Union économique et monétaire
Bruno Le Maire
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ENBruno Le Maire
Cette demande reflète la préoccupation croissante des citoyens et des gouvernements européens face à la difficulté à taxer de manière adéquate les revenus des grandes entreprises de l'internet opérant en Europe.
Ces entreprises fournissent des services indispensables et ouvrent de multiples possibilités nouvelles à des millions de citoyens. Nous ne contestons pas le rôle essentiel et bénéfique que jouent ces entreprises. Au contraire, nous continuerons à encourager l'investissement en faveur de l'innovation, en particulier dans le domaine de l'économie numérique, en France et dans toute l'Europe. Les entreprises du numérique connaissent par ailleurs une croissance très rapide : la croissance annuelle du chiffre d'affaires des plus grandes entreprises de ce secteur est de 14 % en moyenne, contre 3 % pour les autres types de multinationales. Malgré cela, elles sont imposées à un taux de 14 points inférieur à celui auquel sont soumises les entreprises similaires d'autres secteurs, soit 9 % en moyenne contre 23 % pour les entreprises comparables fonctionnant selon un modèle économique classique.
Cette situation est profondément injuste, pour les autres grandes entreprises comme pour les PME. Elle est également source d'inefficacité et prive les États de recettes dont auraient légitimement dû bénéficier leurs citoyens et qui auraient pu couvrir des dépenses publiques essentielles, par exemple dans les domaines de la santé et de l'éducation. Les entreprises du numérique profitent par ailleurs des investissements publics, notamment de ceux effectués dans la formation et les réseaux d'infrastructure. Si les plus grandes multinationales du numérique ne s'acquittent pas de leur juste part d'impôts, c'est nous tous qui finissons par payer plus.
C'est pourquoi la France, travaillant en étroite collaboration avec de nombreux autres États européens, pense qu'il faut trouver une solution pour restaurer une situation juste et des conditions de concurrence équitables entre tous les secteurs de l'économie.
Pour répondre à cette demande, la Commission européenne a soumis en mars 2018 deux propositions de directive : l'une prévoyant une solution à long terme liée aux travaux en cours à l'OCDE pour résoudre ces problèmes, et l'autre prévoyant une solution à court terme au niveau européen dans l'attente d'une solution globale de l'OCDE, à savoir l'instauration d'une taxe sur les services numériques (TSN), consistant en une imposition temporaire du chiffre d'affaires découlant de certaines activités menées par les plus grandes entreprises de l'internet.
La France soutient pleinement une solution globale à long terme. Il faudra du temps pour y parvenir, car elle devra être adoptée à l'échelon international et parce qu'elle touche à des questions plus larges liées à la fiscalité internationale. D'ici là, nous pensons qu'il est nécessaire d'apporter une réponse rapide, efficace et immédiate afin de restaurer l'équité et l'efficience de notre système fiscal européen. Comme une majorité de pays de l'UE, la France est convaincue que la directive provisoire établissant une taxe sur les services numériques devrait être adoptée d'ici à la fin de l'année.
Des discussions ont actuellement lieu au Conseil entre les ministres des finances et la présidence autrichienne de l'UE a fait de cette question une priorité de premier plan pour ses travaux. De nombreux pays soutiennent désormais la proposition de la Commission et presque tous conviennent que la situation actuelle pose un réel problème. Nous souhaiterions que le soutien aux négociations en cours visant à parvenir à une solution rapide et efficace d'ici à la fin de l'année mobilise le plus grand nombre. Les citoyens européens ont besoin de constater que l'UE peut apporter des réponses aux questions qui les concernent et qui suscitent leur colère : je suis convaincu que notre devoir collectif est de répondre à cette attente.
L'argumentaire ci-joint, issu de mes services, présente de manière plus détaillée les raisons pour lesquelles nous pensons que l'action dans ce domaine est essentielle et il répond aux critiques formulées dans diverses enceintes.
ANNEXE 1 :
Pourquoi il faut adopter la taxe sur les services numériques
avant la fin de l'année 2018
Il y a un an, lors de la réunion informelle des ministres des affaires économiques et financières qui s'est tenue en septembre 2017 à Tallinn, un grand nombre de ministres des finances ont appelé l'Union européenne (UE) à agir pour faire face aux nouvelles problématiques en matière de fiscalité internationale soulevées par l'économie numérique. En effet, les citoyens et les gouvernements européens sont de plus en plus préoccupés par la difficulté à taxer de manière adéquate les revenus des géants de l'internet opérant en Europe, qui conduit à une situation inéquitable puisque les entreprises du numérique sont imposées à un taux de 14 points inférieur à celui auquel sont soumises les entreprises similaires d'autres secteurs.
Pour répondre à cette demande, la Commission européenne a soumis le 21 mars deux propositions de directives : l'une prévoyant une solution à long terme et destinée à alimenter le débat international en cours à l'OCDE, et l'autre prévoyant une solution à court terme au niveau européen, à savoir la mise en place de la taxe sur les services numériques (TSN), consistant en une imposition temporaire du chiffre d'affaires.
Cette proposition de directive de taxe sur les services numériques est d'une grande importance politique puisqu'elle apportera une solution rapide, efficace et immédiate contribuant à rétablir l'équité et l'efficacité du système d'imposition, dans l'attente de l'obtention d'un consensus international au sein de l'OCDE qui pourrait prendre plus de temps. Elle est actuellement débattue au Conseil.
Il existe un véritable élan en faveur d'une adoption rapide de la TSN parmi les États membres, dans l'opinion publique et au Parlement européen. Nous pensons que les ministres des finances de l'UE pourraient parvenir à un accord politique avant la fin de l'année, sous la présidence autrichienne.
1. Le passage de l'économie au numérique remet en cause la pertinence des règles fiscales internationales actuelles
Comme cela a été souligné par les chefs d'État et de gouvernement du G20 et dans les travaux en cours au sein de l'OCDE, le cadre international actuel ne permet pas d'imposer de manière adéquate les bénéfices découlant de certains modèles économiques du secteur numérique, en particulier lorsque les entreprises mènent des activités dans un État sans présence physique réelle sur ce territoire. Par ailleurs, les entreprises de ce secteur s'appuient sur un processus de création de valeur nouveau et particulier, qui dépend notamment de la participation des internautes, laquelle sort du cadre d'imposition traditionnel.
Il en résulte que les bénéfices de certaines entreprises ne sont pas imposés là où la valeur est créée. Plus généralement, les multinationales du numérique sont moins imposées que d'autres entreprises, bien que leurs bénéfices soient très élevés et ne cessent de croître.
Cette situation pose donc des problèmes pour l'équité entre les entreprises et vis-à-vis des citoyens, et pour la viabilité des finances publiques.
Actuellement, le taux d'imposition moyen des entreprises du numérique s'élève à 9 % alors qu'il est de 23 % pour les entreprises d'autres secteurs[1].
2. Il est légitime que l'Europe prenne des mesures rapidement pour améliorer et protéger son marché intérieur
L'UE a bâti le plus grand marché intérieur au monde. Grâce aux libertés fondamentales garanties par l'UE, ce marché est plus ouvert que tout autre marché intérieur, et il a été progressivement harmonisé pour favoriser une concurrence loyale et éviter les distorsions.
L'UE est donc un marché de premier choix pour les entreprises du numérique, notamment grâce aux investissements, à la fois publics et privés, effectués pour offrir à tous les citoyens européens un meilleur accès à Internet. En moyenne, ce marché représente au moins 25 % du chiffre d'affaires des multinationales du numérique opérant dans le monde entier.
Certaines entreprises, par exemple celles du secteur de la publicité en ligne, ont connu une croissance si rapide, en étant moins imposées, qu'elles occupent désormais une position dominante, ce qui soulève de grandes inquiétudes en matière de concurrence. Enfin, en raison des écarts de taux d'imposition, les entreprises imposées de manière classique, notamment les PME du numérique et les start-ups, sont fortement pénalisées par la situation actuelle. L'existence de conditions de concurrence équitables au sein de l'UE, au fondement du marché intérieur, n'est plus garantie.
Il est donc urgent d'agir puisque le marché intérieur est menacé. Certains pays pourraient être tentés de légiférer au niveau national pour résoudre les problèmes actuels, ce qui est compréhensible mais pourrait accentuer la fragmentation du marché intérieur. Il est donc essentiel de disposer d'un cadre européen pour préserver son intégrité.
Par ailleurs, l'adoption de règles communes au niveau européen garantirait la prévisibilité fiscale, serait plus simple pour les entreprises et favoriserait le respect des obligations fiscales, tandis que l'instauration de nouvelles règles nationales pourrait être génératrice d'insécurité et créer des charges financières supplémentaires.
3. L'adoption d'une solution provisoire n'empêche pas la recherche d'une solution globale
L'objectif, à terme, est de parvenir à un consensus international sur les règles fiscales à appliquer, conformément à la volonté du G20. Toutefois, il faudra sans doute du temps avant de pouvoir mettre en oeuvre une telle solution puisque les pays expriment naturellement différentes opinions, qu'il reste à concilier.
Par conséquent, il pourrait être souhaitable, comme le souligne le dernier rapport de l'OCDE, que des mesures provisoires soient prises au niveau régional pour remédier aux lacunes. De nombreux pays ont déjà agi en ce sens ou prévoient de le faire prochainement. L'UE peut donc légitimement prendre de telles mesures. Cela ne diminuerait en aucun cas la volonté de l'UE de parvenir à un accord global, bien au contraire cela permettrait de l'accélérer, sans préjuger non plus de la teneur de la solution internationale finalement adoptée.
4. La TSN est ciblée et limitée
La TSN a été conçue à dessein comme une mesure provisoire au champ limité et ciblé (revenus issus de la publicité en ligne, de l'intermédiation des plates-formes et de la vente de données) et elle ne s'appliquera qu'aux plus grandes entreprises. Elle a pour but de remédier rapidement aux lacunes les plus flagrantes du cadre fiscal actuel.
5. La TSN est destinée à être une mesure provisoire
Dès lors qu'une solution à long terme sera mise en oeuvre, la TSN ne sera plus nécessaire. La présidence autrichienne prévoit de l'indiquer explicitement dans la directive via l'intégration d'une clause d'extinction.
6. La TSN garantit l'équité fiscale entre toutes les entreprises
À la différence des activités traditionnelles, les modèles économiques du numérique reposant sur l'interactivité et les autres modèles économiques impliquant une contribution active des internautes sont associés à un nouveau type de chaîne de création de valeur faisant intervenir de multiples parties. Les internautes jouent un rôle essentiel dans ces modèles, en particulier ceux reposant sur les données relatives aux utilisateurs (contenu et métadonnées).
La TSN cible les revenus du secteur numérique qui n'entrent pas dans le champ d'application des règles fiscales actuellement en vigueur, en particulier la valeur supplémentaire découlant de l'utilisation de données et de l'application de modèles économiques à contributions multiples reposant sur des intrants liés à la source.
Il ne faut pas confondre "participation des utilisateurs" et "consommation" (laquelle ne nécessite aucune participation) ; ainsi, la TSN ne repose pas sur le principe de taxation au lieu de destination et n'est contraire à aucune règle internationale actuellement en vigueur.
7. La TSN ne freine pas l'innovation
Seules les plus grandes entreprises du numérique (celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros) seront assujetties à la TSN. Les PME, les start-ups et toutes les entreprises classiques, même celles fournissant des services numériques à titre accessoire, seront exclues de son champ d'application. L'UE continuera de promouvoir activement et de favoriser l'instauration d'un marché numérique ouvert et créatif.
La TSN contribuera à rétablir des conditions de concurrence équitables entre les entreprises du numérique, indifféremment de leur taille et de leur lieu d'implantation. Elle est ainsi une composante essentielle de la stratégie de l'UE relative au marché intérieur numérique.
Par ailleurs, les recettes fiscales issues de la TSN resteront contenues : environ 5 milliards d'euros pour l'ensemble de l'UE. Les multinationales du numérique étant largement bénéficiaires, la TSN n'aura donc pas une incidence excessive sur les capacités financières de ces entreprises ou sur leurs décisions d'investissement en Europe.
8. La TSN est une solution immédiatement applicable qui n'accroît pas la charge administrative
La TSN étant une solution provisoire ne s'appliquant qu'à un petit nombre d'assujettis, elle devrait rester simple à administrer.
La TSN ne représentera pas une charge supplémentaire pour les grandes entreprises. Elle repose sur le chiffre d'affaires, qui est déjà calculé par les entreprises, et sur les activités numériques menées dans chaque État membre pour la répartition des recettes.
ANNEXE 2
Extraits de l'audition de Bruno Le Maire devant le Parlement européen
le 23 octobre à Strasbourg
"Pour une juste taxation des géants du numérique"
(...) " Il est temps de décider. Voilà le message simple que je suis venu délivrer le 23 octobre aux parlementaires européens. Il est temps de décider face à l'injustice fiscale qui fait qu'aujourd'hui nos entreprises en Europe, à Paris, Rome, Berlin, Londres, Madrid, payent 14 points d'impôts de plus que les entreprises du numérique. 23 %, c'est le taux de taxation moyen des entreprises européennes. 9 %, c'est le taux de taxation moyen des entreprises qui sont les géants du numérique. Plus vous faites de profits, moins vous êtes taxé : cela ne peut pas être la règle européenne, cela ne peut pas être notre conception de la justice fiscale européenne.
L'enjeu derrière tout cela, c'est d'abord un enjeu de justice : que toutes les entreprises qui bénéficient des 450 millions de consommateurs européens soient taxées au même niveau. Mais c'est aussi un enjeu d'efficacité. Comment financerons-nous demain nos services publics si nous faisons reposer des impôts sur les entreprises qui font le moins de marge et si celles qui font le plus de bénéfices payent moins d'impôts que les autres ?
Où en sommes-nous ? Depuis plus d'un an, nous avons beaucoup progressé. On nous disait qu'il était impossible d'obtenir le soutien des Etats européens sur la taxation des numériques.
A l'été 2017, nous avons lancé, avec le président de la République, une initiative pour aller vers cette justice fiscale. Nous avons eu dès le départ le soutien du ministre des Finances allemand, Wolfgang SCHÄUBLE, de l'Italie, de l'Espagne, de la Grande-Bretagne. Phil HAMMOND, le chancelier de l'Echiquier, a été précieux dans cette première étape.
En septembre 2017, au Conseil informel de Tallin, nous avons réussi à rassembler 19 Etats membres sur 27 autour de ce projet de taxation du numérique et nous avons depuis enregistré de nouveaux soutiens. D'abord à Tatras avec les quatre membres du groupe Visegrád que je tiens à remercier du soutien qu'ils m'ont apporté il y a quelques jours - la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie. Et nous avons également obtenu le soutien des Pays-Bas, du Luxembourg, des pays baltes en introduisant ce que nous appelons une sunset clause et en garantissant à ces Etats que dès qu'il y aura une solution au niveau de l'OCDE, bien entendu, la solution européenne sera remplacée par une solution internationale plus robuste et plus générale.
Il y a encore quelques Etats qui hésitent, il faut les convaincre parce que l'Europe, aujourd'hui, n'a plus besoin de discussions, de palabres, d'échanges sur des sujets qui ont déjà été creusés en long, en large et en travers ; elle a besoin d'une décision claire, nette, forte. Laissons de côté l'Europe de la discussion et de la palabre, mettons en avant, face à la montée des extrêmes, l'Europe de la décision qui affirme sa souveraineté économique et qui se montre capable de défendre ses intérêts économiques propres de manière libre et de manière souveraine.
J'entends les critiques qui peuvent être faites ici ou là. On me dit que cette taxe de 3 % n'est pas suffisamment ciblée. C'est faux : elle est ciblée sur les activités numériques où l'utilisateur crée de la valeur ajoutée en fournissant ses données. Comment peut-on accepter que des millions de consommateurs européens donnent gratuitement leurs données sans qu'il y ait au passage une taxe ? La donnée est la valeur du XXIe siècle, que c'est la valeur la plus précieuse. Et comment peut-on accepter que cette valeur la plus précieuse ne soit pas taxée alors que des valeurs moins précieuses, elles, sont taxées ?
On me dit que 5 milliards d'euros, ce n'est pas assez et que c'est un rendement insuffisant, que, dans le fond, on peut se passer de 5 milliards d'euros. Le ministre des Finances que je suis vous dit qu'un euro est un euro et qu'un euro est toujours bon à prendre. Et quand ce sont 5 milliards, c'est encore mieux parce qu'avec 5 milliards, on peut financer 3 millions d'échanges ERASMUS chaque année. Si nous pouvions dire tous ensemble à tous les étudiants européens que nous avons trouvé les moyens de financer 3 millions d'échanges ERASMUS supplémentaires chaque année, je pense que nous aurions fait œuvre utile.
On me dit : "mais l'OCDE va trouver une solution". Tant mieux ! Mais je vais vous dire ma conviction après des mois et des mois de négociations : nous aurons d'autant plus vite une solution à l'OCDE que l'Europe aura été capable d'affirmer sa décision et de créer cette taxe sur le numérique, car du jour où il y aura une taxe européenne sur les géants du numérique, comme par enchantement, vous verrez les travaux de l'OCDE s'accélérer.
Donc, tous ceux qui croient aux travaux de l'OCDE et tous ceux qui veulent une solution internationale, je les invite à soutenir cette taxation au niveau européen parce qu'elle accélérera les travaux de l'OCDE et que tout d'un coup, ces travaux prendront un nouvel élan.
J'entends également certaines interrogations qui m'ont été posées ici ou là. Pour certaines, je peux les comprendre et je pense qu'il faut y répondre parce que ces critiques sont justifiées. En revanche, d'autres ne sont que des prétextes à l'inaction et ces prétextes, je veux les lever.
Est-ce que nous allons remettre en cause le principe de taxation sur le lieu de production ? Non, ce n'est pas le sujet. Nous ne remettrons pas en cause le principe de taxation sur le lieu de production et s'il faut l'écrire noir sur blanc, nous l'écrirons noir sur blanc. Nous ne souhaitons pas une révolution générale du système fiscal qui pourrait engendrer des déplacements de valeurs très importants et remettre en cause certains équilibres économiques dans les nations européennes.
On me dit : "vous ciblez les Etats-Unis, c'est une attaque directe contre les Etats-Unis". Absolument pas ! Les Etats-Unis sont nos alliés, les Etats-Unis sont nos partenaires économiques. Vous me permettrez juste de faire deux observations sur ce sujet. La première, c'est que j'ai eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises avec le Secrétaire américain au Trésor de ce projet de taxation du digital, je sais que le Sénat américain a écrit à la Commission européenne sur ce sujet mais croyez-moi, cela ne me semble pas aujourd'hui la préoccupation première de l'administration américaine vis-à-vis de l'Europe, il y en a d'autres que je serai heureux de citer si vous le souhaitez.
Ma deuxième remarque, c'est que lorsque l'administration Trump a voulu mettre en place un nouveau système fiscal qui pose un problème de double taxation et qui pose un problème de compétition fiscale majeur pour l'Union européenne, pour les entreprises américaines qui sont implantées en Europe et qui, aujourd'hui, risquent de rapatrier leur production aux Etats-Unis, croyez-vous que Monsieur Trump a demandé l'autorisation à l'Union européenne ?
Ma conception de l'Union européenne, c'est qu'elle ne va pas demander de son côté l'autorisation à Monsieur Trump lorsqu'elle décide de créer une justice fiscale à la hauteur de nos valeurs et de nos intérêts.
On me dit : "vous allez bouleverser les modèles économiques de certains pays européens." Absolument pas ! Je suis respectueux de tous les pays européens. Il n'y a jamais eu dans ma conception de l'Europe de petites et de grandes nations, il y a un ensemble de nations qui ont décidé de souder leur avenir en commun et nous apporterons des solutions à tous ceux qui ont des préoccupations. L'Irlande a des préoccupations, je peux la comprendre : elle doit affronter le " Brexit ", elle a un modèle économique qui est fondé sur la présence massive de géants du numérique sur son territoire. Nous tiendrons compte des préoccupations de l'Irlande parce qu'on n'impose pas en Europe, on convainc ; on ne force pas, on argumente et c'est ce que je fais devant vous aujourd'hui.
Est-ce que d'autres solutions plus vastes sont envisageables, comme celle qu'a proposée mon ami et partenaire, le vice-chancelier allemand, Olaf SCHOLZ, sur une imposition minimale ? Bien sûr, et je suis ouvert à cette proposition ! Comme on dit en France, qui peut le plus peut le moins. Donc, si nous sommes capables d'avoir une taxation des géants du numérique décidée à la fin de l'année 2018, cela doit nous servir à élargir ensuite à cette très bonne proposition d'Olaf SCHOLZ d'avoir une vraie réflexion sur l'imposition minimale qui évitera l'évasion fiscale, qui heurte tous nos compatriotes et nos concitoyens européens.
Toute dernière remarque sur les arguments plus faibles que j'entends ici ou là. D'abord sur la double taxation : il n'a jamais été question de double taxation. Certains nous disent aussi qu'il suffira d'avoir un site de vente en ligne ou de revendre des données techniques pour être taxé : c'est faux. Tous ces arguments techniques ne tiennent pas la route. Je le redis : ce sont des prétextes à l'indécision, qui font le lit des extrêmes.
Je voudrais conclure sur les arguments techniques que je viens d'avancer. La question que nous devons nous poser aujourd'hui, c'est de savoir si l'Europe est devant ou si elle est derrière, si elle invente ou si elle subit, si elle défend ses valeurs ou si elle accepte celles des autres, si elle protège ses intérêts économiques ou si elle est un vaste espace de libre-échange qui subit les transformations économiques mais qui n'est pas capable d'en tirer le moindre bénéfice. La question que nous devons nous poser, c'est si l'Europe est capable de comprendre que, désormais, la valeur du XXIe siècle, c'est la donnée et que par conséquent, nous devons être le premier continent entre la Chine et les Etats-Unis à proposer une juste taxation de cette nouvelle valeur ou si nous continuons à subir ce que d'autres continents et d'autres puissances veulent nous imposer.
Moi, je crois à une Europe du XXIe siècle qui est capable d'imposer ses valeurs, de défendre ses intérêts, d'affirmer sa souveraineté. Cela dépend de vous, vous parlementaires ; cela dépend de nous, Gouvernements ; et dans quelques mois, cela dépendra des peuples qui nous jugeront.
[1]Commission européenne - Analyse d'impact relative à la directive concernant la taxe sur les services numériques.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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