Elections législatives en Islande, Le point à une semaine du scrutin

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

17 avril 2009
null

Versions disponibles :

FR

EN

Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Plus de 200 000 Islandais sont appelés à renouveler les 63 membres de l'Althing (Parlement) à l'occasion d'élections législatives anticipées le 25 avril prochain.

Le gouvernement rassemblant le Parti de l'alliance sociale-démocrate (SF) et le Mouvement de gauche-Les Verts (VG), nommé le 1er février dernier et conduit par Johanna Sigurdardottir poursuit ses réformes entamées il y a un peu plus de 10 semaines. Le 5 mars, la loi sur les pensions attribuées au Président de la République, aux membres du gouvernement, aux parlementaires et aux juges de la Cour suprême a été votée. Elle abroge le régime spécial dont bénéficiaient jusqu'alors les hommes politiques et certains hauts fonctionnaires. 633 personnes sont concernées par cette loi.

Le 7 mars, le gouvernement a adopté 11 plans et projets qui doivent à terme créer 4 000 emplois (6 000 au total si l'on prend en compte les 5 projets lancés dans le secteur électrique et les programmes énergétiques). Le 21 mars, l'Etat a pris le contrôle de la banque Straumur Burdaras, de la Caisse d'épargne de Reykjavik (SPRON) et de la Banque des Caisses d'épargne. Le Fonds monétaire international (FMI), qui a accordé un prêt de 1,6 milliard € à l'Islande en octobre 2008 et prévoit toujours une contraction de 10% de la croissance du PIB en 2009, a indiqué que des progrès avaient été accomplis. Les prix ont chuté de 0,59% en mars. Le taux de chômage reste très élevé : 9% en mars (3,3% en octobre).

Le gouvernement de Johanna Sigurdardottir s'est engagé sur 30 mesures. Le Parti de l'indépendance s'est violemment opposé à l'une d'entre elles, la réforme constitutionnelle, qui prévoit la modification immédiate de la loi électorale, une simplification de l'utilisation du référendum et la création d'une Assemblée constituante composée de personnes, ne possédant pas ou plus de fonction politique au niveau national, élues au suffrage universel. Le Parti du progrès (SF) ayant retiré son soutien à l'Assemblée constituante le 14 avril en raison de l'opposition du Parti de l'indépendance et pour ne pas faire perdre de temps aux réformes nécessaires aux Islandais, les partis du gouvernement ont décidé de retirer ce projet de plan de réformes pour l'instant.

Par ailleurs, le gouvernement a nommé, le 29 mars, Eva Joly, ancienne juge, conseillère du gouvernement norvégien dans la lutte contre corruption et la délinquance financière et candidate en France sur la liste Europe Ecologie aux élections européennes, au poste d'experte auprès du procureur de la République chargé de retracer l'évasion des capitaux qui a précédé et suivi l'effondrement puis la nationalisation des banques islandaises en octobre dernier. Eva Joly a renoncé au poste qu'elle occupait en Norvège, dispose de 16 personnes pour mener à bien sa mission.

Geir H. Haarde, ancien Premier ministre (2006-2009) démissionnaire le 26 janvier, a fait ses adieux à la politique lors du congrès du Parti de l'indépendance (SJ) fin mars. Pour la première fois, il a présenté ses excuses pour ses actes "qui ont pu partiellement causer l'effondrement de l'économie de l'Islande en octobre". "Nous avons fait des erreurs. Je prends ma responsabilité des erreurs et pour ces erreurs, il est normal de s'excuser" a-t-il déclaré. Bjarni Benediktsson a été élu à la tête du SJ avec 58,1% des suffrages contre 40,4% à Kristjan Thor Juliusson. Avocat âgé de 40 ans, Bjarni Benediktsson vient d'une famille très engagée dans la vie politique (son grand oncle a été Premier ministre de 1963 à 1970). Il a affirmé que le SJ devait être fier de son histoire, que les propos selon lesquels le parti avait conduit le pays à la ruine étaient absurdes et que la ligne politique du parti était toujours tout à fait valable. Le SJ demande un allègement des dettes des ménages (notamment celles liées aux emprunts immobiliers) mais aussi des entreprises ainsi qu'une baisse rapide des taux d'intérêt. Bien implanté auprès des habitants des petites villes qui vivent de la pêche et de la transformation du poisson et sont parfois victimes de la concentration des grandes sociétés, il propose une réforme de la législation sur la pêche. Son objectif est, s'il arrive au pouvoir, de créer 20 000 emplois durant la prochaine législature.

Le Parti de l'alliance sociale-démocrate s'est doté d'un nouveau leader lors de son congrès organisé fin mars. Sans surprise, Johanna Sigurdardottir, Premier ministre, a été élue à la quasi unanimité (97,9% des suffrages). L'ancien maire de Reykjavik (2007-2008), Dagur Eggertson, est vice-président. Johanna Sigurdardottir souhaite maintenir l'alliance avec le Mouvement de gauche-Les Verts après le scrutin du 25 avril. Un souhait que le président du Mouvement de gauche-Les Verts, Steingrimur Sigfusson, a entériné. Selon Johanna Sigurdardottir, il est mieux pour le pays que "le Parti de l'indépendance reste dans l'opposition". Elle a averti les Islandais que les hausses d'impôt ne suffiraient probablement pas à remettre les caisses de l'Etat à flot et qu'il lui faudrait très probablement opérer des restrictions budgétaires. Elle a également émis le souhait de voir l'Islande devenir le meilleur élève mondial en matière d'environnement et de développement durable.

Le 7 mars, Sigmundur David Gunnlaugsson a été désigné par le Parti du progrès, pour conduire la liste à Reykjavik le 25 avril. Le 5 mars, il se disait prêt à participer à une coalition gouvernementale avec le Parti de l'alliance sociale-démocrate et le Mouvement de gauche-Les Verts sans exclure toutefois de conclure une alliance avec le Parti de l'indépendance. A la traîne dans les enquêtes d'opinion depuis janvier, le Parti du progrès multiplie les propositions qui peuvent séduire aussi bien l'électorat de gauche que celui de droite. Il demande une réduction de 20% de la dette des ménages et des entreprises et réclame une baisse des taux d'intérêt pour relancer l'activité économique et éviter les faillites et les licenciements, une décision qui nécessiterait l'aval du FMI.

Le Parti libéral (XF), créé fin 1998 par l'ancien ministre du Parti de l'indépendance Sverrir Hermannsson et dirigé par Gudjon Kristjansson, a centré son programme électoral sur la pêche. Il défend les petits armateurs et dénonce la concentration des grosses sociétés. Alors qu'il ne compte que 4 sièges au Parlement, 2 de ses députés l'ont quitté, l'une Kristinn H. Gunnarsson, qui est désormais non-inscrite et ne se représente pas aux élections législatives du 25 avril prochain, et l'autre Jon Magnusson, qui est retourné au Parti de l'indépendance dont il était initialement issu. En revanche, Karl V.Matthiasson du Parti de l'alliance sociale-démocrate a rejoint le Parti libéral.

Du côté des "petits" partis, le Mouvement islandais-terre vivante, parti écologiste, fondé en février 2007 par le journaliste Omar Ragnarsson, a fusionné avec le Parti de l'alliance sociale-démocrate. L'Union des souverainistes (L), opposée à l'adhésion de l'Islande à l'Union européenne, s'est retirée de la course, ses dirigeants estimant que leurs listes étaient devenues inutiles depuis que le Mouvement de gauche-Les Verts et le Parti de l'indépendance ont affirmé leur opposition à l'adhésion de l'Islande à l'Union européenne.

Le Mouvement des citoyens (O) de Thor Saari est toujours en course et réclame l'abolition de l'indexation des emprunts et le vote d'un l'allègement des dettes des ménages.

Enfin, un nouveau parti, le Mouvement pour la démocratie (P), a vu le jour. Son fondateur est Astthor Magnusson, candidat malheureux aux élections présidentielles de 1996 et de 2004. Son programme est populiste : il souhaite instaurer le vote préférentiel en Islande, diminuer le nombre de députés et les indemnités qu'ils perçoivent, lutter contre la corruption et le gaspillage, agir pour la paix dans le monde, etc.

A quelques jours du scrutin, l'Europe est fait son retour dans la campagne électorale des élections législatives. "Nous voulons le meilleur pour les Islandais et la meilleure façon d'atteindre ce but est de démarrer les négociations sur une adhésion pleine et entière dans l'Union européenne et d'adopter l'euro aussi rapidement que possible" a déclaré Johanna Sigurdardottir. "Si le gouvernement actuel se maintient après les élections législatives du 25 avril prochain, j'espère que la gauche verte nous permettra de travailler de telle façon que les négociations démarrent vite" a indiqué le Premier ministre qui souhaite démarrer les négociations avec Bruxelles immédiatement après le scrutin. "Les sociaux-démocrates aimeraient que le référendum ait lieu aussi rapidement que possible, à l'automne prochain ou en même temps que les élections locales prévues pour le printemps 2010" indique Baldur Thorhallsson, professeur de science politique à l'université d'Islande.

Pour le Parti de l'indépendance, l'adhésion à l'Union européenne n'est pas une question urgente. Le parti de l'opposition souhaite sur ce sujet l'organisation de deux référendums : un premier sur l'opportunité d'engager les négociations avec Bruxelles et un second sur l'adhésion si un accord est trouvé entre l'Islande et l'UE. Le Mouvement de gauche-Les Verts, qui est opposé à l'adhésion au motif que l'appartenance à l'UE enfreindrait la souveraineté islandaise et réduirait les droits de pêche des Islandais, ne demande qu'un seul référendum sur l'adhésion du pays tout comme le Parti du progrès. Selon les enquêtes d'opinion, les Islandais, qui se disent favorables à l'ouverture des négociations de leur pays avec l'Union européenne, s'opposent toutefois majoritairement à ce que l'Islande la rejoigne.

Néanmoins, les questions économiques et sociales restent prédominantes : qui paiera les nouveaux impôts ? sur quoi porteront les coupes budgétaires ? qui sera touché par la cure d'austérité ? Telles sont les interrogations principales des Islandais.

Les dernières enquêtes d'opinion donnent toutes le Parti de l'alliance sociale-démocrate en tête des intentions de vote (avec 32,2% dans le quotidien Frettabladid le 15 avril, 29% pour l'institut MMR et 30,7% pour Capacent Gallup, le 16). Il serait suivi par le Parti de l'indépendance, en hausse à une semaine du scrutin (27,3% dans Frettabladid, 28,8% pour MNR et 28,2% pour Capacent Gallup), et par le Mouvement de gauche-Les Verts (25,7% pour Frettabladid, 25% pour MNR et 23,3% pour Capacent Gallup). Le Parti du progrès poursuit sa chute et obtient moins de 10% des suffrages et le Parti libéral ne parvient pas à décoller (1%). Le Mouvement des citoyens pourrait obtenir un élu à Reykjavik où sa tête de liste, cinéaste et acteur, est susceptible d'attirer les électeurs. Enfin, le Mouvement pour la démocratie recueillerait environ 2% des voix.

Enfin, l'enquête d'opinion publiée par le journal Frettabladid révèle que 52,6% des Islandais souhaitent que Johanna Sigurdardottir reste à la tête du gouvernement à l'issue du scrutin du 25 avril. 25,8% préfèreraient Bjarni Benediktsson et 11,5 % Steingrimur Sigfusson.

Pour aller plus loin

Élections en Europe

 
2013-05-28-15-22-56.7153.jpg

Corinne Deloy

30 septembre 2024

Le Parti de la liberté (FPÖ), dirigé par Herbert Kickl, est arrivé en tête des élections fédérales en Autriche le 29 septembre. C’est la prem...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-26-56.7014.jpg

Corinne Deloy

16 septembre 2024

Les Lituaniens renouvelleront les 141 membres du Seimas, chambre unique du Parlement, les 13 et 27 octobre. 1 740 personnes issues de 19 partis et mouvements politiques et 18 candidats indépend...

Élections en Europe

 
2013-05-28-15-22-56.7153.jpg

Corinne Deloy

9 septembre 2024

6 346 029 Autrichiens (dont 62 651 résidant à l’étranger), soit un peu moins que lors des précédentes élections fédérales de 2019, sont ap...

Élections en Europe

 
2017-11-08-10-59-32.2521.jpg

Corinne Deloy

7 juillet 2024

Grande surprise et manifeste soulagement pour beaucoup lors du 2e tour des élections législatives le 7 juillet : le Rassemblement national (RN), parti de droite radicale présid&ea...

La Lettre
Schuman

L'actualité européenne de la semaine

Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais

Versions :