Elections législatives en Moldavie 5 avril 2009

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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2 mars 2009
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le 2 février dernier, le Parlement moldave annonçait que les prochaines élections législatives se dérouleraient le 5 avril 2009. Ce scrutin revêt, en Moldavie, une double importance puisque la Constitution du pays stipule que le Chef de l'Etat est élu par les membres du Parlement dans les 45 jours qui suivent les élections législatives. Pour être élu, le Président doit recueillir la majorité des 2/3 des suffrages des 101 membres de l'Assemblée, soit 61 voix au moins. La grande question de ce scrutin est de savoir si le Parti communiste (PRCM) pourra conserver les 3 postes clés de la vie politique moldave, à savoir celui de Premier ministre, de Chef de l'Etat et de président du Parlement.

Une polémique s'est fait jour à propos des Moldaves vivant à l'étranger, soit près de 30% de la population du pays. En effet, ceux-ci ne peuvent accomplir leur devoir civique que dans les seuls pays où la Moldavie possède une représentation diplomatique. C'est ainsi que les 100 000 Moldaves vivant en Espagne ne peuvent voter dans la péninsule ibérique et doivent, s'ils souhaitent élire leurs représentants parlementaires, se rendre à Rome ou à Paris pour ce faire. Le Parti libéral-démocrate (PLDM) a, en vain, expressément demandé que les conditions de vote des Moldaves de l'étranger soient améliorées.

Les partis politiques ont jusqu'au 4 mars prochain pour se faire enregistrer auprès de la Commission électorale en vue des élections législatives.

Le système politique

Le Parlement moldave est monocaméral et comprend 101 membres, élus au scrutin proportionnel pour 4 ans au sein d'une circonscription nationale unique. Le seuil électoral pour être représenté au Parlement, auparavant fixé à 4% des suffrages exprimés, a été relevé en décembre 2007 et s'établit désormais à 6%. De même, la constitution de toute alliance préélectorale est interdite et toute personne faisant l'objet de poursuites judiciaires ou possédant une double citoyenneté n'est plus autorisée à se présenter aux élections législatives. Enfin, un minimum de 50% de participation est obligatoire pour valider le scrutin législatif.

Le relèvement du seuil électoral s'explique en grande partie par les résultats obtenus par le Parti communiste (PCRM) lors des élections locales en juin 2007. En effet, ce scrutin a vu l'érosion du parti au pouvoir qui a recueilli 34% des suffrages, soit -12 points, et a obtenu la majorité absolue dans seulement 2 des 34 districts du pays. Le PCRM avait pourtant fait une campagne musclée (l'opposition avait d'ailleurs dénoncé l'intimidation des médias et de ses candidats qui avaient été menacés de procédures judiciaires) et annoncé quelques mesures sociales à la veille du scrutin, notamment le relèvement des pensions de retraites de 20% au 1er avril 2007. Côté opposition, l'Alliance notre Moldavie (ANM) avait obtenu 155 mairies, le Parti démocrate (PDM) 78, le Parti populaire chrétien-démocrate (PPCD) 62, le Parti social-démocrate (PSDM) 25.

Si l'on applique le nouveau seuil électoral aux résultats des élections municipales de juin 2007, seules trois partis pourraient être représentés au Parlement : le Parti communiste, l'Alliance notre Moldavie et le Parti populaire chrétien-démocrate. Le relèvement du seuil électoral a entraîné la fusion du Parti de la social-démocratie de l'ancien Premier ministre (1999-2001) Dumitru Braghis et du Parti social-démocrate dirigé par Ion Musuc. Réunies sous le nom de Parti social-démocrate, les deux partis peuvent espérer atteindre 7% des suffrages.

5 partis politiques sont représentés dans l'actuel Parlement moldave :

- le Parti communiste (PRCM), parti du Président de la République Vladimir Voronine et du Premier ministre Zinaida Greceanii, compte 56 députés, soit la majorité absolue ;

- l'Alliance notre Moldavie (AMN), parti d'opposition dirigé par l'ancien maire de Chisinau, Serafim Urechean, possède 22 sièges ;

- le Parti populaire chrétien-démocrate (PPCD), parti d'opposition de centre-droit dirigé par Jurie Rosca, compte 11 députés ;

- le Parti démocratique (PDM), parti d'opposition de l'ancien président du Parlement Dumitru Diacov, compte 8 élus ;

- le Parti social-libéral (PSL), parti d'opposition dirigé par Oleg Serebrian, possède 4 sièges.

Les enjeux de la campagne électorale

Président de la République depuis 2001, Vladimir Voronine ne peut prétendre à un 3e mandat. L'homme figure pourtant au cœur de la campagne électorale de son parti. "La Moldavie est un pays de stabilité et de conciliation civile sur le chemin de l'intégration européenne" répète le Chef de l'Etat qui fait campagne en affichant les résultats obtenus sous ses deux mandats à la tête de la Moldavie. "En 2001, le salaire atteignait 400 lei et la pension de retraite s'élevait à 150 lei, les deux ont augmenté durant les huit dernières années. De même, plus d'une centaine de gangs criminels ont été arrêtés" déclare Vladimir Voronine.

Le PCRM "va développer le développement de notre réseau de distribution de gaz national, apporter l'eau potable à chaque localité et mettre au moins 1 000 km de routes aux standards européens avant fin 2010" promet le Président sortant. "nous sommes confiants dans nos capacités et dans nos possibilités d'ouvrir une nouvelle page de l'histoire moldave. Nous nous sommes sérieusement préparés à cette étape. Nous avons prouvé nos compétences ; nous ne bénéficiions pas de tels avantages en 2001. L'Europe constitue l'enjeu principal de notre programme préélectoral et de notre travail" indique-t-il.

La Moldavie a signé avec l'Union européenne un accord de partenariat. En 2005, les deux parties avaient déjà conclu un plan d'action qui devait en 3 ans mettre la Moldavie sur la voie de l'UE. Un nouvel accord de coopération devrait voir le jour lorsque "le pays sera prêt à soutenir les effets d'une libéralisation complète de ses échanges avec l'Union européenne". "Bruxelles et Chisinau pourraient signer un nouvel accord après les élections législatives" a déclaré le 16 octobre 2008 Wolfgang Berendt, chef du département politique et économique de la délégation de la Commission européenne. Le rythme et la qualité des réformes mises en œuvre dans le pays détermineront la nature et le rythme de son rapprochement avec l'Union européenne. A court terme, la Moldavie espère que l'obligation de visa sera supprimée pour les Moldaves qui veulent se rendre dans l'un des pays des Vingt-sept (un accord de facilitation des procédures de délivrance des visas existe depuis 2007).

"2009 sera une année importante pour la Moldavie sur le chemin de l'Europe. Nous sommes sur le point d'ouvrir de nouvelles négociations avec l'Union européenne qui définiront de nouvelles perspectives pour la Moldavie" a souligné le Président Voronine. "Nous avions annoncé notre stratégie d'intégration européenne et nous avons réformé notre système de santé et notre système éducatif, réalisé l'amnistie fiscale et aboli la taxe sur les profits. Les dernières mesures - la mise en œuvre de la légalisation de notre cadre légal selon les critères européens - sont de nature systémique" a-t-il précisé.

L'intégration de la Moldavie à l'Union européenne fait consensus dans la classe politique moldave, à l'exception de la formation Rodina (La Patrie) dirigé par Boris Muravschvili qui souhaiterait voir le pays se tourner vers la Russie. Quelle que soit sa composition, le Parlement qui sortira des élections législatives du 5 avril prochain avancera sur le chemin d'un rapprochement avec Bruxelles.

La Moldavie a connu une forte croissance de son PIB en 2008 (7,3%) mais la crise économique pourrait faire chuter celui-ci à 2% en 2009. L'inflation, qui atteignait 17,1% en mai dernier, a baissé pour s'établir à 8,5% en novembre 2008. La Moldavie reste un pays pauvre (29% de la population vit sous le seuil de pauvreté) que les actifs quittent en masse (officiellement, le pays compte 343 000 migrants sur 3,4 millions d'habitants mais la réalité serait plus proche de 500 000 émigrés). Le pays a perdu 1 million d'habitants entre 1991, année de l'indépendance du pays, et 2004, date du dernier recensement. Les remittances (transferts de fonds) envoyés par les émigrés représentent plus d'un tiers du PIB moldave. Pays agricole (30% de la population travaille dans ce secteur), la Moldavie est très dépendante de la Russie pour ses fournitures en énergie, et notamment en gaz, comme pour ses exportations agricoles.

A un mois des élections législatives, les spéculations vont bon train sur l'avenir du Chef de l'Etat sortant. "Vladimir Voronine est un homme ambitieux et mon sentiment est qu'il deviendra président du Parlement" déclare Igor Botan, membre du think tank Adept. Le Président sortant a indiqué qu'il "resterait au cœur de la vie politique". Marian Lupu, actuel président du Parlement, est considéré comme le favori pour la succession de Vladimir Voronine.

L'opposition moldave est diverse. 3 partis, l'Alliance notre Moldavie, le Parti libéral-démocrate (PLDM) et le Parti libéral (PL), ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne collaboreraient pas avec le PCRM. Le leader de l'Alliance notre Moldavie, Serafim Urechean, a appelé les électeurs à se mobiliser pour les élections législatives, qualifiant le pouvoir de Vladimir Voronine de "dictature". "Je dois libérer mes compatriotes, apporter la démocratie à mon pays et construire un système d'Etat responsable" a-t-il déclaré.

Au début de l'année, le ministre de la Justice a refusé d'enregistrer l'ancien Premier ministre Vasile Tarlev (2001-2008, il a été remplacé par Zinaida Greceanii) comme leader de l'Union centriste au motif que le parti avait fourni une liste incomplète de ses membres et que Vasile Tarlev avait été désigné une première fois le 23 septembre lors d'un vote public puis une deuxième fois le 13 décembre lors d'un vote à bulletins secrets. Enfin, Chiril Lucinschi, fils de l'ancien Président de la République (1996-2001) Petru Lucinschi, sera candidat aux élections législatives sur les listes du Parti démocratique présidé par l'ancien président du Parlement, Dumitru Diacov où il figurera à une place éligible.

13 partis politiques et 12 médias ont signé un code d'éthique en vue du scrutin du 5 avril prochain. La leader du Parti national-libéral (PNL), Vitalia Pavlicenco, a refusé d'apposer sa signature au motif que le PCRM et les médias qui, selon elle, sont sous son contrôle avaient ratifié le document. Le président du Parti libéral-démocrate, Vlad Filat, a noté que la chaîne publique Moldavie1TV n'avait pas signé le document et n'avait pas jugé bon de le mentionner.

Le conflit transnistrien

La Transnistrie est une région orientale de la Moldavie qui échappe au contrôle du gouvernement de Chisinau et est sous occupation militaire russe. La région a unilatéralement proclamé son indépendance en 1992 au terme d'un conflit qui a fait plusieurs centaines de morts. En dépit d'un accord international par lequel Moscou s'était engagé à rapatrier ses soldats avant le 31 décembre 2002, 2 000 soldats de la 14e armée russe, transformée en groupe opérationnel des forces russes en 1994, sont toujours stationnés en Transnistrie.

En 1940, la Moldavie, située à l'Est de la Roumanie, a été coupée en deux par l'URSS qui a annexé sa partie orientale située au-delà du fleuve Dniestr. Pour la récupérer, la Roumanie s'est alliée aux Nazis et est parvenue en 1941 à bouter les soldats soviétiques hors de Moldavie. Cependant, en 1944, la Moldavie, dont la capitale était alors Tiraspol, a été rattachée, avec un appendice (la Transnistrie) appartenant à l'époque à l'Ukraine, à la République socialiste soviétique de Moldavie, Kichinev (Chisinau) devenant la nouvelle capitale. Les autorités soviétiques ont alors interdit la langue roumaine et favorisé l'implantation d'une population russe et ukrainienne aux dépends des Moldaves. Ainsi, jusqu'à la chute du régime communiste à la fin des années 1980, la grande majorité des responsables du Parti communiste et de la République moldaves étaient issus de Transnistrie. Entre 1940 et 1989, aucun Premier secrétaire du Parti communiste n'a jamais été originaire de la partie occidentale. La Transnistrie a connu par ailleurs, durant la 2e moitié du XXe siècle, un développement industriel important alors que la Moldavie est restée agricole. La région constituait au début des années 1990 le tiers du potentiel industriel de la Moldavie.

En juin 1990, le Parlement a voté une déclaration de souveraineté instaurant la primauté de la Constitution moldave sur l'ensemble du territoire, incluant donc la Transnistrie. L'adoption par le Parlement du moldave comme langue officielle a provoqué de fortes tensions entre les deux communautés, les habitants de Transnistrie ne parlant que le russe ou l'ukrainien. En décembre 1991, ces derniers se sont prononcés par référendum en faveur de l'indépendance de leur territoire. L'année suivante, un conflit a éclaté entre les forces armées et la population, soutenue par la 14e armée russe forte à l'époque de 6 000 hommes. La région de Transnistrie, dont Tiraspol est devenue la capitale, a demandé son rattachement à la Russie. A l'automne 1992, les présidents moldave, Mircea Snegur, et russe, Boris Eltsine, ont signé un accord selon lequel la Russie cessera de soutenir la Transnistrie si la Moldavie accorde à la région un statut politique garantissant son autonomie. La Moldavie devait également s'engager à ne pas demander son propre rattachement à la Roumanie. En mars 1995, les habitants de Transnistrie ont cependant voté à 81% en faveur d'une nouvelle Constitution indépendantiste. Ce même jour, 93,3% de la population (qui compte 40% de Moldaves) se sont prononcés en faveur du maintien des troupes de l'armée russe sur le territoire transnistrien. La région séparatiste de Transnistrie possède sa Constitution, son hymne national, son Président (Igor Smirnov réélu le 10 décembre 2006 avec 82% des suffrages), son gouvernement, son Parlement, son armée, sa monnaie (le rouble transnistrien ou souvoriki) mais aucun pays, pas même la Russie, ne la reconnaît. Le 17 septembre 2006, 97,7% des Transnistriens ont dit "oui" à l'indépendance par référendum.

Depuis 1992, cinq parties (la Moldavie, la région moldave de Transnistrie, la Russie, l'Ukraine et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, OSCE) tentent de régler ce conflit vieux de plus de 15 ans, Bruxelles et Washington ayant rang d'observateurs. Le Parti libéral demande que l'Union européenne et les Etats-Unis soient associés aux négociations.

En 2003, le plan Kozak, du nom de l'expert et diplomate russe qui a supervisé son élaboration, devait apporter une solution rapide au conflit en permettant la formation d'un Etat moldave réunifié et en autorisant les forces militaires russes à stationner en Transnistrie. Ce plan aurait dû être signé à Chisinau par le président moldave et le chef de l'administration de Transnistrie en présence du président russe, Vladimir Poutine, le 25 novembre 2003 si le Président moldave Vladimir Voronine n'avait pas refusé de signer le document au dernier moment, sous prétexte que celui-ci "avait été établi sans consulter l'Union européenne que la Moldavie a l'intention de rejoindre". 6 ans plus tard, la situation est toujours dans l'impasse. Igor Smirnov et Vladimir Voronine se sont rencontrés deux fois en 2008. Sans résultat. La prochaine rencontre pourrait avoir lieu avant les élections législatives du 5 avril.

Comme lors des précédents scrutins, les habitants de Transnistrie ne devraient pas participer aux élections législatives moldaves. 400 000 d'entre eux sont électeurs. En 2005, 10 bureaux de vote avaient été ouverts dans la région. Selon Igor Smirnov, la Commission électorale moldave n'a pas demandé aux "autorités" l'autorisation d'organiser les élections législatives dans la région. Environ 125 000 Transnistriens possèdent la nationalité russe.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée en février dernier, le PCRM arriverait en tête du scrutin le 5 avril prochain et recueillerait 22,9% des suffrages, devançant l'Alliance notre Moldavie, qui obtiendrait 19% des voix ; le Parti libéral, 15,7% et le Parti libéral-démocrate, 10,4%. L'Union centriste, le Parti démocratique et le Parti chrétien démocrate-populaire recueilleraient chacun 5% des suffrages ; le Parti social-démocrate et le Parti national libéral, 4% chacun. Les trois quarts des personnes interrogées (77%) déclarent qu'elles se rendront aux urnes pour les élections législatives.

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