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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Petr Pavel, qui se présentait en candidat indépendant, a largement remporté le deuxième tour de l'élection présidentielle en République tchèque. Il a recueilli 58,32% des suffrages alors que son adversaire, Andrej Babis (Action des citoyens insatisfaits, ANO), a obtenu 41,67%. Petr Pavel a été plébiscité par les 23 000 Tchèques qui ont voté depuis l'étranger qui lui ont accordé 95,21% des suffrages (4,78% pour Andrej Babis). La participation s'est établie à 70,25%, soit la plus haute jamais enregistrée lors d'un scrutin présidentiel et 2,01 points au-dessus de celle du premier tour des 13 et 14 janvier derniers. Cette élection était un affrontement entre deux personnalités mais surtout entre deux façons de faire de la politique. Par ailleurs, il s'agissait de voir si la droite, qui s'était imposée lors du scrutin législatif des 8 et 9 octobre 2021, pouvait de nouveau l'emporter. La coalition au pouvoir Spolu (Ensemble), qui rassemble le Parti démocrate-civique (ODS) du Premier ministre Petr Fiala, l'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (KDU-CSL) et Tradition, responsabilité, prospérité 09 (TOP 09), a soutenu Petr Pavel pour l'élection présidentielle. Le général (à la retraite) avait reçu aussi le soutien de l'ancien recteur de l'université Tomas Masaryk de Brno, Danuse Nerudova (indépendante), arrivée en troisième position avec 13,93% des suffrages lors du premier tour, de Pavel Fischer (indépendant) (6,75% des voix) et de Marek Hilser (indépendant) (2,56%). A l'issue des résultats, le nouveau chef de l'Etat a remercié tous les électeurs qui se sont rendus aux urnes et qui ont "rendu hommage à la démocratie". "Je ne vois ni perdants ni gagnants dans cette élection présidentielle" a déclaré Petr Pavel.
Résultats de l'élection présidentielle des 13-14 et 27-28 janvier 2023 en République tchèque
Participation : 68,24% (1er tour) et 70,25% (2e tour)
Source : https://www.volby.cz/pls/prez2023/pe2?xjazyk=CZ "Petr Pavel n'est associé à aucun parti et il n'a pas mené de carrière politique, cela le rend acceptable aux yeux d'une large partie de la population tchèque" a indiqué Jan Charvat, enseignant de science politique à l'université Charles de Prague. "Il n'est ni un idéologue ni un homme de parti. Il est davantage europragmatique qu'euroenthousiaste comme la coalition au pouvoir" a souligné Jacques Rupnik, politologue à Sciences Po et spécialiste de l'Europe centrale. Petr Pavel a mis en avant son expérience internationale et diplomatique, qui constitue indéniablement un atout pour négocier avec les chefs d'Etat. En novembre dernier, il a d'ailleurs indiqué qu'il souhaitait revenir à l'ancienne "division du travail" lorsque le président de la République représentait la République tchèque aux sommets de l'OTAN et de l'ONU, le Premier ministre se chargeant de cette fonction de représentation au sein de l'Union européenne. Enfin, "en promettant l'ordre, il mord sur un électorat nationaliste, très loin de sa base électorale libérale pro-européenne plutôt citadine" a affirmé Lukas Macek, directeur du campus de Sciences Po de Dijon, spécialisé sur l'Europe centrale. "Je ne peux pas ignorer le fait que les gens ressentent de plus en plus que nous vivons dans le désordre et l'incertitude. Que l'Etat a en quelque sorte cessé de fonctionner. Nous devons changer cela. Nous devons avoir des règles valables pour tout le monde et respectées par tout le monde. Nous avons besoin d'un coup de balai" a écrit Petr Pavel. "Andrej Babis croit que sa rhétorique fortement conflictuelle peut pousser un plus grand nombre de personnes à voter au 2e tour" avait déclaré Tomas Mazaryk, professeur de science politique de l'université de Brno. Durant la campagne de l'entre-deux tours, Andrej Babis a en effet accusé à plusieurs reprises son rival de bellicisme, affirmant qu'il allait mener la République tchèque à la guerre. Lors du débat télévisé du 22 janvier, l'ancien Premier ministre (2017-2021) a indiqué qu'en tant que chef de l'Etat, il n'enverrait pas de troupes tchèques dans le cas où ses alliés de l'OTAN seraient attaqués. "Je n'entraînerais pas la République tchèque dans la guerre. Je suis diplomate, pas soldat". Sa rhétorique conflictuelle n'aura toutefois pas fonctionné. Andrej Babis est une personnalité trop clivante et controversée, un homme détesté par un trop grand nombre de personnes pour pouvoir rassembler une majorité sur son nom. Agé de 61 ans et originaire de Plana (ouest du pays), Petr Pavel est diplômé de l'Ecole militaire des forces terrestres de Vyskov et de l'Académie militaire de Brno. Il a adhéré au Parti communiste en 1982, pour laquelle il a présenté ses excuses à plusieurs reprises. "Je suis né dans une famille où l'appartenance au Parti communiste était considérée comme normale. Je n'avais pas assez d'informations et d'expérience pour évaluer la nature criminelle du régime. Maintenant, je sais que c'était une erreur" a-t-il précisé. "A tous ceux qui ont souffert de ce régime dont j'ai fait partie, je présente mes excuses" . Petr Pavel a néanmoins tenu à préciser qu'il avait, plus tard, à la tête de l'état-major de l'armée tchèque puis à la présidence du Comité militaire de l'OTAN, prouvé qu'il était désormais et depuis longtemps au service de la démocratie. "Pendant trente-trois ans, j'ai participé à la démocratisation de notre pays et j'ai milité pour que nous prenions un tournant pro occidental (...) Je crois que mes actes montrent clairement les valeurs que je défends et le fait que je suis prêt à me battre pour les préserver" a-t-il souligné. Après 1989, Petr Pavel a obtenu un master relations internationales au King's College de Londres. En janvier 1993, il met en place une opération de sauvetage qui permet aux volontaires tchèques de sauver 53 soldats français d'une unité de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU) assiégée par les Serbes. Cette action comme le soin pris au rapatriement des corps des deux soldats français morts pendant l'offensive lui ont valu en 1995 la Croix de la valeur militaire française avec étoile de bronze. Petr Pavel a occupé par la suite de nombreux postes comme dans plusieurs pays européens avant d'être nommé chef d'état-major de l'armée tchèque en 2012, poste qu'il occupe trois ans. En 2015, il est devenu président du comité militaire de l'OTAN, le premier homme issu d'un pays de l'ancien Pacte de Varsovie à exercer cette fonction. Il a pris sa retraite des forces armées en 2018. Lors de la pandémie de Covid-19, Petr Pavel a fondé Strong Together, une association qui a aidé les personnes dans le besoin. Le nouveau président prêtera serment le 9 mars dans la salle Vladislav du Château de Prague, résidence officielle des chefs d'Etat. Le premier déplacement à l'étranger de Petr Pavel le conduira, selon la tradition en vigueur depuis la séparation des Tchèques et des Slovaques en 1993, à Bratislava.
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