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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le Parti populaire (ÖVP) a remporté dimanche une victoire historique aux élections législatives. En effet, le principal parti de la coalition gouvernementale - au pouvoir depuis février 2000 - est devenu la première formation politique d'Autriche avec 42,27% des suffrages, soit son meilleur résultat depuis 1966. C'est la première fois qu'un parti réalise une telle progression électorale depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le Parti populaire devance donc largement le Parti social-démocrate (SPÖ) qui obtient 36,90% des voix mais surtout l'ÖVP peut s'enorgueillir d'avoir réduit le Parti de Jörg Haider (FPÖ) à un tiers de ce qu'il représentait il y a seulement deux ans. La formation populiste enregistre un spectaculaire recul des votes en sa faveur, autre première dans l'histoire de l'Autriche, passant de 27,22% en 1999 à 10,16% en 2002, perdant près des deux tiers de ses sièges au Nationalrat. Les Verts progressent légèrement par rapport aux élections de 1999, réalisant toutefois avec 8,96% des suffrages un résultat inférieur à celui dont les créditaient les enquêtes d'opinion (12%). Aucune des cinq autres formations présentes à ce scrutin, le Parti communiste, le Forum libéral, les Démocrates, le Parti socialiste de gauche et la Communauté des électeurs chrétiens, n'atteint la barre des 4% des suffrages exprimés nécessaire pour être représentée au Parlement.
Cette victoire est pour beaucoup d'analystes un succès personnel du chancelier Wolfgang Schüssel, homme politique longtemps controversé pour avoir accepté de faire alliance avec l'extrême droite. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui voient dans cette décision un coup de maître et applaudissent en Wolfgang Schüssel, le stratège qui a pris le risque de s'associer au FPÖ pour mieux l'étouffer en son sein. Si le déclin de la formation populiste est dû principalement à ses crises internes, son manque de cadres compétents et son inorganisation notoire, il reste que son échec profite d'abord au Parti populaire.
Le FPÖ n'atteint donc pas son objectif de 15% des suffrages et ne pourra donc peser sur les éventuelles négociations de coalition. Une grande partie de ses électeurs de 1999 semblent avoir choisi d'apporter leurs voix au Parti populaire. Il recule même en Carinthie, province dont Jörg Haider est le gouverneur, recueillant 24% des suffrages contre 39% aux dernières élections législatives du 3 octobre 1999 et devenant la troisième formation politique locale. Mais si le leader populiste enregistre une sévère défaite, on se gardera d'annoncer trop rapidement sa mort politique. D'une part, le FPÖ est loin d'être hors jeu pour la constitution de la prochaine coalition gouvernementale. D'autre part, Jörg Haider pourrait bien reprendre en main son parti pour le reconstruire et en faire une formation d'opposition « dure » au gouvernement. « Si Jörg Haider s'est employé à détruire le FPÖ après l'avoir porté au pouvoir en février 2000, c'est pour mieux le reconstruire autour de lui » estime ainsi Emmerich Talos, politologue à l'université de Vienne. De même, le leader populiste n'a pas abandonné l'idée de fédérer l'extrême droite européenne, laissant entendre à de multiples reprises qu'il pourrait présenter aux élections européennes de 2004 des candidats issus de différents pays européens sous la bannière de La Nouvelle Europe, nom qu'il envisageait de donner à sa future formation.
En dépit d'une progression de 3,5 points depuis les élections de 1999, le Parti social-démocrate échoue dans son objectif d'atteindre les 40% des suffrages et d'être la première formation politique d'Autriche. Alfred Gusenbauer, leader du SPÖ, a rappelé dès l'annonce des résultats que son parti rejoindrait les rangs de l'opposition. « J'ai toujours dit que pour nous une deuxième place serait synonyme d'opposition » a t-il répété dimanche soir. Néanmoins, il n'est pas sûr que la majorité des membres du SPÖ le suivent sur cette ligne, nombreux étant les sociaux-démocrates qui souhaitent revenir au pouvoir et refusent d'envisager la reconduction d'une coalition gouvernementale dans laquelle l'extrême droite serait présente.
Enfin, les Verts réalisent leur meilleur score depuis leur entrée au Parlement en 1986, mais ne parviennent pas à s'imposer comme la troisième force politique du pays, parvenant tout de même à devancer le Parti libéral dans la province du Voralberg, à Vienne et dans la plupart des grandes villes du pays.
Le chancelier Wolfgang Schüssel doit donc aujourd'hui transformer sa victoire électorale en formant une coalition gouvernementale. De fait, trois cas de figure s'offrent au leader du Parti populaire. Il peut effectivement choisir de reconduire la coalition sortante avec l'extrême droite, la faiblesse du score du FPÖ pouvant faire de la formation populiste un partenaire plus séduisant à ses yeux que les sociaux démocrates. « S'il lui fallait reconduire une coalition avec le FPÖ pour devenir chancelier, Wolfgang Schüssel pourrait maintenant le faire avec un partenaire auquel il dictera ses conditions » soulignait, dès avant le scrutin, le politologue Peter Ulram. Pour l'heure, le FPÖ a officiellement annoncé qu'il refuserait de participer à un gouvernement auquel appartiendrait Karl-Heinz Grasser, ministre des Finances ayant récemment quitté le FPÖ pour rejoindre les rangs du parti populaire. Le chancelier a cependant déclaré au magazine Kurier qu'il souhaitait reconduire son ministre des Finances, par ailleurs l'une des personnalités les plus populaires de son gouvernement : « Le chancelier et le ministre des Finances forment une seule et unique équipe ».
Wolfgang Schüssel peut également décider de gouverner avec le Parti social-démocrate, reformant ainsi la « grande coalition » qui a gouverné l'Autriche au cours des trente dernières années. Selon les enquêtes d'opinion, 33% des Autrichiens seraient favorables à cette éventualité. Le leader du SPÖ, Alfred Gusenbauer, y est a priori opposé. Dernière possibilité, inédite et hautement improbable, le Parti populaire pourrait former une coalition avec les Verts. Ceux-ci ont toutefois déclaré refuser toute alliance avec une formation ayant gouverné avec l'extrême droite.
« Je veux un partenaire stable et fiable » a prévenu Wolfgang Schüssel. La reconduction de la coalition ÖVP-FPÖ, qui semblait avoir les faveurs des analystes politiques, n'est peut-être pas, au vu des crises passées et récentes, la voie la plus sûre d'assurer cette stabilité.
Résultats des élections législatives du 24 novembre
Participation : 80,48%
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