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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Abdullah Gül est devenu, le 28 août 2007, le 11e Président de la République turque. L'ancien ministre des Affaires étrangères a recueilli 339 voix sur 550 à la Grande Assemblée nationale, Chambre unique du Parlement, lors du 3e tour de scrutin où la majorité simple (soit 276 voix) était suffisante pour être élu. Son élection au 3e tour était attendue, puisque le Parti de la justice et du développement (AKP), auquel il appartient, dispose de 341 sièges depuis les élections législatives du 22 juillet dernier.
Ses deux adversaires, l'ancien ministre de l'Intérieur (1991) et de la Défense (1999-2202), Sebahattin Cakmakoglu (Parti de l'action nationale, MHP), et Hüseyin Tayfun Icli (Parti de la gauche démocratique, DSP), ont obtenu respectivement 70 et 13 voix le 28 août.
L'élection d'Abdullah Gül à la magistrature suprême est une victoire de l'AKP sur les partis de l'opposition et sur les élites, pas forcément démocrates et souvent issues des milieux nationalistes et antioccidentaux, soutenues par les forces armées, qui, effrayées de voir un membre de l'AKP considéré par beaucoup comme un "islamiste" être élu à la Présidence de la République, avaient provoqué une importante crise politique en avril dernier.
A l'issue du premier scrutin présidentiel le 27 avril dernier, Abdullah Gül, unique candidat, avait recueilli 357 suffrages sur les 361 députés présents. Le Parti républicain du peuple avait boycotté l'élection, ainsi que la majorité des députés présents du Parti de la mère patrie (ANATAVAN) et du Parti de la juste voie (DYP). Le Parti républicain du peuple avait ensuite déposé un recours en justice pour faire annuler le vote au motif que les 2/3 des membres de la Grande Assemblée nationale, soit 367, n'étaient pas présents lors du vote. Le 1er mai, la Cour constitutionnelle annulait, par 9 voix contre 2, ce scrutin présidentiel. Le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, annonçait immédiatement l'organisation d'élections législatives anticipées. Celles-ci se sont déroulées le 22 juillet dernier. Le Parti de la justice et du développement les a remporté en recueillant 46,30% des suffrages et la majorité absolue au Parlement avec 341 sièges.
Le 10 mai dernier, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan a fait adopter par le Parlement une réforme constitutionnelle qui modifie les institutions et permet l'organisation des élections législatives tous les 4 ans, ainsi que l'élection du Président de la République au suffrage universel pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois (au lieu du mandat actuel de 7 ans non renouvelable). Cette réforme abaisse aussi l'âge d'éligibilité des députés à 25 ans et fixe à 184 voix le quorum nécessaire pour le vote des textes de loi. Le Président de la République, Ahmet Necdet Sezer, a apposé son veto le 25 mai sur le texte, mais le Parlement l'ayant de nouveau approuvé cinq jours plus tard, le Chef de l'Etat a alors été contraint de soumettre la réforme constitutionnelle à référendum.
Le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a salué le 28 août l'élection à la Présidence de la République turque d'Abdullah Gül, "réussite considérable pour la Turquie et le peuple turc". "Pendant les cinq derniers mois, la vie politique de la Turquie s'est concentrée sur les élections législatives et présidentielle" a-t-il déclaré, ajoutant "Maintenant, un nouveau gouvernement arrivera au pouvoir et sera en mesure de reprendre le travail avec un mandat populaire clair. De mon point de vue, la présidence d'Abdullah Gül pourrait contribuer à un élan nouveau, immédiat et positif au processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne grâce à des progrès dans nombre de domaines-clés".
Lors du 1er tour qui s'était déroulé le 20 août dernier, Abdullah Gül avait recueilli 341 voix, soit 26 de moins que la majorité des 2/3 (367 voix) indispensable pour être élu lors des deux premiers tours. Sabahattin Cakmakoglu avait obtenu 70 voix et Hüseyin Tayfun Icli, 13. 23 députés avaient voté blanc et un bulletin avait été invalidé. Le 24 août lors du 2e tour, Abdullah Gül avait obtenu 337 voix, Sabahattin Cakmakoglu, 71 et Hüseyin Tayfun Icli, 14.
Le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation d'opposition dirigée par Deniz Baykal, avait refusé de participer au scrutin et annoncé qu'il boycotterait l'ensemble des réceptions présidentielles après l'élection d'Abdullah Gül. Le leader du Parti républicain du peuple a régulièrement accusé Abdullah Gül de "représenter l'idéologie de cercles bien précis qui n'ont pas digéré les valeurs républicaines". "Quand Abdullah Gül sera Président de la République, la Turquie deviendra un pays dans lequel les équilibres politiques seront menacés, qui sera le jouet de pouvoirs extérieurs et qui verra son identité moyen-orientale renforcée" a affirmé Deniz Baykal. "Nous aurons à l'oeil chacun de ses pas, nous allons contrôler sa loyauté à la République" a déclaré le vice-président du Parti républicain du peuple, Mustafa Ozyürek. Par ailleurs, le général Yasar Büyükanit, chef d'Etat-major des forces armées turques, avait dénoncé, le 27 août dernier, les "foyers du mal qui essayent systématiquement d'éroder la structure laïque du pays (...) Les forces armées turques ne feront pas de concessions dans leur devoir de garder la République turque, un Etat laïc et social fondé sur l'autorité de la loi".
Une polémique a également vu le jour autour d'Hayrunnisa Gül, l'épouse du Chef de l'Etat, qui porte le hijab, foulard couvrant le cou et les cheveux. Elle est la Première dame de Turquie à porter un foulard depuis 1925. Rappelons que le foulard est banni en Turquie au sein des administrations comme des universités. En 1998, Hayrunnisa Gül, qui souhaitait étudier à l'université, en avait d'ailleurs été empêchée. Une décision qu'elle a contesté devant la Cour européenne des droits de l'Homme avant de retirer son recours pour éviter que le pays, dont son mari était ministre des Affaires étrangères, fasse l'objet de sanctions. Le foulard est également interdit aux épouses des membres de l'Etat-major dont le Président de la République est le chef suprême. Selon une enquête d'opinion publiée par le quotidien Milliyet, 72,6% des Turcs déclarent ne pas avoir de problème avec le fait que l'épouse du Chef de l'Etat porte un foulard, contre 19,8% qui se disent "gênées". "C'est son choix. C'est moi qui serai être Président, pas elle" a répondu Abdullah Gül, interrogé sur le hijab que porte son épouse. Hayrunnisa Gül a demandé au styliste turc installé à Vienne (Autriche), Atil Kutoglu, de lui redessiner un foulard. "Hayrunnisa Gül m'a demandé de redessiner son foulard ainsi que toute sa garde-robe dans un style qui convienne à tous, aux plus modernes comme aux conservateurs" a déclaré le couturier.
Agé de 56 ans, originaire de Kayseri, ville située au centre du pays, Abdullah Gül a effectué une partie de ses études d'économie à Londres. Il a ensuite travaillé comme économiste à la Banque islamique du développement en Arabie saoudite. En 1991, rentré en Turquie, il devient professeur d'économie internationale et adhère au Parti de la prospérité (Refah) de Necmettin Erbakan. Il est élu député en 1991, puis réélu en 1996, 1999, 2002 et 2007. De 1996 à 1997, il est ministre d'État et porte-parole du gouvernement de coalition entre les islamistes et le Parti de la juste voie. En 1999, il crée le Parti de la vertu (FP) avant de fonder, avec Recep Tayyip Erdogan, le Parti de la justice et du développement. Après la victoire de l'AKP aux élections législatives du 3 novembre 2002, il assumera durant quelques mois (18 novembre 2002-11 mars 2003) la fonction de Premier ministre en raison de la "non-éligibilité" d'Erdogan avant de céder sa place à ce dernier et d'être nommé ministre des Affaires étrangères et vice-Premier ministre. Abdullah Gül est un fervent partisan de l'entrée de son pays dans l'Union européenne et a beaucoup œuvré pour l'ouverture des négociations entre Ankara et Bruxelles.
"La Turquie est un pays démocratique, laïc et social fondé sur l'Etat de droit. Le renforcement et la défense des valeurs républicaines et des principes de la Constitution turque seront ma priorité" a affirmé Abdullah Gül avant le scrutin. Il a indiqué qu'il renoncerait à toute affiliation partisane après son élection à la tête de l'Etat et promis qu'il serait un Président neutre. "Une fois élu, Abdullah Gül n'aura plus de lien avec notre parti. A partir de son élection, il sera le Président de la République turque" a confirmé le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
"J'ai été Premier ministre il y a cinq ans quand la Turquie traversait des moments parmi les plus difficiles de son histoire. J'ai ensuite été ministre des Affaires étrangères dans des temps toujours difficiles et au moment de la guerre avec l'Irak. J'ai également dirigé le centre antiterroriste. J'ai toujours défendu les intérêts de la Turquie et négocié avec chacun, je suis une personne transparente. Je participe à la vie politique depuis 1991 et tout le monde me connaît. Chacun peut être assuré que je remplirai mon devoir en toute impartialité et que je travaillerai pour tous les citoyens turcs" a souligné le nouveau Président de la République turque.
Abdullah Gül, élu pour 7 ans, a prêté serment quelques heures seulement après son élection le 28 août et avant la cérémonie de passation de pouvoirs avec son prédécesseur, Ahmet Necdet Sezer. "Je jure devant la grande nation turque d'être fidèle à la démocratie et à la République laïque et d'accomplir mon devoir impartialement" a-t-il déclaré en prêtant serment. "Tant que je serai en fonction, je rassemblerai tous nos concitoyens sans aucun préjugé. Je préserverai mon impartialité avec la plus grande attention. (...) Le principe de laïcité est à la fois un modèle qui assure la liberté pour différents modes de vie et une règle de paix sociale" a t-il affirmé dans son discours inaugural. Il a enfin rappelé que la Turquie devait poursuivre ses efforts sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan nommera le 29 août son nouveau gouvernement qu'il soumettra à l'approbation du nouveau Président.
Le 21 octobre prochain, 42,5 millions de Turcs se rendront de nouveau aux urnes pour décider par référendum, entre autres, du mode d'élection de leur futur Président de la République. Ce sera le dernier rendez-vous d'une année électorale chargée.
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