Avenir et perspectives
Edoardo Secchi
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Edoardo Secchi
Président du club Italie-France
Dès son arrivée au pouvoir, le 22 octobre 2022, Giorgia Meloni a promis un important changement dans la politique et le retour de l’Italie à un rôle important en Europe et sur la scène internationale. En termes de leadership, elle a littéralement écrasé tous ses concurrents et adversaires, par la force de ses convictions et son franc-parler. Son gouvernement bénéficiant du soutien des citoyens, elle pourrait gouverner jusqu'à la fin de la législature et se représenter pour un deuxième mandat aux prochaines élections, à condition de répondre aux attentes du pays sur le plan économique et social.
L’arrivée de Giorgia Meloni : entre déclin des partis traditionnels et envie de stabilité
1. Situation politique
Après plusieurs années d’alternance entre gouvernements de droite et de gauche, pendant lesquelles l’Italie a eu du mal à retrouver une stabilité et surtout une trajectoire, Giorgia Meloni s’est imposée sur la scène politique. Première femme à la tête du gouvernement dans l'histoire du pays, elle a su capitaliser sur sa longue expérience politique et une certaine cohérence, en affichant ses valeurs sans jamais renier son passé. Son engagement pour la défense des intérêts de la classe moyenne lui a permis de gagner la confiance de l’opinion publique dans une période assez complexe et instable, avec une succession de crises, entre la pandémie de Covid-19, la guerre russo-ukrainienne, l’explosion des coûts de l’énergie, la crise en Moyen-Orient, l’inflation.
L’arrivée de Giorgia Meloni marque un changement majeur dans la politique en Italie. Les principaux partis politiques sont alors en pleine décomposition. Ils n’arrivent plus à convaincre l’électorat et ont perdu en crédibilité. Ils ne parviennent plus à proposer un programme faute de vision et de vrai leader. Ils paraissent dépassés par les évènements.
Le Parti Démocratique, qui a gouverné avec toutes les coalitions possibles, a été lourdement sanctionné par l’opinion publique mais aussi par une partie de son électorat, en raison de l’incapacité de ses dirigeants à offrir une alternative valable et surtout à apporter des solutions concrètes à une situation de fragilisation et une précarité engrangée par les différentes crises.
Le parti Forza Italia, après la mort de Silvio Berlusconi, n’a plus de chef capable de remonter dans les sondages. Son leader Antonio Tajani ne saurait peser autant que le faisait Silvio Berlusconi. Son parti a espéré influencer, voire limiter le périmètre d’action de Giorgia Meloni. En vain.
Le mouvement « 5 étoiles » est, lui, en pleine déflagration. Son leader, Giuseppe Conte, a du mal à convaincre son électorat ou celui de son ancien allié, le Parti Démocratique. Jugé responsable de la chute du gouvernement de Mario Draghi en pleine crise, Giuseppe Conte joue une fois de plus la carte du populisme pour essayer de remonter la pente, mais sans y parvenir.
La Ligue de Matteo Salvini est en mauvaise posture. Largement décrédibilisé, l’homme a connu de multiples échecs ces dernières années, faisant perdre un grand nombre de voix à son parti. De nouveau présent dans la coalition gouvernementale, Matteo Salvini représente toutefois un véritable danger pour Giorgia Meloni. Par son incohérence et sa recherche désespérée du pouvoir, il serait même capable de faire tomber le gouvernement. Il l’a déjà fait en 2019, convaincu de gagner les élections, mais condamné à une inexorable défaite.
2. Quid de deux ans de gouvernance politique ?
Le gouvernement a entamé différentes mesures en faveur de l’économie et des ménages.
a. Réformes fiscales et réduction des impôts
En décembre dernier, le Sénat italien a adopté le budget 2025 contenant des mesures chiffrées à 30 milliards €, dont plus de la moitié sont des baisses d'impôts et de cotisations sociales pour les salaires annuels allant jusqu’à 40 000 €. Une mesure qui s’appliquait auparavant aux revenus plafonnés à 35 000 €. Par ailleurs, la fusion pérenne des deux premières tranches d’imposition permet aux revenus annuels jusqu’à 28 000 € de bénéficier d’un taux réduit de 23 %, contre 25 % auparavant. Ces initiatives visent à soutenir le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes. Le texte introduit également des incitations pour les entreprises, notamment une baisse de l’impôt sur les sociétés, qui passe de 24 % à 20 %, à condition que 80 % des bénéfices soient réinvestis et de nouveaux salariés embauchés.
b. Énergie
Depuis son arrivée, Giorgia Meloni a pris des mesures pour réduire la dépendance au gaz russe (à la suite de Mario Draghi) avec un plan visant à diversifier les sources d'approvisionnement, à renforcer les infrastructures énergétiques et à promouvoir les énergies renouvelables. L'Italie a renforcé ses relations avec des pays fournisseurs, comme l'Algérie, devenue son premier partenaire énergétique et avec d'autres producteurs comme l'Égypte, l'Azerbaïdjan et le Qatar. Cela passe par le renforcement du gazoduc Transmed (Algérie-Italie) et le développement du corridor énergétique avec l’Azerbaïdjan à travers le gazoduc TAP (Trans Adriatic Pipeline). Un nouvel accord énergétique vient s’ajouter entre l'Italie, l'Albanie et les Émirats arabes unis pour construire une infrastructure permettant de produire et de transporter de l'énergie propre de l'Albanie vers l'Italie, via une liaison sous-marine. Il s’agit d’une infrastructure importante, source d’énergie renouvelable. La valeur de l'infrastructure, opérationnelle dans trois ans au maximum, sera d'environ un milliard €. Enfin, le gouvernement souhaite faire approuver en 2025 le projet de loi sur le nucléaire et la création d’une entreprise nucléaire nationale. Objectif : réduire la dépendance et les coûts énergétiques qui ont un impact négatif sur la compétitivité des entreprises et des ménages.
c. Déficit et dette publique
L'Italie a réduit son déficit public de 7,2% à 3,8% du PIB entre 2023 et 2024 et compte le ramener à 3,3 % en 2025, en réduisant la dépense publique et la cession de participation de l'État dans certaines grandes entreprises. En 2024, la dette est passée sous le niveau de 3 000 milliards €.
d. Le Plan Mattei pour L’Afrique
Le Plan Mattei – cœur de la stratégie italienne pour l’Afrique – a été défini par Giorgia Meloni comme un modèle de coopération concrète et ambitieuse. L’objectif vise à promouvoir le rôle principal de l'Italie en Méditerranée, et la mise en place d’un « nouveau partenariat entre l'Italie et les États du continent africain » dans des domaines allant de la coopération au développement à l'exploitation des ressources naturelles, hydriques et énergétiques. Parmi les objectifs figure la lutte contre l'immigration clandestine.
e. Aides aux familles pour favoriser la natalité
Les montants de l'allocation unique ont été augmentés, avec des allocations pour les familles ayant au moins trois enfants et un mois supplémentaire de congé parental payé à 80 % au lieu de 60 %. Une mesure prévoit pour 2025 une prime de 1000 € pour les nouveau-nés pour les familles avec ISEE jusqu'à 40 000 €. En revanche, la gestation pour autrui (GPA), mieux connue sous le nom de « maternité de substitution », est devenue un crime universel en Italie.
f. Immigration illégale
Les questions d’immigration sont un sujet clé dans l’agenda politique du gouvernement Meloni. Entre 2023 et 2024, une quarantaine de décrets gouvernementaux ont été publiés sur le sujet. Giorgia Meloni a évoqué la question lors de chaque Conseil européen. L’Italie n’est pas le seul pays où l’immigration et l’asile sont devenus des questions politiques saillantes, indépendamment des phénomènes eux-mêmes. La défense affichée des frontières et l’hostilité envers ceux qui arrivent du Sud ont ravivé le débat identitaire des forces politiques et des gouvernements souverainistes. On pense évidemment à la campagne électorale de Donald Trump et à sa promesse de mettre en œuvre la plus grande expulsion de l’histoire, aux dépens des onze millions d’immigrés illégaux vivant aux États-Unis, souvent depuis de nombreuses années.
Pour réduire les arrivées d’immigrés, le gouvernement a intensifié ses efforts pour externaliser les frontières. Les voyages répétés en Tunisie, avec Kaïs Saïed, ainsi que le refinancement des accords avec les Libyens, ont produit des résultats tangibles. Selon les données fournies par le ministère de l'Intérieur, on a compté en 2022 105 131 arrivées ; en 2023, on est passé à 157 651. Puis, en 2024, à 66 317, soit une baisse de 57,9% par rapport à 2023 et de 36,9% par rapport à 2022. Les migrants hébergés sur le territoire sont au nombre de 139 141, répartis en hot spots (0,3%), centres d'accueil (72,6%) et centres SAI (27,1%). Giorgia Meloni a décidé de construire un centre de rétention en Albanie, dispositif qu'elle espère généraliser afin de mieux gérer le problème migratoire, mais qui doit encore très approuvé par la justice.
g. Besoin de main d’œuvre
Les travailleurs étrangers sont au nombre de 2,4 millions (10,1 % du total). Leur taux d’emploi est de 61,6%. Les travailleurs immigrés produisent 164,2 milliards de valeur ajoutée, contribuant à 8,8 % du PIB, avec des pics supérieurs à 15 % dans l'agriculture et la construction.
Selon les prévisions, dans la période quinquennale 2024-2028, les entreprises italiennes auront besoin de trois millions de nouveaux salariés (hors administration publique), dont 640 000 immigrés (21,3%). Les besoins de main d'œuvre en Italie dépendront à 80% du turnover dû aux départs à la retraite et à seulement 20% de la croissance économique. Dans les régions du Centre et du Nord, le pourcentage d'immigrés dans le besoin total dépasse 25%, avec des pics de 31% en Toscane et dans le Trentin-Haut-Adige.
3. Politique étrangère et européenne
Le gouvernement italien s’est rangé avec conviction aux côtés de l’Ukraine dans le conflit avec la Russie, continuant à la soutenir militairement. Au sein de l'Union européenne, Giorgia Meloni ne soutient pas la nouvelle Commission mais entretient de bonnes relations avec Ursula von der Leyen, qui a nommé Raffaele Fitto vice-président exécutif chargé de la cohésion et des réformes. Les relations entre l’Italie et les États-Unis sont solides, renforcées par la rencontre à Mar-a-Lago de Giorgia Meloni avec Donald Trump le 5 janvier, avant son invitation à l’investiture du président américain le 20.
La relation entre Giorgia Meloni et Elon Musk fait beaucoup parler en Italie depuis que ce dernier a obtenu un rôle clé dans l’administration américaine : peu après la victoire de Donald Trump, Giorgia Meloni avait déclaré qu’Elon Musk avait pris contact avec elle et qu’elle considérait la présidence Trump comme un atout précieux pour les États-Unis et l’Italie. Starlink, Space X, Tesla : les intérêts d’Elon Musk en Italie sont importants. La proximité Musk-Meloni est regardée avec suspicion en Europe, notamment sur l’industrie aérospatiale, mais Giorgia Meloni est consciente des besoins du pays en matière de transition énergétique et technologique. Pour elle, la position de leadership de Musk peut constituer un atout.
4. Les relations entre l’Italie et la France progressent malgré les incompréhensions politiques
Dès l'arrivée de Giorgia Meloni, les relations politiques entre l'Italie et la France se sont brusquement tendues, notamment en raison du dossier des migrants, pour finalement redevenir correctes.
Les échanges économiques entre Rome et Paris se maintiennent et sont même en plein essor. Dans une relation souvent déphasée par les différentes coalitions politiques au pouvoir dans chaque pays, la « real economy » nous rappelle par les faits que le dynamisme et la synergie économiques sont bien plus importants que les querelles politiques passagères.
L'écosystème économique franco-italien est représenté par environ 4 000 entreprises installées de deux côtés des Alpes, qui emploient plus de 400 000 salariés dans différents secteurs économiques importants tels que la banque, l'assurance, l'automobile, les transports, l'énergie, la construction et les travaux publics, le secteur naval, la défense, la sidérurgie, la mode, l'agroalimentaire.
Sur le plan du commerce bilatéral, les échanges bilatéraux n'ont cessé de s'accroître depuis 2014 pour atteindre 127 milliards € en 2023, dont 102 milliards pour les marchandises et 22 milliards pour les services. Par rapport à 2020, la hausse des échanges entre l'Italie et la France a été de 18%, la hausse des exportations françaises vers l'Italie de 20,8% (38,9 milliards €) et la hausse des importations depuis l'Italie par rapport à 2020 de 17% (45,9 milliards). Avec une meilleure intégration industrielle, les deux pays pourraient augmenter notablement leur volume d'échanges et s'approcher dans les prochains dix années du même niveau d'échanges qu'entre la France et l'Allemagne. Dans ce contexte, le Traité du Quirinal, signé le 26 novembre 2021 à Rome, pourrait jouer un rôle fondamental.
Les investissements directs croisés atteignent une valeur de 146 milliards €. Les investissements français en Italie ont atteint 93 milliards €, faisant de l’Hexagone le premier investisseur étranger dans la péninsule. Les investissements français concernent les activités financières, l’industrie manufacturière, la production et la distribution d'énergie, les activités immobilières. Les investissements italiens en France ont été de 53 milliards €, positionnant la botte à la sixième place parmi les premiers les plus gros investisseurs étrangers en France. Les investissements italiens concernent les activités manufacturières, l’énergie, la santé, la R&D et le centre de décision.
5. Complémentarité industrielle et financière
Il existe une parfaite complémentarité des deux économies : un grand nombre d'entreprises exportatrices italiennes, mais aussi les grands groupes, trouvent en France un terrain fertile pour se développer grâce à un écosystème international d'envergure et à une stabilité politique qui facilite les investissements stratégiques. Et pour cause : les investissements italiens se sont tournés vers des secteurs stratégiques comme les infrastructures énergétiques (Saipem et Prysmian pour le parc éolien offshore en Normandie et en Bretagne). Le groupe Prysmian, leader mondial du secteur des systèmes de câbles d'énergie et de télécommunications, a été chargé par RTE de s'occuper pendant quinze ans de la manutention et de la réparation des câbles sous-marins qui relient trois parcs éoliens offshore à Saint Nazaire, Fécamp et Calvados. Le groupe Atlantia (famille Benetton) gère 1 769 km d'autoroutes à travers Sanef et Sapn et trois aéroports à Nice, Cannes et Saint-Tropez. Le groupe de construction Webuild travaille à la nouvelle ligne 16 du métro parisien mais aussi la Telt- Tunnel Lyon-Turin et à la Telt - Puits d'Avrieux.
De plus, la France s'est très bien positionnée sur le marché italien à différents niveaux. Tout d'abord, elle bâtit une véritable filière productive majeure dans l'industrie de la mode comme dans secteur du design. Le groupe LVMH, mais aussi Kering ou encore Chanel, font fabriquer une grande partie de leurs produits dans la botte. Outre l'industrie manufacturière, la France joue un rôle important dans l'économie du pays à travers la finance et l'énergie. Dans le secteur de l'énergie, Edison (groupe EDF) représente le deuxième opérateur national. Dans le secteur bancaire et d'assurance, des grands groupes tels que Crédit Agricole, BNP Paribas ou encore Axa figurent parmi les principaux acteurs du pays. Enfin, la FrenchTech trouve en Italie un marché en pleine phase de développement. Raison pour laquelle une partie des licornes mais aussi des start-up se sont déjà installées et prospèrent avec un certain succès.
6. La santé de l’économie
La presse internationale décrit souvent l’Italie comme un pays très endetté, incapable de mettre en œuvre des réformes structurelles qui pourraient entrainer l’Europe dans le gouffre. Mais est-ce vraiment le cas ?
D’un point de vue purement économique, un pays vit au-dessus de ses moyens s’il est systématiquement contraint d’importer plus de biens et de services qu’il n’en exporte et si, par conséquent, il est contraint d’augmenter sa dette extérieure pour financer ce déficit structurel. Cependant, si la balance commerciale est en équilibre, il est inapproprié de dire qu'un pays vit au-dessus de ses moyens. Si l'on regarde la balance commerciale de l'Italie, cette affirmation est extrêmement équivoque : depuis 2012, l'Italie a toujours enregistré un volume d'exportations supérieur à celui des importations.
La dette du secteur privé en Italie est relativement faible par rapport à celle des autres pays de l’OCDE. Même si le niveau de la dette totale ne représente pas un problème pour l'Italie par rapport à d'autres pays, l'attention des médias se concentre sur le tristement célèbre rapport entre la dette publique et le PIB qui est de 137%.
Les raisons de ce niveau d’endettement sont à rechercher dans les déficits publics accumulés entre les années 1970 et 1980 et dans les difficultés à se remettre des profondes crises économiques des deux dernières décennies. Ces déficits ont été financés par l’émission de dettes publiques payant des taux d’intérêt très élevés. Lorsque cette dette est arrivée à échéance, l’État italien s’est vu contraint d’émettre davantage de dette simplement pour rembourser les anciens intérêts. Mais si l’on considère le déficit primaire, qui exclut le coût des intérêts sur la dette antérieure, le budget de l’État italien n’a jamais été dans le rouge depuis 1992, jusqu’à la pandémie de Covid. Étonnamment, même les gouvernements d’Allemagne, d’Autriche et des Pays-Bas ont moins fréquemment enregistré des niveaux d’excédent primaire comparables à ceux de l’Italie.
En 2024, l’Italie a réussi à sortir de la stagnation après seize années de croissance mitigée. L’année 2024 a vu une augmentation des exportations, dépassant pour la première fois le Japon et devenant le quatrième exportateur mondial, derrière la Chine, les États-Unis et l’Allemagne. Il s’agit d’un résultat historique si on pense que la population active en Italie est de 23,7 millions contre 69,3 millions au Japon. Les données de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) confirment donc la croissance constante des exportations italiennes depuis 2016, passant de 480 à 626 milliards € en 2023. Selon les prévisions du gouvernement, les exportations devraient atteindre 680 milliards en 2025 et dépasser les 700 milliards en 2026.
L’Italie dispose d’avantages compétitifs dans certains secteurs qui lui permettent de se développer sur les marchés internationaux et maintenir son leadership mondial.
Entreprises exportatrices : Selon l’ISTAT, en 2022, l’Italie comptait environ 35 000 entreprises exportatrices employant de 10 à 500 salariés. Fait important : les entreprises des secteurs du luxe, de la mode, de la mécanique de précision, de la pharmacie et de l’agroalimentaire exportent jusqu’à 70 % de leur production.
Nouveaux marchés : L’Europe et les États-Unis représentent les premiers marchés des exportations italiennes.Les entreprises ont aussi su développer de nouveaux marchés émergents, comme le Mexique, le Brésil, la Colombie, la Turquie, la Serbie, l’Égypte, le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Inde, la Chine, le Vietnam et Singapour. Ces pays représentent actuellement 80 milliards € d’exportations italiennes, et on pourrait atteindre 95 milliards d’ici 2027, grâce aux importants investissements de ces derniers dans les secteurs clés où l’Italie excelle comme la mécanique, l’énergie, les infrastructures.
Stratégie de niche : La stratégie de niche représente un élément majeur du commerce extérieur italien. C’est grâce à ses très nombreuses niches dans lesquelles le pays est leader mondial que la balance commerciale est excédentaire de 100 milliards $ hors minéraux énergétiques.
Flexibilité : Les entreprises tricolores sont reconnues pour leur flexibilité. Cet atout leur permet de personnaliser les produits en fonction des requêtes spécifiques des clients, de répondre rapidement aux changements de la demande et de s’adapter aux nouveaux besoins du marché.
Les exportations, bien qu’elles représentent une composante vitale du PIB et offrent des opportunités de développement, en particulier dans des secteurs hautement spécialisés, ne suffisent pas à elles seules à résoudre certains problèmes systémiques dont le pays souffre. L’Italie doit impérativement adopter des mesures stratégiques ciblées pour permettre l’accroissement de son économie.
Des problèmes structurels
Le pays fait face à différents défis et menaces qui minent la compétitivité mais aussi la croissance à venir.
1. Dépendance énergétique : L’Italie est le pays européen ayant le plus haut degré de dépendance énergétique, égal à 73,5 %. Le coût de l’énergie pèse sur la compétitivité des entreprises italiennes. L’Italie paie 10,1 % de plus que la France, 13,4 % de plus que l’Allemagne et 44,4 % de plus que l’Espagne. Promouvoir le développement des énergies renouvelables afin d’améliorer la sécurité énergétique et aussi de réduire les coûts est doublement important.
2. Pression fiscale : En 2023, l'Italie s'est classée troisième parmi les pays de l'OCDE, après la France et le Danemark en termes de pression fiscale, avec une valeur de 42,8%, stable par rapport à l'année précédente.
3. Dette publique : La dette publique italienne a continué de croître en 2024, atteignant de nouveaux sommets historiques. Selon les données de la Banque d'Italie, la dette publique a atteint en octobre 2024 2 981,3 milliards €, avec un ratio dette/PIB de 137 %. Même si l’Italie est l’un des rares pays à se targuer d’enregistrer un excédent primaire, elle reste déficitaire et continue d’alimenter la dette publique car elle doit continuer à rembourser ses créanciers.
4. Recherche & Développement : Les investissements en recherche et développement (R&D) en Italie représentent un défi majeur pour le pays, surtout dans un contexte européen et mondial où l’innovation est essentielle à la compétitivité économique. En 2022, l’Italie a consacré environ 1,4 % du PIB à la R&D, soit moins que la moyenne de l’Union européenne, qui s’élève à environ 2,2 % du PIB. Les investissements italiens sont également loin de l’objectif de 3 % du PIB fixé par la stratégie Europe 2020 pour encourager l’innovation. Des pays comme l’Allemagne, la France et la Suède consacrent une part nettement plus élevée de leur PIB à la R&D (environ 3,1 %, 2,3 % et 3,5 % respectivement). La propension réduite des entreprises à investir à un impact négatif sur la capacité du système économique à s’engager sur une trajectoire de croissance plus marquée. Ceci explique pourquoi le PIB de l’Italie a augmenté d’environ 20 % depuis 1990, soit la plus faible performance d’Europe. Au contraire, dans les pays comme les États-Unis, la France, l’Allemagne et l’Espagne, où l’on a davantage investi sur l’avenir, on a enregistré une croissance respective de 110 %, 60 %, 50 % et 80 %. PIB.
5. Diaspora et déficit de compétences : Le départ d’Italie de jeunes hautement qualifiés a pour conséquence directe une perte de compétitivité au niveau international, puisque les jeunes Italiens émigrent davantage vers d’autres pays européens ou vers le Royaume- Uni, qui a conservé beaucoup d’attrait malgré le Brexit. En treize ans, de 2011 à 2023, 550 000 jeunes Italiens âgés de 18 à 34 ans ont émigré à l’étranger. Si l'on soustrait ceux qui sont revenus, la perte est évaluée à 377 000. On estime que le capital humain parti correspond à une valeur de 134 milliards, un chiffre qui pourrait tripler si l’on considère la sous-estimation des données officielles. Pour chaque jeune qui arrive en Italie en provenance des pays avancés, huit Italiens font leurs valises et partent à l’étranger. L'Italie se classe au dernier rang européen pour attirer les jeunes, n'accueillant que 6% des Européens, contre 34% en Suisse et 32% en Espagne. Le déficit de compétences touche les secteurs technologiques, mais aussi l’industrie. Les implications négatives sont nombreuses pour l’économie et pour l’emploi, rendant difficile pour les entreprises de trouver des travailleurs possédant les compétences nécessaires et diminuant ainsi leur développement. Une intervention coordonnée entre les entreprises, les institutions et le système éducatif est donc essentielle pour combler le vide et préparer le pays aux défis de l’avenir.
6. Déclin démographique : L’Italie affronte un déclin démographique significatif, avec une diminution continue de sa natalité. En 2023, le taux de natalité était de 1,24 enfant par femme et six nouveau-nés pour 1000 habitants. Les prévisions démographiques indiquent une diminution continue de la population. En 2023, selon les dernières données de l'ISTAT, il y a eu 379 000 naissances en Italie, avec un taux de natalité de 6,4 pour mille (il était de 6,7 pour mille en 2022). La baisse des naissances par rapport à 2022 est de 14000. L’Italie est confrontée à un défi générationnel sans précédent. Entre déclin démographique, vieillissement de la population et fuite des jeunes à l’étranger, le pays fait face à d'énormes difficultés pour maintenir la productivité, alimenter les finances publiques et préserver le système social.
7. Emploi : L'emploi est l'un des points faibles structurels de l'économie italienne. Le chômage des jeunes est particulièrement élevé, souvent supérieur à 20-25 %, l'un des taux les plus élevés de l'Union européenne. Si on enregistre en 2024 un nombre record de personnes employées (23,7 millions), le taux d'emploi (62,3 %) est nettement inférieur à la moyenne européenne (environ 73 %). Si le gouvernement parvenait à réduire l’écart avec ses partenaires européens, Giorgia Meloni pourrait faire valoir ce résultat pour espérer accéder à un deuxième mandat.
8. Salaires : Les salaires italiens sont parmi les plus bas d’Europe. Ils ont diminué au cours des trente dernières années. La moyenne nationale des salaires bruts annuels pour 2021 est de 29 301 €. Le niveau pour les dirigeants est de 101 649 €, pour les cadres de 54 519 €, pour les employés de 30 836 € et pour les ouvriers de 24 787 €. C’est dans les services financiers qu’on est le mieux payé avec le taux de croissance le plus élevé entre 2015 et 2021. Parmi les États membres, l’Italie est le seul où les salaires ont baissé entre 1990 et 2020, précisément de 2,9%. Alors que l’inflation continue de croître, les Italiens perdent de plus en plus de pouvoir d’achat.
***
Que peut-on attendre du gouvernement dirigé par Giorgia Meloni ? Malgré les nombreuses critiques, interférences et méfiances à son égard, Giorgia Meloni a démontré qu’elle maîtrise son rôle avec intelligence et pragmatisme en voulant imposer des choix économiques mais aussi des propositions politiques ambitieuses. Rappelons que dans la difficile situation géopolitique dans laquelle l’Europe se trouve actuellement, il aurait été difficile de faire plus en seulement deux ans de gouvernement. Forte de ses convictions et du soutien majoritaire dans son pays, elle est arrivée à trouver un terrain d’entente avec Bruxelles mais aussi avec certains de ses homologues européens auparavant assez critiques à son égard.
Les défis qui attendent Giorgia Meloni seront nombreux, tant au niveau national qu’international. La forte influence américaine de Donald Trump pourrait constituer une menace pour les intérêts de l’Europe. Trump a clairement indiqué quel son principal objectif politique sera de diviser l’Europe, de l’affaiblir politiquement et économiquement, en traitant avec chaque pays individuellement en position de force. L’Amérique de Trump ne veut plus d’alliés mais des clients pour ses entreprises. La Russie de Vladimir Poutine ambitionne de la diviser et de dicter ses conditions pour la paix en Ukraine, et Xi Jinping poursuit la conquête de l'Europe et des marchés étrangers. L'Europe se trouve dans un état inquiétant sur le plan politique et économique, en raison des intérêts contradictoires des nations européennes, qui minent la prise de décision et l’action.
C'est pourquoi un renforcement de l'alliance avec la France et l'Allemagne, qui surmonte la barrière de l'affiliation politique, pour protéger davantage les intérêts des Européens, notamment sur les questions de souveraineté énergétique, technologique, sanitaire et militaire serait le meilleur choix. Dans ce scénario, une grande opportunité se présenterait pour Giorgia Meloni : s’affirmer comme femme d’État capable de défendre, avec ses partenaires, les valeurs, les intérêts et la souveraineté européenne.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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