Election présidentielle en Macédoine, 22 mars-5 avril 2009

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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22 mars 2009
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le 9 janvier, le président de la Sobranie (Parlement macédonien), Trajko Veljanoski a annoncé que le 1er tour de l'élection présidentielle aurait lieu en Macédoine le 22 mars prochain. Ce même jour se dérouleront également des élections locales, notamment à Skopje, Ohrid et Kumanovo, qui sont organisées tous les 4 ans dans le pays.

Le scrutin présidentiel, auquel l'actuel Chef de l'Etat Branko Crvenkovski (Union sociale-démocrate, SDSM) a choisi de ne pas se représenter – il pourrait prendre la tête du principal parti d'opposition à l'issue de son mandat –, est particulièrement ouvert. Si aucun candidat n'est élu lors du 1er tour, les Macédoniens seront de nouveau appelés aux urnes le 5 avril.

La fonction présidentielle

Le Président de la République macédonien est élu pour 5 ans et son mandat n'est renouvelable qu'une seule fois. Ses pouvoirs sont relativement limités et le poste est essentiellement honorifique. Le Chef de l'Etat est le commandant des forces armées et préside le Conseil de sécurité de la République composé du Premier ministre, du président de la Sobranie, des ministres en charge de domaines ayant à voir avec la sécurité, les relations extérieures et la défense et de trois personnalités nommées par le Président de la République.

Selon la loi électorale, l'élection présidentielle doit être organisée dans les 60 jours avant la fin du mandat du Chef de l'Etat en exercice. Pour pouvoir présenter sa candidature à la fonction suprême, toute personne doit être âgée d'au moins 40 ans et recueillir soit 10 000 votants ou le soutien d'au moins 30 députés. Pour la première fois cette année, les candidats (comme ceux des élections municipales) devront certifier qu'ils n'ont jamais collaboré avec les anciens services secrets du pays.

Le 9 janvier dernier, le Parlement a voté la baisse du seuil minimum de participation requis pour que le scrutin présidentiel soit déclaré valide à 40% des inscrits. Il était de 50% auparavant.

A ce jour, 7 personnes sont candidates au poste de Chef de l'Etat :

- Gjorgji Ivanov, professeur de droit de l'université de Skopje, candidat de l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE), parti de l'actuel Premier ministre Nikola Gruevski ;

- Ljubomir Frckoski, professeur de droit international de l'université de Skopje, ancien ministre de l'Intérieur et des Affaires étrangères, soutenu par le principal parti d'opposition, l'Union sociale-démocrate (SDSM), et le Nouveau parti social-démocrate (NSDP) ;

- Ljube Boskovski, ancien ministre de l'Intérieur acquitté par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye après avoir été inculpé de crimes de guerre pour avoir exercé le commandement d'une unité de police qui aurait infligé des sévices et assassiné des Albanais en août 2001 à Ljuboten (le jugement n'est cependant pas définitif, le procureur ayant fait appel), qui se présente en candidat indépendant ;

- Imer Selmani, leader de Nouvelle démocratie (DR), parti albanophone fondé en septembre 2008 ;

- Agron Buxhaku, candidat de l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI), dirigée par Alija Ahmeti ;

- Mirushe Hoxha, candidat du Parti démocratique albanais (PDA-PDSh), membre de l'actuelle coalition gouvernementale, dirigé par Menduh Thaci ;

- Nano Ruzin, candidat du Parti libéral-démocrate (LDP) dirigé par Risto Penov.

Un pays à la croisée des chemins

Vainqueur des dernières élections législatives du 1er juin 2008, l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE), domine la scène politique distançant très largement le principal parti d'opposition, l'Union sociale-démocrate (SDSM), dans les enquêtes d'opinion. Le VMRO-DPMNE a désigné Gjorgji Ivanov, un intellectuel non membre du parti qui se dit indépendant de toute idéologie, le 25 janvier dernier par le vote de 1 016 délégués (91 se sont prononcés en faveur de Todor Petrov) comme son candidat officiel pour l'élection présidentielle. "Unis, nous sommes plus forts" a déclaré Georgi Ivanov lors de sa nomination, ajoutant "La Macédoine peut être fière de son héritage mais celui-ci doit être aujourd'hui utilisé pour construire l'avenir".

Du côté du SDSM, le choix d'une personnalité non politique, désignée et non élue par le parti, a fait s'interroger les analystes sur l'ampleur de la crise qui sévit au sein du parti. L'ancienne responsable du parti, Radmila Sekerinska, avait démissionné après sa défaite aux élections législatives de juin 2008 et avait été remplacée par Zoran Zaev. Le SDSM a même proposé au VMRO-DMPNE de désigner conjointement un candidat sans étiquette pour l'élection présidentielle, une proposition rejetée par le parti au pouvoir.

Ljubomir Frckoski est, en Macédoine, une personnalité très controversée qui ne laisse personne indifférent. Il est connu pour publier chaque mardi une chronique dans le quotidien Dnevnik, activité qu'il a cessé le 27 janvier dernier. "Je ne fais pas la course pour participer mais pour gagner" a-t-il déclaré, ajoutant que "l'élection présidentielle doit être un tournant et marquer le début de la défaite du gouvernement en place".

Si la fonction présidentielle est honorifique, les tensions entre le Chef de l'Etat et le Premier ministre sont toujours néfastes pour le pays comme l'ont montré Branko Crvenkovski et Nikola Gruevski.

Du côté des partis albanophones, l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI) affirme avoir décidé de présenter Agron Buxhaku "pour démonter notre autonomie politique et démocratique et réaffirmer le soutien de notre parti au processus d'intégration euroatlantique" selon son leader Alija Ahmeti. "Notre participation est symbolique" a affirmé le président du Parti démocratique albanais, Menduh Thaci. Les deux partis albanophones veulent, à l'occasion de ce scrutin, comparer leur popularité et mesurer celle-ci à celle du nouveau parti, Nouvelle démocratie, fondé par Imer Selman, ancien président du Parti démocratique albanais et lui-même candidat au scrutin.

Le candidat indépendant, Ljube Boskovski, a été convoqué par le tribunal de Pula (Croatie) le 3 février pour la première audience du procès de l'affaire dite de Rastanski Lozja, situé au nord de Ljuboten, qui concerne l'assassinat de 7 émigrants pakistanais et indiens par la police macédonienne en mars 2002 et dans laquelle le candidat est inculpé. L'ancien ministre de l'Intérieur ne s'est pas présenté à la convocation. "En dépit de sa convocation à ce procès, la candidature de Ljube Boskovski est recevable" a affirmé le porte-parole de la Commission électorale nationale, Zoran Tanevski. En effet, la loi électorale stipule que seules les personnes reconnues coupables d'un délit puni de plus de 6 mois de prison ne sont pas autorisées à se présenter à l'élection présidentielle.

"Il n'y a rien de plus important pour la Macédoine que d'organiser des élections démocratiques et équitables le 22 mars prochain parce que cela constitue une priorité pour notre intégration dans l'Union européenne et dans l'OTAN et pour obtenir la libéralisation des visas mais aussi parce que les citoyens ont le droit de vivre dans un pays où la loi prévaut" a déclaré le ministre de la Justice, Mihajlo Manevski. Ce scrutin constitue effectivement un test crucial pour le pays, candidat officiel à l'Union européenne depuis décembre 2005 mais pour lequel aucune date n'a été fixée pour l'ouverture des négociations d'adhésion. Le rapport de l'Union européenne de novembre 2008 fait état des progrès réalisés par la Macédoine en matière de réforme de la police et de la justice et dans la consolidation de sa démocratie multiethnique, mais note que le pays ne respecte pas les critères politiques qui sont indispensables pour envisager l'ouverture de négociations adhésion.

Les élections législatives de juin 2008 avaient été émaillées de violences à Aracinovo, village situé à 10 km de Skopje, ainsi que dans le quartier albanais de Cair de Skopje, et de nombreux cas de fraude et d'irrégularités (destruction et bourrages d'urnes, vol de matériel électoral, expulsion d'observateurs chargés de surveiller le scrutin, etc.) avaient été recensés à travers le pays. Enfin, le scrutin avait du être interrompu dans 22 bureaux de vote.La Macédoine avait donc échoué à passer avec succès le test que lui avait imposé l'Union européenne qui avait fait de la bonne tenue et de la transparence du scrutin l'une des conditions pour ouvrir les négociations d'adhésion.

"Si ces élections ne remplissent pas les normes internationales, j'ai peur que cela augure d'une remise en cause importante pour le pays et ajourne son accession à l'Union européenne" a déclaré Erwan Fouéré, représentant spécial de l'Union européenne en Macédoine. Les Vingt-sept, qui ont rappelé que le caractère démocratique du scrutin figurait parmi les exigences de Bruxelles, se sont engagés à aider les Macédoniens dans la préparation de l'élection présidentielle.

Le Premier ministre Nikola Gruevski a invité les leaders des 3 autres principaux partis du pays (l'Union sociale-démocrate, le Parti démocratique albanais et l'Union démocratique pour l'intégration) à assister à un meeting le 1er mars prochain autour des élections présidentielle et locales pour mieux s'assurer de ce que celles-ci se déroulent de façon démocratique.

Interrogés par l'institut de la démocratie en décembre dernier sur les enjeux qu'ils considèrent comme les plus importants pour l'avenir du pays, 45% des Macédoniens ont répondu l'assouplissement de la politique des visas, 30,3% ont désigné l'accession de la Macédoine à l'Union européenne et 18,6% son adhésion à l'OTAN.

En janvier dernier, des étudiants ont manifesté devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles pour dénoncer le "régime d'apartheid" des visas européens. "La Macédoine est en Europe", "Plus de visas" pouvait-on lire sur les banderoles. Les manifestants, qui étaient accompagnés du vice-Premier ministre Ivica Bocevski, ont remis une pétition signée par 16 000 étudiants qui souhaitent que la question de la levée du régime des visas pour la Macédoine soit mise à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil de l'Union européenne.

Selon l'enquête d'opinion réalisée par l'agence Rating mi-février, Gjorgji Ivanov devrait arriver en tête lors du 1er tour avec 27% des suffrages. Il devancerait Ljubomir Frckoski qui recueillerait 13% des voix, ainsi que Ljube Boskovski qui obtiendrait 10% et Imer Selmani (9%). Un peu moins d'un quart des personnes interrogées se disent cependant toujours indécises (23%). Gjorgji Ivanov sortirait vainqueur d'un 2e tour l'opposant à Ljubomir Frckoski tout comme s'il devait affronter Ljube Boskovski.

La campagne électorale débutera officiellement le 1er mars pour se terminer le 20 mars à minuit.

Source : Commission électorale macédonienne

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