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Elections législatives en Autriche 24 novembre 2002

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

24 novembre 2002
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Trublion de la scène politique autrichienne depuis 1986, le populiste Jörg Haider était devenu celui de l'Europe toute entière après le score élevé réalisé par le parti qu'il dirigeait, le FPÖ, aux élections législatives du 3 octobre 1999 et, plus encore, lors de l'entrée du FPÖ dans la coalition gouvernementale dirigée par Wolfgang Schüssel, leader du Parti populaire (ÖVP) le 4 février 2000. Alors que sa formation était reléguée à la troisième place, le leader de l'ÖVP était devenu le premier chancelier conservateur autrichien depuis trente ans.

L'Union européenne a aussitôt imposé à l'Autriche des sanctions politiques sans précédent pour tenter d'isoler la formation de Jörg Haider dont les membres furent nommés au poste de vice-chancelier, ou de ministres des Finances, de la Défense, des Transports et des infrastructures et des Affaires sociales ainsi que de secrétaires d'Etat à la Santé et au Tourisme. Durant sept mois, le Gouvernement et les diplomates autrichiens furent mis au ban de l'Europe par les quatorze Etats de l'Union avant que ceux-ci, constatant l'improductivité des sanctions, ne décident de les lever le 14 septembre 2000. Durant cette période de sept mois, le chancelier Wolfgang Schüssel a su transformer l'ostracisme de l'Union européenne en avantage politique, en rassemblant l'ensemble des Autrichiens derrière son gouvernement.

Jörg Haider, gouverneur de la Carinthie, avait choisi de ne pas entrer au Gouvernement (moins à cause des sanctions européennes que pour pouvoir continuer à pratiquer une politique d'opposition) et laissé les rênes du FPÖ à Suzanne Riess-Passer, devenue la première femme à occuper le poste de vice-chancelier en Autriche. Néanmoins, en tant que gouverneur et membre du Conseil de coalition qui définit les grandes lignes de la politique du parti, Jörg Haider n'a jamais cessé d'être le véritable leader de la formation populiste. Un rôle de second plan difficile à tenir pour cet homme au narcissisme quasi pathologique et dont la véritable ambition est de gouverner l'Autriche. En janvier 2002, en exigeant l'arrêt de la centrale nucléaire tchèque de Temelin, il fut à l'origine d'une polémique avec le Premier ministre tchèque, Milos Zeman, et d'une crise gouvernementale. Un mois plus tard, au retour d'un voyage très controversé à Bagdad où il avait rencontré Saddam Hussein, Jörg Haider a annoncé son retrait « définitif et irrévocable » de la politique autrichienne avant de revenir quelques jours plus tard sur sa décision. Les divisions entre les deux factions du Parti étouffées depuis deux ans, sont apparues. Les anciens de la formation, partisans fidèles de Jörg Haider et favorables à la « stratégie de la tension » selon laquelle le FPÖ doit conduire l'opposition tout en étant au pouvoir s'opposent désormais ouvertement aux « modernes », désirant faire du Parti une véritable formation gouvernementale.

La chute de la coalition gouvernementale

Le 25 août dernier, Jörg Haider a provoqué une nouvelle crise politique en reprochant au Gouvernement d'avoir trahi ses promesses électorales à la suite de sa décision de ne pas baisser les impôts en 2002. Il a alors menacé de lancer une pétition pour obtenir un débat parlementaire et l'organisation d'un référendum sur cette question. La vice-chancelière Suzanne Riess-Passer, appuyée par la direction du FPÖ, s'est opposée à cette baisse d'impôt rendue impossible, selon elle, par le mauvais état des finances publiques et les besoins de reconstruction qu'ont entraîné les inondations de l'été. Elle a accepté néanmoins l'idée que le Gouvernement organise un référendum sur le sujet. Le 31 août, Jörg Haider a annoncé une fois de plus son « retrait définitif » de la politique afin de laisser son parti travailler en paix. Suzanne Riess-Passer et les membres FPÖ du gouvernement, lassés du comportement du gouverneur de Carinthie, ont décidé d'aller à l'affrontement. Elle a menacé de démissionner si son action gouvernementale n'obtenait pas le soutien explicite du Parti. Les dirigeants du FPÖ, tous nommés par Jörg Haider, n'ont eu aucun mal à réunir une majorité de signatures pour exiger la tenue d'un congrès extraordinaire. Le 8 septembre, devant le désaveu du FPÖ, Suzanne Riess-Passer a choisi de démissionner de ses fonctions au sein de la coalition gouvernementale, suivie par deux ministres, Karl-Heinz Grasser et Herbert Scheibner (le ministre des Transports, Mathias Reichhold, les imitant deux jours plus tard) et par le chef du groupe du Parti libéral à l'Assemblée nationale. La formation a enregistré de nombreuses défections au niveau fédéral. Le lendemain, le chancelier Wolfgang Schüssel tire les conséquences de la défection de ses ministres « Le FPÖ doit résoudre une question essentielle : gouverner ou s'opposer. Les deux ne sont pas possibles » annonçant ainsi la fin de son Gouvernement et la convocation d'élections législatives anticipées. Celles-ci ont été fixées au 24 novembre prochain.

Le congrès extraordinaire du FPÖ, qui s'est tenu le 21 septembre afin d'élire le nouveau chef, est chargé de conduire la campagne électorale. Mathias Reichhold, ancien député et ancien ministre des Transports du gouvernement Schüssel, est élu à la tête du Parti libéral (FPÖ) par 92,2% des 656 délégués de la formation.

Le système politique autrichien

Le Parlement autrichien possède deux chambres : le Nationalrat où siègent les cent quatre-vingt-trois députés fédéraux et le Bundesrat qui rassemble les soixante-quatre représentants des Länder. Les membres du Nationalrat sont élus par les Autrichiens âgés de dix-neuf ans minimum au scrutin proportionnel (un minimum de 4% des suffrages exprimés est requis pour y siéger) à l'exception de Vienne et du Voralberg où prévaut le scrutin majoritaire. Le vote est obligatoire dans certaines parties du pays (Carinthie, Styrie, Tyrol et Voralberg). Le nombre des députés n'est pas fixe, dépendant du rapport entre le nombre d'électeurs de la circonscription et celui des citoyens ayant justifié d'une résidence régulière dans la circonscription au dernier recensement.

La vie politique autrichienne a longtemps été dominée par les deux grands formations que sont le SPÖ, Parti social-démocrate et l'ÖVP, Parti populaire. Jusque dans les années soixante-dix, ces deux formations regroupaient en moyenne 93% des suffrages lors de chaque consultation électorale nationale. En 1986, la distribution des votes est tombé à 86% pour atteindre 66% aux législatives de 1995. Au début des années quatre-vingts, de nouvelles formations sont en effet apparues - comme les Verts - ou se sont imposées tardivement sur la scène politique (le Parti libéral a été créé en 1956 mais n'a longtemps constitué qu'un courant minoritaire de la droite autrichienne) brouillant les clivages traditionnels d'une démocratie corporatiste et privilégiant le consensus social (des Chambres professionnelles, regroupant les ouvriers et employés, les agriculteurs, les travailleurs de l'industrie, du commerce sont associées au processus de décision politique). Le pays fonctionne en effet selon le Proporzsystem, code selon lequel les deux grands partis se répartissent de façon équitable les postes du secteur public. Jusqu'à la fin des années 60, le taux d'appartenance à un parti politique se situait entre 26 et 30% de l'électorat. Il est tombé à 18% au début des années 90. De la même façon, les Autrichiens manifestant leur soutien inconditionnel à un parti a chuté de 65 à 34% entre 1969 et 1990.

Quatre formations politiques sont représentées au Nationalrat :

le Parti social-démocrate (SPÖ), dirigé par Alfred Gusenbauer, seule formation au pouvoir de 1970 à 1983 sous la conduite du chancelier Bruno Kreiski. En 1986, après un rapprochement désastreux avec le FPÖ, le chancelier Franz Vranitzky a conclu une alliance avec les conservateurs qui a permis aux deux partis de gouverner ensemble jusqu'en 1999 ;

le Parti populaire (ÖVP), formation de centre droit, parti du chancelier Wolfgang Schüssel actuellement au pouvoir ;

le Parti libéral (FPÖ), dirigé par Mathias Reichhold, membre de la coalition gouvernementale au pouvoir, déchiré par une crise interne qui a entraîné la crise gouvernementale et la convocation d'élections anticipées ;

les Verts (Die Grünen), formation se situant à gauche.

Le Forum libéral, créé en février 1993 par Heide Schmidt, ex-députée du FPO, après une scission avec le parti de Jörg Haider, n'a pas atteint lors des dernières élections législatives du 3 octobre 1999 les 4% requis pour être représenté au Nationalrat..

Quant au Bundesrat, il est l'organe de représentation des Länder. Chaque Land élit au Conseil national un nombre de représentants proportionnel à sa population (trois minimum) ; Vienne, qui constitue le Land le plus peuplé possédant douze représentants. Les membres du Bundesrat sont élus au scrutin proportionnel par les diètes régionales de chaque Land selon un système relativement complexe (au moins un mandat doit ainsi échoir à la formation possédant le nombre le plus élevé de sièges au sein de la diète régionale ou, si plusieurs partis possèdent le même nombre de sièges, le deuxième nombre le plus élevé lors des précédents élections). La présidence du Bundesrat est assuré par un Land différent tous les six mois selon l'ordre alphabétique.

Les enjeux du scrutin

Mathias Reichhold conduira donc le Parti libéral aux élections législatives du 24 novembre. Ancien lieutenant de Jörg Haider, le nouveau leader du FPÖ refuse d'être considéré comme « une marionnette du gouverneur de Carinthie ». Sa mission n'est pas aisée. Il hérite d'un parti en miettes et il a peu de temps pour le remettre en ordre de marche. Dès son élection à la tête du parti, il obtient du congrès que les « conjurés de Knittelefeld » (noms des membres du FPÖ s'étant opposés à Suzanne Riess-Passer et ayant provoqué la chute de la coalition gouvernementale) soient écartés des instances dirigeantes. Il s'est également opposé avec succès à ce que Ewald Stadler, ombudsman de la République, président de la société d'amitiés austro-irakiennes et auteur de récents propos polémiques invoquant la « soi-disant libération de l'Autriche par les Alliés », soit l'un des candidats du parti aux élections législatives. De même, les éléments les plus radicaux du parti libéral s'opposant à l'élargissement de l'Union européenne à l'Est ont été évincés. Il a enfin déclaré « A l'avenir, j'attends de M. Haider qu'il évite d'interférer dans la conduite des affaires du parti ». Pour mieux montrer sa détermination à réussir la synthèse entre les différentes factions du FPÖ, Mathias Reichhold s'est entouré de quatre vice-présidents représentant toutes les tendances du Parti libéral. La réforme de la fiscalité, l'arrêt de la centrale nucléaire tchèque de Temelin et le renoncement à l'achat d'avions chasseurs Eurofighter constituent les principaux thèmes de campagne du FPÖ. Selon Anton Pelinka, professeur de sciences politiques à l'université d'Innsbruck, l'Autriche vit peut-être « le commencement de la fin » de la carrière politique de Jörg Haider. Personne ne se risque à l'assurer tant les voltes-faces du leader populiste ont été nombreuses dans le passé. Le gouverneur de Carinthie a récemment annoncé sa candidature aux élections législatives à la dernière place (donc non éligible) de la liste du FPÖ dans sa province avant de retirer sa candidature après que Mathias Reichhold eut menacé de démissionner si Jörg Haider se maintenait sur la liste.

L'ÖVP du chancelier Wolfgang Schüssel et le FPÖ devront défendre leur bilan devant les électeurs. Après des années de déficit structurel des finances publiques, la coalition gouvernementale était parvenue (en augmentant les impôts) à dégager un excédent budgétaire sans précédent (représentant 0,3% du PIB l'année passée) avant que ne s'installe le déficit qui devrait être de l'ordre de 1,5% du PIB en 2002. Durant ces deux dernières années, le taux de chômage a augmenté, passant de 3,6% au moment de la prise de fonction du Gouvernement à 4,2% en août dernier. L'attribution d'allocations familiales (436 euros par mois et par enfant), point fort du programme du Parti libéral, est entrée en vigueur en janvier de cette année. L'Autriche est cependant l'un des pays de l'Union européenne possédant le plus faible taux de natalité et cette mesure sociale a entraîné l'augmentation des frais d'ambulance et la fiscalisation des indemnités journalières versées aux accidentés. Le Gouvernement peut se prévaloir de la loi sur l'immigration signée en juillet dernier et contraignant tous les étrangers non membres de l'Union européenne résidant en Autriche depuis le 1er janvier 1998 à suivre des cours d'allemand (qu'ils devront payer pour moitié, l'Etat finançant l'autre moitié). En cas de refus de la part des immigrants, ceux-ci se verront retirer leur permis de séjour et perdront leurs droits aux aides sociales et aux allocations chômage. Environ 25 000 personnes sont touchés par cette loi. La majorité des Autrichiens (65% selon les enquêtes d'opinion) est favorable à cette mesure.

Le chancelier Wolfgang Schüssel a déclaré qu'il n'excluait pas de renouveler son alliance avec le Parti libéral si cette formation parvient « à clarifier ses positions ». A un mois du scrutin, aucun parti ne semble en mesure de gouverner seul. Trois possibilités de coalition peuvent être envisagées :

- une victoire de l'opposition et la constitution d'une coalition SPÖ-Verts, qui ne suscite guère d'enthousiasme auprès des Autrichiens,

- la reconduction de l'alliance ÖVP-FPÖ

- le retour à une coalition plus traditionnelle SPO-OVP.

Selon une enquête d'opinion, parue mi octobre dans le magazine Profil, les deux grandes formations (ÖVP et SPÖ) atteignent chacune 37% des intentions de vote quand les Verts et le Parti libéral sont crédités chacun de 13%, ce qui représente une percée exceptionnelle pour le parti écologiste et un effondrement pour le FPÖ qui avait recueilli 27% des voix en 1999.

Les jeux sont donc très ouverts pour le prochain scrutin législatif.

Les Autrichiens choisiront-ils de revenir au système politique des alliances traditionnelles entre les deux grandes formations politiques que sont le Parti social-démocrate et le Parti populaire ou bien consacreront-ils la rupture de 1999, soit en reconduisant la coalition gouvernementale soit en portant au pouvoir une coalition inédite regroupant le SPÖ et les Verts ?

Rappel des résultats des élections législatives du 3 octobre 1999

Participation : 80,4%

Source Ambassade d'Autriche à Paris

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