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Election présidentielle en Russie, Le point à une semaine du scrutin

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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2 mars 2007
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Election présidentielle en Russie, Le point à une semaine du scrutin

PDF | 232 koEn français

Le 2 mars prochain, 107 millions de Russes sont appelés aux urnes pour élire le successeur de l'actuel Président de la Fédération, Vladimir Poutine, que la Constitution n'autorise pas à se représenter pour un 3e mandat consécutif. Cette élection présidentielle est sans véritable enjeu, Vladimir Poutine ayant désigné le 10 décembre dernier, Dmitri Medvedev (Russie unie, ER), actuel 1er vice-Premier ministre, comme celui qui lui succéderait. Selon toute vraisemblance, ce dernier devrait être largement élu à la tête de l'Etat lors du 1er tour.

96 277 bureaux de vote seront ouverts en Russie et 364 à l'étranger. Le vote anticipé a débuté le 15 février.

4 personnalités sont candidates à la Présidence :

- Dmitri Medvedev (Russie unie, ER), 42 ans, actuel 1er vice-Premier ministre du gouvernement dirigé par Viktor Zoubkov et successeur désigné par le Chef de l'Etat sortant, Vladimir Poutine. Il est soutenu par Russie juste (SR) de Sergueï Mironov, Force civile et le Parti agrarien (APR) de Vladimir Plotnikov ;

- Guennadi Ziouganov (Parti communiste, KPRF), 63 ans, fondateur et leader du premier parti d'opposition à la Douma ;

- Vladimir Jirinovski (Parti démocrate libéral, LDPR), 61 ans, leader nationaliste et populiste qui vote toujours en faveur des lois du Kremlin ;

- Andreï Bogdanov (Parti démocratique de Russie, DPR), 37 ans.

"Pendant ces 8 ans, j'ai trimé comme un esclave sur une galère, du matin au soir. Je suis content des résultats" a déclaré Vladimir Poutine le 14 février dernier alors qu'il dressait le bilan de ses 2 mandats. Il s'est félicité d'avoir fait rentrer la Tchétchénie dans le giron de la Russie et d'avoir mis fin à la toute puissance des oligarques. "On a rétabli l'Etat de droit dans le pays" a-t-il indiqué. Affirmant que la démocratie constitue "l'un des piliers de la Russie", il a cependant blâmé les "partis politiques financés par l'étranger", soit un grand nombre des partis de l'opposition, qui "se comportent de façon immorale et déshonorent le peuple russe ". Vladimir Poutine a mis en avant son bilan socioéconomique : croissance du PIB de 8,1% en 2007, baisse du chômage, fin de l'évasion des capitaux et hausse du niveau de vie (+10,4%) et des salaires (+16,2%) alors qu'"en 1999, la Russie était au bord de la faillite ". Il a fait part de ses inquiétudes quant à la hausse de l'inflation (12% en 2007), la faible productivité du travail et la dépendance de la Russie à ses hydrocarbures. Il a déploré la persistance de la corruption dans le pays. Vladimir Poutine a menacé de pointer des missiles vers la Pologne ou la République tchèque si les Etats-Unis déploient leur bouclier antimissile dans ces 2 pays, ou encore vers l'Ukraine dans le cas où celle-ci deviendrait membre de l'OTAN "alors que la majorité de sa population y est opposée" a t-il précisé. "Nous avons retiré nos bases à Cuba et au Vietnam. Qu'avons-nous obtenu en retour ?" s'est interrogé le Président sortant, concluant "nous serons obligés de réorienter nos missiles vers des cibles qui, de notre point de vue, menaceront notre sécurité nationale". Enfin, il a affirmé que l'indépendance déclarée de façon unilatérale par le Kosovo était "immorale et illégale".

Selon l'analyste politique Alexander Golts, Vladimir Poutine s'est adressé par ce discours directement aux Européens pour les mettre en garde contre les Etats-Unis. "Ce discours sert aussi à donner aux Russes le sentiment de forteresse assiégée, pour qu'ils se mobilisent autour de Vladimir Poutine et de son successeur. Et cela permet de proposer un agenda alternatif à l'Occident : recommencer à compter les ogives nucléaires plutôt que de s'occuper de questions désagréables pour la Russie comme les droits de l'Homme, la liberté de parole ou la transmission du pouvoir" a t-il affirmé.

Evoquant son avenir et sa collaboration avec Dmitri Medvedev à la tête de l'Etat, Vladimir Poutine s'est dit prêt à devenir Premier ministre. "Il y a suffisamment de prérogatives et nous les partagerons avec Dmitri Medvedev. Il faut se réjouir de la possibilité de travailler à un autre poste, de servir son pays à un autre titre " a t-il souligné. Cependant, le Président sortant a fait une lecture très personnelle de la Constitution russe indiquant que "le gouvernement russe est le pouvoir exécutif suprême en Russie " et que "la Constitution offre de larges prérogatives au gouvernement". Parmi celles-ci, il a cité le budget, la défense, la sécurité, la politique économique et les relations internationales.

Officiellement, l'exécutif repose entre les mains du Président qui dispose d'importants pouvoirs : il nomme et renvoie le Premier ministre, il peut dissoudre la Chambre basse du Parlement, la Douma, il soumet des projets de loi au Parlement et propose des référendums. Il décide des nominations dans l'armée, les services de sécurité et des juges de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle, de la Cour des comptes, de la Cour suprême d'arbitrage.

"Notre pays était et demeure une république présidentielle. Il ne peut pas en être autrement. Un tel Etat ne peut fonctionner qu'avec un système présidentiel fort, peu importe le locataire du Kremlin. La Russie s'est toujours développé autour d'un exécutif fort et d'un pouvoir vertical. Mon intime conviction est que la Russie disparaîtra si elle se transforme en république parlementaire" a déclaré Dmitri Medvedev dans le magazine Itogui. "Il ne peut pas y avoir 2, 3 ou 5 centres de pouvoir. C'est le Président qui gouverne en Russie et selon la Constitution, il ne peut y avoir qu'un seul Président" a t-il ajouté. Concernant la démocratie, il a affirmé : "l'un des principaux enjeux auquel la Russie doit faire face est de parvenir à réconcilier notre tradition nationale avec nos valeurs fondamentales". Des propos assez surprenants à une semaine du scrutin. "Vladimir Poutine et moi-même nous comprenons très bien" a également souligné le candidat qui a toutefois précisé : "ce couple ne fonctionnera que dans une atmosphère de confiance totale entre partenaires".

Le 15 février dernier, Dmitri Medvedev a présenté son programme électoral centré autour de 4 "i" : institutions, infrastructures, innovation et investissements. Il a annoncé qu'il mettrait en place un plan de 14 milliards de dollars pour doubler les pensions de retraite et augmenter les salaires. "La Russie a changé, elle est devenue plus riche et forte. Nous sommes respectés et notre opinion pèse. On ne nous fait plus la leçon comme à des écoliers" a-t-il déclaré. "L'époque où la Russie n'était plus que figurante sur la scène internationale est révolue. Si tout suit son cours, d'ici dix à 15 ans, notre pays deviendra l'une des cinq plus grandes économies mondiales" a-t-il ajouté. Il a prononcé un discours qualifié de "libéral" par certains observateurs. "La Russie est un pays fédéral avec un fort potentiel mais aussi des problèmes et pas des moindres. La plupart des bureaucrates siégeant dans les conseils d'administration ne devraient pas s'y trouver. Une importante partie des fonctions remplies par les organismes publics devrait être laissée au secteur privé" a t-il souligné.

Selon une étude réalisée par le Centre du journalisme dans des situations de crise, Dmitri Medvedev, candidat officiel du Kremlin, occupe, dans les médias, plus de la moitié du temps consacré à la campagne électorale. Cette étude a été menée sur 5 chaînes de télévision entre le 10 janvier et le 1er février. Aucun de ses 3 rivaux à l'élection présidentielle n'occupe plus de 10% du temps d'antenne.

Dmitri Medvedev a reçu le soutien de l'Eglise orthodoxe. "Un tel duo (Vladimir Poutine- Dmitri Medvedev) sera une bénédiction pour la Russie " a déclaré le patriarche Alexis II. Il est soutenu par l'association des syndicats socialistes Sotsprof, 2e organisation syndicale de Russie.

Principal adversaire du candidat du Kremlin, Guennadi Ziouganov (Parti communiste, KPRF), a présenté son programme électoral. "Nous voulons que les secteurs les plus importants de l'économie redeviennent la propriété de l'Etat. A commencer par l'électricité et en terminant par le réseau ferroviaire et les télécommunications" a t-il indiqué. Il veut doubler le salaire des enseignants et des médecins, et accuse le gouvernement de mener une guerre contre le peuple russe en encourageant le déclin démographique. "La russophobie transpire par tous les pores du gouvernement actuel" souligne t-il. "Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev sont complètement irresponsables" affirme t-il encore, accusant Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev d'avoir détruit l'industrie et l'Etat providence. Il appelle à une réunification de la Russie avec la Biélorussie et le Kazakhstan voisins.

Il devrait arriver en 2e position le 2 mars prochain. "Comme lors des dernières élections législatives, une partie des libéraux (en mal de candidat ou souhaitant marquer leur opposition par leur vote) se prononceront pour le candidat communiste" affirme le politologue Dmitri Orechkine.

De son côté, Mikhaïl Kassianov, leader de l'Union populaire et démocratique (RNDS) qui s'est vu refuser, le 27 janvier, le droit à être candidat à l'élection présidentielle (la Commission électorale a jugé que 13,36% des 2 067 000 signatures qu'il avait recueillies afin de pouvoir se présenter étaient invalides), appelle au boycott du scrutin.

Le 7 février dernier, l'Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe (OSCE) a décidé d'annuler sa mission d'observation en raison des "restrictions imposées par les autorités". Ces dernières ont déclaré qu'elles n'accueilleraient pas plus de 75 observateurs et que ceux-ci ne devaient pas arriver en Russie plus de 3 à 4 jours avant le scrutin. Habituellement, les observateurs prennent position sur le terrain environ 2 mois avant l'élection. Lors des dernières élections législatives du 2 décembre dernier, seuls 70 observateurs de l'OSCE avaient été acceptés en Russie. "Qu'ils restent chez eux apprendre à leurs femmes à faire le chtchi (soupe aux choux)" a déclaré Vladimir Poutine le 14 février.

Autre fait inhabituel, si, comme attendu, Dmitri Medvedev est élu Président lors du 1er tour de scrutin, les fonds prévus pour le 2e tour seront distribués aux membres de la commission électorale. Traditionnellement, ceux-ci étaient versés pour de grandes causes nationales, comme, par exemple, le traitement du cancer.

Selon une enquête réalisée par l'institut d'opinion Levada, le maintien de l'ordre et le respect de la loi devraient constituer la priorité de l'action présidentielle. Près d'un Russe sur deux (45%) exprime cette opinion. 41% des personnes interrogées citent la redistribution, 37% la poursuite des réformes et, notamment, sociales, 34% le renforcement du rôle de l'Etat dans l'économie. Un Russe sur deux (48%) estiment que le résultat des élections est décidé par les autorités du pays et la moitié des personnes interrogées (50%) estiment que la démocratie occidentale n'est pas une forme de gouvernement adaptée à la Russie.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut VTsIOM le 18 février révèle que 69,9% des électeurs s'apprêtent à voter en faveur de Dmitri Medvedev. Guennadi Ziouganov recueillerait 9,1% des suffrages, Vladimir Jirinovski obtiendrait 7,8% et Andreï Bogdanov 0,9%.

Si Dmitri Medvedev devient, le 2 mars prochain, Président de la Fédération de Russie, il sera, après Alexander Kerensky (Premier ministre entre juillet et novembre 1917), le plus jeune dirigeant que la Russie ait connu.

Election présidentielle en Russie, Le point à une semaine du scrutin

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