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Deuxième élection présidentielle en République Tchèque, 24 janvier 2003

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 janvier 2003
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

A l'issue de l'échec de la deuxième élection présidentielle en République tchèque, la succession de Vaclav Havel est dans une impasse. Après trois tours de scrutin ce vendredi 24 janvier, les députés et sénateurs du Parlement tchèque réunis au Château de Prague ne sont pas parvenus à élire le nouveau Président du pays.

Trois candidats étaient en lice pour cette deuxième élection :

- Vaclav Klaus, candidat du Parti démocrate civique (ODS), seul des trois candidats présents à avoir participé à la précédente élection du 15 janvier dernier ;

- Milos Zeman, candidat du Parti social démocrate (CSSD), ancien Premier ministre (1998-2002) ;

- Jaroslava Moserova, représentant l'Alliance démocratique civique (ODA), soutenue par des sénateurs membres de l'Union de la liberté-Union démocratique (US-DEU) et de l'Union chrétienne démocrate-Parti tchèque du peuple (KDU-CSL) ainsi que par des sénateurs indépendants. Mme Moserova est ancien médecin, traductrice de romans policiers, auteur de scénarios pour la télévision et la radio, ambassadrice de la Tchécoslovaquie en Australie et en Nouvelle Zélande entre 1991 et 1993, ancienne présidente de la conférence générale de l'UNESCO entre 1999 et 2001 et actuelle vice-présidente du Sénat.

Selon les enquêtes d'opinion réalisées juste avant cette deuxième élection, Vaclav Klaus était le candidat jouissant du plus grand soutien dans l'opinion publique (48% des personnes interrogées déclarent qu'elles aimeraient le voir élu Président). Elles étaient 36% à se prononcer en faveur de Milos Zeman et 16% pour Jaroslava Moserova.

En l'absence du Président Vaclav Havel, les trois candidats ont l'un après l'autre exposé leur vision de la fonction présidentielle devant les Parlementaires réunis dans la Salle espagnole du Château de Prague, résidence des chefs d'Etat tchèques. Vaclav Klaus s'est appuyé sur son expérience du pouvoir insistant sur le fait que, selon lui, le Président se devait de ne pas s'opposer au Parlement ou au Gouvernement. Il a également affirmé qu'en cas de victoire, il serait le Président de tous les Tchèques. Jaroslava Moserova a mis en avant ses différences avec les deux autres candidats : seule femme présente à ce scrutin, elle s'est posée comme héritière de Tomas Garrigue Masaryk (1850-1937), élu Président de la Tchécoslovaquie en 1920, 1927 et 1934. "Les gens de ce pays ne font pas confiance aux parti politiques, je suis persuadée qu'ils me feront confiance" a t-elle déclaré. Enfin, Milos Zeman a tenu à rappeler que le Président faisait partie de l'exécutif et, qu'à ce titre, il ne pouvait être une simple autorité morale mais devait s'engager dans les débats de société en soutenant les actions positives du Gouvernement et en luttant contre ce qui lui apparaissait contraire au bien et à l'intérêt de la société.

La surprise de cette élection présidentielle a eu lieu lors du premier tour de scrutin avec l'élimination du social-démocrate Milos Zeman. Aucun candidat n'ayant obtenu la majorité absolue au sein des deux Chambres du Parlement, seuls Vaclav Klaus, arrivé en tête à la Chambre des Députés, et Jaroslava Moserova, arrivée en première position au Sénat, ont été autorisés à participer au deuxième tour. Parti légèrement favori du scrutin, Milos Zeman n'est pas parvenu à rassembler les voix des députés du CSSD sur son nom. Contrairement à ce que sa rencontre, la veille du scrutin, avec les parlementaires communistes laissait prévoir, l'ancien Premier ministre n'est pas parvenu à s'assurer le soutien des quarante-quatre députés communistes. Tout comme Jaroslav Bures, candidat malheureux du Parti social-démocrate lors de l'élection présidentielle du 15 janvier dernier, Milos Zeman a été victime des divisions internes du CSSD ; l'actuel Premier ministre Vladimir Spilda, très opposé à la candidature de son prédécesseur à la tête du Gouvernement, a entraîné derrière lui suffisamment de Parlementaires pour mettre en échec le candidat de sa propre formation. Milos Zeman a également été victime de certaines de ses attitudes passées, certains estimant qu'il ne possède pas les qualités requises pour être Président de la République. Le candidat social-démocrate est, en effet, loin d'être un homme de consensus et a, par le passé, souvent fortement irrité ses voisins allemand et autrichien. On se souviendra, entre autres, de ses propos, alors qu'il était Premier ministre, justifiant l'expulsion brutale des deux millions et demi d'Allemands des Sudètes à la fin de la deuxième guerre mondiale.

Le deuxième tour de l'élection présidentielle qui, comme lors de la première élection s'est déroulé quelques heures à la suite du premier, a vu s'affronter Vaclav Klaus, qui une fois de plus est arrivé en tête à la Chambre des Députés, et Jaroslava Moserova, qui l'a emporté au Sénat. Aucun d'entre eux n'ayant obtenu la majorité absolue des voix des députés et des sénateurs présents, un troisième tour a donc été organisé.

Lors de ce dernier tour, aucun des deux candidats n'est parvenu à réunir la majorité absolue des suffrages de l'ensemble des Parlementaires. Le candidat du Parti démocrate civique a recueilli cent vingt-sept voix, soit quatorze de plus que lors de la première élection du 15 janvier dernier mais également quatorze de moins que les cent quarante et une voix de la majorité requise. Jaroslava Moserova a, pour sa part, obtenu soixante-cinq voix.

"Si tous les Parlementaires votaient logiquement, il n'y aurait pas d'élu vendredi" déclarait la veille de l'élection Jan Hartl, directeur de l'institut de sondage STEM. La prévision s'est confirmée même s'il ne semble pas évident que l'ensemble des Parlementaires aient voté de façon "logique". Avant le scrutin, le sénateur Martin Mejstrick, ancien leader étudiant de la Révolution de velours de novembre 1989, avait invité Vaclav Klaus et Milos Zeman à retirer leur candidatures et à s'allier à Jaroslava Moserova, relayant les revendications de "Merci, partez", association de citoyens réclamant le départ des hommes politiques "du passé" et appelant à un renouveau de la politique tchèque. "Vaclav Klaus et Milos Zeman sont des fantômes du passé qui ressurgissent directement au château de Prague" a déclaré Martin Mejstrick, faisant allusion aux affaires de corruption mises à jour durant les mandats de chacun des deux candidats.

A l'issue de cette élection, le candidat du Parti démocrate civique, Vaclav Klaus, s'est déclaré prêt à continuer son combat pour succéder à l'actuel Président Vaclav Havel, suggérant de modifier le mode de scrutin afin de sortir de l'impasse actuelle. "J'attends avec impatience les commentaires de l'opinion publique pour que je sache si elle est favorable à l'instauration du suffrage universel pour l'élection présidentielle" a déclaré le candidat ODS se prononçant lui-même pour une modification du mode de scrutin après y avoir été longtemps opposé. Ce changement ne pourrait toutefois intervenir qu'après modification de la Constitution et nécessite donc l'accord de la grande majorité des formations politiques.

Une troisième élection présidentielle, pour laquelle la Constitution tchèque n'impose pas de calendrier précis, devrait être organisée pour tenter une fois encore de désigner le successeur de Vaclav Havel. Otakar Motejl, actuel médiateur de la République tchèque et célèbre avocat, défenseur de nombreux opposants tchèques après la normalisation de la Tchécoslovaquie par l'Union soviétique en 1968, pourrait être désigné comme candidat du Parti social-démocrate. Otakar Motejl et Petr Pithart, Président du Sénat et candidat malheureux à l'élection présidentielle du 15 janvier dernier, sont les favoris de la population tchèque pour le poste présidentiel, selon les enquêtes d'opinion.

Si le successeur de Vaclav Havel n'est pas élu le 2 février prochain, jour où le mandat de l'actuel Président arrive à échéance, ses pouvoirs seront partagés entre le Premier ministre, Vladimir Spilda, et le président de la Chambre des Députés, Lubomir Zaoralek.

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