Voir notamment Règlement (Euratom/UE) du Conseil n° 1287/2003 relatif à la mise à disposition des ressources propres, rapport spécial n° 12/2013 de la Cour des Comptes européennes, Com (2017) 329 final.
[34] Article 10 du règlement (UE, Euratom) n ° 609/2014 du Conseil du 26 mai 2014 relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres traditionnelles, de la ressource propre fondée sur la TVA et de la ressource propre fondée sur le RNB. Une mise en application provisoire a été prévue par le Règlement (UE, Euratom) 2016/804 du Conseil du 17 mai 2016.
[35] Règlement 2016/804 précité.
[36] http://ec.europa.eu/budget/mff/introduction/index_fr.cfm
[37] Sous réserve de la mobilisation des instruments spéciaux et instruments de flexibilité
[38] La révision du CFP suit la même procédure que l'adoption du CFP, c'est-à-dire la procédure législative spéciale (unanimité au Conseil et approbation du Parlement).
[39] Article 31 du Règlement n° 966/2012 du PE et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union.
[40] La procédure est prévue par l'article 291 du TFUE et précisée par le règlement (UE) n° 182/2011 du 1er mars 2011
[41] Décision du 3 avril 2014 notifiée sous le numéro C(2014) 2082
[42] Cf. étude de la London School of Economics citée dans le rapport d'information du Sénat, " Le Brexit : quelles conséquences économiques et budgétaires ? " Albéric de Montgolfier Sénat, (2015-2016), n° 656.
[43] Le montant est difficile à chiffrer puisqu'il résulte de deux forces opposées : un ralentissement des échanges et une majoration des droits surtout dans la mesure où une grande part des exportations britanniques vers l'UE concerne des secteurs où les droits de douane sont assez élevés comme l'automobile et l'alimentation.
[44] Dans une Union douanière, les parties suppriment leurs droits de douane sur leurs propres échanges et appliquent un tarif extérieur commun. Dans une zone de libre-échange, les droits de douane sont supprimés sur les échanges intérieurs mais chaque partie conserve la liberté de fixer ses propres droits de douane sur ses échanges avec les autres pays. Par ailleurs, la suppression des droits de douane dans les échanges intérieurs n'est pas totale. Les pays peuvent maintenir des droits sur certains produits. La Norvège par exemple conserve des droits de douane sur les produits de la pêche et de l'agriculture en provenance de l'UE
[45] Le 18 mars 2016, l'UE et la Turquie signaient un accord sur la gestion des migrants prévoyant la réadmission en Turquie des migrants en provenance de Turquie pour permettre le retour dans les pays d'origine. Ce plan était assorti d'un volet financier, une " facilité en faveur des réfugiés en Turquie " de 3 milliards €, prévus pour 2016 et 2017. En octobre 2017, 900 millions seulement étaient décaissés. La plus grande part reste donc à financer
[46] Le 11e FED couvre la période 2014/2020. L'engagement budgétaire des 28 sur la période est de 31 milliards € soit 4,5 milliards par an. Le financement du FED ne relève pas du budget de l'UE mais de clefs de contributions nationales négociées à chaque FED. La contribution annuelle britannique au FED, supérieure à sa part dans le budget, soit 14,9%, est de l'ordre de 670 millions €.
[47] Il s'agit du programme d'assistance au déclassement d'installations nucléaires en Bulgarie, en Lituanie et en Slovaquie. Lors de leur adhésion à l'UE, ces pays se sont engagés à arrêter définitivement de manière anticipée huit centrales nucléaires de conception soviétique, avant la fin de leur durée de vie prévue. En contrepartie, l'UE s'est engagée à fournir une aide financière pour le déclassement des centrales concernées. L'enjeu budgétaire est de l'ordre de 400 millions €.
[48] Albéric de Montgolfier Le Brexit : quelles conséquences économiques et budgétaires, Sénat N° 656 (2015-2016)
[49] Les autorités suisses publient les contributions poste par poste, les retours, les dépenses induites par ces coopérations. La Suisse par exemple, contribue à hauteur de 40 millions € par an aux aides à la Croatie. L'évaluation de 600 millions annuels recalculée en € et sur une base annuelle est purement indicative Voir liste complète des paiements et contributions de la Suisse à l'UE Assemblée fédérale suisse Réponse du Conseil fédéral du 28 05 2014.
[50] Par exemple la Norvège participe à un titre ou à autre (en qualité de membre, observateur, participant associé) à 13 agences européennes.
[51] 6 Etats, Allemagne, France, Royaume-Uni, Autriche, Suède et Pays-Bas- réunis pour limiter le budget (en CE) à 1% du PIB communautaire.
[52] Dès 2010, 5 Etats -Allemagne, France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Finlande- sont favorables au" better spending ", mais le regroupement fut aussi qualifié par ses détracteurs de " camp des radins "... Ils demandent dans une lettre commune que " le niveau global (...) des crédits d'engagement soit fixé à un niveau compatible avec la stabilisation nécessaire des contributions budgétaires des Etats membres (...) avec une correction inférieure à l'inflation".
[53] Dans le CFP 2014-2020, le montant des crédits d'engagement est de 960 milliards €(2012) soit 1% du RNB (1,048% pour la période précédente), et celui des crédits de paiement est de 908,4 milliards € soit 0,95% du RNB (1% pour le CFP 2007-2013).
[54] JP Raffarin, J Bizet op. cit, p.35
[55] 7 milliards € en moyenne annuelle sur la période 2013 2015 contre 6,7 milliards sur la période 2010-2012 et 4,2 milliards entre 2007 et 2009
[56] Le premier pilier de la PAC recouvre les aides directes aux revenus des agriculteurs et, accessoirement, ce qui reste des crédits d'intervention
[57] Ce prélèvement est fixé à l'article 27 du PLF 2018. " Evaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne ". Pour 2018, la contribution de la France au budget de l'Union européenne est évaluée à 20,2 milliards €.
[58] JO débats Sénat, séance du 10 octobre 2012
[59] Décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union Article 3 Plafond des ressources propres 1. Le montant total des ressources propres attribué à l'Union pour couvrir les crédits annuels pour paiements ne dépasse pas 1,23 % de la somme des RNB de tous les États membres. 2. Le montant total des crédits annuels pour engagements inscrit au budget de l'Union ne dépasse pas 1,29 % de la somme des RNB de tous les États membres.
[60] Jörg Haas et Eulalia Rubio, " Brexit et budget de l'UE: menace ou opportunité? " Institut Jacques Delors, 25 janvier 2017
[61] COM(2017) 358 du 28 juin 2017
[62] Sénat, Rapport d'information n° 672 (2016-2017) de Daniel GREMILLET, Pascale GRUNY, Claude HAUT et Franck MONTAUGÉ, fait au nom de la commission des Affaires européennes et de la commission des affaires économiques.
[63] Formellement, le budget de la PAC reste identique (en € courants) mais en réalité, il baisse régulièrement, à hauteur de l'inflation. Sur une base de 1% par an, la baisse est de 7,2% en 7 ans. Si l'inflation passe à 2%, la baisse est de 15%.
[64] Les propos du Président de la République lors des Etats généraux de l'alimentation le 11 octobre 2017 devraient inciter à envisager cette hypothèse.
[65] Agrapresse, 15 juillet 2016.
[66] La RSPCA (Royal Society for the Protection against Cruelty towards Animals) est l'organisation pour la protection des animaux la plus connue au Royaume-Uni. Elle a créé un label, Freedom Food, pour les produits suivant un cahier des charges particulier en matière de bien-être des animaux. Le RU est le pays qui a appliqué la directive sur les poules pondeuses très tôt, bien avant la date butoir.
[67] L'expression politique de cohésion est consacrée dans les traités (titre XVIII du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Cependant, les expressions de politique régionale et de politique structurelle ont été longtemps plus courantes. Le commissaire Michel Barnier, par exemple, fut commissaire européen chargé de la politique régionale entre 1999 et 2004 et ne parlait que de politique régionale alors que les traités la qualifiaient déjà autrement. Elles sont encore utilisées. Même si la logique est différente - solidarité pour la politique de cohésion, partenariat local pour la politique régionale, approche plus fonctionnelle via les fonds du même nom pour la politique structurelle- les trois expressions recouvrent la même chose.
[68] La politique de cohésion représente 37 % des dépenses effectuées au titre du budget de l'UE et son budget total avoisine les 350 milliards d'euros pour chacune des périodes 2007-2013 et 2014-2020.
[69] Les trois premiers bénéficiaires des aides de cohésion sont la Pologne, 10 milliards/an en moyenne entre 2013 et 2015; l'Espagne, 5 milliards/an, et la Grèce, 3,8 milliards/an. Même si une partie revient aux anciens Etats membres (puisque les investissements réalisés supposent des équipements qui viennent souvent des anciens Etats membres -traitement des eaux, équipements aéroportuaires, construction...), l'appui financier européen qui peut aller jusqu'à 90% du coût de l'investissement est déterminant pour la réalisation des opérations.
[70] Le classement des régions se fait par la mesure du PIB/habitant, en distinguant 3 catégories : les régions les moins développées dont le PIB/habitant est inférieur à 75% de la moyenne de l'UE, les régions intermédiaires dont le PIB/hab est compris entre 75% et 90% de la moyenne, les régions les plus développées, dont le PIB/hab est supérieur à 90% de la moyenne. (art. 90 § 2 du règlement 1303/2013 du 13 décembre 2013 relatif aux fonds structurels et au fonds de cohésion). De même, le fonds de cohésion apparu en 1994, est réservé aux Etats dont le RNB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne. Le PIB moyen par habitant est de 29.000 €.
[71] Sur la base des données de 2016, le PIB total de l'UE passerait de 14.824 milliards € à 12.457 milliards et le PIB moyen par habitant de l'UE passerait de 29.051 € à 28.000. En 2015, le UK était au 9e rang européen avec un PIB/hab de 31.200€ devant la France à 30.400 €.
[72] Dans la catégorie des régions les moins développées, les régions voisines du seuil d'éligibilité se situent en Espagne (Murcia), en France (Guadeloupe), en Italie (Molise et Sardaigne), en Lituanie, en Bulgarie (Yugoiztochen), en Pologne (Wielkopolski). Les régions en transition concernées sont en France (Centre et Corse), en Italie (Umbria) et en Autriche (Burgenland). L'Espagne est également concernée par une éventuelle exclusion du fonds de cohésion.
[73] Les crédits européens, surtout avec des taux de cofinancement qui peuvent atteindre 80%, permettent de conduire des opérations d'investissement de grande ampleur, mais une partie de ces fonds retourne aux anciens Etats membres par les commandes d'équipement. Si le gros œuvre est toujours réalisé par la main d'œuvre locale, les équipements sont souvent importés (installations d'assainissement, équipements aéroportuaires)
[74] Voir par exemple le rapport spécial de la Cour des comptes européenne sur les investissements routiers en 2013 (CCE, 2013 n°5). " L'UE a dépensé 65 milliards d'investissements routiers entre 2000 et 2013 (...). Dans la moitié des cas, la viabilité des projets était considérablement inférieure aux prévisions ". Ou encore le rapport spécial sur les marchés publics en 2015 (CCE, 2015 n°10). Les manquements graves ou significatifs aux règles de passation des marchés publics sont apparus dans près de un tiers des cas.
[75] Stéphanie von Euw, vice-présidente de la Région Île-de-France chargée des affaires européennes : (Il nous faut) " nous donner les moyens de récupérer la manne financière des crédits européens ", sur le site internet de la région Île de France, 9 mai 2017.
[76] 540 millions € pour la région Ile de France par exemple sur la période 2014/2020, ou bien encore, 20 millions € au Luxembourg, 2e région la plus riche d'Europe.
[77] En France, en 2014, 10 régions métropolitaines avaient un PIB/hab. compris entre 75% et 90% de la moyenne et étaient classées par conséquent parmi les régions en transition et 12 régions avaient un PIB/hab. supérieur à 90% et étaient classées parmi les régions les plus développées.
[78] La création du fonds de cohésion en 1994 relève de cette idée. L'Espagne avait bien compris que les pays riches cherchaient à récupérer des fonds par la politique régionale politique naissante mais appelée à devenir une politique essentielle de l'UE. Pour contrer cette manœuvre de récupération, l'Espagne eut l'idée de créer un fonds dont les pays riches seraient exclus. C'est ainsi que fut créé le fonds de cohésion réservé aux pays ayant un RNB par habitant inférieur à 90 % de la moyenne UE.
[79] Les données du 7e PCRD (2007/2013) sont les suivantes : le UK est le 2e bénéficiaire du PCRD (15%, juste derrière l'Allemagne 16%, mais loin devant la France 11,6%) ; son taux de retour est donc supérieur à sa contribution ; il soumissionne très régulièrement aux appels d'offres (pratiquement à égalité avec l'Allemagne, 50% de plus que la France).
[80] David Cameron proposait 3 mesures : une baisse de 10% sur les salaires des 55.000 fonctionnaires européens. ("Ils sont 250 à gagner plus que moi!", en faisant allusion aux traitements annuels supérieurs à 100.000 € de certains directeurs généraux de la Commission européenne), une augmentation de l'âge de la retraite à 68 ans contre 62 ans, et une baisse du montant des retraites. Les économies attenues étaient respectivement de 3 milliards, 1,5 milliard et 1,5 milliard €.
[81] Cette partie reprend l'essentiel d'un article de l'auteur publié dans le Monde du 10 février 2017.
[82] " Le poison du juste retour ", Jacques Le Cacheux et Pascal Lamy, Notre Europe, novembre 2005.
[83] L'Allemagne (14,5milliards € en moyenne annuelle sur 3 ans 2013-2015, soit 33,3% du total), le UK (8,4 milliards, soit 19,1%) et la France (7 milliards, soit 16,1%).
[84] La Pologne (11,8 milliards € en moyenne annuelle sur 3 ans 2013-2015, soit 27% du total), La Grèce (5,14 milliards soit 11,7%), la Hongrie (5,1 milliards soit 11,6%), la Roumanie (4,6 milliards soit 10,5%), et la République tchèque (4 milliards soit 9,2%).
[85] Ils l'ont fait dès leur adhésion en 1974 lorsque Wilson, réclamait un " juste équilibre entre les recettes et les dépenses ". Ils l'ont fait à nouveau en 1979 au moment du fameux " I want my money back " lancé par M. Thatcher.
[86] Tous les termes de l'accord de Fontainebleau sont importants : " Il a été décidé que tout Etat membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier le moment venu, d'une correction ".
[87] Les grandes critiques remontent à la fin des années 90. En 1998, la Bundesbank avait publié un article dans sa revue interne dans laquelle elle mentionnait que l'Allemagne était devenue le banquier de l'Europe. En 2005, le Spiegel titrait " l'Allemagne, vache à lait de l'Europe ".
[88] Le rabais sur le rabais bénéficie à l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède, qui ne paient que 25% de la somme qui leur serait normalement réclamée. Cette économie pour les quatre pays est supportée par les autres Etats membres. C'est désormais la France qui "paie" le plus pour ce rabais britannique, à hauteur de 1,5 milliard €.
[89] Règlement UE ° 1303/2013 du 13 décembre 2013, Annexe VII, détermination des montants alloués, § 10 : " Le niveau maximum de transfert (plafonnement) à partir des fonds vers chaque État membre sera de 2,3 % du PIB de l'État membre ". NB : Cette limite était de 4% pour la période 2000-2006.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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