La minorité hongroise au cœur de l'entre deux tours de la présidentielle slovaque

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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31 mars 2009
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Les Slovaques sont appelés aux urnes le 4 avril prochain pour départager les 2 candidats arrivés en tête du 1er tour de l'élection présidentielle le 21 mars dernier : le Chef de l'Etat sortant, Ivan Gasparovic, soutenu par deux des trois partis gouvernementaux - Direction-Démocratie sociale (SMER-SD) et le Parti national (SNS) -, qui a recueilli 46,71% des suffrages et la candidate de l'opposition de l'Union démocratique et chrétienne (SDKU), Iveta Radicova, qui a obtenu 38,05% des voix. A une semaine du vote, les deux candidats sont au coude à coude et les observateurs politiques ne parviennent pas à les départager.

La participation a été faible lors du 1er tour, s'élevant à 43,63% (- 4,31 points par rapport au 1er tour de l'élection présidentielle du 3 avril 2004). Les fondateurs de l'association Moja Prezidentka Iveta Radicova (Ma Présidente Iveta Radicova) ont donc appelé les Slovaques à remplir leur devoir civique lors du 2e tour le 4 avril. "Nous sommes affligés que beaucoup des candidats malheureux du 1er tour soutiennent l'apathie des électeurs et appellent les Slovaques à ne pas voter. Ces candidats doivent avoir oublié l'importance du vote dans l'histoire" a souligné l'écrivain Michal Hvorecky, fondateur de l'association.

Les 2 candidats se sont retrouvés sur les plateaux de télévision le 29 mars pour un débat. Le Président sortant a accusé Iveta Radicova d'être soutenue par le Parti de la coalition hongroise (SMK), dont les membres, a-t-il dit, réclament l'autonomie pour les Hongrois vivant en Slovaquie. Ivan Gasparovic a rappelé que le parti était opposé à l'établissement de la Slovaquie en 1993. "Le Parti de la coalition hongroise a été membre de la coalition gouvernementale pendant 8 ans, aucun de ses responsables n'a jamais parlé d'autonomie" a répondu la candidate du SDKU. Le Chef de l'Etat sortant lui a ensuite reproché d'être la candidate des people, se qualifiant lui-même comme le "candidat des citoyens".

Les électeurs appartenant à la minorité hongroise devraient majoritairement se prononcer en faveur d'Iveta Radicova lors du 2e tour. "Les électeurs de la minorité hongroise ont fait leur choix. Ivan Gasparovic les a offensés de trop nombreuses fois" a déclaré leur président, Pal Csaky, ajoutant qu'il souhaitait voir ces électeurs – notamment ceux des districts de Rimavska Sobota, Komarno et Trebisov dans lesquels la participation a été faible lors du 1er tour se rendre plus massivement aux urnes le 4 avril.

La minorité hongroise, qui représente environ 10% de la population, figure au cœur de la campagne de l'entre deux tours.

Le leader du Parti national, Jan Slota, a déploré le fait que les suffrages recueillis par Iveta Radicova venaient des districts où la minorité hongroise est la plus nombreuse (sud du pays). La vice-présidente, Anna Belousovova, a reproché à la candidate d'être soutenue par la Hongrie voisine. "Il n'est pas acceptable que ces districts ainsi que Bratislava dictent leur loi au reste de la Slovaquie" a-t-elle déclaré. A ces reproches et accusations, Iveta Radicova a répondu que si les médias hongrois s'étaient effectivement montrés intéressés par sa candidature, il en était de même pour ceux de nombreux autres pays comme la France, le Royaume-Uni, la République tchèque et l'Autriche, certains se montrant également séduits par le fait qu'une femme puisse devenir Présidente de la République en Slovaquie.

Le 27 mars, des centaines de brochures portant la photo d'Iveta Radicova et le symbole du SDKU ont fait leur apparition dans le sud du pays, notamment dans les villes de Komarno, Galanta et Samorin. Sur ces brochures, on pouvait lire (dans un hongrois truffé de fautes) : "Chers Hongrois vivant en Slovaquie, si vous votez pour moi et si je suis élue, je vous promets de soutenir vos revendications d'autonomie". Une enquête a été ouverte pour savoir d'où proviennent ces brochures. "C'est une provocation avant le 2e tour mais je ne sais pas de qui ni d'où celle-ci provient. Il faut se méfier, tout cela peut être un piège" a déclaré le leader du Mouvement pour une Slovaquie démocratique (LU-HZDS) et ancien Premier ministre (1993-1994 et 1994-1998) Vladimir Meciar.

Le 30 mars, les quotidiens Pravda et Plus jeden ont publié une publicité où l'on pouvait lire : "Qui souhaitez-vous comme Président de la République : quelqu'un qui est prêt à promettre l'autonomie à la minorité hongroise en échange de son soutien ou quelqu'un qui défend les intérêts de la Slovaquie ?". Anna Belousovova a avoué en être l'auteur. "J'admets avoir écrit cette publicité. Si vous le voulez, crucifiez-moi pour cela" a-t-elle déclaré. "Un Chef de l'Etat qui joue la carte hongroise, trouble les citoyens et divise la société n'est pas et ne peut pas être Président de la République slovaque" a répondu Iveta Radicova.

Enfin, Anna Belousovova a attaqué Iveta Radicova pour avoir signé, en 1991, la pétition des citoyens pour un Etat commun (Etat commun aux tchèques et aux Slovaques). Selon la leader d'extrême droite, la candidate de l'opposition ne dispose pas du "droit moral" pour devenir Présidente. A ces accusations, Iveta Radicova a rappelé qu'à l'époque, l'ensemble des partis politiques, à l'exception du Parti national, ont cherché des solutions capables de préserver un avenir commun aux deux peuples et indiqué que la pétition des citoyens pour un Etat commun constituait un appel à ce que l'avenir de la Tchécoslovaquie soit décidé par les citoyens lors d'un référendum. Selon la candidate du SDKU, le programme du Mouvement pour une Slovaquie démocratique (HZDS) aux élections législatives tchécoslovaques de 1992 demandait la préservation d'un Etat commun aux Tchèques et aux Slovaques, ce qui signifie que le Président sortant, Ivan Gasparovic, (qui à l'époque était membre de ce parti) était lui aussi favorable à cette solution. "Je pense qu'il n'est pas normal qu'une personne qui était opposée à la Slovaquie soit candidate à la fonction présidentielle" a déclaré le Premier ministre Robert Fico.

Le Parti communiste (KSS), dont le candidat Milan Sidor a recueilli 1,11% des suffrages lors du 1er tour, a annoncé son soutien à Ivan Gasparovic, pour le 2e tour. "Iveta Radicova est une candidate inacceptable pour nous" a déclaré le leader du KSS Jozef Hrdlicka le 23 mars faisant notamment référence aux lois, selon lui anti-sociales, qui ont été votées lorsque la candidate de l'opposition était ministre du Travail (2005-2006). "Nous appelons tous nos membres et tous nos sympathisants ainsi que l'ensemble des proches de la gauche de voter en faveur d'Ivan Gasparovic au 2e tour de l'élection" a-t-il déclaré.

Le Président sortant a reçu, le 25 mars dernier, le soutien de la Confédération des syndicats (KOZ). La Confédération a souligné le fait qu'Ivan Gasparovic avait stabilisé la scène politique et parfaitement défendu les intérêts de l'Etat et du pays lors de son mandat. De son côté, le Premier ministre Robert Fico (SMER-SD) a exprimé sa satisfaction quant aux résultats du 1er tour. "Connaissant la scène politique slovaque, je pense qu'Ivan Gasparovic a de grandes chances de l'emporter le 4 avril prochain, ce qui nous satisferait pleinement" a-t-il souligné.

La candidate de l'opposition pourrait souffrir des déclarations de certains membres de l'église catholique, très influente en Slovaquie. Une polémique avait été déclenchée avant le 1er tour lorsqu'un groupe de 7 prêtres catholiques l'avaient critiquée au sujet de son opinion en faveur de l'avortement. Certains reprochent à Iveta Radicova, veuve depuis plusieurs années, de vivre en union libre avec un artiste connu et de ne pas avoir officialisé sa relation par un contrat de mariage.

Enfin, la candidate, qui a suspendu son adhésion au SDKU au début de la campagne électorale, s'est engagée à quitter le parti si elle était élue à la tête de l'Etat le 4 avril prochain.

Si Novy cas, le quotidien le plus lu de Slovaquie, voit en Iveta Radicova la gagnante du 1er tour, celle-ci ayant recueilli un pourcentage de suffrages supérieur à celui dont la créditaient les enquêtes d'opinion pré-électorales, les chances des deux candidats sont quasiment égales pour le 2e tour.

La leader de Forum libre (SF), Zuzana Martinakova, et le candidat soutenu par les Démocrates conservateurs (KDS), Frantisek Miklosko, qui ont obtenu respectivement 5,12% et 5,42% des voix lors du 1er tour, ont refusé d'appeler à voter pour l'un ou l'autre des deux candidats du 2e tour. Cependant, si Iveta Radicova a recueilli un grand nombre des suffrages des sympathisants des partis qui la soutenaient lors du 1er tour, voire séduit au-delà de ces partis, le Président sortant, Ivan Gasparovic, qui a obtenu un pourcentage élevé de voix, semble ne pas avoir fait le plein des votes des proches de Direction-Démocratie sociale et du Parti national.

Le suspense reste donc entier. Les Slovaques résidant à l'étranger ne sont pas autorisés à voter pour cette élection présidentielle et que le vote, prévu le 4 avril, pourra, sous certaines conditions, se faire par anticipation dans certains villages.

Le mandat d'Ivan Gasparovic se termine officiellement le 15 juin prochain.

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