Résultats

Victoire aux voix du Parti social-démocrate ; mais victoire en sièges du Parti démocrate-libéral du Président de la République Traian Basescu aux élections parlementaires roumaines

Actualité

Corinne Deloy,  

Mirabela Lupaescu

-

1 décembre 2008
null

Versions disponibles :

FR

EN

Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Lupaescu Mirabela

Mirabela Lupaescu

Victoire aux voix du Parti social-démocrate ; mais victoire en sièges du Parti d...

PDF | 168 koEn français

Le principal parti d'opposition, le Parti social-démocrate (PSD) dirigé par Mircea Geoana, allié au Parti conservateur (PC) de Dan Voiculescu, est arrivé en tête des élections parlementaires roumaines le 30 novembre, devançant de peu le Parti démocrate-libéral (PD-L) du Président de la République Traian Basescu. Le PSD recueille 33,09% des voix aux élections législatives et 34,16% au scrutin sénatorial, tandis que le PD-L en obtient 32,36% et 33,57%. Le Parti national-libéral (PNL) du Premier ministre sortant Calin Popescu-Tariceanu arrive en 3e position avec 18,57% des suffrages et 18,74%. Enfin, l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), membre de la coalition gouvernementale sortante et conduite par Marko Bela, recueille 6,17% et 6,39% et est le 4e parti politique représenté au Parlement.

Cependant, le système de répartition des sièges ne suit pas celui des suffrages. En dépit de sa victoire en voix, le Parti social-démocrate obtient moins de sièges dans les 2 assemblées du Parlement que le Parti démocrate-libéral : le PDS remporte 114 sièges de députés et 49 sièges de sénateurs contre respectivement 115 et 51 pour le PD-L ; le Parti national-libéral en obtient 65 et 28 ; l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie, 22 et 9.

Les autres partis, et notamment la formation d'extrême droite, le Parti de la Grande Roumanie, (PRM) qui possédait 48 sièges à la Chambre des députés et 21 au Sénat dans la précédente législature et qui siégeait au Parlement depuis 1996 – échouent à recueillir les 5% de suffrages obligatoires pour entrer au Parlement. "Je vais prendre ma retraite politique" a annoncé Gigi Becali, qui est aussi le patron du club de football du Steaua Bucarest.

Le Président roumain, Traian Basescu, avait pourtant appelé le 28 novembre ses compatriotes à se rendre aux urnes. "Mon message aux Roumains est le suivant : votez ! La crise économique internationale touche la Roumanie et ses effets vont se faire encore plus sentir dans les mois à venir. C'est pourquoi nous avons besoin d'un Parlement qui représente l'ensemble des Roumains et qui soit capable de contrer les effets de la crise" avait-il déclaré, rappelant que des personnes étaient mortes pour que les Roumains puissent exercer librement leur droit de vote.

Ces élections parlementaires se déroulaient, pour la 1ère fois, au système majoritaire mixte. Les électeurs ont voté pour des candidats individuels et non plus, comme ils le faisaient jusqu'alors, au scrutin proportionnel en faveur de listes dressées par les partis politiques. Selon les enquêtes d'opinion, les Roumains sont favorables à ce nouveau mode de scrutin. "Il serait simpliste de penser qu'un changement de mode de scrutin va changer en un jour la classe politique" a déclaré l'ancien Président de la République (1989-1996 et 2000-2004) Ion Iliescu qui a mis fin, cette année, à sa carrière parlementaire.

Pour la 1ère fois également, les élections parlementaires n'étaient pas couplées avec le scrutin présidentiel (depuis la réforme constitutionnelle de 2004, le Chef de l'Etat est élu pour 5 ans, son élection est donc dissociée de celle du Parlement). Par ailleurs, le 1er décembre étant un jour férié en Roumanie (célébration de l'unification des régions roumaines de 1918), le scrutin tombait au milieu d'un week-end prolongé qui a vu de nombreux électeurs quitter leur domicile. "Je regrette que bon nombre de jeunes aient quitté Bucarest et j'espère qu'ils seront de retour ce soir à temps pour exercer un droit de vote durement gagné en décembre 1989" a déclaré Theodor Stolojan, vice-président du PD-L et candidat au poste de Premier ministre. Le gouvernement avait décidé d'offrir le transport en train aux jeunes de 18 à 25 ans durant le week-end afin de faciliter leur participation aux élections, le vote devant avoir lieu dans la commune de résidence qui, dans le cas des étudiants, correspond rarement avec celle où ils font leurs études. Enfin, de multiples incidents (bulletins de vote non conformes, tentatives de corruption, etc.) ont été recensés le jour du vote.

Mais, in fine, cette faible participation traduit surtout le désintérêt des Roumains pour ces élections parlementaires et traduit le peu d'estime dans lequel ils les tiennent. Selon les enquêtes d'opinion, le Parlement est perçu par la population comme l'institution nationale la plus corrompue.

Depuis la clôture du scrutin, les sondages ont d'abord donné vainqueur le Parti social-démocrate – avec environ 5 points d'avance sur le Parti démocrate-libéral – puis la situation s'était retournée à l'avantage de ce dernier. Le Parti national-libéral, arrivé 3e, fait figure de candidat incontournable de la négociation de toute alliance tout comme, de façon moindre, l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie. Le leader du PNL et Premier ministre sortant, Calin Popescu Tariceanu, a remercié son électorat dès l'annonce des 1ers résultats : "Vous avez montré par votre vote que vous aviez confiance dans le Parti national-libéral et dans les politiques libérales et pour tout cela je tiens à vous remercier. Je me rappelle qu'il y a 8 ans, le Parti national-libéral n'obtenait que 7% des voix".

Le 28 novembre, le Président Traian Basescu, qui durant la campagne électorale a plusieurs fois rappelé que le choix du Premier ministre ne relevait que de lui : "Personne ne peut m'imposer le nom du futur Chef du gouvernement". Il a indiqué que les partis politiques disposeraient de 10 jours pour former une coalition gouvernementale et de 10 autres pour choisir leur candidat au poste de Premier ministre. Le Chef de l'Etat souhaite que le prochain gouvernement roumain soit formé pour le 24 décembre.

Selon la Constitution roumaine, le Président de la République nomme le Premier ministre après "consultation du parti ayant la majorité absolue dans le Parlement ou, si cette majorité n'existe pas, des partis représentés au Parlement" (article 103-1 de la Loi fondamentale). Traian Basescu a d'ores et déjà exclu la nomination de Calin Popescu Tariceanu et de Mircea Geoana à qui ils reprochent d'avoir mené la campagne en vue de sa destitution (le 12 février 2007, le Parti social-démocrate et le Parti de la grande Roumanie déposaient une demande de suspension de sa fonction de Président de la République au motif de violation de la Constitution adoptée par le Parlement le 17 avril. Lors d'un référendum sur ce sujet précis, les Roumains choisissaient le 19 mai de garder leur Chef de l'Etat).

"La responsabilité du Président Basescu est énorme car la Roumanie traverse sa période la plus difficile depuis 1990" a indiqué le politologue Iosif Boda, ajoutant "en raison de la campagne électorale, les partis politiques ont évité de parler sérieusement de la crise économique et personne n'a osé évoquer des mesures d'austérité qui risquent de devenir indispensables en 2009". L'éditorialiste du quotidien Gandul, Cristian Tudor Popescu, partage cette opinion. "Tout dépend maintenant de l'attitude de Traian Basescu" souligne-t-il précisant "la question est de savoir s'il est plus préoccupé par ses chances d'obtenir un 2e mandat de Président de la République en 2009 ou par la nécessité de trouver rapidement une formule de gouvernement bénéfique pour le pays". "Une coalition regroupant le Parti social-démocrate et le Parti démocrate-libéral manquerait de cohérence et de fermeté pour mener à bien la nécessaire politique de restriction. Cela serait jugé de façon "négative" par les marchés financiers" peut-on lire dans une note rédigée par plusieurs économistes et publiée le 27 novembre qui précise aussi "Une coalition rassemblant le Parti démocrate-libéral et le Parti national-libéral serait plus appréciée par les marchés mais ce partenariat serait jugé instable au vu des incessantes querelles entre les deux partis".

"Il apparaît qu'il sera plus difficile de bâtir un gouvernement solide capable de garantir la stabilité. Il est très décevant de constater que nos responsables politiques se concentrent exclusivement sur de sombres arrangements post-électoraux au lieu de mettre en oeuvre rapidement des mesures contre la crise" analyse le politologue Cornel Nistorescu.

Quelle que soit la coalition gouvernementale qui succèdera à celle dirigée par Calin Popescu-Tariceanu, elle devra faire face à la lourde tâche de gérer la sortie de crise du pays. La Roumanie est frappée de plein fouet par la crise financière internationale. La semaine dernière, le constructeur automobile franco-roumain Renault-Dacia a annoncé que ses ventes avaient chuté de 30% au mois d'octobre par rapport à octobre 2007 et qu'il arrêtait sa production jusqu'au 7 décembre prochain. Arcelor Mittal a annoncé une fermeture temporaire de son usine située dans l'Ouest du pays qui emploie 1 300 personnes. Enfin, le fabricant de pneus Michelin a fermé temporairement 2 de ses usines.

La Roumanie, dont le développement dépend largement des investissements étrangers, est plus vulnérable que ses voisins et pourrait être contrainte de recourir à une aide extérieure. Le taux de chômage devrait augmenter dans les prochains mois. Le gouvernement sortant a annoncé que 29 000 personnes perdraient leur emploi d'ici à mars prochain. Enfin, beaucoup craignent que les Roumains partis travailler à l'étranger, soit environ 10% de la population, eux aussi touchés par la crise économique internationale, ne commencent à rentrer au pays. On estime à 500 000 les personnes susceptibles de regagner la Roumanie, un nombre que le pays ne peut accueillir.

L'ensemble des partis politiques ont rivalisé de promesses durant toute la campagne électorale. Le Parti social-démocrate a promis de baisser les impôts, d'augmenter les subventions sociales et de doubler le salaire minimum. Le Parti démocrate-libéral a appuyé les augmentations de salaires des enseignants et des professionnels du secteur de la santé promulguées par le Président de la République. Les deux partis s'accordent sur la nécessité d'augmenter les dépenses publiques pour lutter contre la crise économique.

Toute la question dorénavant est de savoir quelle coalition gouvernementale va sortir de ce scrutin et quel Premier ministre va choisir le président Basescu.

Résultats des élections législatives et sénatoriales du 30 novembre 2008 en Roumanie

Elections législatives

Participation : 39,26%

Elections sénatoriales

Participation : 39,26%

Victoire aux voix du Parti social-démocrate ; mais victoire en sièges du Parti d...

PDF | 168 koEn français

Pour aller plus loin

Élections en Europe

 
2013-05-28-15-22-56.7153.jpg

Corinne Deloy

30 septembre 2024

Le Parti de la liberté (FPÖ), dirigé par Herbert Kickl, est arrivé en tête des élections fédérales en Autriche le 29 septembre. C’est la prem...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-26-56.7014.jpg

Corinne Deloy

16 septembre 2024

Les Lituaniens renouvelleront les 141 membres du Seimas, chambre unique du Parlement, les 13 et 27 octobre. 1 740 personnes issues de 19 partis et mouvements politiques et 18 candidats indépend...

Élections en Europe

 
2013-05-28-15-22-56.7153.jpg

Corinne Deloy

9 septembre 2024

6 346 029 Autrichiens (dont 62 651 résidant à l’étranger), soit un peu moins que lors des précédentes élections fédérales de 2019, sont ap...

Élections en Europe

 
2017-11-08-10-59-32.2521.jpg

Corinne Deloy

7 juillet 2024

Grande surprise et manifeste soulagement pour beaucoup lors du 2e tour des élections législatives le 7 juillet : le Rassemblement national (RN), parti de droite radicale présid&ea...

La Lettre
Schuman

L'actualité européenne de la semaine

Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais

Versions :