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Élections en Europe
Pascale Joannin
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Pascale Joannin
Alors qu'Emmanuel Macron a été réélu le 24 avril lors du deuxième tour de l'élection présidentielle, une première hors cohabitation sous la Ve République, les partis qui le soutiennent n'ont pas réussi à obtenir la majorité absolue à l'Assemblée nationale, chambre basse du Parlement, le 19 juin lors du deuxième tour des élections législatives en France, malgré le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, une autre première de cette ampleur depuis 1988. Il avait alors manqué 15 voix au gouvernement.
La stratégie du "vote utile" n'a pas fonctionné, ni celle du "front républicain" qui prévalait jusqu'alors.
Une absence de majorité malgré le scrutin majoritaire
La coalition de la majorité présidentielle, Ensemble, - qui rassemble Renaissance (auparavant la République en marche, LREM), parti du président de la République Emmanuel Macron, le Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou, et Horizons, parti de l'ancien Premier ministre (2017-2020) Edouard Philippe, arrivée légèrement en tête lors du premier tour le 12 juin avec 25,75%, n'a pas obtenu la majorité absolue (289 sièges) lors du deuxième tour le 19 juin. Elle a obtenu 245 sièges sur les 577 qui composent l'hémicycle du palais Bourbon, il lui en manque donc 44, et 38,6% des votes.
Au sein d'Ensemble, le parti Renaissance obtiendrait 172 sièges (- 94 sièges par rapport à 2017), le MoDem 43 (- 14) et Horizons 27.
La Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), qui regroupe La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon ; le Parti socialiste (PS), conduit par Olivier Faure ; le Parti communiste (PCF), dirigé par Fabien Roussel, et Europe écologie-Les Verts (EE-LV) emmené par Julien Bayou, obtient 131 sièges et 31,6% des votes,
Au sein de la Nupes, LFI obtiendrait 72 sièges (+55), le PS 26 (-2), EELV 23, le PC 15 (=). Mais chacune de ses composantes devraient former un groupe, il faut 15 élus pour ce faire, ce qui ne ferait pas de LFI le principal groupe d'opposition.
En effet, avec 89 députés et 17,3% des votes, le Rassemblement national (RN), parti populiste de droite de Marine Le Pen, rivale malheureuse d'Emmanuel Macron lors de l'élection présidentielle des 10 et 24 avril, s'offre une représentation inespérée avec ce mode de scrutin et une progression de 81 sièges par rapport à 2017 (8 élus) qui va lui permettre de constituer un groupe ce qui n'était pas le cas en 2017. Contrairement à Jean-Luc Mélenchon qui ne se représentait pas, Marine Le Pen, future Présidente du groupe des députés RN, elle ne reprendra pas la présidence à Jordan Bardella, sera une figure de l'opposition à l'Assemblée nationale.
Les Républicains (LR), parti de centre-droit, ont obtenu 61 sièges et 7% des votes. Ils perdent 31 sièges et leur statut de premier groupe d'opposition qu'ils avaient précédemment, Surtout LR doit se chercher un nouveau leader, le président Christian Jacob, qui ne se représentait pas, a indiqué qu'il quittait ses fonctions à l'issue du scrutin, et une nouvelle ligne politique. Face à la montée des extrêmes radicaux à l'Assemblée nationale, il sera très sollicité pour permettre, ou non, de constituer une majorité. Sera-ce un "pacte de gouvernement" comme l'appellent de leurs vœux certains de ses membres, ou une décision au cas par cas en fonction des textes, ce qui sera plus aléatoire ?
Une abstention massive mais moins forte qu'en 2017
La participation a été faible : elle s'est élevée à 46,23%. Plus de la majorité des Français (53,77%) ont donc choisi de ne pas voter. Ce taux d'abstention dépasse de 1,51 point celui mesuré au premier tour du scrutin (52,49%). Un chiffre qui confirme une tendance esquissée depuis 2002 : celle d'une augmentation de l'abstention entre les deux tours des élections législatives. Toutefois, c'est 3,36 points de moins qu'au second tour des élections législatives de 2017, qui avait enregistré un taux d'abstention record depuis 1958. Il y a cinq ans, 57,36% des électeurs avaient alors boudé les urnes.
Résultats du deuxième tour des élections législatives du 19 juin 2022 en France
Participation : 46,23%
Source : https://www.resultats-elections.interieur.gouv.fr/legislatives-2022/FE.html
Quel remaniement et quelle politique ?
Plusieurs personnalités de la majorité présidentielle ont été sévèrement battues lors de ce scrutin. Le président sortant de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a été battu dans son fief breton, tout comme le président du groupe parlementaire des députés LREM, Christophe Castaner, ancien ministre de l'Intérieur, dans les Alpes et celui du groupe MODEM, Patrick Mignola, en Savoie.
Plusieurs ministres, dont Amélie de Montchalin (ministre de la Transition écologique), Brigitte Bourguignon (ministre de la Santé) et Justine Benin (secrétaire d'État à la Mer), ont également battues et devront quitter le gouvernement en vertu de la règle non-écrite qui veut qu'un ministre battu soit congédié ipso facto du gouvernement.
Un remaniement d'ampleur - et non seulement technique - s'impose compte tenu du "séisme", de "désaveu", de la "claque" que les Français - qui ont voté - ont voulu adresser au parti du Président.
La question se pose même de savoir si un changement de Premier ministre n'est pas indispensable. Certes Elisabeth Borne, en fonction depuis le 16 mai et qui concourrait pour la première fois à une élection, s'est imposée en Normandie. Mais le faible résultat de la majorité va l'obliger à nombre de contorsions politiques dont il n'est pas sûr qu'elle soit capable face à une opposition qui s'annonce tonitruante et enfiévrée tant à gauche (LFI) qu'à droite (RN) dans l'hémicycle.
La bataille s'annonce rude pour le perchoir ; le Président ayant été battu, il faudra désigner le 28 juin un élu chevronné qui puisse tenir les députés et éviter que les débats tournent au pugilat.
Elle s'annonce aussi très musclée pour la composition des autres instances du Parlement, et notamment de la présidence de la commission des Finances qui est depuis 2007 traditionnellement dévolue au principal groupe de l'opposition. Mais ce n'est pas une obligation. Le RN la réclame d'ores et déjà. Il en va de même pour les postes de vice-présidents au prorata des groupes et des postes de questeurs.
Elle s'annonce enfin très difficile pour faire adopter les nombreuses réformes dont le pays a besoin.
Le symbole de sa nomination, la deuxième femme à accéder au poste de Premier ministre en France, plus de 30 ans après la première titulaire, Edith Cresson (1991-1992), pourrait l'épargner. Toutefois ce symbole n'a pas suffi à faire élire plus de femmes députées. La nouvelle Assemblée nationale compte215 femmes députées (37,26%), soit un hémicycle moins féminisé que celui issu des élections législatives de 2017 (39%). En 2017, la féminisation de l'hémicycle battait un taux record s'établissant 12 points au-dessus par rapport à 2012, et plus du triple qu'en 2002, où elles représentaient à peine 12 %.
Par ailleurs, Elisabeth Borne parviendra-t-elle à gouverner dans cette configuration politique inédite ? Et pour combien de temps ?
Une normalisation "européenne" ?
La France, qui est le seul Etat membre de l'Union européenne, depuis le départ des Britanniques, à organiser ses élections selon un mode de scrutin majoritaire, lui donnait une position à part jusqu'à présent sur la scène européenne où tous les autres pays organisent leurs élections selon le système de la représentation proportionnelle.
De nombreux débats en France ont eu lieu pour savoir s'il ne serait opportun d'introduire une dose de proportionnelle ; sans préciser le volume de cette dose ; pour permettre un rééquilibrage du fait majoritaire et assurer une représentation plus fidèle de la diversité de l'offre politique.
Les Français - qui ont voté - ont administré à leur façon une leçon lors des élections législatives puisque la nouvelle composition de l'Assemblée nationale ne confère aucune majorité stable au Président, ce qui est inédit, et offre une affiche plus proche de celle qui aurait pu être constituée à l'issue d'un scrutin proportionnel.
Est-ce un accident ou une tendance à ne pas mettre désormais tous les œufs dans le même panier électoral ? Ira-t-on vers un blocage permanent ? ou cela constituera-t- il une opportunité à dépasser les habituels clivages politiques ? En Europe, cette situation est habituelle et oblige les partis à négocier, souvent à trois ou à quatre, pour former un gouvernement avec un contrat de coalition. C'est ainsi le cas en Allemagne.
Emmanuel Macron, s'il ne veut pas être empêché de mener à bien les réformes attendues pour son nouveau quinquennat, va devoir preuve d'imagination et d'innovation. Il n'en a pas manqué pour être élu à deux reprises. La nouvelle donne politique parlementaire française fragmentée va l'obliger, plus sans doute qu'il ne l'avait envisagé, à composer avec le pouvoir législatif. Et ce d'autant plus que le Sénat, la chambre haute du Parlement, composé de 348 sénateurs, est dominé par les partis d'opposition de droite modérée.
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