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Défaite du président Ioutchenko au 1er tour de l'élection présidentielle en Ukraine

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Mathilde Goanec

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19 janvier 2010
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Mathilde Goanec

Journaliste, correspondante en Ukraine pour les médias francophones européens.

Cinq ans après la Révolution orange, les deux ennemis politiques, Viktor Ianoukovitch et Ioulia Timochenko, s'affronteront lors du 2e tour de l'élection présidentielle en Ukraine le 7 février prochain. Selon la Commission électorale centrale, le leader du parti des Régions, Viktor Ianoukovitch, est arrivé en tête du 1er tour le 17 janvier avec 35,34 % des voix devant l'actuelle Premier ministre, Ioulia Timochenko, qui en obtient 24,97%. C'est un score honorable compte tenu des sondages avant le scrutin, qui la disait plutôt en difficulté. Le président sortant, Viktor Iouchtchenko, est le grand perdant avec 5,48 %, des voix. Il n'arrive qu'en 5e position.

La bataille de l'entre deux tours s'annonce donc serrée.

Chaque camp crie victoire

Tout devrait se jouer dans le report des voix obtenues par les petits candidats, et notamment celles de Sergueï Tigipko, ancien directeur de la banque nationale, économiste influent, qui se place avec 13,05 % à la 3e place. Ancien proche de Léonid Koutchma (il avait même été pressenti pour se présenter à la place de V. Ianoukovitch en 2004), Sergueï Tigipko a ratissé large, séduisant un électorat plutôt jeune et urbain, qui ont vu en lui un possible "manager" du pays et un "nouveau visage". Faisant mieux, à lui seul, qu'Arseni Yatseniuk et le président Viktor Iouchtchenko réunis, il est désormais en position de force pour négocier et, surtout, s'assurer un poste confortable à l'issue du scrutin

Le soir du 1er tour, les états-majors du parti des Régions et du ByUT, ont fêté la victoire, sûrs de l'emporter le 7 février prochain. Ioulia Timochenko, le visage grave en fin de soirée électorale, veut rassembler "le camp démocratique" derrière elle, une manière de signifier qu'elle est désormais l'unique récipiendaire de l'héritage orange. L'un de ses bras droits, le vice-Premier ministre Grigory Nemyria, a d'ailleurs précisé sa stratégie électorale : "La Premier ministre est en excellente position pour gagner cette élection présidentielle dans l'entre deux tours. L'écart est facile à remonter, car si on réunit toutes les voix des candidats européens et démocrates du 1er tour, on obtient une majorité très confortable pour l'emporter. Et puis, il reste encore 3 semaines de campagne! M. Yanoukovitch veut cantonner l'Ukraine dans la zone grise de l'ex-URSS, entre Europe et Russie. Ioulia Timochenko veut une Ukraine qui s'engage vraiment sur la voie de l'Union européenne.". Selon Andrew Wilson, analyste politique proche de la Premier ministre, "des négociations sont déjà en cours" auprès de S. Tigipko pour gagner ses voix. "Et nous sommes bien placés", estime-t-il, même si Sergueï Tigipko n'a pas l'air pressé de donner des consignes de vote.

Au parti des Régions, on a savouré cette victoire, Viktor Ianoukovitch s'étant fait acclamé par son équipe de campagne dès les sondages sortie des urnes. Rinat Akhmetov, principal argentier de Ianoukovitch, a salué tout sourire "ce pas vers la victoire". "C'est un très bon résultat, et je pense que le résultat de Tigipko est un plus pour Ianoukovitch", a-t-il souligné. Cet oligarque, première fortune d'Ukraine, est habituellement muet en public sur les questions de politique. Viktor Ianoukovitch a estimé que ce vote "montrait la stabilité des sympathies pour le Parti des régions" et il a rappelé qu'il souhaitait "unir le pays dans l'intérêt commun". Un discours très consensuel, destiné à rassurer ses électeurs tout en évitant de froisser ceux qui n'ont pas voté pour lui. Sa marge de manœuvre est assez étroite, les experts s'accordant à dire qu'il a déjà rassemblé la majeure partie de ses partisans au 1er tour. "Tout ce qui lui reste à faire, confie un diplomate européen, est maintenant de taper sur Timochenko, de rappeler la faiblesse de son bilan, et ses fautes économiques". Une douce revanche, alors que la dame de fer le traite depuis des semaines de "criminel mal éduqué".

L'est et le sud pour Ianoukovitch, le centre et l'ouest pour Timochenko

Sans surprise, les votes restent assez monolithiques selon les régions.

C'est dans l'est du pays que Viktor Ianoukovitch fait le plein, avec des scores très hauts dans les régions russophones de Donetsk (76%), Lugansk (71%), Mikolaïev (51%). Sans oublier la république autonome de Crimée, réputée pro-russe, où il gagne avec 61 % des voix.

Ioulia Timochenko a séduit le centre et l'ouest, et notamment la région de Voliny (54%), Vinnitsa (47%) ou Rivne (44%).

Kiev a voté à contre courant des scores nationaux. La Premier ministre l'emporte à 42 % contre Ianoukovitch qui y obtient seulement 15 %. Il faut noter que le président sortant Viktor Iouchtchenko fait un score honorable à Lviv (ouest) où il atteint 30 %, ou à Ternopil, 26 %.

Contrairement à de nombreuses craintes, le vote "contre tous", une disposition permise par la loi électorale, n'a pas dépassé 2,2%. La participation, qui s'élève à 66 %, est de - 10 points par rapport au scrutin présidentiel de 2004, où les Ukrainiens s'étaient largement mobilisés dès le 1er tour.

Un scrutin quasi-exemplaire, selon l'OSCE

Enfin, une fois n'est pas coutume, l'Ukraine a obtenu les félicitations de l'opinion internationale quant à l'organisation de ce scrutin du 17 janvier. Les observateurs étrangers, réunis dans le pays pour surveiller le processus, ont noté très positivement le déroulement du scrutin.

Pavel Koval, responsable de la délégation des députés européens en Ukraine, a salué "l'énorme changement depuis 2004" et "le calme et la tranquillité dans lesquels se sont déroulées les élections". Au-delà de ces discours très enthousiastes, destinés à mettre la pression sur les deux candidats en course pour le 2e tour, quelques bémols ont malgré tout émergé.

Heidi Tagliavini, chef de la mission d'observation de l'OSCE en Ukraine, a énuméré les failles du processus électoral. Elle pointe une presse libre, mais sous sérieuse influence économique : "La loi ne donne pas des garde-fous pour assurer une couverture juste et adéquate pour chaque candidat. Le fait que plusieurs candidats aient eu accès à l'information parce qu'ils payaient a créé une situation défavorable. 11 candidats ont eu moins de 1 % d'accès aux médias, ce qui n'est pas très équilibré".

Elle critique aussi l'utilisation abusive des ressources administratives, à l'instar de ces "candidats qui ne distinguent pas la fonction officielle de celle de candidat, un danger qui existe quand vous êtes dans une fonction officielle et qui crée un désavantage pour les autres". Ioulia Timochenko, Premier ministre, s'y est particulièrement distinguée.

Nombre d'observateurs ont également relevé, parfois de façon virulente, le problème du vote à domicile, "ces urnes mobiles qui ont tourné dans les campagnes sans surveillance". "S'il n'y a pas eu d'irrégularités majeures, nous avons des doutes sur l'utilisation du vote à domicile, décidé alors que le processus électoral était déjà en route", rappelle Pavel Koval.

Finalement, au lieu des 750 000 inscrits sur le registre pour le vote à domicile, le chiffre est monté à un million, soit 3 % de l'électorat, ce qui n'est pas pour l'OSCE un élément de fraude massive. L'ajout des électeurs sur la liste le jour du vote, autre objet de polémique ces derniers jours, a finalement concerné 44 000 électeurs le 17 janvier. Là encore, selon les observateurs, ce n'est pas suffisant pour remettre sérieusement en cause les résultats.

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