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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Les incidents se multiplient en Biélorussie durant la campagne électorale pour les élections législatives et le référendum qui se dérouleront le 17 octobre prochain.
Le 16 septembre dernier, deux défenseurs des droits de l'Homme, Tatiana Reviaka et Garry Pogoniaïlo, ont été arrêtés dans la capitale Minsk alors qu'ils distribuaient un rapport du Conseil de l'Europe rédigé par le Chypriote Christos Pougouridès sur les disparitions d'opposants. Ce rapport met en cause le régime biélorusse dans la disparition de Youri Zakharenko, ancien ministre de l'Intérieur disparu le 7 mai 1999, Viktor Gontchar, ancien Premier ministre, et Anatoly Krasovski, disparus le 16 septembre de la même année, et du journaliste Dimitri Zavadski, disparu le 7 juillet 2000.
Le 30 septembre, les bureaux d'Henadz Ananyew, membre du Parti de l'union civique (CAB), formation ouvertement opposée au Président, Alexandre Loukachenko, ont été visités durant son absence par des officiers de police sans qu'aucun mandat de perquisition ne soit produit par les forces de l'ordre. Le 5 octobre dernier, l'eau et le gaz ont également été coupés dans le quartier général de la formation, les autorités reprochant au parti de ne pas avoir réglé ses factures. De même, un discours du candidat Mikalay Voran, membre du Front populaire biélorusse, n'a pas été, comme prévu, retransmis par la chaîne de télévision régionale Hrodna sans que les responsables de la chaîne ne fournissent aucune explication. « Dans mon discours, je me présentais comme un représentant des cercles démocratiques de la société et je défiais le régime d'Alexandre Loukachenko », a déclaré Mikalay Voran, appelant par ailleurs les Biélorusses à voter « non » au référendum du 17 octobre prochain. Le 5 octobre, le député Alexandre Dabravolski, président du Parti de l'union civique, candidat à Svislach, a reçu de la part de la commission électorale de sa circonscription, un avertissement pour un dépassement du nombre de tracts électoraux autorisés pour la campagne (ce nombre est de mille huit cents). Le même jour, le journal d'opposition Nedelya a été fermé pour une durée de trois mois et sans aucune raison par le ministre de l'Information, Vladimir Rousakevitvh. Depuis le 7 septembre, date de l'annonce du référendum par le Président Alexandre Loukachenko, dix-huit publications indépendantes ont été fermées par les autorités biélorusses.
Enfin, la Commission électorale du pays a refusé, sans aucune explication, à deux leaders de la minorité polonaise, Tadeusz Kruckowski, qui souhaitaient se présenter dans la circonscription de Shchuchyn-Voronovo où vivent 70% de personnes d'origine polonaise, et Tadeusz Gawin, président de l'Union des Polonais de Biélorussie (ZPnB), le droit d'être candidats aux prochaines élections législatives. Au total, un tiers des candidats présentés par les formations d'opposition ont été refusés par la Commission électorale biélorusse. Viktor Karniyenka, membre du Parti de l'union civique, Youri Zakharanka, dirigeant d'une des branches régionales du Parti social-démocrate de l'entente populaire (PPA), Guennadi Fedynich et Alexandre Boukhvostov, membres d'un syndicat d'opposition, ont vu leurs demandes de candidatures rejetées, la Commission leur reprochant d'avoir falsifié les signatures nécessaires pour participer aux élections. Viktor Karniyenka a formellement nié le fait, précisant qu'il avait d'ailleurs recueilli douze mille signatures au lieu des mille obligatoires.
Le 5 octobre, la Cour suprême de Biélorussie a rejeté cinquante-huit plaintes issues de personnalités ayant vu leur candidature rejetée par la Commission électorale, la plupart en raison de signatures défaillantes, c'est-à-dire estimées comme fausses par la Commission. Seuls deux des plaignants ont finalement été autorisés à se présenter aux élections législatives du 17 octobre prochain. Il s'agit de Siarhey Yarmak, leader du Parti social-démocrate de l'entente populaire qui sera candidat à Homel, et de Uladimir Shohaw, membre du Parti communiste (KPB) qui se présente dans la capitale Minsk.
Le 13 septembre dernier, le Parlement européen a adopté, par quatre cent quatre vingt dix-neuf voix, contre vingt et vingt-six abstentions, une résolution réprimandant le régime de Loukachenko et sa politique contre les médias, les journalistes, les membres de l'opposition et les défenseurs des droits de l'Homme et condamnant les arrestations arbitraires, les mauvais traitements infligés aux détenus, les disparitions et les persécutions pour motifs politiques. Le Parlement européen a demandé « des élections libres, loyales, équitables, responsables et transparentes », réaffirmant que « le développement ultérieur des relations de l'Union européenne avec la Biélorussie continuera de dépendre des progrès effectués dans la voie de la démocratisation et de la réforme dans le pays ». En outre, le Parlement européen a condamné le 16 septembre le référendum organisé par le Président Alexandre Loukachenko afin de pouvoir briguer un troisième mandat à la tête de l'Etat. Les eurodéputés ont qualifié ce référendum de « nouvelle confirmation de l'autoritarisme avec lequel Alexandre Loukachenko gouverne son pays ».
De son côté, le Conseil de l'Europe a fait part le 4 octobre dernier par la voix de Peter Schieder, secrétaire général de l'assemblée parlementaire de l'organisation européenne, de sa préoccupation face aux violations des droits de l'Homme et aux arrestations arbitraires d'hommes politiques de l'opposition en Biélorussie à l'approche des élections législatives. « Si les Etats sont libres de décider de leur manière de se gouverner, celle-ci ne peut en aucun cas être façonnée pour une seule personne. Nous ne pouvons pas refuser aux autorités biélorusses le droit d'organiser un référendum, mais nous leur demandons instamment de veiller à ce qu'il se déroule en conformité avec les normes du conseil de l'Europe » a ajouté Peter Schieder.
Ces propos ont été dénoncés par les autorités biélorusses qui les qualifient de « pressions ». « La déclaration du Conseil de l'Europe, avec ses évaluations négatives, a un caractère contre-productif. La tenue d'un plébiscite national est un droit souverain de chaque peuple qui ne nécessite pas de reconnaissance supplémentaire de la part de structures étrangères. Cette déclaration est un instrument de pression ouverte sur les observateurs internationaux » a ainsi affirmé le secrétaire de presse du ministre des Affaires étrangères, Andreï Savinikh. De son côté, Alexandre Loukachenko a déclaré que les autorités biélorusses étaient particulièrement tolérantes envers les formations de l'opposition. « Si je suivais scrupuleusement la loi, plusieurs partis devraient être interdits. Je ne le fais pas pour ne pas que les autorités soient accusées de faire pression sur quiconque » a t-il affirmé. Il a déclaré n'avoir que faire des condamnations venues de l'Occident. « Nous vivons en Biélorussie, qui est notre pays et notre patrie, et nous agissons comme bon nous semble. Je ne suis pas concerné par les réactions qu'elles viennent de l'Ouest, de l'Est ou du Sud. Qu'elles que soient ces réactions, nous continuerons à agir selon notre volonté et en accord avec nos lois »a t-il ajouté. Il a également accusé l'étranger –en particulier les Russes et les Américains et d'autres- de financer l'opposition en vue de déstabiliser son régime et son pays.
Ultime provocation, Alexandre Loukachenko a participé le 7 octobre dernier à l'inauguration d'un mémorial consacré au fondateur de la tristement célèbre police secrète soviétique, la Tcheka, ancêtre du KGB, Félix Dzerjinski dans le village de Dzerjinovo, situé près de la capitale. « Même ceux qui voient en noir l'époque soviétique soulignent le rôle remarquable de cet homme dans la création d'un nouvel Etat, dans la reconstruction des chemins de fer après la guerre civile, dans la lutte contre le vagabondage et la création des services spéciaux les plus puissants du XXème siècle » a déclaré le Chef de l'Etat.
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