Élargissements et frontières
Thierry Chopin,
Lukáš Macek
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Thierry Chopin
Lukáš Macek
Introduction
Le 1er janvier 2007, avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, le 5ème élargissement de l'Union européenne s'achève. Il restera dans l'histoire comme celui qui a porté les frontières de l'Europe communautaire à l'échelle continentale, réunifiant les peuples qui se retrouvent dans l'héritage culturel et politique d'une certaine réalité européenne qui avait façonné notre continent, depuis des siècles [1].
Néanmoins, ce caractère historique – qui a fait rêver les Européens en 1989 – semble dorénavant leur échapper. Cet élargissement, pourtant préparé et négocié pendant environ quatorze ans (celui de l'Espagne et du Portugal a pris une dizaine d'année, celui de la Grèce sept ans seulement), est contesté. Parmi les raisons avancées pour rendre compte du désarroi dans lequel se trouve plongée actuellement l'Union européenne, le développement d'interrogations à l'égard du processus d'élargissement et de ses conséquences tant économiques, institutionnelles que stratégiques constitue un élément fondamental.
La période 2000-2006, marqué par l'avènement de l'Union européenne à 25, n'a cessé d'être accompagnée d'un discours pessimiste sur les chances de la construction européenne à survivre à l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale. Rien ne serait plus possible à 25, tant à cause du nombre que faute de convergence de situations, d'intérêts et d'objectifs entre les "anciens" et les "nouveaux". La réalité semble apporter un démenti clair à ces prophéties de malheur, mais l'air du temps ne change pas du jour au lendemain et certains clichés, a fortiori s'ils sont nourris d'un bon nombre d'arrière-pensées politiques, ont la vie longue. Ainsi, il est plus que probable que le passage à 27 Etats membres relancera le discours sur la supposée incapacité de l'Union élargie à approfondir le projet européen.
C'est pourquoi, à cette même occasion, nous tenons à réexaminer les idées communément admises dans le débat public, notamment en France, concernant la relation entre l'élargissement et l'approfondissement de l'intégration européenne.
Ceci est d'autant plus urgent que, si l'élargissement en tant que tel n'est pas responsable des difficultés actuelles de l'Union, le fantasme d'un élargissement destructeur contribue fortement, telle une prophétie auto-réalisatrice, à déstabiliser l'intégration européenne. Un des éléments qui affaiblissent l'Union est "la difficulté qu'éprouvent, en France, les élites pro-européennes traditionnelles à penser positivement une Union européenne qui a changé d'échelle depuis la fin de la guerre froide. Ce désenchantement des pro-européens traditionnels à l'égard de l'élargissement est un élément aussi important que l'euroscepticisme en l'absence actuelle d'un débat positif sur l'Europe en France, car les relais militants sont traversés par le doute en pensant encore qu'union politique équivaut nécessairement à petite Europe [2]".
Ce texte cherche à répondre à ces pro-européens désenchantés. En effet, le dépassement de ce désenchantement nous semble une condition indispensable pour relancer le projet européen.
I - L'élargissement n'est pas la source de tous les maux..
Aborder les questions relatives à l'approfondissement et à l'élargissement de l'Union européenne suppose d'emblée de combattre plusieurs idées fausses, parmi lesquelles :
• l'idée complaisamment propagée selon laquelle la crise politique que traverse actuellement l'Union serait due en grande partie à l'élargissement, véritable source de blocage et de paralysie ;
• l'idée qu'approfondissement et élargissement seraient incompatibles, voire que l'élargissement aurait empêché l'approfondissement du projet européen, ces dernières années.
Non, l'élargissement n'est pas une source de blocage
Considérer que le passage à 25 se traduit par un blocage de la machine communautaire relève de ces évidences entendues de manière récurrente sans jamais qu'elles soient interrogées. Le consensus facile à obtenir à 6, difficile à 15, deviendrait impossible à 25 ou 27 : simple question de mathématique... Or que constatons-nous? Les gouvernements des 15 ont échoué à Nice, là où les 25 ont réussi à Rome en 2004, avec un accord sur le projet de traité constitutionnel. La négociation des perspectives financières 2007-2013 n'a été ni plus longue, ni plus difficile que par le passé. La directive sur la libéralisation des services a commencé avec des blocages à 15 pour aboutir à un compromis à 25. Quelle que soit l'institution examinée, le diagnostic reste le même : la machine communautaire continue de fonctionner et le passage de 15 à 25 n'a pas débouché sur une cacophonie ingérable d'intérêts inconciliables [3].
Au fond, cet état de fait n'a guère de quoi surprendre. Les nouveaux Etats membres, malgré un discours politique parfois revendicatif, n'en sont pas moins durablement marqués par l'expérience du processus d'assimilation de l'acquis communautaire. Cette habitude, prise lors des années de pré-adhésion, se double certes d'un manque d'expérience pour le moins compréhensible. Cette situation des nouveaux Etats membres débouche logiquement sur un assez fort mimétisme par rapport aux "anciens". De surcroît, l'UE à 15, de la Finlande au Portugal et de l'Irlande à la Grèce présentait déjà un très large éventail d'options, de nuances, d'intérêts et de préférences nationales. Les nouveaux Etats membres augmentent rarement l'hétérogénéité des positions au sein de l'Union ; ils s'allient volontiers avec tel ou tel "ancien". Le phénomène constaté n'est donc pas un blocage du processus décisionnel, mais plutôt une transformation des rapports de force sur de nombreux dossiers.
Or, c'est sans doute dans ce dernier élément qu'il faut chercher la raison principale des discours nostalgiques, en France en particulier, sur la "petite Europe". Celle-ci n'a pas forcément mieux fonctionné (faut-il rappeler les blocages des années 1960 ?), mais a fonctionné autrement. Ce sont les stratégies individuelles, de tel ou tel Etat membre, qui se trouvent bloquées, pas la machine communautaire. Néanmoins, la construction européenne se trouverait en effet menacée à son tour, si ce changement se traduisait par des mouvements d'humeur des Etats se trouvant dans l'obligation de repenser leur stratégie et leurs objectifs. Le référendum français sur la Constitution européenne doit être analysé aussi dans ces termes.
L'élargissement de 2004-2007 oblige la France à une clarification de son projet européen - et ce processus s'avère fort douloureux. Pendant un demi-siècle, la France a su combiner deux visions radicalement différentes de la raison d'être de son engagement européen. En simplifiant : d'un côté, le projet des "pères fondateurs" qui présuppose une convergence fondamentale des intérêts des Etats membres et qui vise à constituer une communauté politique au niveau européen, où certes la voix française reste forte, mais où les solutions relèvent de compromis négociés entre tous les Etats membres, qui les acceptent au nom de la conscience de leur fragilité individuelle et de la réalité d'un intérêt commun ; de l'autre, s'y oppose le projet gaulliste d'une Europe qui n'est qu'un multiplicateur de puissance, un instrument permettant à la France de défendre et de promouvoir ses intérêts qui continuent à être définis sur une base strictement nationale. La classe politique française s'est bien gardée de lever cette ambiguïté. Si la France des années 70 et 80 faisait avancer le projet européen en accord avec la vision des "pères fondateurs", cela a été possible en partie grâce à la capacité de ses dirigeants à tenir un discours à l'opinion publique qui faisait appel à une rhétorique insistant sur la transposition au niveau européen des conceptions françaises. Or, si à 6 un leadership français fort a été une réalité naturelle, à 25 il se transforme en un combat de tous les jours, aux résultats incertains. Le "non" du 29 mai 2005 peut aussi être analysé comme l'effet d'un réveil brutal des Français qui découvrent que la France peut être en minorité en Europe et même qu'elle peut l'être souvent si elle continue de s'évertuer à promouvoir des idées qui ne sont pas susceptibles d'être partagées par ses partenaires [4]. Cette attitude est aisée à assumer si l'on croit à la vision des "pères fondateurs". Mais cette prise de conscience est insupportable à celui qui n'accepte l'Europe qu'en tant qu'elle serait conçue comme une simple projection des idées et des intérêts français à l'échelle de l'Union.
Dépasser l'opposition "approfondissement / élargissement"
La deuxième idée fausse contre laquelle il faut lutter est l'idée complaisamment propagée selon laquelle l'élargissement serait incompatible avec l'approfondissement de la construction européenne. Il est notable en effet que le discours dominant privilégie une grille de lecture selon laquelle la crise actuelle de l'Union trouverait son origine dans la rupture entre la dynamique (voire l'accélération selon certains) de l'élargissement et l'essoufflement progressif de l'approfondissement institutionnel, débouchant sur le blocage actuel suite à l'échec du processus de ratification du traité constitutionnel au printemps 2005. Dans ce contexte, certaines contributions actuelles tentent de concevoir des scénarios visant à retrouver un équilibre en élaborant des alternatives à l'adhésion sous la forme par exemple d'un "partenariat privilégié", voire en préconisant le retour à une "petite Europe", à travers le recours à "l'intégration différenciée". Tous ces efforts, même sous leurs formes les plus élaborées, fondent le plus souvent leur démarche sur une mise en question du 5ème l'élargissement, présenté comme une fuite en avant et in fine la source de l'affaiblissement de l'Union.
Sans nier la réalité des défis institutionnels, socio-économiques et stratégiques qui accompagnent ce dernier élargissement, achevé avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'UE, il convient de rappeler l'objectif de la construction européenne pour mieux rendre compte du sens même du processus d'élargissement. Pour le dire rapidement, l'héritage d'un demi-siècle de construction européenne est d'abord géopolitique, en ce qu'il a permis la réconciliation des pays du continent. C'est dans le contexte de désolation et d'affaiblissement créé par la Seconde Guerre mondiale que l'objectif fondateur de la construction européenne prend tout son sens : oeuvrer à la réconciliation des pays d'Europe et établir durablement la paix sur le continent. C'est la poursuite de cet objectif de paix et de réconciliation qui donne son sens aux différents élargissements de la Communauté puis de l'Union européenne.
En effet, le moment fondateur de la construction européenne est la volonté de réconciliation entre l'Allemagne et ses voisins. Le contexte des années 50 a limité cette volonté à ses seuls voisins occidentaux, alors qu'il est évident que, en l'absence du rideau de fer, la Pologne et la Tchécoslovaquie auraient tout naturellement participé au processus lancé par la Déclaration Schuman, au même titre que la France ou les pays du Benelux. L'exclusion des pays d'Europe centrale du processus d'intégration européenne a été purement conjoncturelle aux yeux des "pères fondateurs", comme l'atteste cette citation de Robert Schuman : "Nous devons faire l'Europe non seulement dans l'intérêt des peuples libres, mais aussi pour pouvoir y accueillir les peuples de l'Est qui, délivrés des sujétions qu'ils ont subies jusqu'à présent, nous demanderaient leur adhésion et notre appui moral. Depuis de longues années nous avons douloureusement ressenti la ligne de démarcation idéologique qui coupe l'Europe en deux. Elle a été imposée par la violence. Puisse-t-elle s'effacer dans la liberté ! Nous considérons comme partie intégrante de l'Europe vivante tous ceux qui ont le désir de nous rejoindre dans une communauté reconstituée. Nous rendons hommage à leur courage et à leur fidélité, comme à leurs souffrances et à leurs sacrifices. Nous leur devons l'exemple d'une Europe unie et fraternelle. Chaque pas que nous faisons dans ce sens constituera pour eux une chance nouvelle. Ils auront besoin de nous dans l'immense tâche de réadaptation qu'ils auront à accomplir. La communauté européenne doit créer l'ambiance pour une compréhension mutuelle, dans le respect des particularités de chacun ; elle sera la base solide d'une coopération féconde et pacifique. Ainsi s'édifiera une Europe nouvelle, prospère et indépendante. Notre devoir est d'être prêts" [5].
La logique de réconciliation fondatrice s'est donc naturellement remise à l'oeuvre depuis la fin de la Guerre froide, ouvrant ainsi la perspective d'une réunification de tout le continent européen. Avec le 5ème élargissement, l'Union européenne est en passe de réaliser l'objectif initial de la construction européenne, en étendant l'espace de paix et de prospérité qu'elle a créé aux pays d'Europe centrale, orientale, baltique, méditerranéenne et, à terme, balkanique.
A travers cette réconciliation, la construction européenne a été productrice de paix ; l'élargissement est l'outil le plus efficace de la "politique extérieure" de l'Union, en tant que vecteur de réformes encourageant le développement et la stabilité dans les pays en transition. Cette perception de l'élargissement est encore très actuelle, car la perspective d'adhésion à l'Union européenne est le moyen le plus efficace de la pacification définitive des Balkans occidentaux. C'est par une "logique de chaînage territorial" et un "effet-frontière" (dont la réconciliation entre l'Allemagne et la France fournit une manifestation initiale exemplaire) que l'élargissement est devenu l'outil le plus efficace de la sécurité et d'une paix durable entre les Etats qui décident de devenir membres de l'Union [6]. Un tel constat permet de souligner la nécessité de dépasser les oppositions classiques, mais artificielles, entre "élargissement" et "approfondissement", en montrant qu'"élargir" l'Union, c'est aussi et avant tout "approfondir" le projet européen en lui donnant une assise territoriale plus vaste et plus solide.
L'approfondissement sans l'élargissement serait non seulement un contresens par rapport à l'idée même de la construction européenne telle qu'elle a été conçue en 1950, mais aussi une manière certaine de rendre ce projet insignifiant à l'échelle du monde actuel. En effet, une prise en considération renouvelée des "échelles" - au sens géographique du terme - de l'Union s'impose. Suivant les travaux récents de Michel Foucher, quatre niveaux doivent être clairement distingués [7] pour réfléchir sur la construction européenne : l'Europe des Pères fondateurs qui correspond grosso modo à l'Europe "carolingienne" ; depuis 1989 et ses conséquences jusqu'à l'élargissement de 2004-2007, l'échelle de référence est l'Europe "continentale" ce qui pose la question de la nature des relations avec la Russie ; la question épineuse, pour dire le moins, relancée par l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, en octobre 2005, conduit également à retenir comme autre échelle de référence la "dimension euro-méditerranéenne", dimension incontournable, de surcroît, en raison des problématiques actuelles et à venir relatives aux questions migratoires ; enfin, la réapparition d'enjeux de sécurité majeurs aux Proche et Moyen Orient, mais aussi en Asie, révèle aux Européens que l'"échelle mondiale" est une dimension désormais incontournable pour eux. La constitution d'une "Europe puissance", empêchée selon certains par l'élargissement, justifie au contraire ce dernier, en tant qu'il permet de donner à l'Union la taille critique et le poids (économique, démographique, politique) nécessaires pour peser à l'égal des autres pôles de puissance dans les affaires du monde. En effet, se replier sur la première échelle équivaut à réduire sérieusement son poids par rapport à la deuxième et à la troisième et, en réalité, certainement renoncer à toute ambition visant à faire advenir l'Union au niveau de la quatrième échelle, c'est-à-dire au niveau d'un rôle mondial significatif. Là encore, il s'agit d'un contresens par rapport à l'idée originelle des "pères fondateurs", qui souhaitaient prémunir l'Europe contre l'insignifiance géopolitique [8].
Elargir et approfondir l'intégration européenne, voilà deux facettes inséparables de la même ambition. Or, la crise actuelle est inédite, car - au lieu de mener à bien un approfondissement au nom de l'élargissement (comme cela été le cas pour tous les élargissements précédents) – un courant d'opinion important dans les pays fondateurs de l'Union bloque paradoxalement l'approfondissement, en s'appuyant sur le fantasme d'un élargissement destructeur [9]. Pourtant, rien n'empêchait les 15, sous présidence française, de programmer un approfondissement à Nice, ce qui aurait eu, de surcroît, le mérite de clarifier le débat entre les "pro-européens" et les "eurosceptiques" en Europe centrale et orientale [10].
II - Comment approfondir l'Europe à 27 ?
Si les éléments de justification du processus d'élargissement de la construction européenne qui précèdent nous ont paru indispensables, pour qui souhaite envisager la poursuite de l'aventure communautaire, loin de nous l'idée de développer une vision irénique de l'Union européenne qui serait conçue "sans rivages" (pour reprendre la formule célèbre de François Perroux).
Il convient en effet de prendre aussi en considération les représentations des opinions publiques à l'égard de ce qui est perçu comme un processus d'extension indéfinie, représentations qui sont incontournables et qui posent de vraies questions auxquelles il faut répondre pour continuer de bâtir l'Union européenne. Trois exigences peuvent être identifiées :
• poser la question des limites de l'Union ;
• clarifier le projet européen lui-même, alors que la construction communautaire a changé d'époque et de nature ;
• définir le rôle de l'Union européenne élargie à l'échelle internationale.
Clarifier les limites de l'UE :
de la logique technique des critères à la logique politique des frontières
Première nécessité : poser la question des limites de l'Union européenne afin de sortir de l'"inconscience territoriale" [11] dans laquelle celle-ci se trouve plongée.
A la différence des adhésions précédentes, le 5ème élargissement s'est accompagné d'interrogations, non seulement socio-économiques et politico-institutionnelles, mais aussi et surtout de nature identitaire qui ont surgi au sein de certaines opinions publiques (en France et aux Pays-Bas, bien sûr, mais aussi en Allemagne ou en Autriche par exemple). D'un côté, cette "crise d'identité" trouve son origine dans le sentiment d'une extension apparemment indéfinie qui caractériserait une "Europe sans rivages", ne parvenant pas à prendre au sérieux la question, pourtant incontournable, du territoire. De l'autre, la chute du Mur de Berlin et la rupture géopolitique alors introduite fait apparaître un élément inédit : le contact avec la périphérie du continent européen où un travail de clarification des limites territoriales de l'Union européenne s'impose, si l'on veut bien considérer qu'aucune communauté politique ne peut réellement s'affirmer sans définition d'un "dedans" et d'un "dehors", tous deux constitutifs de son identité [12].
C'est précisément sur ce point que se situent les limites de la méthode actuelle par laquelle la politique d'élargissement est conduite, c'est-à-dire de l'approche technique aux dépens d'une approche politique de définition des limites territoriales de l'Union. En effet, l'exigence de délimitation réclame une décision, donc un acte politique, au sens plein du terme. Pour le dire autrement, le malaise face à la question des frontières est l'une des conséquences de l'absence - en tout cas apparente - de pilotage politique de l'élargissement. Certes, la liste des pays "européens" qui ont ou auraient vocation à adhérer à l'Union européenne serait très difficile à établir. Néanmoins, si l'Europe est une entité géographique aux contours difficilement définissables, rien n'empêche l'Union européenne, si les Européens veulent la considérer comme une entité politique, à décider (au moins temporairement) des limites qu'elle souhaite avoir en fonction de ses intérêts [13]. Or, cette question éminemment politique ne peut être résolue si un élargissement sans bornes et fondé uniquement sur des "critères" à respecter (tels que définis au Conseil européen de Copenhague en 1993) continue à être évoqué, et si une vision politique n'est pas adoptée, indiquant clairement qu'une "réunification" du continent est en cours et que celle-ci pourra concerner un nombre déterminé de pays, si leurs populations et celles des pays de l'Union l'acceptent.
Ce n'est donc pas nécessairement en ajoutant un "critère" de plus à ceux déjà utilisés que cette défiance disparaîtra, surtout s'il s'agit de faire référence à une "capacité d'absorption" [14] de l'Union bien difficile à définir. C'est avant tout en clarifiant le discours politique sur les frontières de l'Union, notamment au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement européens, à qui il revient d'adopter une déclaration politique solennelle permettant de sortir du flou actuel et exposant les raisons pour lesquelles nombre de pays sont encore appelés à rejoindre la famille européenne, tandis que d'autres bénéficieront de la politique de "voisinage" nouvellement mise en oeuvre ou encore d'un partenariat stratégique, comme avec la Russie et, peut-être, avec la Turquie. Un nouveau "discours de la méthode" de définition des frontières est indispensable. Le Commissaire européen chargé de l'élargissement, Olli Rehn, n'aura pas profité de l'année 2006 pour l'adopter : début novembre, il déclarait dans un même mouvement souhaiter "accroître le soutien populaire au processus d'élargissement de l'UE" tout en s'opposant à l'idée de fixer les frontières de l'UE, au prétexte que "l'Union européenne se définit avant tout par ses valeurs" [15].
Clarifier le projet européen
Deuxième exigence : il est évident que ce nouveau discours sur les frontières présuppose une définition claire du projet européen. Là encore, il faut lever une série d'ambiguïtés héritées des 50 dernières années, mais rendues insoutenables après les bouleversements des années 90. En effet, la définition des frontières ne peut que découler du sens donné à la construction communautaire. Si l'Union n'est qu'une organisation internationale somme toute assez classique, consistant à promouvoir le libre-échange, la démocratie et les droits de l'Homme (une sorte de combinaison de l'OMC et de l'ONU, pour ainsi dire...), il n'y a, a priori, aucune raison de poser une quelconque limite. Mais il faut clairement indiquer et assumer que l'Europe quitte l'ambition portée depuis le traité de Paris jusqu'à celui de Nice. En revanche, si l'Europe - conformément à l'ambition développée, malgré toutes les difficultés, depuis la Déclaration Schuman - vise à se constituer en une véritable communauté politique, il est certain que les frontières ne sont pas extensibles à l'infini.
Nous défendons sans ambiguïté la seconde option : nous concevons l'Union européenne comme une entité politique, une communauté de citoyens qui, tout en restant attachés à leurs Etats, conçoivent le sens de l'émergence d'un niveau politique européen. Or, pour cela, un minimum d'intérêts convergents et faciles à identifier est indispensable, un minimum de sentiment d'appartenance à un ensemble commun à travers l'histoire, une volonté de développer un projet à l'avenir, un sentiment de proximité, une convergence de valeurs et de visions du monde qui s'expriment dans les différentes sociétés concernées.
Une fois le projet européen ainsi défini, il est évident que certains pays pourraient y adhérer, d'autres moins, voire pas du tout. Parallèlement, la question se poserait alors de manière différente aux candidats eux-mêmes. Face aux ambiguïtés actuelles de l'Union, les candidats peuvent facilement considérer que cette dernière n'est au fond qu'une construction économique, une machine productrice de prospérité, les aspects politiques ne relevant que de l'incantation sans importance réelle. Si cette ambiguïté disparaissait, il est probable que la motivation de certains candidats en serait ébranlée. Le même effet d'ailleurs aurait peut-être eu lieu chez les pays du 5ème élargissement, ce qui aurait sans doute entraîné des "oui" plus fragiles lors des référendums d'adhésion, mais ce qui aurait aussi clarifié les positions de chacun dans le débat politique interne.
Clarifier le rôle géopolitique de l'Union
Enfin, si le projet doit être précisé dans sa dimension interne (quel type de communauté construisons-nous ?), il ne doit pas l'être moins en ce qui concerne ses aspects externes. Autrement dit, il faut reprendre le débat entre "l'Europe-espace" et "l'Europe-puissance". Si ce concept a connu récemment un regain d'intérêt dans certains pays de l'Union (en France mais aussi, fait crucial, en Allemagne sous le gouvernement Schröder), un tel dessein est porté traditionnellement par les autorités françaises, qui aspirent à retrouver au niveau européen une partie de l'influence française qui s'est effritée : en indiquant que la construction européenne constituait le "levier d'Archimède" de la France, le général De Gaulle a parfaitement résumé cette stratégie, qui, rappelons-le, diffère assez largement du projet communautaire originel (cf. supra). Le problème est que tous les pays de l'Union sont loin de partager cette conception : pour nombre d'entre eux, la construction européenne a vocation à établir un espace de paix sur le continent, pas nécessairement à faire naître une nouvelle puissance. S'agissant de la politique étrangère et de la défense, beaucoup s'accommodent de la protection et du "leadership" américains, établis après la Seconde Guerre mondiale et sortis victorieux de la guerre froide – et soupçonnent toute réflexion sur l'Europe de la défense d'être le premier pas vers une confrontation avec l'allié américain. Les débats sur la guerre d'Irak n'ont fait, d'ailleurs, que confirmer la réalité des divergences européennes à cet égard. Le fait que nombre de nouveaux pays entrants se soient prononcés en faveur des positions américaines peut être considéré comme la preuve d'un "télescopage" entre le projet de réconciliation continentale et celui d' "Europe puissance".
Dans cette perspective, pour que l'Union puisse se développer comme un "acteur global" et relever les défis stratégiques actuels, constituant ainsi une puissance diplomatique et militaire qui ne se réduise pas à la seule "puissance par la norme" (pour reprendre le mot de Zaki Laïdi), cela suppose de défendre ce projet sur la base d'une stratégie qui peut s'organiser autour des trois éléments suivants. Le premier impératif consiste à rompre avec l'illusion que la promotion d'une Union comme acteur global pourrait mobiliser de la même manière l'ensemble des pays de l'Union et consiste donc à négocier des "opting-out" ou la mise en place de "coopérations renforcées" (nécessairement ouvertes aux pays qui souhaiteraient les rejoindre plus tard) pour progresser en matière diplomatique et militaire. Le deuxième impératif consiste à accepter de fonder ce développement sur une acceptation générale d'un compromis entre différentes visions, expériences historiques et mémoires de l'Europe. Du point de vue de la France, cela veut dire tempérer le discours - très hexagonal - sur le nécessaire avènement d'un monde "multipolaire", qui laisse penser que "l'Europe" devrait avant tout avoir pour but de faire pièce à la puissance américaine, discours qui n'a aucune chance d'emporter l'adhésion d'un nombre significatif d'Etats membres de l'Union [16]. De l'autre côté, les pays les plus atlantistes (Royaume-Uni, bien sûr, mais aussi nombre de "nouveaux" Etats membres) doivent non seulement clarifier leur attitude et se poser la question du réalisme d'une stratégie passive, se reposant exclusivement sur la présence américaine, mais aussi, tirer toutes les conséquences d'une autre réalité incontournable : le fait que l'Europe n'est plus une priorité stratégique pour les Etats-Unis, qui tournent désormais leur regard vers le Proche et le Moyen-Orient et aussi vers l'Asie. Le troisième impératif, plus opérationnel, consiste à poursuivre la mobilisation en faveur de la mise en œuvre concrète d'opérations militaires (comme dans les Balkans occidentaux, en République démocratique du Congo et plus récemment au Liban) et du développement d'initiatives diplomatiques (le cas de la question nucléaire iranienne est exemplaire à cet égard), et qui pourront progressivement donner corps à une Union assumant ses responsabilités sur la scène internationale.
Il nous semble enfin essentiel d'approfondir également, dans ce contexte, la réflexion sur les relations avec la Russie. L'évolution politique du régime russe et plus encore les preuves récentes de la volonté russe de se servir sans complexes de l'énergie comme d'un instrument de puissance dans les relations internationales peuvent devenir des éléments clés pour vaincre la poussée de l'euroscepticisme en Europe centrale et orientale. Ce dernier restera au contraire durablement ancré, si l'Union persiste à se montrer faible, voire complaisante à l'égard de ces évolutions inquiétantes et notamment si certains Etats membres acceptent de privilégier les relations bilatérales au détriment d'une relation euro-russe. Là aussi, d'un côté, la France doit clarifier sa position : il est difficile de critiquer les centre-Européens leurs excès d'atlantisme, tout en évoquant de manière récurrente l'axe Paris-Berlin-Moscou [17]. De l'autre, les centre-Européens doivent comprendre que la solidarité européenne doit être un tout, et qu'il n'est pas possible à la fois de demander plus d'Europe là où cela les arrange et, en même temps, de défendre leurs intérêts nationaux de manière égoïste et développer un discours aux accents anti-européens [18].
Conclusion
Le 5ème élargissement (2004-2007) s'inscrit dans la logique originelle de la construction européenne. Les défis qu'il implique sont à la hauteur du très grand potentiel que ce passage à l'échelle continentale offre à l'Union. Il constitue par ailleurs la preuve incontestable du succès du projet d'intégration européenne, tel qu'il a été lancé en 1950. Or, le discours opposant l'élargissement à l'approfondissement, voire accusant le dernier élargissement d'avoir dénaturé ou détruit le projet des "pères fondateurs", demeure récurrent, notamment dans certains Etats fondateurs. De leur côté, les nouveaux Etats membres voient prospérer des mouvements populistes qui font de l'Union européenne leur cible privilégiée [19]. Pourquoi la construction européenne peine-t-elle à tirer pleinement le profit de l'élargissement ? Il est à déplorer que ce dernier ait été trop souvent perçu comme un processus à sens unique : un simple rattachement d'un Est pauvre à un Ouest prospère. Dans ce contexte, la dimension économique et technique a été très fortement privilégiée, pour ne pas dire la seule retenue [20], ce qui a porté un "coup dur" à l'idée même du projet européen. En effet, comment critiquer les "nouveaux" pour un manque de conviction européenne, quand les "anciens" ont abordé cette tâche historique en termes uniquement comptables ?
Nous proposons trois axes que l'Union devrait suivre pour sortir de sa crise actuelle : définir ses frontières, expliciter la nature du projet européen, définir son rôle géopolitique. Ceci dit, la relance de l'Europe ne sera possible que s'il y a une évolution préalable des mentalités des citoyens européens et de leurs représentants, consistant à intégrer définitivement l'échelle de l'Europe réunifiée comme un cadre de référence naturel. Il n'y a pas de raison pour que l'Europe à 27 renonce aux ambitions originelles des "pères fondateurs", mais il est évident qu'elle devra les aborder dans un esprit nouveau, fondé sur la connaissance et la compréhension mutuelle des expériences diverses de ses peuples. En effet, la réflexion géopolitique ou économique et sociale ne peut pas se fonder uniquement sur l'expérience des peuples qui se sont retrouvés dans la partie libre de l'Europe au cours de la Guerre froide - et vice versa.
Au discours sur l'élargissement destructeur il faut substituer un discours positif sur la construction européenne dans son ensemble, discours qui intègre nécessairement à la fois la dynamique de l'élargissement et celle de l'approfondissement. Dans le contexte actuel du passage à 27 Etats membres, la présidence allemande offre une occasion à saisir : l'Allemagne dispose de la légitimité forte d'un grand Etat fondateur ; le pays s'engage dans des réformes structurelles susceptibles de relancer son économie et, surtout, comprend sans doute mieux que les autres Etats de l'Europe "carolingienne" le sens profond, les opportunités et les défis de l'élargissement dont elle a été le précurseur avec sa propre réunification. Cinquante ans après les traités de Rome et présidée par une femme issue de l'"autre côté" du rideau de fer, l'Union désormais véritablement européenne saura-t-elle démentir les Cassandres ?
Préconisations :
1. Adoption d'une déclaration politique claire par le Conseil européen, définissant les traits essentiels du projet européen, les contours de la communauté d'intérêts des pays membres et en déduisant le tracé clair des limites de l'Union souhaité à l'horizon des 20-30 ans à venir
2. Reprendre le texte du projet de la Constitution européenne en renforçant sa capacité à expliciter les ambitions et les intérêts communs, la dimension politique du projet européen. Le texte existant va déjà assez loin ; il serait souhaitable de le renforcer encore davantage dans ces aspects, mais il faut surtout veiller à ne pas l'affaiblir. Ces efforts doivent se concentrer surtout sur le préambule et les premiers articles de la Constitution.
3. Prendre l'initiative d'une relance de la PESC, portée par l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et, avec l'affirmation forte et solennelle d'une volonté partagée par les 27 d'accepter les trois lignes directrices suivantes (impliquant des concessions de chacun) : constitution d'une PESC/PESD autonome (concession des atlantistes) ; intégration sans ambiguïté de cette PESC/PESD dans l'OTAN, constituant son "pilier européen" (concession de la France) ; à travers la PESC/PESD, l'Union vise à devenir une puissance classique, pas uniquement une "puissance par la norme" (concession de l'Allemagne et des neutres).
4. Pour les points 2 et 3, s'appuyer sur une réflexion englobant l'Europe à 27 dans sa totalité, notamment en prenant en compte la différence des expériences historiques de la période 1945-1990. Développer un effort de communication et d'éducation en ce sens (déployer, à l'échelle de la réunification du continent, des moyens similaires à ce qui a été fait dans le cadre de la réconciliation franco-allemande).
[1] Certains éléments de ce texte sont issus de Yves Bertoncini et Thierry Chopin, "Union européenne : le "bug" de l'an 2006", in Dominique Reynié (dir.), L'Opinion européenne en 2007, Paris, La Table Ronde / Fondation Robert Schuman, à paraître (mars 2007).
[2] Christian Lequesne, leçon inaugurale prononcée le 2 octobre 2006 au 1er cycle européen de Sciences Po Paris à Dijon.
[3] Voir récemment sur ce point, Renaud Dehousse, Florence Deloche-Gaudez, Olivier Duhamel (dir.), Elargissement. Comment l'Europe s'adapte, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.
[4] Sur ce thème, voir Yves Bertoncini et Thierry Chopin, "Le référendum du 29 mai et le malaise culturel français", in Le Débat, n°137, novembre-décembre 2005.
[5] Robert Schuman, article publié dans la revue France Forum, nov. 1963.
[6] Sur les effets produits par cette dynamique d'extension territoriale de l'Union, voir les analyses récentes de Michel Foucher, "L'Union politique européenne : un territoire, des frontières, des horizons", in Esprit, novembre 2006.
[7] M. Foucher, "L'Union politique européenne : un territoire, des frontières, des horizons", op. cit.
[8] Cf. par exemple Paul Reuter, l'un des rédacteurs de la déclaration Schuman, quand il déclarait : "la paix ne peut être que renforcée par la création d'une Europe unie ; (...). Par là, on veut dire que la volonté de paix qui réside dans chacun des Etats européens pris isolément est impuissante, faute pour chacun de ces Etats d'atteindre un volume de puissance à l'échelle du monde (c'est nous qui soulignons)", in La CECA, Paris, Sirey, 1953, p. 31.
[9] Cf. par exemple l'image du "plombier polonais" mobilisée en France contre le Traité constitutionnel.
[10] En effet, certaines forces politiques ont pu tenir des positions ambiguës, soutenant l'adhésion, tout en critiquant vivement certains principes fondamentaux du projet d'intégration ("oui" au référendum d'adhésion, "non" au projet de Constitution).
[11] L'expression est empruntée à Pierre Manent, "Note sur l'individualisme moderne", in Commentaire, n°70, 1995.
[12] Voir récemment sur ce point Jean-Dominique Giuliani, "L'Union européenne et son territoire", in Thierry Chopin et Michel Foucher (dir.), L'état de l'Union. Rapport Schuman 2007 sur l'Europe, Paris, Lignes de Repères, à paraître (mars 2007).
[13] Cf. M. Foucher, L'Union européenne un demi-siècle plus tard : état des lieux et scénarios de relance, Notes de la Fondation Robert Schuman, n°37, novembre 2006.
[14] Cette notion (introduite comme condition à côté des trois critères d'adhésion lors du Conseil européen de Copenhague de 1993), redécouverte après l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, est définie de la manière suivante : "la capacité de l'Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l'élan de l'intégration constitue également un élément important répondant à l'intérêt général aussi bien de l'Union que des pays candidats".
[15] Voir www.ec.europa.eu. - "Enlargement package - press speaking points", 8 novembre 2006.
[16] Là encore, il ne convient pas de jeter la pierre aux Etats membres du 5ème élargissement : déjà au sein des 6, ces velléités françaises se heurtaient aux positions fermement atlantistes des pays du Benelux et de l'Allemagne (cf. les échecs du général De Gaulle en la matière).
[17] Lors de la crise européenne à propos de la guerre d'Irak, on a peu mesuré en France l'impact en Europe centrale et orientale de la volonté française d'affirmer cet axe.
[18] Cf. l'usage du droit de veto par la Pologne ou la critique virulente de l'"européisme" par le Président tchèque Václav Klaus ou encore la résolution du dernier congrès de l'ODS, parti majoritaire tchèque, qui "interdit à tous les politiciens de l'ODS de promouvoir le transfert de compétences de la République tchèque vers l'Union européenne et d'élargir l'étendue des domaines où les décisions sont prises à majorité qualifiée".
[19] Cf. par exemple Jacques Rupnik , "Le vent mauvais du populisme est-européen", publié le 3 novembre 2006 sur www.telos-eu.com.
[20] La comparaison entre le 4ème et le 5ème élargissement est saisissante à cet égard. Celui de 1995 ne posait guère de problèmes sur le plan économique et technique - et, par conséquent, les 12 ne se sont pas souciés du problème politique de taille : la neutralité, problématique dans le contexte du lancement d'une PESC, au moment même où le Traité de Maastricht venait de poser les bases juridiques d'une politique étrangère commune...
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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