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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Mikhail Saakachvili a été réélu le 5 janvier Président de la République de Géorgie recueillant 51,71% des suffrages. Son principal adversaire, Levan Gatchetchiladze, soutenu par une coalition rassemblant 9 formations de l'opposition, a obtenu 25,38% des voix.
La participation s'est élevée à 56,70%, soit au-dessus du seuil de 50% obligatoire pour déclarer vainqueur dès le 1er tour tout candidat ayant obtenu plus de 50% des voix. "Le fait que la participation ait atteint ce haut niveau est très significatif, cela montre que les Géorgiens ont décidé de prendre leur destin en main, ce qui n'est pas quelque chose de traditionnel dans le pays" a souligné David Kakabadze, directeur de Radio Free Europe.
Le Chef de l'Etat géorgien, qui avait décidé de remettre son mandat en jeu à la suite de la grave crise politique d'octobre-novembre derniers pendant laquelle de nombreuses manifestations d'opposants avaient réclamé sa démission, a donc largement réussi son pari.
Le 2 novembre, environ 60 000 personnes s'étaient rassemblées à Tbilissi pour protester contre la politique du Président de la République. Le 5 novembre, la chaîne de télévision Imedi TV diffusait son deuxième entretien avec l'ancien ministre de la Défense, Irakli Okrouachvili, arrêté en octobre dernier pour corruption et en fuite depuis lors en Allemagne. Cet ancien membre du gouvernement avait accusé le Chef de l'Etat d'avoir cherché à faire assassiner Arkadi (Padri) Patarlasischvili, homme d'affaires propriétaire d'Imedi TV, et d'avoir couvert les failles de l'enquête sur la mort de l'ancien Premier ministre (2004-2005) Zourab Jvania décédé d'une intoxication au monoxyde de carbone en février 2005.
Le 7 novembre, à la suite d'un important rassemblement populaire sévèrement réprimé par les forces de l'ordre, Mikhail Saakachvili déclarait l'état d'urgence pour une durée de deux semaines. Celui-ci sera finalement levé le 15 novembre.
Fortement critiqué pour avoir répondu par la force aux manifestations de novembre et notamment pour avoir décrété l'état d'urgence, le Président de la République a toujours affirmé ne pas avoir eu de réel choix. "C'était la décision la plus difficile à prendre. Chaque matraque frappant l'un de nos citoyens était aussi un coup porté contre moi. Mais il n'y avait pas d'alternative hormis le chaos et la confrontation civile" déclarait-il le 14 novembre dernier. "Je ne regrette rien. Je suis certain que nous avons eu raison" a-t-il répété durant toute sa campagne électorale. "Les dirigeants utilisent habituellement ce genre d'événements pour établir une dictature. Moi, j'ai immédiatement remis mon mandat en jeu après la crise afin que celle-ci soit résolue de façon démocratique" affirmait Mikhail Saakachvili.
Ce scrutin a sans doute été moins une élection présidentielle qu'un référendum sur Mikhail Saakachvili et une mise à l'épreuve de la démocratie dans le pays. "Cette élection présidentielle n'était bien sûr pas idéale mais elle a sans aucun doute marqué un grand, grand progrès par rapport aux précédentes élections" a affirmé le politologue Temur Iakobachvili. L'opposition a critiqué le Président sortant pour avoir utilisé les ressources de l'Etat pour sa propre campagne électorale. Ce dernier a, en effet, offert des tracteurs à des paysans et distribué des coupons pour payer des factures de gaz et d'électricité. Il a, en outre, bénéficié d'une plus grande couverture médiatique que ses concurrents. Mikhail Saakachvili explique la défaite de l'opposition par "leur erreur principale a été de ne pas organiser de grands meetings et de se contenter d'une campagne totalement négative, axée contre moi. Dans une élection présidentielle, ce n'est pas assez pour obtenir 50% plus une voix".
Le Chef de l'Etat a, durant sa campagne, insisté sur l'importance du scrutin. "Demain nous ferons un choix crucial. Un choix entre l'avenir de la Géorgie et son passé. Un choix entre le retour en arrière et le progrès" déclarait-il la veille du 1er tour à Tbilissi. "La Géorgie est une grande 'success story' dans notre région. Maintenant c'est au peuple géorgien de décider si ce succès se poursuivra" affirmait-il après avoir voté samedi.
A l'issue de l'annonce des premiers résultats, les forces de l'opposition ont crié à la fraude électorale et ont appelé à des manifestations pour la dénoncer. Environ 5000 personnes y ont répondu se réunissant à Tbilissi le 6 janvier, veille de Noël orthodoxe. "Nous ne croyons pas aux chiffres de la Commission électorale. Nous demandons un second tour, ce sera juste et nous attendons une réponse" a déclaré Tamara Roukhadzé, porte-parole de Levan Gatchetchiladzé qui a accusé la commission électorale de "s'être évertuée à donner plus de 50% à Mikhail Saakachvili". "Il existe encore en Géorgie un syndrome révolutionnaire qui veut que la démocratie soit faite de rassemblements populaires dans le centre de Tbilissi" a souligné le directeur de l'Institut caucasien pour la paix, la démocratie et le développement, Ghia Nodia.
Les leaders de l'opposition ont ensuite annoncé qu'ils contesteraient les résultats de l'élection présidentielle devant les tribunaux et ont demandé à leurs partisans de rester calmes. "Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle révolution et de déstabilisation. Notre lutte pour la défense de la démocratie et de notre élection sera pacifique et légale et ne déstabilisera pas le pays" a déclaré Guiorgui Khaïndrava, chef de file de la coalition de 9 partis d'opposition qui soutenait Levan Gatchetchiladze. "La bonne nouvelle est que ce scrutin a été l'élection la plus compétitive dans l'histoire de la Géorgie" a répondu Mikhaïl Saakachvili, ajoutant "Vous ne trouverez aucun autre pays indépendant de l'ex-URSS où un candidat de l'opposition obtient 30% ou plus".
460 observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) étaient présents le 5 janvier pour surveiller les 3 400 bureaux de vote disséminés dans les 76 circonscriptions du pays. L'OSCE a assuré le lendemain du scrutin que l'élection présidentielle s'était déroulée conformément aux engagements démocratiques du pays, évoquant toutefois "d'importantes lacunes" - notamment la campagne électorale de Mikhail Saakachvili - qu'il faudra corriger rapidement. "En Géorgie hier, la démocratie a fait un pas en avant triomphal. Du fait de la nette concurrence offerte pendant la campagne, je perçois l'élection comme l'expression valide du choix du peuple géorgien" a déclaré le parlementaire américain Alcee Hastings, l'un des dirigeants de la mission. "Maintenant, c'est aux autorités d'entendre nos critiques et d'apporter une réponse rapide aux importantes lacunes observées" a mis en garde le parlementaire hongrois Matyas Eorsi du Conseil de l'Europe.
Agé de 40 ans, Mikhail Saakachvili est diplômé en droit de l'université de Kiev, de celle de Columbia (New York) et de l'université George Washington et enfin de l'Institut international des Droits de l'Homme de Strasbourg. Il a tout d'abord travaillé à New York avant de rentrer en Géorgie où il est élu député en 1995. Il est alors affecté à la Commission chargée de mettre en place un nouveau système électoral. En janvier 2000, Mikhail Saakachvili devient vice-président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. En octobre, il accède aux fonctions de ministre de la Justice dans le gouvernement d'Edouard Chevardnadze dont il doit démissionner en 2001 à la suite d'accusations de corruption. Il fonde alors son parti, le Mouvement national uni (NM-D). En 2003, il conteste les résultats des élections législatives du 2 novembre et le 23 novembre, obtient le départ du Chef de l'Etat, Edouard Chevardnadze, après avoir, avec d'autres membres de sa formation, investi le Parlement une rose à la main. A l'issue de ce qu'on qualifiera de révolution des roses, Mikhail Saakachvili est élu Président de la République de Géorgie le 4 janvier 2004 avec 96,05% des suffrages.
S'appuyant sur son bilan économique (14% de croissance du PIB en 2007, hausse de 37,1% du volume des échanges commerciaux durant le 1er semestre 2007, investissements étrangers atteignant 575 millions de dollars au cours du 1er trimestre 2007), Mikhail Saakachvili a centré sa campagne électorale sur les questions économiques et sociales et beaucoup promis (augmentation des retraites, du salaire des enseignants, etc.). Le Président a sans doute compris que sa politique de libéralisation économique, si elle a porté ses fruits, a également suscité beaucoup de frustrations dans la population, parmi les anciens privilégiés du régime d'Edouard Chevardnadze mais également chez les classes populaires. Selon l'Institut géorgien de stratégie et de développement (StanD), 32% de la population vit avec moins de 100 laris (42 euro) par mois et environ 30% des Géorgiens seraient sans emploi. "Au nom du conservatisme budgétaire, nous avons trop tardé à réagir face à la hausse des prix en 2007. Le sentiment s'est installé que, après quatre années de réformes pour instaurer une véritable économie de marché, nous étions devenus indifférents au sort de la population" souligne ainsi le député et conseiller du Président de la République, Giga Bokeria.
Vainqueur de son pari, le Président géorgien a la lourde tâche de redonner confiance à l'ensemble des Géorgiens en permettant à chacun d'entre eux de profiter des fruits de la libéralisation de l'économie et de la démocratisation du pays.
Résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 5 janvier en Géorgie
Participation : 56,70%
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