Elections législatives au Luxembourg, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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2 juin 2009
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

452 candidats issus de 8 partis politiques se présentent aux suffrages des électeurs le 7 juin prochain pour les élections législatives. Les 3 grands partis du pays – Parti chrétien-social (PCS/CVS), Parti socialiste ouvrier (POSL/LSAP) et Parti démocratique (PD/DP) – misent sur la popularité de leurs principales têtes de listes – respectivement le Premier ministre sortant Jean-Claude Juncker, Jean Asselborn et Claude Meisch – pour conduire leur campagne électorale. Le 7 juin, les Luxembourgeois sont aussi appelés à élire leurs 6 députés européens.

Le Parti chrétien-social, au pouvoir depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale à l'exception des 5 années comprises entre 1974 et 1979 où le gouvernement a été dirigé par le Parti démocratique, fait campagne sur son bilan à la tête de la coalition gouvernementale. Le programme rappelle que 200 millions € ont été injectés dans l'économie pour financer des projets d'infrastructure (dont 135 millions pour les travaux de voirie) et met en avant ses 160 projets en faveur de l'artisanat.

Le Premier ministre sortant, Jean-Claude Juncker, en poste depuis 1995, conduit la liste du Parti chrétien-social dans la circonscription Sud. La question de l'avenir du Chef du gouvernement est, comme il y a 5 ans, au cœur de la campagne. De nombreux commentateurs politiques évoquent le fait que Jean-Claude Juncker pourrait être tenté par un poste européen. A un journaliste de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel qui, le 28 mai dernier, souhaitait savoir s'il était intéressé par la présidence de la Commission européenne ou le poste de Président du conseil européen (qui sera créé dès que le traité de Lisbonne aura été ratifié), le Premier ministre du Luxembourg a déclaré : "Primo, je suis actuellement en campagne pour me faire élire Premier ministre du Luxembourg. Secundo, nous devons attendre pour voir si les Irlandais acceptent le traité de Lisbonne. Tertio, on ne mène pas campagne pour décrocher de tels postes mais on doit être nominé par d'autres. Et, enfin, mon instinct politique me dit qu'après les prises de bec de ces derniers temps, certains de mes collègues européens ne seront pas très emballés à l'idée de me désigner pour assumer ces fonctions".

Intitulé Le fil rouge, le programme du Parti socialiste ouvrier (POSL/LSAP), membre de la coalition gouvernementale sortante, est centré sur la défense et le renforcement des principes de l'Etat social, l'équité et la solidarité. "Le Parti socialiste ouvrier n'est pas l'ennemi des banques et considère que la place financière du Luxembourg est importante" souligne son leader, Jean Asselborn pour lequel cependant "l'économie de demain sera sociale ou ne sera pas". "Notre bilan est plutôt satisfaisant. Notamment dans les domaines de l'éducation, de la politique d'immigration, des transports publics et de l'environnement" affirme encore Jean Asselborn, qui ajoute "le pays a besoin des idées socialistes".

Conformément à sa tradition, le Parti socialiste ouvrier fait la part belle dans ses listes à de nombreux élus locaux (bourgmestres, échevins et conseillers communaux). " La proximité de terrain est très importante" souligne Jean Asselborn, ancien bourgmestre de Steinfort. "Nous sommes un parti uni, plus uni que jamais durant ces 30 dernières années" indique le leader du parti, Alex Bodry.

Le Parti démocratique réclame un plan de relance efficace pour l'industrie et l'artisanat. Paul Helminger (PD/DP), bourgmestre de la ville de Luxembourg, a reproché au gouvernement de Jean-Claude Juncker de ne pas avoir pris les bonnes mesures durant la crise économique internationale et de ne pas avoir de perspectives pour l'avenir. Selon Paul Helminger, la transformation de la place financière du Luxembourg est indispensable à sa survie.

L'Action pour la démocratie et la justice en matière de rentes (ADR) a centré son programme, entre autres, sur la cohésion sociale. Le parti est opposé à la double nationalité. "Une seule nationalité, la nationalité luxembourgeoise, est l'aboutissement de l'intégration dans notre pays" affirme son leader Roby Mehlen. Le parti réclame que la langue luxembourgeoise soit inscrite dans la Constitution et devienne une matière obligatoire de l'enseignement secondaire. Des mesures d'autant plus indispensables pour Roby Mehlen que le pays compte, selon lui, plus de 40% d'étrangers (36,9% selon Eurostat) et que 44% de la population active sont des non-résidents. "Cette situation unique en Europe constitue un véritable défi à la cohésion sociale" affirme t-il.

Le programme de Dei Greng-Les Verts (G) s'articule autour de 3 concepts : l'écologie, l'économie et l'éducation. Les écologistes souhaitent orienter davantage l'enseignement et la recherche vers les questions environnementales. Ils veulent, pour relancer le secteur financier, développer des fonds d'investissements verts et socialement responsables (SRI). Dei Greng-Les Verts estiment que de lourds déficits grèveront le budget de l'Etat jusqu'en 2010 et par conséquent ne promet aucune réduction d'impôts, qualifiée de mesure irresponsable et de solution de facilité. "Je mets en garde contre tous ceux qui promettent une réduction d'impôts ces cinq prochaines années. Parce qu'une réduction fiscale aura pour conséquence de réduire encore plus les capacités de financement de l'Etat et d'augmenter les dettes. Et ce sont donc les structures sociales qui en feront les frais" a déclaré François Bausch, président du groupe parlementaire de Dei Greng-Les Verts et échevin de la ville de Luxembourg.

Dei Lenk-La Gauche (G) s'est fixée 5 priorités. Tout d'abord, la formation réclame une hausse du salaire minimum, de façon à ce que celui-ci dépasse le seuil de pauvreté. Elle demande une meilleure protection des salariés en cas de licenciements économiques, une plus forte taxation des bénéfices, des grandes fortunes et des gros salaires afin de financer les services publics, des investissements massifs dans le logement social (construction de 2 000 logements par an, dont 10% de logements sociaux) et, enfin, une réduction du temps de travail à 35 heures par semaine.

Le Parti communiste (KPL/PCL) d'Ali Ruckert met l'accent sur la création d'emplois et l'extension du droit des travailleurs. Il souhaite mettre en place une banque publique qui ne fera pas de spéculation et soutiendra les petites et moyennes entreprises.

Enfin, la Liste des citoyens (Biergerlëscht, B), formation anti-establishment et se voulant la représentante des 44% de Luxembourgeois qui ont voté "non" au référendum sur la Constitution européenne organisé le 10 juillet 2005, souhaite avant tout conserver le siège qu'occupe son leader, Aly Jaerling, ancien de l'ADR, désormais indépendant.

La Chambre de commerce du Luxembourg a publié son bilan de la législature 2004-2009. Elle salue les progrès réalisés en matière de promotion du pays et de diversification de l'économie mais rappelle que des contraintes au bon fonctionnement de l'économie subsistent, notamment en matière de rigidité du droit du travail. Le Luxembourg a ainsi reculé de la 5e à la 12e place entre 2008 et 2009 dans le classement réalisé annuellement par l'International Institute for Managing Development (IMD). La Chambre de commerce se réjouit des avancées réalisées dans les domaines de la recherche et de l'innovation mais souligne que les réformes engagées en faveur de la formation professionnelle ou de l'enseignement primaire souffrent d'un manque de lisibilité. Enfin, elle regrette que l'objectif de réduction des dépenses de l'Etat ait dû être repoussé à cause de la crise économique.

Le Conseil national des femmes du Luxembourg a regretté que deux partis – le Parti communiste (KPL/PCL) d'Ali Ruckert et la Liste des citoyens (Biergerlëscht, B) d'Aly Jaerling – n'aient retenu aucune des 62 propositions en faveur des femmes qu'il a proposées dans leur programme électoral. Le Parti chrétien-social en a retenu 7, Dei Greng-Les Verts, 8, le Parti démocratique, 9, le Parti socialiste ouvrier, 13 et Dei Lenk-La Gauche, 14.

Près de la moitié des candidats aux élections législatives ont accepté de répondre aux 38 questions qui leur étaient posées afin d'établir leur profil sur le site http://smartvote.lu lancé par une équipe de chercheurs de l'université du Luxembourg pour aider les électeurs à déterminer de quel parti ou candidat ils sont les plus proches. "Lors de l'analyse des précédentes élections législatives du 13 juin 2004, nous avons constaté que les programmes électoraux étaient pris en compte par seulement 6% ou 7% des votants. C'est très peu" indique Raphaël Kies, chercheur en sciences politiques.

Les électeurs ont tendance à voter en fonction de la sympathie que dégagent les partis et surtout les candidats ou de la familiarité qu'ils peuvent ressentir avec ces derniers. Ainsi, il y a 5 ans, la moitié des votants avaient panaché leur vote et s'étaient exprimés pour des candidats individuels plutôt que pour des partis politiques. Au Luxembourg, chaque électeur dispose d'un nombre de suffrages égal à celui des députés à élire dans sa circonscription. Il peut exercer un "vote en case de tête", c'est-à-dire attribuer une voix à chacun des candidats d'une même liste mais également voter en faveur de candidats issus de deux ou plusieurs listes différentes ou encore faire un "vote doublé", c'est-à-dire voter deux fois (au maximum) pour l'un des candidats d'une liste. Il est enfin libre de mêler ces deux dernières façons de voter, par exemple en utilisant le vote doublé sur plusieurs candidats de plusieurs listes différentes.

Selon la grande majorité des analystes politiques, les élections législatives du 7 juin prochain devraient très probablement permettre de reconduire la majorité sortante Parti chrétien-social/Parti socialiste ouvrier. Reste à savoir si Jean-Claude Juncker sera ou non le prochain Premier ministre du Grand-Duché.

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