Election présidentielle au Monténégro, 6 avril 2008

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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7 mars 2008
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Election présidentielle au Monténégro, 6 avril 2008

PDF | 236 koEn français

484 000 électeurs monténégrins sont appelés aux urnes, le 6 avril, pour désigner leur Président. Ce scrutin présidentiel sera le premier depuis l'indépendance retrouvée le 21 mai 2006. Si aucun candidat ne recueille la majorité absolue au 1er tour, un 2e tour sera organisé le 20 avril. Le mandat de l'actuel Président, Filip Vujanovic (Union démocratique des socialistes, DPS), prend fin le 22 mai prochain.

La fonction présidentielle au Monténégro

Le Chef de l'Etat est élu pour un mandat de 5 ans. L'ancien seuil de participation obligatoire de 50% minimum pour que l'élection présidentielle soit déclarée valide a été supprimé en 2003, après l'invalidation de 2 élections en près de 5 mois pour cause de participation insuffisante. Le rôle du Président est honorifique. Tout candidat au scrutin présidentiel doit être nommé par un parti politique, ou un groupe de soutien, et présenter les signatures d'un nombre de personnes représentant au moins 1,5% du corps électoral.

5 personnalités sont candidates le 6 avril :

- Filip Vujanovic (Union démocratique des socialistes, DPS), Président sortant, ancien Premier ministre (1998-2002);

- Nebojsa Medojevic, président du parti d'opposition, le Mouvement pour le changement (PZP) ;

- Andrija Mandic (Parti populaire serbe, SNS), leader de la coalition, la Liste serbe, regroupant le Parti populaire serbe, le Parti démocratique de l'unité (DSJ), le Parti radical serbe (SSR) de Tomislav Nikolic, le Parti populaire socialiste (NSS) de Novo Vujosevic, le Parti démocratique de l'unité (DSJ) de Zoran Zizic, le Conseil national serbe (SNV) dirigé par Momcilo Vuksanovic et l'Alternative académique de Vojin Grubac ;

- Srdjan Milic, leader du parti de centre gauche, le Parti socialiste populaire (SNP) ;

- Blagota Mitric, professeur à la faculté de droit de l'université de Podgorica.

Le 3 février, le Parti populaire (NS), dirigé par Predrag Popovic, a rendu publique sa décision de ne pas participer à l'élection présidentielle et annoncé qu'il ne soutiendra aucun des candidats en lice. De même, Zoran Zivkovic, président du Parti libéral (LP), a indiqué que son parti observerait le 1er tour sans donner de consigne de vote. "Personne ne peut s'attendre à ce que le Parti libéral soutienne le candidat de l'Union démocratique des socialistes ou celui du Parti populaire serbe qui sont respectivement un parti de droite et un parti nationaliste" a-t-il déclaré. Enfin, le leader du Parti bosniaque du Monténégro, Rafet Husanovic, pourrait se présenter à l'élection présidentielle s'il reçoit le soutien de son parti.

Le retour de Milo Djukanovic

Si les militants du DPS avaient pu choisir leur candidat à l'élection présidentielle, ils auraient assurément désigné Milo Djukanovic. C'est en tout cas le choix qu'ils ont fait le 27 décembre dernier. "Les raisons qui m'ont conduit à me retirer sont toujours valables" avait alors affirmé l'ancien Chef de l'Etat, refusant la proposition qui lui était faite. Le 7 février dernier, le DPS désignait le Chef de l'Etat sortant, Filip Vujanovic, comme candidat à sa propre succession.

Après 15 ans de pouvoir - Premier ministre de 1991 à 1997, puis de 2002 à 2006, et Président de la République de 1997 à 2002 -, Milo Djukanovic, considéré comme le père de l'indépendance du pays, a décidé de se mettre en retrait de la vie politique et de se concentrer sur ses propres affaires. Il a cependant continué à œuvrer en coulisses et conservé la présidence du parti (DPS). Il s'est consacré à ses 3 entreprises - 2 sociétés de consulting et de management, Kapital Invest et Prajmari Invest, et une compagnie gérante de biens immobiliers, Selekt Invest. Il a également acheté, grâce à un crédit de 1.5 million de la London Bank, près de 7% des actions de la Prva banka dont son frère, Aco, est le principal actionnaire.

La démission, le 31 janvier dernier du Premier ministre, Zeljko Sturanovic, pour raisons de santé, a toutefois changé le cours de la vie politique. Pressé par les membres de son parti, Milo Djukanovic a finalement accepté de remplacer le Chef du gouvernement.

De nombreux analystes voient dans le retour du leader du DPS une façon de ressouder le parti, voire de prendre en main l'avenir du Monténégro. "Milo Djukanovic peut redonner confiance aux électeurs de l'Union démocratique des socialistes actuellement un peu ébranlés" souligne l'analyste Svetozar Jovicevic qui juge cette nomination très contestable. Srdan Darmanovic, doyen de la faculté de science politique, considère très normal que Milo Djukanovic, dirigeant du plus grand parti du pays, assume les fonctions de Premier ministre.

Soupçonné d'association mafieuse au sein d'un trafic international de cigarettes, Milo Djukanovic est actuellement poursuivi par la justice italienne. Le 22 juin 2007, le parquet de Bari (Pouilles) a demandé son renvoi en justice, ainsi que celui de 15 autres personnes dont l'ex-ministre Miroslav Ivasinevic. L'ancien Premier ministre, qui a perdu son immunité le 3 octobre 2006 en quittant ses fonctions de Chef du gouvernement, est accusé d'avoir, entre 1994 et 2000, concédé à un trafiquant suisse notoire, Franco della Torre, une licence d'importation de 1 000 tonnes de cigarettes par mois pour de nombreux pays à partir du Monténégro. En 2003, Milo Djukanovic a reconnu que le commerce de cigarettes avait assuré une bonne partie du budget monténégrin au temps des sanctions internationales contre l'ex-Yougoslavie entre 1992 et 1999.

Le père de l'indépendance du Monténégro a été élu à la tête du gouvernement le 29 février dernier par 41 des 80 parlementaires.

La campagne électorale

Principal parti du gouvernement, l'Union démocratique des socialistes (DPS) rencontre quelques difficultés avec l'un de ses partenaires, le Parti social-démocrate (SDP), la coalition gouvernementale est également soutenue par le Parti libéral et l'Union démocratique albanaise (DUA-UDSh). Le leader social-démocrate, Ranko Krivokapic, avait envisagé de devenir le premier Président élu du Monténégro indépendant et menace d'ailleurs de se porter candidat à l'élection présidentielle ou tout au moins de ne pas soutenir Filip Vujanovic le 6 avril prochain. Il dénonce le manque de coopération du DPS au sein du gouvernement et a demandé au Président sortant de venir "s'expliquer" devant la direction de son parti.

Du côté de l'opposition, les militants peuvent également se sentir déçus d'avoir vu échouer les négociations entre les différents partis qui n'ont pas su s'entendre sur le nom d'un candidat unique. En 2007, l'opposition n'était déjà pas parvenue à adopter une stratégie commune face à la nouvelle Constitution à laquelle elle était pourtant majoritairement opposée. Au dernier moment, le Mouvement pour le changement de Nebojsa Medojevic avait conclu un accord avec le gouvernement et facilité l'adoption de la nouvelle Loi fondamentale par le Parlement en permettant aux forces progouvernementales d'atteindre la majorité des deux tiers requise pour l'adoption du texte. Les membres de l'opposition avaient alors qualifié Nebojsa Medojevic de "Judas de l'opposition monténégrine".

Pour l'élection présidentielle, le Parti populaire socialiste de Novo Vujosevic avait proposé à la Liste serbe de s'unir autour de la candidature de l'ancien ministre des Affaires étrangères du Monténégro et ancien ambassadeur en Italie de la République fédérale de Yougoslavie, Miodrag Lekic, mais le projet n'a pas abouti.

Le Mouvement pour le changement, qui répète que l'avenir du Monténégro ne réside pas dans les tentatives de divisions ethniques antérieures au référendum sur l'indépendance du 21 mai 2006, se présente comme un parti moderne, proeuropéen et fondé sur des valeurs civiques. Créé le 15 juillet 2006 par Nebojsa Medojevic, il a désigné, le 26 décembre dernier, son leader, par ailleurs l'homme politique le plus populaire du Monténégro, comme candidat à l'élection présidentielle. De son côté, le chef de la Liste serbe, Andrija Mandic, se pose en rassembleur de l'opposition, c'est-à-dire de tous ceux qui se sont opposés à la Constitution, marquant ainsi le fait que, pour lui, le Mouvement pour le changement n'appartient pas à ce camp. Andrija Mandic a accusé Nebojsa Medojevic de "s'aligner sur le régime en place".

Le nombre élevé de candidats de l'opposition pourrait décourager ses sympathisants. La question reste entière de ce que feront les opposants à Filip Vujanovic dans le cas où celui-ci parviendrait au 2e tour face à l'un ou l'autre des candidats.

Il est en effet difficile d'imaginer qu'Andrija Mandic soutienne Nebojsa Medojevic ou que ce dernier se prononce en faveur du leader de la Liste serbe.

Le Chef de l'Etat sortant est actuellement le mieux placé pour remporter l'élection présidentielle du 6 avril prochain dans les enquêtes d'opinion. Le dernier sondage le crédite de 22,6% des intentions de vote au 1er tour, contre 15,7% pour Nebojsa Medojevic, 10,3% pour Andrija Mandic et 5,5% pour Srdjan Milic.

Résultats de l'élection présidentielle du 11 mai 2003 au Monténégro

Participation : 48,4%

Source : Site internet de Psephos Adam Carr's Election Archive (http://psephos.adam-carr.net/countries/m/montenegro/montenegropres2.txt)

Election présidentielle au Monténégro, 6 avril 2008

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