Alors que le pays fait face à une crise politique empêchant la formation de coalitions gouvernementales stables, les Bulgares sont appelés aux urnes le 2 avril prochain pour la cinquième fois en deux ans afin de désigner les 240 membres de l'Assemblée nationale (Narodno sabranie), chambre unique du Parlement. 5 621 personnes issues de 14 partis politiques et de 7 coalitions de partis sont officiellement candidates pour ce scrutin. 750 bureaux de vote seront ouverts dans 34 pays dans le monde. Ce 5e scrutin législatif est organisé dans un contexte de forte inflation et de stagnation économique. L'adoption de l'euro par Sofia a été repoussé d'un an, à 2025, pour cause d'instabilité politique, la crise empêchant l'adoption des réformes nécessaires à son introduction.

Un contexte de crise

A l'été 2020, la Bulgarie a connu d'importantes manifestations qui ont témoigné du fort mécontentement d'une partie de la population. Celles-ci étaient consécutives à un scandale immobilier dans lequel plusieurs membres du parti des Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), du Premier ministre Boïko Borissov (2009-2013, 2014-2017, 2017-2021), dont les ministres de la Justice, des Sports, de l'Énergie et de la Culture, étaient impliqués. Le chef du gouvernement avait alors remanié sa coalition mais le GERB avait fortement chuté dans les enquêtes d'opinion. Quelques mois plus tard, les élections législatives du 4 avril 2021 n'avaient pas permis de dégager de majorité. Aucun des trois partis arrivés en tête - GERB, Un tel peuple existe (Ima takuv narod, ITN) et le Parti socialiste (BSP) - n'était parvenu à rassembler une majorité sur son nom ou à trouver un accord pour mettre en place un gouvernement majoritaire, entraînant l'organisation le 11 juillet 2021 d'un nouveau scrutin législatif. A la suite de celui-ci, les dirigeants de ces trois partis ont de nouveau été sollicités par le président de la République Roumen Radev pour former un gouvernement. Une fois encore, chacun d'entre eux a échoué. Le 14 novembre 2021, Poursuivons le changement, coalition fondée par Kiril Petkov et Asen Vassilev, avait créé la surprise en arrivant en tête du 3e scrutin législatif avec 25,32% des suffrages, remportant 67 des 240 sièges du Parlement. Le GERB de Boïko Borissov avait pris la 2e place avec 22,44% des voix et 59 élus, devançant le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), parti représentant la minorité turcophone, qui avait recueilli 12,83% et 34 sièges. Poursuivons le changement avait formé en décembre 2021 un gouvernement avec le Parti socialiste, Un tel peuple existe et Bulgarie démocratique, coalition libérale qui rassemble Oui Bulgarie, les Démocrates pour une Bulgarie forte et les Verts. L'accord de coalition unissant ces 4 partis était centré sur la lutte contre la corruption, la réforme de la justice et la modernisation du système de santé. Cette coalition a cependant fait l'objet d'une motion de défiance le 22 juin 2022, une première dans l'histoire de la Bulgarie. Par conséquent, de nouvelles élections législatives ont été organisées le 2 octobre 2022 mais celles-ci n'ont pas abouti à trouver une solution pour sortir de la crise politique que traverse la Bulgarie. Le GERB est arrivé en tête du scrutin avec 24,48% des suffrages, suivis de Poursuivons le changement, 19,62%, et du Mouvement pour les droits et les libertés, 13,29%. La participation a été très faible, ce qui s'explique en partie par une certaine fatigue électorale après quatre scrutins législatifs (et une élection présidentielle) en dix-huit mois. Moins d'un électeur sur quatre (39,30%) s'est rendu aux urnes (25,58%). Les élections ont consacré à la fois le maintien de la popularité de Boïko Borissov et l'impossibilité pour celui-ci de rassembler une majorité sur son nom. Aucune coalition n'a pu obtenir l'aval des 240 membres de du Parlement. Le 3 février 2023, le président de la République, Roumen Radev, a de nouveau dissous le parlement et convoqué de nouvelles élections législatives pour le 2 avril. Selon la dernière enquête d'opinion réalisée à la fin du mois de février par l'institut Market Links pour la chaîne de télévision BTV, la coalition formée par Poursuivons le changement de Kiril Petkov et Asen Vassilev et Bulgarie démocratique de Hristo Ivanov devancerait de peu avec 20,9% des suffrages le GERB, qui en recueillerait 20,40%. Le Mouvement pour les droits et les libertés, représentant la minorité turcophone et dirigé par Mustafa Karadayi, obtiendrait 13,3% des suffrages, Renaissance (Vazrazhdane, V), parti nationaliste emmené par Kostadin Kostanidov, favorable à la sortie de la Bulgarie de l'Union européenne comme de l'OTAN et à un rapprochement du pays avec la Russie, recueillerait 11,8% des voix et, enfin, le Parti socialiste (BSP) de Korneliya Ninova, 6,60%. Aucun autre parti ne serait en mesure de dépasser le seuil de 4% de suffrages obligatoire pour être représenté au Parlement.

Les forces en présence

Le GERB reste le parti le plus important du pays. Il rassemble environ un quart des votants. "Beaucoup d'électeurs n'ont pas encore fait leur choix pour les élections législatives. En ce moment, deux forces se disputent la première place et sont pratiquement ex-aequo" a déclaré le politologue Dobromir Jivkov, qui a mis en avant les ressources de Renaissance. "Avec l'initiative d'un référendum sur l'euro, elle tente à nouveau de réaliser un coup de force dans la campagne électorale et de mobiliser au-delà de ses sympathisants" a-t-il précisé. De son côté, Poursuivons le changement a décidé de former une coalition avec Bulgarie démocratique. Les partis ont fixé treize objectifs dont la réforme du parquet, l'adhésion du pays à l'espace Schengen et à la zone euro et la création d'un environnement plus propice à un climat des affaires honnête. Le dirigeant de Poursuivons le changement, l'ancien Premier ministre Kiril Petkov, refuse toujours toute alliance avec le GERB, parti qui incarne à ses yeux "le passé corrompu de la Bulgarie". Le Parti socialiste, à la peine dans les sondages, est secoué par de fortes tensions. Sa dirigeante Korneliya Ninova a indiqué qu'elle refusait toute alliance avec le GERB, mais a été très critiquée lors du 50e congrès du BSP. Plusieurs adhérents ont été exclus du parti au cours des dernières semaines, des centaines d'autres ont démissionné. Un groupe d'anciens membres du Parti socialiste, conduit par Valeri Zhablyanov, a créé avec 6 autres partis une coalition appelée la Gauche (Levitsata). Cette dernière rassemble Alternative pour le renouveau (ABV) de Roumen Petkov, Lève-toi IS) de Maya Manolova, le Mouvement 21 (D 21) de Tatiana Doncheva, la Ligne progressiste (BPL) de Krasimir Iankov, Etat normal (ND) de Georgi Kadiev et l'Union agraire 'Alexander Stamboliyski' (ZS-AS) de Spas Panchev. La hausse des salaires, la baisse des prix et la lutte contre les monopoles et la corruption constituent leurs priorités. La campagne électorale a débuté le 3 mars et s'achèvera le 31 à minuit.

Le système politique bulgare

Le Parlement bulgare est monocaméral. L'Assemblée nationale (Narodno sabranie), compte 240 députés, élus tous les 4 ans au sein de 31 circonscriptions électorales plurinominales qui correspondent aux oblasti (départements) du pays. Le mode de scrutin est mixte : 31 députés sont désignés au scrutin majoritaire (selon le système du First past the post) et 209 au scrutin proportionnel (sur des listes fermées). La méthode de Hare-Niemeyer est utilisée pour la distribution des sièges. L'obtention d'un minimum de 4% des suffrages exprimés est indispensable à un parti politique pour être représenté au Parlement. Les personnes souhaitant concourir doivent être âgées d'au moins 21 ans. Les partis doivent recueillir les signatures d'au moins 15 000 électeurs et sont dans l'obligation de déposer aux autorités électorales la somme de 10 000 lev (5 113 €) qui leur seront remboursés si elles recueillent un minimum de 1% des suffrages exprimés. Les candidats indépendants doivent être soutenus par un minimum de 10 000 électeurs issus de la circonscription électorale dans laquelle ils se présentent. Depuis 2016, les Bulgares ont également la possibilité, à l'élection présidentielle comme au scrutin législatif, de glisser dans l'urne un bulletin mentionnant expressément "Je ne soutiens aucun des candidats". 7 partis politiques sont représentés dans l'actuel Parlement : - Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), créé en 2006 par l'ancien Premier ministre (2009-2013, 2014-2017, 2017-2021) Boïko Borissov, compte 67 élus ; - Poursuivons le changement, coalition libérale fondée par Kiril Petkov et Asen Vassilev, possède 53 sièges ; - Le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), fondé en 1989 et dirigé par Mustafa Karadayi, compte 36 élus ; - Renaissance (Vazrazhdane, V), parti nationaliste, fondé en 2014 et conduit par Kostadin Kostanidov, possède 27 sièges ; - Le Parti socialiste (BSP), conduit par Korneliya Ninova, compte 25 députés ; - Bulgarie démocratique, coalition libérale qui rassemble Oui Bulgarie, les Démocrates pour une Bulgarie forte et les Verts et dirigée par Hristo Ivanov, compte 20 députés ; - L'Essor bulgare (BV), parti fondé par Stefan Yanev, ancien Premier ministre d'un gouvernement d'experts (mai-décembre 2021) et ancien ministre de la Défense (décembre 2021-mars 2022), limogé par Kiril Petkov en raison de la faiblesse de son soutien à l'Ukraine, possède 12 sièges. Les Bulgares élisent également leur président de la République au suffrage universel direct. Le 21 novembre 2021, Roumen Radev, soutenu par le Parti socialiste, Poursuivons le changement, Un tel peuple existe et Lève-toi Bulgarie ! Nous arrivons ! (Izpravi se BG! Nie idvame!), a été élu pour un deuxième mandat au deuxième tour de l'élection présidentielle avec 66,72% des suffrages. Il a devancé Anastas Guerdjikov, appuyé par le GERB et l'Union des forces démocratiques (ODS), qui a recueilli 31,80% des voix. La participation s'est élevée à 33,55%.

Rappel du résultat des élections législatives du 2 octobre 2022 en Bulgarie

Participation : 39,30%

Source : https://results.cik.bg/ns2022/rezultati/index.html