Démocratie et citoyenneté
Julien Zalc
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Introduction
Du 22 au 25 mai 2014, les Européens seront de nouveau appelés aux urnes pour élire leurs représentants au Parlement européen. Au-delà du nouveau rapport de force politique qui émergera du scrutin, le taux d'abstention est l'une des principales interrogations de ces élections : en effet, depuis les premières élections européennes en 1979, la participation n'a fait que décroître, passant de 62% à 43% en 2009.
Même s'il serait hasardeux, à un an du scrutin, d'établir des pronostics sur la participation aux élections de 2014, l'évolution récente de plusieurs indicateurs de soutien à l'Union européenne incite plutôt au pessimisme : en effet, l'opinion des Européens à l'égard de l'Union n'a jamais été aussi mauvaise.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les élections qui se sont tenues en Croatie le 14 avril (où les Croates ont élu les 12 députés qui les représenteront au Parlement lors de leur entrée dans l'Union le 1er juillet 2013) ne sont pas très encourageantes : seuls 20,79% des Croates se sont mobilisés. En 2009, seule la Slovaquie avait fait pire avec19,64%!
Comment expliquer cette forte détérioration des attitudes à l'égard de l'Europe ? Est-ce une conséquence directe du marasme économique dans lequel se débat l'Europe depuis le début de la crise ? D'autres facteurs sont-ils ici à l'œuvre ? Et si oui, lesquels ? L'image de l'Union européenne pâtirait-elle de la montée dans l'opinion européenne de la tentation d'un repli sur soi ? Cette analyse va tenter de répondre à ces interrogations en s'appuyant sur les données de l'Eurobaromètre qui permettent d'étudier avec précision l'évolution dans le temps des sentiments à l'égard de l'Union.
Dans un premier temps, un état des lieux de l'euroscepticisme sera dressé: ce terme désigne un courant qui existe depuis le début de la construction européenne, marqué par une volonté de recentrage national et une conservation par les Etats membres de leur souveraineté. Les eurosceptiques peuvent appartenir à des sensibilités politiques très différentes, tant à gauche (Jean-Luc Mélenchon en France, par exemple) qu'à droite de l'échiquier politique (Marine Le Pen en France ou Geert Wilders aux Pays-Bas par exemple). Dans cet article, le terme euroscepticisme est utilisé dans son sens le plus large, pour désigner les opinions négatives à l'égard de l'Union (image négative, défiance, pessimisme à l'égard de l'avenir de l'Europe). Cette détérioration de l'image de l'Europe est-elle réelle ? Quand a-t-elle démarré ? Cette dégradation est-elle homogène ? Certains pays et/ou catégories d'Européens sont-ils plus touchés que d'autres ? Les raisons pouvant expliquer cette montée de l'euroscepticisme seront analysées, en commençant par le facteur économique. Est-ce juste " it's the economy, stupid " ? Ou d'autres éléments, et notamment la montée d'une tendance au repli sur soi, participent-ils à baisse de la confiance dans l'Union ? Enfin, les motifs d'espérer pour l'Union européenne et d'identifier quelques leviers qui pourraient permettre d'inverser la tendance seront esquissés.
1. L'EUROSCEPTICISME EN FORTE AUGMENTATION DEPUIS 2007
L'Union souffre d'un vrai déficit d'image dans l'opinion publique européenne. Trois indicateurs sont ici étudiés : l'image de l'Union européenne, la confiance, l'optimisme pour son avenir. Entamée en 2007, la baisse tendancielle de chacun d'entre eux ne s'est jamais démentie depuis, et ce malgré quelques hausses le plus souvent anecdotiques.
Au printemps 2007 [1], plus d'un Européen sur deux déclarait avoir une image positive de l'Union européenne (52%), ce qui représente un pic depuis 2004. A l'automne 2012 [2], c'est moins d'un tiers, soit une chute de plus de 20 points de pourcentage. Dans le même temps, la proportion d'Européens ayant une image négative de l'Union a quasiment doublé, pour passer de 15% à 29%.
La confiance dans l'Union européenne suit exactement la même tendance : après avoir atteint un maximum au printemps 2007 (57%), elle décroît assez régulièrement ; la défiance devient majoritaire au printemps 2010 [3], et dans l'enquête la plus récente, à l'automne 2012, un tiers des Européens seulement déclarent faire confiance à l'Union européenne (33%). L'indice de confiance (différence entre la confiance et la défiance) est donc passé de +25 au printemps 2007 à -24 à l'automne 2012 !
La question sur l'optimisme dans l'avenir de l'Union européenne n'est posée, elle, que depuis le printemps 2007. Mais la tendance est la même : la proportion d'optimistes est passée de 69% au printemps 2007, à 50% dans l'enquête de l'automne 2012. Et si elle reste encore majoritaire, c'est désormais une forte minorité d'Européens qui se déclare à présent pessimiste pour le futur de l'UE (45%).
Dans les pays dans lesquels l'érosion du soutien à l'Union européenne a été la plus prononcée, l'analyse nationale des résultats démontre que cette dégradation de la confiance et de l'image de l'Union européenne depuis 2007 n'a pas été uniforme : si les trois indicateurs étudiés se sont dégradés le printemps 2007 dans tous les pays de l'Union européenne, à une exception près [4], certains Etats membres ont été plus touchés que d'autres, notamment les pays du sud de l'Europe [5]. L'image de l'Union subit une érosion particulièrement marquée en Espagne (-41 points pour le total " positive "), en Grèce (-33) et au Portugal (-33) ; c'est également vrai pour la confiance (Grèce, -45 ; Espagne, -35 ; Portugal, -31 ; et Chypre, -30), et l'optimisme dans le futur (Grèce, -40 ; Chypre, -34 ; Portugal, -39 ; et Espagne, -26).
Si la baisse est commune à tous les pays, comment ces indicateurs ont-ils évolué au sein des différentes catégories d'Européens ? Le constat est le même : quel que soit l'indicateur étudié, la baisse est massive dans toutes les catégories sociodémographiques. Plus préoccupant, cette dégradation est plus prononcée dans les catégories qui sont a priori les plus europhiles : les jeunes actifs, les cadres et les plus diplômés (cf. tableau ci-dessous).
D'une certaine manière, il est logique que l'érosion soit la plus prononcée dans ces catégories, car ce sont celles chez qui les indicateurs étaient les plus hauts au printemps 2007 (62% d'image positive chez les 15-24 ans, les plus diplômés et les cadres, pour 57% de l'ensemble des Européens). Cela n'en reste pas moins un souci : l'Union européenne ne semble plus disposer de relais d'opinion susceptibles de la défendre et de la promouvoir dans l'opinion publique.
2. LA CRISE ÉCONOMIQUE, PRINCIPAL FACTEUR EXPLICATIF ?
Pourquoi une telle " dégringolade " ? Vient évidemment en premier lieu le facteur économique : l'indicateur de perception de la situation économique nationale a en effet atteint son étiage dans l'enquête Eurobaromètre réalisée début 2009 [6], quelques mois après le démarrage de la crise, et il ne s'est amélioré que timidement depuis. Depuis l'enquête de l'automne 2008 [7], plus des deux tiers des Européens estiment que la situation économique de leur pays est mauvaise. Et les résultats seraient encore pires si les très bons résultats mesurés en Allemagne depuis l'automne 2010 (avec plus de six Allemands sur dix jugeant bonne la situation économique de leur pays) ne venaient pas améliorer la moyenne européenne (les résultats allemands participent à plus de 15% de la moyenne européenne, pondérée par les populations respectives des Etats membres).
Une chose est certaine : nos trois indicateurs de soutien à l'Union européenne évoluent parallèlement à la perception qu'ont les Européens de leur situation économique nationale : depuis le printemps 2007, on observe ainsi des corrélations positives de +0,42 pour l'image de l'Union européenne, de +0,43 pour la confiance, et de +0,46 pour l'optimisme dans le futur de l'Europe.
On pourrait donc s'arrêter là et conclure que si les Européens se détournent de l'Union européenne, c'est une conséquence directe de la situation économique. Cependant, une analyse par pays vient relativiser cet argument.
Le graphique ci-dessous, dans lequel on projette sur un plan les différents Etats membres en fonction de leur perception de la situation de l'économie nationale (en abscisse) et la confiance dans leur gouvernement national (en ordonnée), confirme l'existence d'un lien puissant entre ces deux variables (la corrélation positive de 0,87). Les pays en bonne santé économique attribuent leurs bons résultats à leur gouvernement (Suède et Luxembourg), et à l'inverse, la défiance envers le gouvernement est particulièrement prononcée dans les Etats membres dans lesquels la situation économique est désastreuse (Espagne et Grèce).
Mais le résultat est tout autre lorsqu'on analyse le lien entre la perception de la situation économique nationale et la confiance dans l'Union européenne. Le graphique suivant illustre bien la variété des situations : les opinions publiques en Suède ou en Allemagne sont bien plus satisfaites de la situation de leur économie nationale que la moyenne européenne, mais au même niveau, voire en dessous de la moyenne lorsqu'il s'agit d'exprimer leur confiance dans l'Union. A l'inverse, en Roumanie, en Bulgarie, en Hongrie ou en Slovaquie, la confiance dans l'Union est nettement supérieure à la moyenne européenne, malgré une perception de l'économie nationale assez nettement en deçà de la moyenne européenne. La faible corrélation entre les deux variables (0,17) confirme que les déterminants de la confiance dans l'Union ne sont pas uniquement économiques, et que d'autres facteurs sont ici à l'œuvre.
3. LA TENTATION DU REPLI SUR SOI : UNE RAISON À LA MONTÉE DE LA DÉFIANCE À L'ÉGARD DE L'UE ?
A propos de la perception qu'ont les Européens de la mondialisation, une analyse dans le temps révèle qu'elle s'est dégradée depuis 2008 et le début de la crise. Malgré un léger redressement depuis l'automne 2011 [8], l'indice d'accord (différence entre les proportions " d'accord ", et " pas d'accord " avec l'affirmation " la mondialisation représente une opportunité de croissance économique ") a perdu 13 points (de +29 à +16). Cette érosion concerne une large majorité d'Etats membres : dans 22 pays sur 27, cette vision de la mondialisation comme une opportunité économique a perdu du terrain, parfois de manière spectaculaire. C'est notamment le cas à Chypre (-56 points de l'indice d'accord), en Roumanie (-48), au Portugal (-40), en République tchèque (-39) et en Slovénie (-37).
On note par ailleurs que l'image de la mondialisation s'est particulièrement dégradée dans les catégories les plus exposées au chômage : les jeunes actifs (-17 points de l'indice d'accord chez les 25-39 ans), les ouvriers (-18) et les chômeurs (-18). La crise semble avoir érodé l'image de la mondialisation : ses aspects négatifs, et notamment l'exposition qu'elle engendre à une concurrence accrue des pays émergents apparaissent plus nettement aux citoyens européens. Une majorité des Européens continue cependant à la voir de manière positive.
Ce n'est pas le cas pour l'élargissement de l'Union européenne à de nouveaux pays. Le dernier élargissement a eu lieu le 1er janvier 2007, lorsque l'Union européenne est passée de 25 à 27 Etats membres avec l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Interrogés quelques mois après, au printemps 2007, près de la moitié des Européens se montraient favorables à l'élargissement futur de l'Europe à d'autres pays dans les années à venir (49% pour, 39% contre). Depuis, ce soutien n'a cessé de perdre du terrain dans l'opinion publique, et à l'automne 2012, l'opinion s'est inversée dans des proportions presque identiques : 38% sont pour, mais 52% sont opposés à un nouvel élargissement.
Dans le détail, le soutien à l'élargissement a reculé dans tous les pays de l'Union européenne, à une exception près : le Luxembourg, dans lequel il est resté stable. Certaines chutes sont impressionnantes, notamment à Chypre (-63 points de l'indice de soutien [9]), en République tchèque (-50) et en Espagne (-41). Dans certains Etats membres, les opinions publiques font même plus que se détourner de l'élargissement : elles se retournent. On assiste à un basculement dans sept Etats membres, dans lesquels l'opposition à de futurs élargissements est devenue majoritaire. Une analyse sociodémographique révèle que le soutien aux élargissements futurs a régressé dans quasiment toutes les catégories d'Européens.
Quel point commun peut-on trouver aux reculs simultanés des opinions favorables à l'égard de la mondialisation et de l'élargissement ? Il semblerait que se dessine une tendance de l'opinion publique européenne à une certaine crispation à l'ouverture sur les autres : en d'autres termes, une tentation du repli sur soi. Comme si, durement frappés par la crise, de nombreux Européens avaient le réflexe de se tourner vers le cadre politique jugé le plus protecteur, à savoir l'Etat, et considéraient que c'est de manière individuelle qu'ils allaient trouver les solutions pour sortir de la crise.
D'ailleurs, si une majorité d'entre eux continue de penser que c'est en prenant des mesures coordonnées avec les autres Etats membres qu'ils seraient mieux protégés face à la crise, la proportion qui estime au contraire que le salut est dans les solutions nationales est passé de 26% en janvier 2009 à 38% en mars 2012.
Et, fort logiquement, la montée en puissance de ces thématiques n'est pas sans conséquences sur le soutien à l'Union européenne, comme l'illustre le tableau ci-dessous.
Ceux qui sont sceptiques sur les effets positifs de la mondialisation sur la croissance, ainsi que les opposants à l'élargissement font partie des Européens les plus critiques à l'égard de l'Union européenne. Dans le contexte de la crise, une importante minorité d'Européens semblent avoir le sentiment qu'il sera plus aisé de s'en sortir seuls. Ils se détournent résolument de l'Union européenne. Pour toujours ?
Cette tendance à un certain repli national est liée à la crise. Et donc l'influence de ce phénomène sur la montée de l'euroscepticisme n'est pas déconnectée de la situation économique. Cependant, elle n'en est pas une conséquence directe et immédiate. La crise engendre des phénomènes d'opinion, comme la tendance à un repli national, et ce sont des phénomènes qui affectent le soutien à l'Union européenne.
4. RAISONS D'ESPÉRER ET PISTES D'AMÉLIORATION
Le tableau est-il si sombre ? Cette tendance à la montée des replis nationaux et à la baisse des indicateurs de soutien à l'Union est-elle inexorable ? Il existe à vrai dire un certain nombre d'éléments encourageants et de raisons d'espérer.
Malgré la montée du sentiment que des solutions nationales permettraient d'être mieux protégés face à la crise, l'Union conserve un crédit certain auprès des Européens, notamment en comparaison avec les autres acteurs majeurs : elle est ainsi considérée comme la plus à même d'agir efficacement face aux conséquences de la crise. Si elle a partagé - une seule fois - cette première place avec le gouvernement national (au printemps 2012 [10]), et si elle a été devancée par le G8 la première fois que la question a été posée (en janvier 2009, quelques mois seulement après le déclenchement de la crise [11]), l'Union européenne est arrivée en tête toutes les autres fois. Les plus forts taux de citations pour l'Union européenne sont enregistrés en Pologne (36%), ainsi qu'en Bulgarie, au Luxembourg et à Malte (31% chacun).
Et s'ils sont ceux chez qui les indicateurs de soutien à l'Union ont baissé le plus fortement, les jeunes (27% des 15-24 ans), les plus diplômés (25%) et les cadres (25%) restent les plus nombreux à considérer que l'Europe est la mieux placée pour agir efficacement.
Par ailleurs, avec cette forte baisse des indicateurs de soutien à l'Union, on peut légitimement se demander si les Européens pensent qu'ils seraient dans une meilleure situation si leur pays n'était pas membre de l'Union européenne. Il n'en est rien ! Bien au contraire, près de six Européens sur dix ne sont pas d'accord pour dire que leur pays pourrait mieux faire face à l'avenir s'il était en dehors de l'Union (58%, dont plus d'un quart qui est même " pas du tout d'accord "). Un peu moins d'un tiers est d'un avis contraire, et pense donc que leur pays serait mieux armé face à l'avenir en dehors de l'Union européenne (32%).
L'analyse nationale renforce la quasi-unanimité de ce sentiment d'une Union qui, finalement, serait assez protectrice dans le contexte économique actuel : dans 26 Etats membres, une majorité de personnes interrogées estime que pour faire face à l'avenir, il est préférable que leur pays soit dans l'Union européenne. Les plus hauts niveaux sont atteints au Danemark (77% pas d'accord avec la proposition " (NOTRE PAYS) pourrait mieux faire face au futur s'il/ elle était en dehors de l'UE "), aux Pays-Bas (75%) et au Luxembourg (74%). Seule exception à la règle, et sans surprise, les Britanniques sont majoritairement convaincus qu'ils s'en sortiraient mieux en dehors de l'Europe.
Dans toutes les catégories (sexe, âge, niveau de diplôme et catégorie socioprofessionnelle), une nette majorité des Européens considère que le pays est mieux armé pour faire face à l'avenir au sein de l'Union européenne.
Que doit faire l'Europe ? Comment montrer aux Européens que l'Union est à leurs côtés pour faire face à la crise ? Ici, l'action est le maître mot. Les Européens attendent que l'Union agisse contre la crise : lorsqu'on s'intéresse au jugement que les Européens portent sur l'efficacité des actions entreprises par l'Union européenne depuis le début de la crise, on mesure une corrélation très importante avec la confiance dans l'Union européenne (0,81, au printemps 2012 [12]) : assez logiquement, les attitudes à l'égard de l'Europe sont fortement liées à l'efficacité perçue des politiques européennes.
L'Union doit donc agir. Oui, mais comment ? Tout d'abord, en jouant un rôle protecteur et de soutien aux citoyens : en effet, c'est sur le plan social que l'Union est d'abord attendue. Pour plus de la moitié des Européens, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale doit être la première priorité pour le Parlement européen (53%). Très loin devant la coordination des politiques économiques, budgétaires et fiscales (35%), une politique de l'agriculture respectueuse de l'environnement et contribuant à l'équilibre alimentaire mondial (30%), et la lutte contre le changement climatique (28%). Les autres dimensions sont citées par moins d'un quart des personnes interrogées.
Chaque fois qu'on a posé cette question, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale s'est imposée, de très loin, comme la première priorité des Européens. Dans les premiers mois après son démarrage, en septembre 2008, la crise a pu apparaître comme assez lointaine, une sorte d'événement assez abstrait, qui concernait surtout le monde de la finance, les banquiers et les traders. Mais dorénavant, la crise est là, réelle et concrète. La population est touchée très directement ; le chômage n'a jamais été aussi fort dans l'Union européenne, et est, d'assez loin, la préoccupation n°1 des Européens. Et c'est donc sur ces sujets sociaux, avant toute chose, que l'Union est attendue.
Conclusion
Depuis 2007, la montée de l'euroscepticisme semble irrésistible. Image, confiance, optimisme pour l'avenir, les indicateurs sont différents, mais le constat est le même : les Européens sont de moins en moins nombreux à soutenir l'Union européenne.
Et si la tentation est grande d'expliquer cette tendance à la baisse par la situation économique, force est de constater que cela ne suffit pas.
Les Européens sont de plus en plus nombreux à être tentés par un repli national. Après avoir, dans les premiers mois après le démarrage de la crise, considéré que l'Union européenne pourrait faire office de bouclier, l'opinion selon laquelle pour s'en sortir on serait peut-être mieux seul sans les autres Etats membres gagne du terrain. Evidemment, c'est notamment à cause de la crise que cette tendance progresse dans l'opinion publique. C'est donc, là aussi, la situation économique qui affecte le soutien à l'Union européenne. Non pas de manière directe et instantanée, mais par le biais d'autres dimensions secondaires. En d'autres termes, si les opinions négatives sur l'Europe sont en hausse, ce n'est pas exclusivement parce que la situation économique est mauvaise. C'est aussi parce que cette situation économique engendre d'autres phénomènes d'opinion, qui influencent, eux aussi, le soutien à l'Union européenne de manière négative.
Quoi qu'il en soit, l'Union est toujours considérée comme l'acteur le plus à même d'agir de manière efficace pour faire face à la crise. Mais cette première place induit également une certaine responsabilité à l'Union, voire même un devoir : celui d'agir. Les Européens souhaitent en effet voir l'Europe prendre des actions pour soutenir les citoyens qui sont de plus en plus nombreux à subir directement les conséquences de la crise. Et c'est évidemment dans la lutte contre le chômage et le soutien aux populations les plus précarisées que l'Union est la plus attendue. L'Union doit apparaître " au travail ", sur le terrain, au plus près des citoyens. C'est comme cela qu'elle parviendra à redorer son image, sérieusement écornée depuis le début de la crise. La visibilité des actions de l'Union est ici essentielle : elle doit plus et mieux communiquer sur ses actions de soutien aux Européens.
Un an avant les prochaines élections européennes, il n'est pas trop tard pour inverser ou, du moins, infléchir cette tendance baissière : il en va du succès du prochain scrutin européen. Car le risque de voir les Européens se désintéresser totalement des prochaines élections est bien réel. Avec comme explication, le sentiment que " de toutes manières, cela ne changera rien pour moi ". Les Croates, avec leur taux de participation de 20% aux élections européennes, ont adressé un avertissement, qu'il convient de prendre très au sérieux. Car on peut leur faire confiance : les plus farouches opposants à l'Union sauront se mobiliser pour ce scrutin.
[1] Eurobaromètre Standard 67, printemps 2007.
[2] Eurobaromètre Standard 78, automne 2012.
[3] Eurobaromètre Standard 73, printemps 2010.
[4] La Bulgarie, pour laquelle la confiance a très légèrement augmenté depuis 2007 (+6 points, de 54% à 60% ; mais -3 pour l'image et -2 pour l'optimisme face à l'avenir).
[5] Voir notamment l'article de Daniel Debomy, " L'UE non ; l'euro oui ! Les opinions publiques européennes face à la crise (2007-2012) ", pour Notre Europe.
[6] EB71.1 Eurobaromètre spécial 311, la crise économique et financière, janvier-février 2009.
[7] Eurobaromètre Standard 70, Automne 2008.
[8] Eurobaromètre standard 76, automne 2011
[9] Différence entre les proportions " pour " et " contre " un futur élargissement à d'autres pays dans les années à venir.
[10] Eurobaromètre Standard EB77
[11] EB71.1 Eurobaromètre spécial 311, la crise économique et financière, janvier-février 2009. Dans les vagues suivantes, le G8 a été remplacé par le G20.
[12] Eurobaromètre standard EB77, printemps 2012
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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