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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
A une semaine des élections législatives qui se dérouleront en Norvège le 12 septembre prochain, l'opposition de gauche, représentée par le Parti travailliste (DNA), le Parti du centre (Sp) et le Parti socialiste de gauche (SV), formations unies pour la première fois de leur histoire, est en tête des enquêtes d'opinion. Selon un sondage publié le 31 août dernier dans Nationen, ces partis recueilleraient ensemble 51,2% des suffrages, soit quatre vingt dix des cent soixante-neuf sièges du Storting (Chambre unique du Parlement), une majorité absolue que peu de gouvernements ont obtenue ces dernières années. Le « bloc bourgeois », qui regroupe le Parti conservateur (H), le Parti chrétien-populaire (KrF) du Premier ministre Kjell Magne Bondevik et le Parti libéral (V), n'obtiendrait que 27,2% des voix. Le Parti du progrès (FrP), formation populiste d'extrême droite, recueillerait 17,5% des suffrages, l'Alliance électorale rouge (RV), 1,7% et enfin le Parti de la côte (KYST), formation dirigée par Roy Waage représentant les intérêts des pécheurs et dont l'ancien président Steinar Batesen est l'unique député, 0,8%. A quelques jours du scrutin cependant, l'avance des formations de l'opposition de gauche semble se réduire légèrement. Une enquête d'opinion réalisée par l'institut AC Nielsen et publiée le 2 septembre dernier crédite le Parti travailliste, le Parti du centre et le Parti socialiste de gauche de 49,1% des voix, soit quatre vingt-huit députés au Parlement. La majorité absolue est de quatre vingt-cinq sièges.
L'opposition de gauche a centré sa campagne sur les personnes âgées (une place en foyer garantie à tous ceux qui en expriment le besoin), l'éducation (renforcement des matières principales dans l'enseignement et passage aux vingt-huit heures de classe dans le cycle primaire) et le système de santé (augmentation de dix mille du nombre de salariés du secteur de la santé).
Les formations de la coalition gouvernementale mettent en avant leur bilan économique, rappelant que la Norvège vient d'être classée, pour la cinquième année consécutive, « pays disposant du niveau de vie le plus élevé au monde » par le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Les trois partis gouvernementaux souhaitent renforcer la recherche et l'innovation, augmenter la liberté de choix de la population (choix de leur lycée par les lycéens et choix de leur aide à domicile par les personnes âgées), supprimer l'impôt sur les grandes fortunes, réduire à 50% le taux maximum d'imposition et, enfin, réduire la pression fiscale pour l'ensemble des Norvégiens. La coalition gouvernementale a mis également en garde la population contre les promesses de la gauche qui, selon elle, pourraient s'avérer coûteuses et sont parfois contradictoires. « Vous êtes en désaccord sur l'exploitation pétrolière, sur l'éducation et sur la politique de sécurité. Le seul accord auquel vous soyez parvenus, c'est de ne pas dire un mot de ses divergences avant les élections » a lancé la présidente du Parti conservateur, Erna Solberg, à Jens Stoltenberg lors d'un débat télévisé.
Le Parti travailliste est favorable au développement du forage d'exploration le long des îles Lofoten situées dans le Nordland tandis que le Parti socialiste de gauche et le Parti du centre y sont opposés. Le leader travailliste a en partie répondu à ces attaques en publiant dans la presse une tribune dans laquelle il affirme que les grandes lignes de l'actuelle politique extérieure du pays seraient poursuivies en cas de victoire de l'opposition aux élections législatives du 12 septembre prochain. Le leader travailliste a confirmé que, s'il gouvernait le pays, la Norvège resterait membre de l'OTAN et de l'Espace économique européen (EEE) dont le Parti socialiste de gauche demande pourtant que le pays se retire. Enfin, Jens Stoltenberg a assuré que la coalition de l'opposition de gauche ne souhaitait pas pour l'heure poser la question de l'adhésion du pays à l'Union européenne.
Selon une enquête publiée par Aftenposten le 19 août dernier, quatre Norvégiens sur dix jugent la politique proposée par les formations de gauche crédible (44%, contre 34% pour la politique de l'actuelle coalition gouvernementale).
Les partis au pouvoir pâtissent de la décision du leader du Parti du progrès de cesser tout soutien au gouvernement dans le cas où Kjell Magne Bondevik resterait au poste de Premier ministre. « Il n'y a que deux solutions cet automne : soit un gouvernement de droite dirigé par Kjell Magne Bondevik, soit un gouvernement de gauche dirigé par Jens Stoltenberg » a déclaré le président du Parti chrétien-populaire, Dagfinn Hoybraten, écartant par là même l'éventualité d'une nomination d'Erna Solberg, présidente du Parti conservateur. « J'ai vraiment envie de devenir Premier ministre un jour » affirme pourtant cette dernière dans le journal Verdens Gang (VG) du 1er septembre dernier. « Les propos de Carl Hagen (leader du Parti du progrès) sèment l'incertitude à droite. En vérité, il participe à la consolidation des chances de la gauche d'accéder au pouvoir » a souligné le Premier ministre. « Je ne quitterai pas mon bureau à l'automne pour faire plaisir à Carl Hagen. Ses propos n'auront un sens politique que le jour où il dira expressément préférer un gouvernement issu de la gauche » a-t-il ajouté.
Selon une enquête d'opinion publiée le 23 août dernier par Dagbladet, les deux tiers des sympathisants du Parti conservateur (67%) souhaitent que le Parti du progrès entre au gouvernement. Certaines personnalités se sont également prononcées dans ce sens. Ainsi, Herman Friele, maire de la deuxième ville du pays, Bergen, a publiquement émis le souhait de voir la formation populiste faire partie du gouvernement à l'issue des prochaines élections législatives.
Le Parti du progrès a récemment publié une brochure qui a suscité de violentes réactions au sein de la classe politique. La couverture de cet opuscule traitant de l'immigration représente un homme habillé d'une cagoule et brandissant un fusil au-dessus de la phrase suivante : « Le tireur est d'origine étrangère ». Carl Hagen s'est défendu de tout racisme et a argué que la brochure mentionnait « qu'un très grand nombre d'immigrés étaient tous à fait légaux en Norvège et qu'ils apportaient beaucoup au pays » mais que malheureusement, « les statistiques révèlent que la criminalité était en augmentation au sein des personnes issues de l'immigration ». Le leader du Parti du progrès se fonde sur les données du bureau de la statistique norvégienne (SSB) qui montre que le taux d'inculpation pour crime est de trente pour mille parmi les immigrés non occidentaux, contre quatorze pour mille parmi les citoyens norvégiens. Le bureau de la statistique norvégienne précise cependant que le fort pourcentage de jeunes hommes parmi la population immigrée explique en partie ce phénomène. « Tous les musulmans ne sont pas des terroristes », a déclaré Carl Hagen dans une interview à l'Aftenposten le 26 août dernier, « mais tous les terroristes sont des musulmans ».
L'Europe est absente dans le débat électoral. Les désaccords sur ce thème entre les formations de la coalition gouvernementale et entre celles appartenant à l'opposition, ainsi que le rejet par la majorité de la population de l'adhésion du pays à l'Union européenne révélée par les enquêtes d'opinion, expliquent que les partis politiques aient jusqu'alors soigneusement évité le sujet. « Quelle que soit l'issue du scrutin, la Norvège ne devrait en tout cas pas se rapprocher de l'Union européenne » estime le politologue Frank Aarebrot. Selon un sondage réalisé le 31 mai, soit deux jours après le « non » des Français à la Constitution européenne, et publié dans le quotidien Verdens Gang (VG), 35,5% des Norvégiens se disent favorables à l'adhésion de leur pays à l'Union, contre 44,9% qui s'y déclarent opposés.
Les débats télévisés se poursuivent durant les derniers jours de la campagne et les enquêtes d'opinion réalisées à l'issue de ces débats sont presque toutes favorables au Parti travailliste. Les résultats du DNA dans les enquêtes d'opinion n'ont d'ailleurs jamais été aussi élevés depuis mai 2000 ; les sociaux-démocrates semblent en effet être parvenus à mobiliser une large partie de leur électorat alors qu'un grand nombre de leurs sympathisants avaient boudé les urnes lors des dernières élections législatives du 10 septembre 2001. « Nous avons dit clairement que nous oeuvrerons en faveur des plus âgés et des écoles et que nous en terminerons avec le système d'impôt anti-social du gouvernement. Nous représentons une alternative claire quand les forces opposées sont une minorité obscure. La majorité au pouvoir a tenté de nous salir mais elle a échoué » a déclaré Jens Stoltenberg pour expliquer les bons résultats de sa formation dans les sondages. Le dirigeant social-démocrate jouit d'une forte popularité qui dépasse d'ailleurs son propre électorat. Selon une enquête d'opinion, près d'un tiers des sympathisants du Parti conservateur (30%) affirment préférer Jens Stoltenberg à Kjell Magne Bondevik comme Premier ministre ; 44% des proches du Parti du progrès partagent cet avis, rejoignant ainsi les sentiments contre Kjell Magne Bondevik exprimés par leur leader. « Ces enquêtes montrent que ce que je dis est juste : le problème, c'est Kjell Magne Bondevik » a déclaré Carl Hagen en commentant ce sondage.
Les dernières enquêtes d'opinion montrent également que le Parti travailliste et le Parti du progrès possèdent les électorats les plus stables, celui du Parti chrétien-populaire figurant au contraire parmi les plus instables. « La stabilité du Parti du progrès est une nouveauté par rapport aux précédentes élections et cela signifie que la formation possède plus de chance que jamais de voir se concrétiser les intentions de vote en sa faveur le 12 septembre prochain » déclare le politologue Bernt Aardal.
A une semaine du scrutin, plusieurs coalitions sont envisageables. Si les formations de l'opposition de gauche échouaient à obtenir ensemble la majorité absolue lors des élections législatives du 12 septembre prochain, le Parti du progrès pourrait alors jouer un rôle majeur. Le leader social-démocrate, Jens Stoltenberg, a cependant déclaré que, dans ce cas, « le Premier ministre continuera à gouverner », le Parti travailliste ne souhaitant pas former, à lui seul, un gouvernement minoritaire. L'autre bataille qui se jouera lors de ce scrutin et qu'il sera intéressant de suivre sera celle opposant le Parti conservateur au Parti du progrès pour le titre de deuxième formation du pays, les deux partis étant actuellement crédités du même pourcentage de voix par les instituts d'opinion.
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